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[Exposition] « Oscar Wilde. L’impertinent absolu » sous les projecteurs

Événement de la rentrée de septembre, l’exposition Oscar Wilde ne désemplit pas. Et pour cause, elle se targue d’être la première grande rétrospective parisienne dédiée à la figure du dandy. Du petit garçon irlandais à l’homosexuel persécuté, Wilde nous est présenté dans toute sa splendeur et sa décadence.

L’espace aménagé par le Petit Palais pour abriter l’exposition est relativement petit mais très densément occupé par plus deux-cents œuvres et documents divers. On y découvre tout d’abord un Oscar Wilde enfant et jeune homme, entouré de sa famille et de ses mentors dans un intérieur au papier peint qui rappelle le mouvement Arts & Crafts. A travers une reconstitution des expositions de 1877 et 1879 à la Governor Gallery, c’est Wilde critique d’art en tant que défenseur des préraphaélites qui est ensuite mis à l’honneur. La scénographie de ces premières salles plonge le visiteur dans l’atmosphère d’un XIXe siècle élégant où évolue le dandy, partisan du « Beau » et figure de proue de l’Aesthetic Movement.

Photo : Quelques écrits d’Oscar Wilde, vue de l’exposition Oscar Wilde, 28 septembre 2016-15 janvier 2017, Petit Palais, Paris. © Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.
Photo : Quelques écrits d’Oscar Wilde, vue de l’exposition Oscar Wilde, 28 septembre 2016-15 janvier 2017, Petit Palais, Paris. © Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.

Les écrits de l’esthète sous vitrines sont augmentés de citations qui tapissent les murs de l’exposition, soit en commentaire immédiat d’un tableau, « […] deux jumeaux flottant au-dessus du monde en une étreinte indissoluble. Le premier déployant le manteau de ténèbres, tandis que l’autre laisse tomber de ses mains distraites les pavots léthéens en une averse écarlate » à propos de La Nuit et le Sommeil de Pickering, soit de manière plus paradigmatique, « Tout art est parfaitement inutile ». Malheureusement, ces citations très abondantes manquent de contexte pour faire sens.

Photo : Evelyn Pickering, La Nuit et le Sommeil, 1878. © De Morgan Foundation
Photo : Evelyn Pickering, La Nuit et le Sommeil, 1878. © De Morgan Foundation

Parce qu’elle est dédiée à un critique d’art du XIXe siècle, on ne peut s’empêcher de rapprocher Oscar Wilde. L’impertinent absolu à l’exposition L’Œil de Baudelaire au Musée de la Vie Romantique.

Photo : Napoleon Sarony, Portrait d’Oscar Wilde #26, 1882. © Bibliothèque du Congrès, Washington.
Photo : Napoleon Sarony, Portrait d’Oscar Wilde #26, 1882. © Bibliothèque du Congrès, Washington.

La contemporanéité de ces deux manifestations soulève de fait des interrogations dans le petit monde de l’histoire de l’art. Certains suggèrent que notre époque est à la recherche de grands hommes, d’autres soulignent le regain d’intérêt pour la critique dans la recherche universitaire, mais ne seraient-ce pas justement ces deux points qui sont traités différemment ? On a vu comment le Musée de la vie romantique s’intéresse à la question de la critique et de l’univers visuel de Baudelaire, alors que les commissaires de Oscar Wilde, Dominique Morel et Merlin Holland, ont plutôt axé leur propos autour de la personnalité de l’écrivain. Vedette lorsqu’il est photographié par Napoleon Sarony aux États-Unis, intellectuel quand il fréquente Victor Hugo à Paris, et enfin décadent parce que condamné pour ses écrits indécents et ses penchants homosexuels : Wilde est finalement un « impertinent absolu ».

Quand on aime les toiles fleuries des préraphaélites, les Salomé séduisantes, les scandales d’un siècle qui ne cesse d’attiser nos imaginaires, et les fins tragiques, cette exposition a de quoi séduire, autrement, il n’est peut-être pas nécessaire d’augmenter la foule qui s’y presse déjà.

Oscar Wilde, L’impertinent absolu, jusqu’au 15 janvier 2017 au Petit Palais, avenue Winston Churchill 75008 Paris. Plus d’informations ici : http://www.petitpalais.paris.fr/




Les clichés parisiens de Martin Parr

On connait tous le Paris noir et blanc de Doisneau, où les amoureux s’embrassent en marchant; celui de Prévert, peuplé d’oiseaux et de prostitués ou la cour des miracles et les gargouilles de Victor Hugo. Dans son film Midnight in Paris, Woody Allen nous livrait même une vision américaine de la capitale : un lieu étrange et poétique où se côtoient les plus grands artistes. Il faut reconnaître que Paris a mille visages et les saisir n’est pas l’apanage des Français. Depuis trente ans, l’association Paris Audiovisuel puis la Maison Européenne de la Photographie donne carte blanche aux plus grands photographes pour saisir les multiples facettes de cette ville historique. Cette année, c’est le plus anglais d’entre eux, Martin Parr, qui livre ses clichés…

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Pendant deux ans, Martin Parr s’est promené parmi nous. Il a photographié les Champs Elysées, le salon de l’agriculture, les défilés de mode, la prière du vendredi dans les rues du 18ème arrondissement et les flots de touristes qui brandissent leurs téléphones devant tous les monuments célèbres. Au premier plan, nous. Notre quotidien de Parisiens, nos rues, nos habitudes, notre tour Eiffel, nos musées, ce paysage qui nous entoure et que nous ne voyons plus, qui reste pourtant reconnaissable entre tous pour le reste du monde. Les photographies de Martin Parr aussi sont facilement identifiables. Elles représentent ce dont on préfère rire chez les autres qu’observer dans son miroir. Reconnu pour ses séries sur le tourisme de masse, ce photographe de l’agence Magnum immortalise toujours ceux qui regardent plutôt que ce qui est regardé. Des clichés, au sens propre et figuré, qui disent la vulnérabilité et la vulgarité d’une situation mieux que n’importe quelles autres photographies. Souvent amusantes et décalées, elles frôlent parfois la laideur, le ridicule et l’ordinaire. Martin Parr livre nos failles au public.

 

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Alors elles sont laides ces photographies? Non, bien sûr. Les clichés de Martin Parr sont à la photographie, ce que l’hyperréalisme est à la peinture, fidèles. Ils sont surprenants, dérangeants et éloignés de nos attentes. Ils provoquent le rire, la surprise et donc, l’attachement. Finalement, ils sont notre beauté à tous.

  • Du 26.03.14 au 25.05.14 à la Maison Européenne de la Photographie, 5/7 Rue de Fourcy – 75004 Paris. Ouvert du mercredi au dimanche, de 11h à 19h45.
  • Martin Parr est représenté par la galerie Kamel Mennour à Paris, 47 rue Saint-André-des-Arts – 75006.

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La rébellion de Kim Nguyen

 

Ce film aux allures de documentaire est un chef d’oeuvre. N’ayons pas peur des mots. Réalisé par un cinéaste canadien quasiment inconnu de ce côté de l’Atlantique (Kim Nguyen), il devrait sortir ce mercredi dans quelques (trop) rares salles de cinéma françaises. Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Berlin, la jeune Rachel Mwanza incarne une enfant-soldat inoubliable.

 

Le scénario est tristement classique: des rebelles déferlent sur un petit village africain et kidnappent de jeunes enfants pour en faire des soldats. Pour s’assurer qu’ils ne chercheront pas à revenir sur leurs pas, ils les contraignent aux pires atrocités. La fidélité par le sang. Si on s’attend à voir autant de drames dans la vie d’un enfant-soldat, la vitalité dont elle fait preuve pour survivre, s’allier et aimer le bébé qu’elle porte est une heureuse surprise. 

 

Mais plus que l’histoire, c’est le sentiment d’authenticité qui donne au film toute sa valeur. On le doit, bien sûr, aux acteurs amateurs que Kim Nguyen a « trouvé » dans les rues de Kinshasa et qui campent des personnages plus vrais que nature. Mais surtout à une méthode de tournage originale qui laisse aux acteurs la possibilité de rester naturels et spontanés. Les scènes leur ont été présentées jour après jour sans que l’ensemble du scénario ne soit divulgué. Libéré de l’histoire, les acteurs ont laissé libre cours à leur imagination pour construire leurs personnages. L’ensemble donne au spectateur l’impression magique d’observer une tranche de vie plus vraie que nature.

De l’art brut au cinéma.

Date de sortie en France: 28 novembre 2012
Interdit aux moins de 12 ans – Durée du film: 1h30
Réalisé par Kim Nguyen, avec Rachel Mwanza, Alain Lino Mic Eli Bastien, Serge Kanyinda…

 

Rebelle