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Jeudi – Assommons les pauvres – S. Sinha


 

D’origine étrangère elle aussi, une jeune femme gagne sa vie comme interprète auprès des demandeurs d’asile. Le temps d’une nuit, passée au commissariat pour avoir fracassé une bouteille de vin sur la tête d’un immigré, elle cherche à comprendre les raisons qui l’ont conduite à une telle fureur. Assommons les pauvres !, qui emprunte son titre à un poème de Baudelaire, est l’histoire d’une femme que la violence du monde contamine peu à peu.

Shumona Sinha, jeune poétesse d’origine indienne, jongle avec les mots pour exprimer à merveille incompréhension, exaspération et questionnements autour des demandeurs d’asiles.  Un roman culotté,  qui met mal à l’aise parce qu’il évoque les douleurs de l’exil et la violence de l’accueil sans tabous. Prix populiste 2011.

Assommons les pauvres! Shumona Sinha, éditions de l’Olivier.




Jeudi – Exhibitions

Cela a commencé avec les grandes explorations, l’Amérique de Colomb en tête. L’Autre alors découvert devient un curieux phénomène.

Il répugne, effraie, amuse, provoque pitié, excitation… Alors on le montre dans des grandes foires aux bestiaux humains que l’on nomment  Expositions Universelles. La dernière a eue lieue en 1958. L’arrivée du cinéma et le besoin de montrer que le « sauvage », grâce à la colonisation, est désormais civilisé, auront raison de ce mode de divertissement.
En 2012, on se balade dans les couloirs sombres de cette histoire encore trop tue, à travers les femmes à barbes, siamois, nains et peuples exotiques d’ici et d’ailleurs, de nulle part surtout quand le public réclame plus d’exotisme, on invente.
Et dans ce cabinet de curiosités qui légitime la version officielle des grandes ambitions coloniales de l’époque, on se sent mal à l’aise.
Parce qu’en 2012, on se rend dans cette exposition d’expositions universelles qui, certes, a le mérite de frapper les consciences mais qui est aussi la preuve que la page est loin d’être tournée. Que l’inconscient collectif n’est pas guéri. Que le malaise est toujours là.

Exhibitions, l’invention du sauvage, au musé du Quai Branly,  jusqu’au 3 juin 2012.




Jeudi – Barbie K.O


Battre sa femme, un devoir conjugal

 

L’artiste et collectionneuse d’images Céline Delas, a conçu une série de tableaux collages sur le thème : « Barbie au tapis », décidant que les héroïnes Betty Page, symbole de la libération sexuelle et Wonderwoman auraient enfin la victoire sur Barbie, femme objet imposée par la société. C’est la représentation de la femme qui est ici dénoncée, à travers le détournement de l’imagerie la concernant.

Des toiles dans lesquelles elle évoque avec force les violences faites aux femmes, le sexisme, les tâches ménagères, l’enfermement religieux… » on me dit souvent qu’il y a une certaine violence dans mes toiles, ça ne m’est pas apparu. Il y a par contre des revendications et des choses à dire, ça oui! »

 

kiss me

 

Exposition à la librairie Violette and Co, Paris 11ème, jusqu’au 4 mars. Entrée libre.





Jeudi – Jeux de mains…

Nocturne ce jeudi!

Pour les insomniaques qui sont passés à côté de ces 2 minutes de folie.

Look rétro-kitch, 80′, ou métal, le couple de danseurs irlandais Suzanne Cleary et Peter Harding up and overit a décidé de ne bouger… qu’avec les mains. Le résultat? Une série de vidéos étonnantes et drôles.

La plus réussie, sans hésitation, leur version de la chanson We No Speak Americano (Yolanda Be Cool & D Cup)

 




Jeudi – Buffalo’66: sans fards, sans cul, sans praline

 

Looser, frustré de l’amour

Rencontre paumée qui s’emmerde

L’ex taulard kidnappe l’ inconnue pour qu’elle lui serve d’alibi.

Mais d’abord, il a une furieuse envie de pisser.

 

Le  premier long métrage du touche à tout Vincent Gallo, sorti en 1999: de l’amour brut, sans fards, sans cul mais sans praline.

 A voir, revoir, partager.


Buffalo’66 bande annonce VOSTFR Vincent Gallo par Cinetrafic




Jeudi – Sharon et Charles

Cafard du soir, boulimie télé.

Zapette gréffée au poignet,

20h00,22h,minuit…TF1, M6, Arte.

Étrange duo musical traînant dans les bas-fonds des nuits ricaines

James ? Aretha?  La belle époque quoi. Ah non, c’est maintenant que ça se passe. Et c’est Sharon et Charles.

Voix survitaminées, doulhoureuses, orgueilleuses, effrontées, transies… Support de l’âme, la Soul qui a vécu.

No Time For Dreaming, premier album de Charles Bradley, 62 ans est sorti l’année dernière. Extrait


La discographie de Sharon Jones and the Dap-Kings est plus fournie: mention particulière pour son titre 100 days, 100 nigths. Extrait

Et la diva sera en concert à la Cigale le 12 avril prochain.

Je vous ferai signe au prochain cafard du soir.

 




El Gusto, rien d’autre


Drôle d’histoire que celle de cette jeune architecte qui, après avoir parcouru le monde, s’est dit qu’elle irait bien faire un tour du côté de là où tout avait commencé : son Algérie natale.

Comme on découvre une terre inconnue, la voilà déambulant dans les rues de la Casbah d’Alger pour finir dans une petite échoppe afin, comme tout bon touriste, d’acheter un miroir souvenir… Mais c’est une véritable machine à remonter le temps et inventer le futur que Safinez Bousbia met alors en marche.

Le vendeur, Mohamed El Ferkioui, ancien chef d’orchestre et accordéoniste, est intarissable sur cette Algérie bercée au son des joueurs de chaâbi – cette musique populaire née dans la casbah des années 1920, mélange de musiques andalouses, berbères et religieuses.

Ils étaient nombreux à avoir fréquenté les bancs du conservatoire pour suivre les cours du maître du genre : El Anka, multi-instrumentiste de génie. Nombreux à s’être perdus de vue, aidés par l’histoire et le temps. La révolution algérienne réduit l’humeur musicale et, en chassant juifs et pieds noirs, enlève une partie de son âme au chaâbi.
Les années noires sont définitives pour certains:  » on ne pouvait pas chanter alors que d’autres pleuraient ». Pourtant, l’amour de la musique est intact et la nostalgie n’a pas de frontière.
Les vieilles branches d’ici et d’ailleurs en rêvaient en secret. La jeune ingénue  s’adonne à la folie : rassembler tous les premiers élèves d’El Anka pour faire renaître le chaâbi d’autrefois sous la direction du pianiste et fils du grand maître.

Neuf ans après la rencontre et après deux années pour retrouver, convaincre et tourner en Algérie (!), l’orchestre El Gusto, « le goût » en espagnol, le « kif », dont l’âge ne se calcule pas, est né.

C’est à travers un documentaire drôle et émouvant, frappant de simplicité, que l’on découvre ces amoureux passionnés et fidèles jusqu’à la fin, où plutôt jusqu’au recommencement !

El Gusto actuellement dans les bonnes salles de cinéma et prochainement en tournée.
(Lien vers les séances pour aller voir El Gusto!)

 

Studio : Quidam Productions (Irlande)

Ecrit et Réalisé par : Safinez Bousbia

Produit par : Safinez Bousbia, Heidi Egger, Philippe Maynial




Identités


 

– « Martin Page ? J’connais pas. »

– « Ca va te plaire » m’avait-elle dit, en bonne boulimique d’encre qu’elle était, « c’est  l’auteur de Comment je suis devenu stupide…. »

– « … »

« … Mais c’est des nouvelles ? Bof, c’est chiant à lire les nouvelles… Ah, y’ a des images … »

Alors j’ai lu. Et j’ai ri. Et j’ai beaucoup réfléchi…. à La mauvaise habitude d’être soi.


J’ai commencé par l’histoire de Raphaël. Héraut kafkaïen hébété devant cet enquêteur chargé de résoudre son meurtre. Puis, curieuse, j’ai continué avec Philippe, aux prises avec ce choix cornélien : échangera-t-il sa vie avec un inconnu au risque de n’être plus personne ?


Alors conquise, j’ai enchaîné avec ce mec qui emménage à l’intérieur de sa tête, cet autre qui découvre qu’il est une espèce en voie de disparition, ce dernier qui enquête sur la désertion des cafards parisiens… Avant d’enfermer tous ces frappés dans leur prison de papier.


Quelque chose me dit que ce livre pourrait me remuer bien plus que ce qu’il n’y paraît. Alors, je le ré-ouvre quelques fois, lorsque je chasse le zébu, nue à la pleine lune sur les toits de Paris, tout en cherchant une nouvelle tête volontaire, mon corps ayant eu raison de la première.



Martin Page et Quentin Faucompré, La mauvaise habitude d’être soi, Éditions de l’Olivier, 2010.






Une séparation


Tout semble avoir été dit sur le chef d’œuvre iranien. La critique est unanime. On applaudit le réalisateur Asghar Farhadi, la performance de Leila Hatami, on salue un scénario finement tissé, des personnages miroirs sans teint d’une société iranienne peu connue. Tout est dit et pourtant, on ne peut s’empêcher d’en reparler…

 

Peut-être parce qu’on nous a laissé choisir, sans matraquage publicitaire, d’aller voir ce secret  qui se passe de bouches en oreilles ?

Peut-être parce que le film déroute par son ambivalente complexité simple ?

Sûrement parce que le film reste dans un coin de la tête comme une triste ritournelle dont les quelques accords restant en éternelle redéfinition, questionnent.


La première scène du film s’ouvre sur un couple côte à côte et pourtant si lointain. Le juge est pris à parti, chacun semble attendre que l’autre recouvre la raison grâce à son intervention mais la mésentente ne trouve pas d’issue. Elle veut partir, lui veut rester. Une longue séparation commence.

La séparation d’un couple, d’un ici et d’un là-bas, d’un fœtus et de sa mère, d’une fille et de son père, de deux couples que tout oppose, de deux Iran roulant à allure différente.

D’une rive, le couple central qui reflète un Iran moderne où chaque individu préserve une existence qui lui est propre, où l’identité duale n’a pas pris le dessus, et où le divorce n’est pas un tabou. Nader, père de famille aimant et fils fidèle à son père malade d’Alzheimer. Simin, femme active, réfléchie, que la détermination a rendue froide, mais belle et libre. Leur fille, une adolescente sage et studieuse qui refuse de faire un choix entre les deux parents. Ils évoluent dans une maison confortable. Pourtant, la lumière traversant les pièces ne suffit pas à unir ces êtres. Elle appelle vers des envies d’ailleurs qui divisent.

De l’autre berge, le couple iranien plus attendu peut-être, celui de Razieh et son mari, où l’homme, pilier central en voie d’effritement, repose sans jamais l’admettre sur les initiatives secrètes de son épouse dissimulée derrière un tchador protecteur.


Bande annonce 



Simin décide de tenter le coup: elle part vivre chez sa mère pour essayer de faire changer d’avis Nader, attendant sans suite qu’il vienne l’implorer de revenir. Nader s’obstine: il y arrivera tout seul. Il engage alors Razieh, afin de s’occuper de son père malade. Celle-ci accepte, accompagnée de sa petite fille, mais ne dit rien à son mari, un homme impulsif et instable.
Quand Nader retrouve son père tombé aux pieds du lit, laissé seul sans surveillance, il renvoie Razieh brutalement sous l’effet de la colère. Celle-ci, enceinte fait une fausse-couche. Relation de causes à effets ? Coïncidence ? Mensonges ? Victimes ? Coupables ? Vérités ? Tout se mélange…


Les deux couples se retrouvent alors pris dans une bataille judiciaire acharnée lors de laquelle les sentiments des uns et des autres s’entremêlent. Aidés par les traditions, la religion, l’honneur, la vérité, l’obsession, les dominos s’écroulent et les évènements s’enchevêtrent vers une issue de plus en plus incertaine. La religion justement, présente à travers un jeu de voiles croisés et cette scène surprenante. Face à l’homme incontinent, Razieh ne sait pas comment réagir. Doit elle laver le vieillard au risque de toucher à son intimité ? Sa religion le lui autorise t-elle? Elle compose un numéro de téléphone où un savant religieux disponible 24h/24h répond à sa question. Duale, la religion. Ridicule et perverse en motrice de tout cet imbroglio mais aussi gardienne d’une issue favorable quand le doute s’installe et que les pêchés proposent de s’échanger….


Peut-être qu’ Une séparation fait couler autant d’encre car il s’adresse au monde, rapprochant cet Iran trop longtemps resté lointain. 


Le film a joué les prolongations dans les salles. Où voir Une séparation




Berthet One: les bulles au delà des barreaux


C’est lors d’ un passage en prison suite à un cambriolage, que Berthet s’est mis à dessiner pour raconter, non sans humour, son expérience carcérale.  Après avoir été lauréat du concours de BD Transmurailles d’Angoulême, Berthet expose en grandes pompes à la Wild Stylerz Gallery et la galerie 3F à Paris. Depuis, le jeune homme multiplie les projets avec la jeunesse des quartiers populaires et fignole sa BD à paraître en octobre. Coup d’œil sur ce curieux faiseur de bulles qui emportent avec elles les clichés.


Pourquoi une Bande Dessinée sur la prison ?


Je me suis inspiré de ce que je vivais. C’est aussi un moyen de parler de choses que les gens imaginent autrement. Beaucoup se font des fantasmes sur la prison, les jeunes pensent que celui qui est allé en taule est un caïd. Au contraire, nombreux sont ceux qui en pleurent tellement c’est difficile… Je donne des informations qui éclairent sur le principe une planche de dessin/une histoire. La première case évoque toujours une vérité autour de laquelle je brode ensuite avec humour.


Comment s’est passé ton séjour là-bas ?

La prison n’est une chose souhaitable pour personne. C’est l’enfermement, l’isolement, la famille et les enfants qui manquent et surtout, c’est l’impuissance totale: si ta mère tombe malade par exemple, tu ne peux rien faire…


Justement, dans ta BD, tu en parles avec humour alors que c’est difficile…


J’aime bien rigoler ! L’humour est une arme redoutable qui permet que les choses passent mieux. J’utilise le rire pour dénoncer et m’éclater aussi.


Comment t’es tu mis à dessiner?

Je tiens le crayon depuis que j’ai 12 ans et j’ai dessiné jusqu’à 14 ans… Toujours à l’école. Mais lorsque l’on grandit, on fait des choix. J’avais des copains qui faisaient les 400 coups et ça leur apportaient de l’argent. À la fin du compte, ils avaient des Nike et moi des baskets deux bandes, ils partaient en vacances, moi non… Bref, j’ai vite réfléchi et j’ai fini par me laisser embarquer. Après, ça va vite. Au départ tu veux un vélo puis une moto, une voiture, un appart… Et plus ça va, plus les petites bêtises deviennent grandes…
En arrivant en prison, j’avais envie d’utiliser ma peine à bon escient et j’ai donc repris mes études. J’ai passé mon bac et en retournant à l’école, j’ai repris mes petites habitudes : dessiner dans un coin du cahier. Un jour, j’ai crayonné le prof avec des dents de cheval et des oreilles de lapin. Un collègue l’a montré au professeur qui a aimé ! Il en a parlé à ses collègues et le dessin a circulé de main en main avant d’atterrir entre celles d’un surveillant qui a adoré et m’a conseillé d’en faire quelque chose…


Tu prépares un autre projet autour de la banlieue. Peux-tu nous en parler ?

Tout comme la prison, les gens se font des films sur la banlieue. Il s’y passe pourtant des choses superbes et personne d’ici n’en parle. On laisse ça à des gens qui ne sont pas d’ici, qui ont fait des études et qui viennent en parler… Ce sera l’histoire d’Abigaëlle, une nana qui vient de la campagne et qui vient poursuivre ses études en ville. Et en guise de ville, elle arrive en banlieue. Elle avait ses idées arrêtées et elle se rend compte qu’il y a plein de gens mortels ! C’était un moyen pour moi de mettre du melting-pot dans mes dessins : mélanger les cultures, les couleurs… On y retrouve Nadia et Fatou, deux nanas qui vont à la fac, qui ont un travail à côté et qui ont du mal à avancer dans la vie. Parce que c’est une réalité, un jeune de cité, avec un bac + 72, a moins de chance de réussir.
Abigaëlle est moche. Elle a une vraie tête de vieille comme l’expression. Ceux qui ne connaissent pas l’univers de la banlieue apprendront à la connaître. En gros, ce que j’aimerais, c’est que la personne qui lira ma BD puisse se dire la prochaine fois qu’elle verra un mec en casquette, baskets et survêtement : « si ça se trouve, c’est un mec bien ».


C’est rare de se mettre dans la peau d’un personnage féminin quand on est un homme, non ?


Les gens s’attendent à un mec de banlieue qui crache et qui parle mal. Pour prendre le contre-pied, j’ai décidé de parler d’une fille qui vient de la campagne, qui va a l’école et qui est gentille ! Mais il fallait quand même qu’elle ait un super pouvoir: elle est super moche et elle peut avoir un sale caractère si tu la cherches ! C’est pour ça qu’ici, on est tous des Abigaëlle, garçons et filles… Si grâce à mes dessins, j’arrive à créer des ponts entre les mondes, je serai ravi.



L’évasion, premier album de Berthet à paraître à le 17 novembre

Berthet s’expose  à la galerie 1161 du 13 octobre au 13 novembre ! Vernissage le jeudi 13 octobre à 18heures.


En savoir plus sur Berthet



Paps Toure : La rue mise à nu

Scène de nuit en noir et blanc. Accoudé à la rambarde séparant le trottoir de la route, le vieil homme rit. En arrière plan, un bus passe à toute vitesse. De ceux qui circulent sans arrêt sur l’autoroute de la vie, il se fout et se marre, les yeux tournés vers une euphorie que seul lui peut voir.

Sans doute que la minute d’après, il reprendra son sac en plastique et trainera son vieux manteau trop grand ailleurs, toujours en riant.

C’est cette scène et les autres où défilent ces paumés immortalisés par le regard cru mais toujours attachant de Paps Toure qui m’ont poussée à rencontrer l’artiste de rue.


Crédit photo Paps

 

Rendez-vous est donné aux Folies, café qui fait l’angle avec les rues Dénoyez et de Belleville. L’homme est connu des lieux. Ses clichés s’affichent sur la façade du café. Deux clebs pas commodes. Un blanc, un noir, droits comme des statues romaines…. Il arrive en vélo, montre patte blanche avant de brouiller les pistes. Rencontre.


crédit photo M.E

 

 

Temps de chiens

 

« On a été voir des loups en CE2, pendant une classe nature, et j’ai kiffé. En rentrant, j’ai adopté un chien trouvé dans la rue.

Les chiens annoncent alors les premiers pas du photographe qui les choisit comme modèles pour leurs côtés «  sauvages, libres et  fidèles », avant d’en venir aux scènes de rue suite au coup de foudre pour une photo volée. Celle d’un vagabond sur le pont de Stalingrad. Le déclic. Depuis, Paps alterne les séries sur les chiens et les hommes. « Plus le temps passe plus les humains vivent comme des chiens et les chiens comme les humains. On ne sait plus qui est qui… » Réalistes mais pas tristes, les photos de l’homme proposent autre chose qu’un « Paris cartes postales ». Un Paris crade, injuste, à deux vitesses mais qui n’en est que plus humain ou que plus chien.

 

De la rue…


Quartier du Danube, 19ème arrondissement de la capitale. Pas fait pour être derrière les bancs de l’école, le jeune Paps posera un temps son arrière-train sur ceux de la cité. Il quitte école et foyer à 15 ans et fait le choix de l’autonomie, vivant de débrouilles pendant 9 ans. Le jeune adulte devient père de famille. Puis, « après avoir fait les 400 coups, j’ai eu l’occasion d’essayer la vie de bureau. J’ai été commercial  dans les assurances pendant 5 ans, pour faire comme tout le monde. C’était la bonne planque jusqu’à ce que je me dise que ce n’était pas ma place. » L’appareil photo devient le principal compagnon de Paps qui plaque tout pour déambuler jours et nuits dans les rues de Paname, des beaux quartiers aux ruelles mal éclairées avec une préférence pour les personnages que la lumière n’atteint pas.

Paps devient artiste, à 30 ans. « Dans les cités, il n’y a que des dealers, des sportifs ou des chanteurs… La photo ou l’art, c’est pas « normal » . Il y a encore des gens qui pensent que la photo c’est une planque que j’ai trouvée! »

 

 

… à la rue

 


Une partie de la vente de ses photos est reversée à l’association 2-or qu’il a créée pour aider ceux qui restent quand le photographe rentre chez lui. « Je ne veux pas prendre en photo un mec qui dort dehors et récupérer des sous sur lui. Je reviens les voir mais quand un lien s’est formé, je ne peux plus les prendre en photos, ça n’est plus spontané. »

A ceux qui lui reprochent le genre photo volée, il répond que trop se rapprocher c’est aussi risquer de déranger dans l’intimité. « Le recul est plus du respect que de la photo volée. Je prends la scène avant qu’elle ne file, et je me rapproche ensuite. »

Le Paps du 19ème se retrouve alors à exposer dans quelques galeries des quartiers chics.

« C’est important de prendre confiance en soit pour casser les barrières sociales. »

Mais, c’est à une autre entité que Paps voue son Art. « Tout vient de la rue et pas assez d’hommages lui sont rendus. » Il multiplie les affichages sauvages et les expos en plein air.

La discussion dérivera sur l’identité des uns, des autres. La sienne. De quoi réveiller Mr Hyde. « Je suis un double personnage. Qu’est ce que t’en sais si en vrai, je suis pas un véritable enfoiré ? Si je ne fais  pas tout ça pour me donner bonne conscience, me rattraper des conneries passées ? Je suis là, je parle de casser les barrières….Mais si on me connaît vraiment, je suis un vrai salopard…Un vrai solitaire. J’ai un côté un peu pervers-narcissique. Disons que je suis joueur… »

Pour ça que son vélo affiche une roue noire, une blanche, que ses deux chiens ne se partagent pas le noir et le blanc…

Rien à foutre, ses photos parlent à sa place et là, le noir et le blanc s’équilibrent cruellement bien.

 


crédit photo: M.E

La devanture des Folies à Belleville. Hommage à Paps dont les photos (en arrière plan) collent parfaitement au décor, ou l’inverse

 

Paps expose en plein air dans sa rue, celle de son enfance.

Le dimanche 12 juin, de 14 heures 30 à 21 heures 30, 2 rue de la solidarité, Paris 19ème.

Il prépare actuellement un livre.

www.papstoure-photographe.com

facebook.com/paps.toure.photographe




Le 6B: OVNI culturel

Julien Beller est aux commandes du paquebot 6B, nouvel OVNI culturel et artistique des mers banlieusardes, arrimé juste en face du pont, au 6-10 Quai de Seine à Saint-Denis.
L’histoire commence en février 2010. Le jeune architecte avide de projets hors normes a signé un bail pour récupérer un ancien immeuble de bureaux désaffectés…

 

Grâce au « bouche à oreille », les locaux ont rapidement subi l’embarquement à bord d’artistes plasticiens, architectes, photographes, musiciens mais aussi acuponcteurs, comptables, associations et entreprises variées, artistes de street-art ou vidéastes… en mal d’espace de partage et de création. « Il y a une centaine de résidents, beaucoup de gens du territoire de Seine-Saint-Denis, mais aussi de plus en plus de Parisiens », explique Julien. Aujourd’hui, la liste d’attente des demandeurs s’allonge et le lieu autonome commence à recevoir quelques soutiens …

 

 

4500 mètres carrés d’éclectisme

 

« La démarche initiale était de partager un espace de travail qui puisse aussi répondre aux besoins du territoire. » Initiateur du projet, Julien l’architecte s’est aussi fait plaisir dans les plans d’aménagement du lieu : « Pour faire de l’architecture, pas besoin de construire. On peut aussi reconstruire. Il s’agit là d’inventer la ville avec ses habitants. »
Le premier étage accueille 1 000 m²­ d’espaces communs partagés entre une salle de danse, de projection, de concert, d’exposition, une cuisine associative, une salle de jeux pour enfants… Le lieu se construit petit à petit sur les idées et l’aide de chacun.
La cuisine associative est l’endroit où les passagers fusionnent, aidés par les inventions culinaires de Maki et Guillaume, initialement tailleurs de pierres.

 

Autorisation de rêver

 


« C’est sur le chantier de rénovation de Notre Dame que nous nous sommes rencontrés. » explique Maki. « Après ce chantier, on s’attaque à la cuisine. »
« C’est différent, mais, cela reste manuel » poursuit Guillaume. « La cuisine, c’est du patrimoine ! Et nous, on a toujours œuvré à l’entretien du patrimoine ! » rigole Maki.
Les tailleurs de pierre proposent des recettes bien à eux que les curieux sont invités à venir découvrir tous les jours de la semaine de 12h30 à 15 heures. L’occasion aussi de rencontrer les résidents. Le projet titanesque de cet été ? Rien de moins que transformer le navire et son lieu d’ancrage en Fabrique Autonome de Rêves. De juin à août, les surfaces engazonnées au bord de l’eau seront aménagées et ouvertes à tous laissant le champ libre aux guinguettes, airs de jeux, concerts, cinéma et ateliers en plein air, performances, expos, bals populaires, barbecue…
À priori, aucun iceberg en vue. Faites vos valises.
Exposition Home Street Home dans le cadre du festival « Banlieusards , et alors ! » montée par l’association Culture de Banlieue résidente au 6B.

 

Dernier événement en date :Le bonheur est dans le Souk, dimanche 1er mai. Une journée de détente musicale, ludique et aquatique dans les jardins du 6b.
L’annonce com’ du 6B vaut le détour:

Plutôt bucolique à chasser les papillons ou en slip sur un matelas pneumatique ?
SoukMachines a dégoté un petit coin de paradis entouré d’eau et de verdure et a réveillé la nature engourdie. Les musiciens ont lustré leurs instruments, les danseurs ont sorti leur lycra, les DJs sont remontés de leurs caves obscures : tous investis de la même mission soukienne pour vous ouvrir les portes de leur ile démentielle. Le 1er mai de 11h à 21h, tout est permis : beat electro-cosmique, frisbee organique, graffiti oxygéné, mister freeze améliorés, merguez body-buildée, canard tektonik, sieste aérienne, maillot de bain minimal, voile intégral, ou les deux… Trompette ou bilboquet, amenez ce que vous voulez pour ouvrir cette première parenthèse enchantée qui va revenir tout l’été !
Plus d’info sur le site du 6B

 




Eva Corrêa du trio Esperança: « Le coeur n'a pas de température »

C’est entre le Brésil et la France que les sœurs du trio Esperança partagent leurs cœurs et font voguer leur musique. En direct de Rio où elles fêtent leurs 50 ans de carrière, Eva nous parle de cette fabuleuse histoire, en attendant leur représentation en banlieue parisienne pour le festival Métis.

Issues d’une fratrie de sept enfants, Régina, Mariza et Eva Corrêa sont aussi inséparables qu’infatigables, cinquante années de longévité à leur actif en témoignent.
Le secret ? « Nous ne sommes pas conservées dans le formol mais avons juste commencé très tôt. Il faut être heureux. Sur scène on donne et on prend tellement que l’on oublie toutes les difficultés liées au métier. » Les filles en culottes courtes auraient-elles trébuché sur la marmite de potion magique franco-brésilienne ?
« On s’est toujours demandé comment on était tombé là-dedans. Nos parents n’étaient pas musiciens. Ils ont accepté de nous encourager mais avec une éducation très sévère. Mes frères chantaient et formaient des petits groupes au collège, on les a vu faire, et, naturellement, nous avons suivi. Nous n’avons jamais étudié la musique et nous sommes tous des professionnels aujourd’hui ! »

Musicalité et émotion

Des 30 degrés de Rio aux grises pluies parisiennes, le groupe s’est acclimaté : « Le cœur n’a pas de température » glisse Eva.
Au début du trio, il y avait Mario, Régina et Eva, des enfants qui chantaient pour d’autres. En 1969, Eva entame une carrière solo à Paris, Mariza la remplace. Le trio actuel redémarre depuis la capitale où les sœurs se réunissent en 1992. « C’est l’année où nous avons commencé à chanter a cappella, ce qui est très rare au Brésil. Cela a été très bien accueilli. »
Comment oreilles d’ici et d’ailleurs ressentent-elles leur musique ? « Les publics sont très différents et c’est enrichissant. Les Français ne comprennent pas le portugais mais reçoivent notre musique car il s’agit d’émotions et de mélodie avant tout. Au Brésil, on a chanté des chansons en français comme La bohème (Charles Aznavour) et La vie en rose (Edith Piaf) qui fonctionnent bien car ces airs sont connus au Brésil. Nous sommes portées surtout par la musique, les harmonies et les mélodies. Les paroles viennent après. Elles ne sont pas politiques ou agressives, mais parlent souvent d’amour et de paix. »

Les classiques revisités

Le trio Esperança, c’est aussi et quand même 4 disques d’or et un dernier né plutôt culotté. De Bach à Jobim, sorti en janvier 2010, revisite des standards du classique à commencer par Bach, dérivant vers d’autres influences comme Paul McCartney ou Jobim, cofondateur de la bossa nova. Un savant mélange, plutôt bien dosé qui fait onduler les hanches, là où le classique aurait plutôt tendance à les figer (je parle de mes hanches à moi, chacun ses histoires de bassin!)
« Nous n’avons pas de formation ou culture classique mais on aime relever les défis. Alors, quand Gérard Gambus, arrangeur et quatrième mousquetaire du trio, nous a proposé de partir sur cette idée nous avions très peur: s’attaquer au classique sans faire du lyrique c’est un peu de la folie. Mais on a fait ca avec beaucoup d’humilité. »
Sûr, les voix harmonieuses et enveloppantes des interprètes expérimentées traversent le temps, sans prendre une ride.

En concert le jeudi 19 mai à 20h30 à L’Île-Saint-Denis pour le festival Métis.

http://www.youtube.com/watch?v=HnTuBjLgr8c&feature=related




Festival d'écologie urbaine et populaire

Pollution, malbouffe, économie mondiale, logements-passoire… : la résistance populaire s’organise autour d’un chouette festival sur une petite île perdue au milieu du 9-3.
Parce que oui, il se passe autre chose que des vols à la portière et des trafics de drogue en banlieue parisienne.

La troisième édition du festival Effet de C.E.R. (Cinéma, Ecologie, Résistances) s’ouvre ce soir à 19 heures.
Mention spéciale pour le dernier documentaire de Marie-Monique Robin. La journaliste qui s’était fait connaître notamment par le détonnant « Monde selon Monsento » qui s’attaquait à la célèbre firme d’ OGM, revient avec un livre et un documentaire Notre poison quotidien. Diffusé le 15 mars dernier sur Arte, elle se déchaîne cette fois sur les produits chimiques présents dans notre alimentation. Ajoutez à cela les dernières actualités sur les décès liés aux staphylocoques du Quick d’Avignon et l’intoxication alimentaire au Kebab de Chartres, voilà de quoi prendre son abonnement à vie dans une Amap, plus radical, se laisser crever de faim, ou partir monter sa ferme sur le plateau du Larzac… (La dernière option est tentante!)
Le documentaire sera suivi d’un débat et d’une séance de dédicace avec la journaliste. Si vous entendez les ventres gargouiller dans la salle accompagnés des  » bruits glutturaux en La mineur  » produits par les salives ravalées, ne soyez pas surpris.
Samedi, Indices, le documentaire du réalisateur Vincent Glenn, sera projeté à 14 heures, histoire de savoir comment les États se soucient de notre Bonheur Intérieur Brut en gardant le vieil outil de mesure usé qu’est le P.I.B (séance suivi d’un débat avec le philosophe et essayiste altermondialiste Patrick Viveret)
Dimanche, le documentaire de Jean-Pierre Thorn, 93, la belle rebelle, clôture en beauté le festival.
Pour terminer par un regard original porté sur un territoire, qui, quand on sait lui parler, déborde de belles rencontres. Et régale nos oreilles avec ses cultures musicales alternatives trop souvent mises au placard par un Rap commercial omniprésent.

Le programme

Vendredi 18, samedi 19 et dimanche 20 mars 2011 au Centre culturel Jean Vilar – 3, rue Lénine, L’Île-Saint-Denis (93), Pass 3 jours = 3 €




À mon âge, je me cache encore…


Un hammam à Alger. Neuf femmes s'y retrouvent  pour la toilette rituelle, mais surtout, pour parler. Échanger leurs peurs, leurs rêves, leurs fantasmes, leurs limites. Celles qu'on leur impose et qu'elles choisissent inconsciemment de faire leurs ou de rejeter. Évoquer leur quotidien envahi par les hommes… Doux, aimants, brutes, jaloux, absents, violents.


À mon âge, je me cache encore pour fumer est de nouveau à l'affiche de la Maison des Métallos. Cette première pièce écrite en français par la comédienne et metteur en scène algérienne Rayhana répond avec humour, force et finesse à l'oppression, la violence et le fanatisme.


Dans l'atmosphère embuée et vaporeuse du hammam, les confidences des actrices issues de tous horizons dessinent un portrait bouleversant et juste de l'Algérie des années 1990. Une Algérie à peine assoupie qui s'est réveillée soudainement en décembre dernier, à Paris lors des premières représentations de la pièce. Rayhana fut aspergée d'essence sur le chemin qui la mène à la Maison des Métallos. Tentative avortée, la cigarette lancée n'a pas pris feu. Le corps de la femme, à travers celui de Rayhana, continue de résister. Résister par l'humour pour supporter l'affreux. Résister par la confession pour transcender la douleur. Résister par le théâtre pour dénoncer.


La mise en scène épurée signée Fabian Chapuis joue d'un intimisme habile qui refuse de faire le spectateur voyeur. Nous plongeant sans mal dans l'univers féminin mis à nu. Au langage cru, aux émotions tendres, aux révoltes sanguines, toujours dans le respect et l'amour de cette altérité féminine.


Sans fard, ces neufs personnalités toutes aussi différentes nous offrent des performances étonnantes, notamment, et de loin la meilleure, celle de Linda Chaïb qui interprète Samia, jeune naïve, unique rêveuse survivante nourrie d'illusions que l'amour et l'espoir n'ont pas encore tuée. Pas encore…


Jusqu'au 29 janvier à la Maison des Métallos, 11ème.