« Les guêpes de l’été », OVNI textuel déroutant au Rond-Point

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Copyright : Giovanni Cittadini Cesi
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Après l’expérience du Nouveau Ciné Club et Shakespeare is dead get over it !, le collectif « ildi, eldi » débarque non pas d’un, mais avec un nouvel OVNI – Sibérien, cette fois – Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre, d’Ivan Viripaev.

L’action se déroule dans une salle de repos d’un palais des sports quelconque. Derrière la scène, dans les coulisses communes. Sur un téléviseur installé au-dessus de la porte, on voit le concours de danse qui se déroule dans l’enceinte, on entend la musique sourde. Donald est là et attend, Sarah et Robert arrivent transpirants : ils viennent de sortir de scène.

Mariés depuis 10 ans, ils sont en pleine dispute. Robert veut savoir : « qui était chez nous lundi dernier alors que je n’y étais pas ? ». Sarah est catégorique : « c’était Markus, ton frère ». Markus confirme, mais Donald, soutenu au téléphone par sa femme et la voisine, est catégorique : Markus a passé ce dernier lundi chez lui. Qui a tort et qui a raison ? Cette question qui d’abord nous fait rire, les personnages vont s’y tenir jusqu’à plonger dans le drame psychologique. A travers cette partie de poker menteur, il peut se passer n’importe quoi ; des héros au bord du gouffre s’avouent tout et on en revient toujours au même point : « qui était là lundi ? ». Donald raconte qu’il a mangé le doigt de sa femme, qu’il a refusé de coucher avec elle le soir de sa nuit de noce car ils n’avaient pas de préservatif. Sarah explique qu’elle a un amant depuis trois ans, mais Robert subit sans déroger à la question principale.

Copyright : Giovanni Cittadini Cesi
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La discorde est parfois entrecoupée d’instants poético-nihilistes sur la perception du monde et du sentiment envers le divin qui nous habite. Quand ils s’affirment, les personnages parlent dans un micro ; quand ils sont immobiles, la lumière s’éteint. D’un drame téléphoné, on passe aux questions personnelles de chacun sur la vie – sans que cela n’aille très loin. Chez Viripaev, l’amour justifie tout et le monde est absurde depuis le temps où les humains pensent pouvoir choisir par eux-mêmes, ce qu’il y a de mieux pour eux.

Pour représenter cela, pas de recherche esthétique. On est dans un ultra réalisme déglingué où, parfois, des actions absurdes nous surprennent – pourquoi Robert monte-t-il un lit de camp ? L’abus des postures de danseurs donne un aspect encore plus dingue : dans un monde qui s’écroule, eux, restent droit.

Et si tout cela, c’était à cause de la pluie qui tombe depuis trois jours ? Oui, c’est ça ! Alors il n’y a plus qu’à se dire qu’on s’aime et qu’on est heureux d’être là, à pouvoir ensemble, manger des gaufres.

« Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre » d’Ivan Viripaev. Mise en scène, jeu et scénographie de Sophie Cattani, Antoine Oppenheim, Michael Pas, jusqu’au 18 avril 2015 au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin-Roosevelt, 75008 Paris. Durée : 1h15. Plus d’informations et réservations sur www.theatredurondpoint.fr.

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