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Berthet One: les bulles au delà des barreaux


C’est lors d’ un passage en prison suite à un cambriolage, que Berthet s’est mis à dessiner pour raconter, non sans humour, son expérience carcérale.  Après avoir été lauréat du concours de BD Transmurailles d’Angoulême, Berthet expose en grandes pompes à la Wild Stylerz Gallery et la galerie 3F à Paris. Depuis, le jeune homme multiplie les projets avec la jeunesse des quartiers populaires et fignole sa BD à paraître en octobre. Coup d’œil sur ce curieux faiseur de bulles qui emportent avec elles les clichés.


Pourquoi une Bande Dessinée sur la prison ?


Je me suis inspiré de ce que je vivais. C’est aussi un moyen de parler de choses que les gens imaginent autrement. Beaucoup se font des fantasmes sur la prison, les jeunes pensent que celui qui est allé en taule est un caïd. Au contraire, nombreux sont ceux qui en pleurent tellement c’est difficile… Je donne des informations qui éclairent sur le principe une planche de dessin/une histoire. La première case évoque toujours une vérité autour de laquelle je brode ensuite avec humour.


Comment s’est passé ton séjour là-bas ?

La prison n’est une chose souhaitable pour personne. C’est l’enfermement, l’isolement, la famille et les enfants qui manquent et surtout, c’est l’impuissance totale: si ta mère tombe malade par exemple, tu ne peux rien faire…


Justement, dans ta BD, tu en parles avec humour alors que c’est difficile…


J’aime bien rigoler ! L’humour est une arme redoutable qui permet que les choses passent mieux. J’utilise le rire pour dénoncer et m’éclater aussi.


Comment t’es tu mis à dessiner?

Je tiens le crayon depuis que j’ai 12 ans et j’ai dessiné jusqu’à 14 ans… Toujours à l’école. Mais lorsque l’on grandit, on fait des choix. J’avais des copains qui faisaient les 400 coups et ça leur apportaient de l’argent. À la fin du compte, ils avaient des Nike et moi des baskets deux bandes, ils partaient en vacances, moi non… Bref, j’ai vite réfléchi et j’ai fini par me laisser embarquer. Après, ça va vite. Au départ tu veux un vélo puis une moto, une voiture, un appart… Et plus ça va, plus les petites bêtises deviennent grandes…
En arrivant en prison, j’avais envie d’utiliser ma peine à bon escient et j’ai donc repris mes études. J’ai passé mon bac et en retournant à l’école, j’ai repris mes petites habitudes : dessiner dans un coin du cahier. Un jour, j’ai crayonné le prof avec des dents de cheval et des oreilles de lapin. Un collègue l’a montré au professeur qui a aimé ! Il en a parlé à ses collègues et le dessin a circulé de main en main avant d’atterrir entre celles d’un surveillant qui a adoré et m’a conseillé d’en faire quelque chose…


Tu prépares un autre projet autour de la banlieue. Peux-tu nous en parler ?

Tout comme la prison, les gens se font des films sur la banlieue. Il s’y passe pourtant des choses superbes et personne d’ici n’en parle. On laisse ça à des gens qui ne sont pas d’ici, qui ont fait des études et qui viennent en parler… Ce sera l’histoire d’Abigaëlle, une nana qui vient de la campagne et qui vient poursuivre ses études en ville. Et en guise de ville, elle arrive en banlieue. Elle avait ses idées arrêtées et elle se rend compte qu’il y a plein de gens mortels ! C’était un moyen pour moi de mettre du melting-pot dans mes dessins : mélanger les cultures, les couleurs… On y retrouve Nadia et Fatou, deux nanas qui vont à la fac, qui ont un travail à côté et qui ont du mal à avancer dans la vie. Parce que c’est une réalité, un jeune de cité, avec un bac + 72, a moins de chance de réussir.
Abigaëlle est moche. Elle a une vraie tête de vieille comme l’expression. Ceux qui ne connaissent pas l’univers de la banlieue apprendront à la connaître. En gros, ce que j’aimerais, c’est que la personne qui lira ma BD puisse se dire la prochaine fois qu’elle verra un mec en casquette, baskets et survêtement : « si ça se trouve, c’est un mec bien ».


C’est rare de se mettre dans la peau d’un personnage féminin quand on est un homme, non ?


Les gens s’attendent à un mec de banlieue qui crache et qui parle mal. Pour prendre le contre-pied, j’ai décidé de parler d’une fille qui vient de la campagne, qui va a l’école et qui est gentille ! Mais il fallait quand même qu’elle ait un super pouvoir: elle est super moche et elle peut avoir un sale caractère si tu la cherches ! C’est pour ça qu’ici, on est tous des Abigaëlle, garçons et filles… Si grâce à mes dessins, j’arrive à créer des ponts entre les mondes, je serai ravi.



L’évasion, premier album de Berthet à paraître à le 17 novembre

Berthet s’expose  à la galerie 1161 du 13 octobre au 13 novembre ! Vernissage le jeudi 13 octobre à 18heures.


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