Florian Zeller, consternant de banalité

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Copyright : Pascal Gely
Copyright : Pascal Gely

Un homme s’habille en pleine nuit. Une femme, dans un lit à ses pieds, lui demande langoureusement de rester. L’Autre refuse : le fiancé, son meilleur ami, va rentrer. Ils doivent décider qui va lui avouer l’adultère.

Puis on est projeté dans le premier appartement qu’Elle et Lui partagent ensemble. Des règles sont établies pour tenter d’empêcher l’intrusion de l’Autre. On remonte à l’origine de l’échec ? Il a débuté ce jour-là, ce jour où ils ont voulu essayer de croire qu’ils n’étaient pas comme les autres et où pourtant, ils prenaient les mêmes sentiers. Très vite viennent les reproches, qui ne laissent transparaître que la peur de se perdre. La dépendance émotionnelle au détriment d’un amour quelconque. Elle ne veut pas rester avec Lui par habitude. Lui accepte jusqu’à un certain point le désamour de sa femme pour ne pas se retrouver seul. Une relation qui tombe dans le sadisme bas de gamme et qui reflète le quotidien de nombreux couples plus ou moins jeunes : rester ensemble alors que c’est déjà fini.

Mais les deux scènes où Zeller semble vouloir nous faire sortir de cette piscine olympique de banalité sont complètement ratées. Le moment où la mère et la fiancée de Lui se confondent, ainsi que la scène de dénouement, où Elle se prépare à être la victime d’un meurtre organisé par Lui – avec la complicité d’un croque-mort, sont évanescentes et imprécises.

L AUTRE de Florian Zeller Mise en scene de Thibault Ameline Lumieres de Quentin Vouaux Creation Sonore de Madjo Avec :  Jeoffrey Bourdenet Benjamin Jungers Lieu : Theatre de Poche Montparnasse Ville : Paris Le : 21 09 2015 © Pascal GELY
Copyright : Pascal Gely

Si Jeoffrey Bourdenet et Carolina Jurczak arrivent à étaler une belle palette de sentiments avec un texte aussi simpliste, Benjamin Jungers, Lui, peine à décoller de son personnage benêt d’écrivain raté sans trop d’émotions. Est-ce la figure de Zeller lui-même qu’il incarne ?

La scène d’exposition et la scène de fin sont les mêmes. À l’exception que, dans la seconde, le couple adultérin décide de ne rien dire à Lui. Les catastrophes qui se sont succédées après la première annonce sont ainsi balayées. Y a-t-il une morale ? S’il en est une, elle d’une consternante banalité : pour protéger l’autre, mieux vaut lui mentir.

Aussi, on se demande pourquoi l’Autre ne serait pas féminin ? Est-ce l’apanage des femmes de tromper leur pauvre mari fidèle ? Ce texte a tout d’un exorcisme pour son auteur, un rejet de la femme aux relents misogynes affligeants. On aurait apprécié qu’il garde des démons aussi banals pour lui et son confident – curé ou psychanalyste. Inutile d’en faire tout un drame.

Avec cette pièce, Florian Zeller montre encore qu’il est un auteur important de notre époque en prouvant une chose : écrire et avoir du succès est à la portée de n’importe quelle plume, même des plus médiocres.

« L’Autre », de Florian Zeller, mise en scène de Thibault Ameline, actuellement au Théâtre de Poche-Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse, 75006, Paris. Durée : 1h20. Plus d’informations et réservations sur theatredepoche-montparnasse.com.

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