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Vincent Ganivet ou l’Art du parpaing

Jeans, baskets, cheveux surpris au réveil, le jeune homme de 33 ans en tenue de chantier reçoit à l’heure du café dans son immense atelier, rue du Bocage à L'île-Saint-Denis (93). Il paraît qu’il est artiste. Et que l’air de rien,  ses œuvres sont en ce moment même au Palais de Tokyo à Paris dans le cadre de Dynastie, une grande exposition sur la nouvelle génération d’artistes contemporains. Quand l'Art rencontre la maçonnerie.


(A droite, Vincent Ganivet devant son atelier épaulé par Momo un collègue et ami qui travaille avec lui ses constructions en équilibre)

Les fondations

« L’idée du Domino cascade ( une des premières performances de l'artiste) est parti d’un délire sur un chantier. Pourquoi ne pas faire s’écrouler des parpaings comme l’on  ferait s’écrouler des dominos ou des cartes à jouer ?

Depuis, le parpaing m’a poursuivi ! »

C'est décidé, ce sera donc ces curieux Lego de plus de 10 kilos que l’artiste utilisera au service de son art. L'idée « est de les disposer de travers, autrement que lorsque j'étais payé pour le faire. » Car des chantiers, Vincent en a fait pour financer ses études aux Beaux-Arts de Paris. « Après avoir fait la seule prépa publique en France, j’ai fait de l’image 2D et de la vidéo aux Beaux-Arts. A côté, je gagnais ma vie en faisant de la maçonnerie. Du coup, les deux se sont rejoints logiquement.

Il y a une dizaine d’années, un copain avait devant sa galerie des parpaings là depuis toujours. J’ai fait un igloo avec qui leur a plu. Ils l’ont laissé exposé dans la galerie. Un jour, un visiteur avec qui j’ai sympathisé m’a proposé d’occuper un atelier sur l’Ile-Saint-Denis. J’ai aussitôt accepté. »

Depuis 7 ans, l’atelier de Vincent prend peu à peu forme pour offrir de l’espace aux divers artistes qui s’y côtoient et à tout projet proposé.

Le chantier

Aujourd’hui, il est le témoin des constructions monumentales de Vincent. « On travaille d’abord sur des maquettes puis, on construit des gabarits, les formes en bois qui vont être les clés de voûte des constructions. » A son actif ? Igloo, autres roues et arches en équilibre, feux d’artifice picturaux, fontaines, fuite d’eau…« Il y a un côté raide minimal, brut dans ce que je fais. L’idée étant de recréer un équilibre précaire que l’on sent fragile. J’aime ce rapport aux spectateurs qu’impliquent mes œuvres : passer sous un arche en parpaings tu le fais ou tu le fais pas !»  Surtout qu’ils ne sont pas collés entre eux, l’œuvre n’étant pas pérenne. « Après l’expo, les parpaings retournent à leur vie de parpaings. Ils s’en vont faire des pavillons en banlieue » explique Vincent, heureux de présenter les vestiges de ses œuvres devenus murs et cloisons de l’atelier. Des parpaings, un objet pas très convoité, plutôt ingrat.

« Peu importe le matériau, c’est une histoire de gestes. Rien n’oblige à travailler le bronze pour faire de belles sculptures. C’est l’énergie qu’on met dedans qui importe. »

Ainsi de la fuite d’eau, première installation dans une galerie: «  Le public n'avait à se mettre sous la dent qu’un seau et une coulée de gouttes d’eau en provenance du plafond. Une provocation, oui mais qui implique tout le monde : le galériste qui doit aller vider le seau toutes les 2 heures et le public car c’est une proposition visuellement raide : tourner autour du seau (du pot?).  Mais la démarche était de faire d’une galère de chantier qui est un poncif,  une espèce de philosophie zen ! On pourrait appeler ça du minimalisme monumental ! »

Travaux finis

Un art intellectualisé qui ne se veut tout de même pas trop intello : « Mon travail plaît autant  à une personne qui pose des parpaings pour gagner sa vie qu’à d’autres qui ont une culture beaux-arts.  Moi-même, je ne vais pas souvent voir des expos, l’art contemporain n’est pas toujours généreux et de ce côté là, l’échange, est fondamental pour moi.  Je donne un truc à voir dont la motivation première n’est pas de se triturer les méninges, même si après, chacun peut y mettre autant d’interprétations qu’il veut. »
Un art contemporain tourné vers l’autre, en interaction avec un public diversifié, c’est la vision de Vincent Ganivet, personnalité aussi éclectique que son art. « Un jour tu manges un kebab, le lendemain, c’est cacahouètes et champagne, c’est le propre de l’artiste d’être une identité transgressive ! »

L’exposition au palais de Tokyo a donné une bonne impulsion à l’artiste qui a déjà des galeristes sur le dos et des projets pleins la tête.

Vincent Ganivet, dans le cadre de l'exposition Dynastie au Palais de Tokyo jusqu'au 5 septembre.

www.vincentganivet.fr

http://www.dynasty-expo.com/d/fr/artistes/artistes.php?art=43