1

Dany Dan, sans détours

Fort de ses vingt années d’expérience dans le milieu hip-hop, Dany Dan a le sourire facile. L’ancien des « Sages Po » l’affirme dans son dernier album : avec lui, c’est À la régulière, autrement dit: proprement.


Débarqué de République centre-africaine à l’âge de 11 ans, Daniel Lakoué grandit à Boulogne-Billancourt et ne quittera cette ville que pour venir s’installer sur l’Île-Saint-Denis (93), il y a deux ans. Le « petit Africain émerveillé par la ville et ses lumières » découvre la culture hip-hop en bas de sa rue et dans son quartier avec ses amis : tag, break-dance, rap, verlan, graff’… Ce novice, déjà passionné par le dessin, opte pour la bombe et fait ses premières armes sur les murs, laissant son art envahir l’espace public. La rencontre avec deux amis donnera naissance au groupe les Sages Poètes de la rue, qui a connu le succès dans les années 90, période où le rap s’impose sur la scène musicale française. Le trio se met d’accord pour que ses membres existent aussi indépendamment et Dany Dan démarre une carrière solo, revenant régulièrement au graff’ quand le temps le lui permet.


« Claustrophobe artistique »
Ni bavard ni avare de paroles, Dany semble incarner à merveille le fameux « Don’t worry, be happy » de Bobby McFerrin. Pourtant, ses rimes, alignées comme des quilles, tombent sous le poids d’un flow qui détonne. Ses textes transpirent l’égo assumé du rappeur et parlent des femmes, du rap, de la rue, frôlant parfois la frime, évitant toujours le bling-bling. Il y a de la légèreté chez Dany. Même s’il aborde parfois des sujets plus sérieux, pas question d’endosser l’étiquette du rappeur engagé. « Moi, je ramène des couleurs et des histoires. J’essaie d’écrire le reflet de ma réalité. Je n’ai jamais voulu porter cette casquette politique… D’abord parce que d’autres le font mieux que moi. Et puis parce que je déteste être mis dans une case, » explique ce « claustrophobe artistique », comme il aime à se désigner. Du 92 au 93, la périphérie le poursuit ? Non. La vie l’a fait atterrir sur l’île, et vivre en banlieue ne veut pas dire habiter dans un « quartier », rectifie-t-il.  À 36 ans, dont la moitié dans le milieu, Dany, est déjà un papi du rap. Le terme le fait sourire. Il revendique sa longévité et se réjouit d’avoir la plume toujours aussi affûtée.


Le succès, une « patate chaude »
Son regard sur le milieu hip-hop aujourd’hui ? « Il s’est bien débrouillé, notre petit rap français… Mais depuis un moment déjà, les rappeurs chantent moins pour faire de la bonne musique que pour gagner de l’argent. Et quand tu cherches l’argent, tu copies ce qui marche. Or, la reproduction empêche la création. » Un rappeur à grosse tête, Dany ? « Je n’ai jamais eu envie d’être une star, avec les autographes, les groupies, tout ça… j’en suis vite revenu. Si c’était à refaire, je masquerai mon visage. Le succès est une patate chaude. » L’artiste porte un regard pessimiste sur la société actuelle : « Les fossés se creusent entre jeunes et vieux, riches et pauvres… Mais tant qu’il y aura des problèmes, les rappeurs seront là pour en parler. » Au-delà, le rap n’est-il qu’un magnifique instrument de dénonciation fondé sur un triste constat ? « Je n’écris jamais mieux que quand je suis triste. Paradoxalement, en ce moment mes chansons marchent et je suis heureux ! »

À la régulière, sorti en mai dernier en autoproduction
Crédit photo de Une: Manon El Hadouchi