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Mercredi – J’irai draguer sur vos tombes

Le mec de la tombe d’à côté, c’est d’abord un roman. Un roman parlant d’une histoire d’amour, qui l’eût cru avec un titre si funeste ?!

L’épitaphe de ce best-seller du grand Nord aurait pu être « Ou comment débuter une histoire d’amour au cimetière ».

Son auteur, Katrina Mazetti, est suédoise et ne fait certainement pas le deuil de l’humour noir. Elle plante le décor d’une Suède rurale et rustre en la personne de Benny -éleveur de bovins de son état- qui rencontre la Suède citadine et cultivée mais austère et froide incarnée par Désirée -bibliothécaire-. Et ça fait des étincelles!

Ces deux protagonistes n’ont rien en commun, ils ne sont pas parfaits et sont eux aussi des « émotifs anonymes »! Des dialogues ciselés pour une histoire inattendue et jamais clichée. Voila qui ressuscitera peut-être votre côté fleur bleue?

Ce roman a ensuite donné naissance à la pièce, mise en scène par Panchika Velez et interprétée au théâtre par Sophie Broustal et Marc Fayet.

Sur les planches c’est mortel, on tombe sous le charme et on rit sans concessions. Les représentations reprennent à Paris après une belle tournée en France. Cette fois c’est au Théâtre du Montparnasse et c’est à ne pas manquer. La mise en scène est épurée et à la fois flamboyante. Pur, frais, juste.


Voila de quoi sonner le glas de la morosité : extrait


Le Mec de la Tombe d’A Côté BA par bonneideeprod

Si le cœur vous en dit, Mazetti a écrit une suite Le caveau de famille mais aussi Les larmes de Tarzan ou Entre le chaperon rouge et le loup, c’est fini.




Le Bourgeois Gentilhomme … perd la boule

Si certains ont un grain de folie, un petit grain de sable alors la troupe qui se produit au théâtre de la Porte Saint Martin, a tout le Sahara dans la tête … François Morel est tout à son aise sur scène et il fait ce qu’il fait de mieux, le pitre. Affublé d’un déguisement de derviche tourneur, il tourbillonne et  lévite un air ahuri pétrifié sur son visage si enclin à la mimique. Ah ça pour sûr, peu de comédiens interprétant Monsieur Jourdain ont fini l’acte IV en slip à la lumière polaire d’un néon trop blanc. La grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf façon Molière est ici électrisée par une mise en scène chamarrée et sous acide. Lâchez le « Des »chiens !  

Catherine Hiegel nous propose une mise en scène déroutante, frôlant le grand n’importe quoi. Elle aurait pu tomber dans la facilité qui aurait consisté entre autre à glisser quelques références à l’actualité adjointes de fortes œillades bien senties au public mais non, Catherine Hiegel ne fait pas dans le prévisible. La sociétaire et doyenne de la Comédie-Française offre au public du théâtre de la porte Saint Martin une mise en scène surprenante de la célèbre comédie-ballet de Molière, « Le Bourgeois Gentilhomme ».

Le ballet parlons-en : aux pas de menuet  et pantomimes traditionnels en petits collants succèdent danses tribales, hakkas et entrechats très contemporains. Paradoxalement ça ne jure pas tant que ça avec le texte de Jean-Baptiste Poquelin et c’est certainement ce qu’il y a de plus plaisant dans cette interprétation.

Le chant assez présent dans Le Bourgeois Gentilhomme est quant à lui, assez pénible. Les passages sont longs, trop en décalages avec les costumes et l’interprétation modernisante. Rendons tout de même à  César ce qui lui appartient, Morel quoi que piètre chanteur et danseur est particulièrement cocasse dans son interprétation de « Jeanneton ».  Ce qui nous renvoie à la comédie.

La diction des comédiens est très travaillée et participe pleinement de la dynamique comique de la pièce sans en perturber la destinée. Le maitre à danser (David Migeot) est rudement précieux et  Dorimène (Héloïse Wagner) a cet accent furieusement contemporain de la parisienne bêcheuse de la rive droite.

La prestation des acteurs  est sympathique, Gilian Petrovski est un Cléonte touchant,  Marie-Armelle Deguy est éructante en volcanique Madame Jourdain,  Emmanuel Noblet perfide en Dorante et Alain Pralon excellent en grand charlatan / maître de philosophie.

Cependant il n’y a bien que Jourdain et Covielle (David Migeot encore) pour avoir cette folie lunaire. Aussi, les autres acteurs semblent au service de l’éblouissante révélation scénique de François Morel.

Dans son costume de lumière François Morel est bigrement drôle mais s’il faut concéder le caractère innovant de l’interprétation, on regrettera un hic dans la mise en scène. Un petit quelque chose manque avant l’entracte (peut-être trop classique ?) mais après, il y a un gros quelque chose de trop. Trop provoc’ ou peut-être trop loufoque pour emporter pleinement notre adhésion sans restrictions.

Au-delà de cette nouvelle mise en scène, il est remarquable de voir avec quelle force les thèmes de la pièce trouvent aujourd’hui encore un écho des plus d’actualité. Argent vs Art, Naître vs Paraître, Origines vs Ambitions, … Les thèmes sont là, les absurdités subsistent … Tour d’horizon des maux qui ont traversé les âges, sans vieillir pour autant !

L’art(gent)

« … son argent redresse les jugements de son esprit; il a du discernement dans sa bourse; ses louanges sont monnayées » (I, 1, Maître de Musique)

La délicate relation de l’art et de l’argent peut sembler poussée à la caricature au travers de cette tirade du Maître de Musique. Et pourtant, dans des temps plus proches, les débats autour de l’art contemporain, des mécénats d’entreprise, des placements de capitaux dans toutes sortes oeuvres d’art ne lui confèrent-ils pas une justesse indéniable ?

Que serait l’art sans les soutiens financiers qui l’accompagnent ? Aurait-il pu traverser les âges comme il l’a fait ?

Sans aucun doute y a-t-il bien un substrat indiscutable, fondement de toute forme d’art, sur lequel se base notre discernement du beau. Mais ce fondement n’est-il pas en train de disparaître au profit de pures transactions financières de haut vol, assurant des placements sans risque, au-delà de toute notion de raisonnable (prenons en exemple les montants atteints par les toiles de maître qui se négocient aujourd’hui dans les plus grandes maisons de ventes aux enchères) ?

L’art a besoin de l’argent pour vivre. C’est un fait.
Mais n’assiste-t-on pas aujourd’hui à une déviance à l’extrême de ce rapport incestueux ?
Je vous en laisse juge …


L’être et le devenir, aveuglante ambition

« Monsieur Jourdain. – Est-ce que les gens de qualité en ont ?
Maître de Musique. – Oui, Monsieur.
Monsieur Jourdain. – J’en aurai donc. … » (II, 1)

« Monsieur Jourdain. – Madame ! Monsieur le Comte, faites-lui excuses, et tâchez de la ramener … Ah ! impertinent que vous êtes ! voilà de vos beaux faits ; vous me venez faire des affronts devant tout le monde, et vous chassez de chez moi des personnes de qualité. » (IV, 2)

« Monsieur Jourdain. – Oui, il me faut porter du respect maintenant, et l’on vient de me faire Mamamouchi. » (V, 1)

Au travers de ces trois passages du Bourgeois Gentilhomme, on voit nettement se distinguer les pouvoirs ravageurs d’une ambition démesurée, insensée.

Qui la qualifieraient d’un aveuglement sans faille, qui encore d’un reniement sans scrupule de sa propre famille .

N’est pas Gentilhomme qui veut, vous l’aurez compris. Tout le monde n’a pas la « chance » (?) d’avoir du sang royal couler dans ses veines.
Ou si vous me permettez cette extension, tout le monde n’a pas la chance de connaître le phénomène de starisation, de peoplisation, de succès médiatique, …

Mais que ne ferait-on pas pour l’atteindre ?
Se mettre à dos, femme, enfant, amis …
Se couvrir de ridicule, sans vergogne aucune.
Si vous aussi, vous voyez poindre des « Loft Story », « Nice People », … alors vous voyez de quoi je veux parler.

Et bien sûr, ces nouveaux nobles modernes, ces stars en devenir, ou plutôt « devenues », et déjà loin dans l’oubli, réclament le respect. Leur faire ouvrir les yeux est la plus ardue des tâches que l’on puisse se voir attribuer, tant le scintillement de l’or qui brille dans leur horizon les aveugle !

Peut-être serait-il bon pour notre société de convoquer des Etats Généraux modernes … 


Auteur : Molière
Artistes : François Morel, Marie-Armelle Deguy, Emmanuel Noblet, Alain Pralon, Stephen Collardelle, Héloïse Wagner, Camille Pélicier, Gilian Petrovski, David Migeot, Géraldine Roguez, Eugénie Lefebvre, Anicet Castel, Frédéric Verschoore, Joss Costalat, Romain Panassié, Olivier Bioret + 5 musiciens
Metteur en scène : Catherine Hiegel

 

Théâtre de la Porte Saint-Martin
Du 12 janvier 2012 au 27 mai 2012

 

 




Week-end – Jacques et son Maître

« Jacques et son maître. Hommage à Denis Diderot en trois actes » de Milan Kundera est incontestablement le plus beau moment de théâtre que j’ai vécu à Paris.

Trois ans que je cherchais à rire autant sur des sujets aussi grave que l’amitié, la trahison, le bonheur et le plaisir.

Kundera avait la réputation de détester toutes les mises en scène proposées de son texte jusqu à celle-ci (de Nicolas Briançon).

L’ayant moi-même trouvé rigoureuse et fine, j’approuve son choix et vous invite à aller juger par vous-mêmes ladite pièce.

La pépinière Théâtre,
7 rue Louis le grand
75002 Paris
0142614416

Du 20 janvier au 30 mars 2012
Du mardi au samedi à 21h, et le samedi à 16h15.
Tarifs : de 12 à 19,50€

Mise en scène Nicolas Briançon
Collaborateur artistique à la mise en scène Pierre-Alain Leleu
Décor et Costumes Pierre-Yves Leprince
Assistante costumes Christine Bernadet
Lumière Gaëlle de Malglaive
Avec : Yves Pignot, Nicolas Briançon, Nathalie Roussel,
François Siener, Patrick Palmero, Philippe Beautier,
Alexandra Naoum, Sophie Mercier, Hermine Place,
Yves Bouquet




Dans l’oeil de la Dame aux esclaves, Castorf crée son monde à l’Odéon


 

Le décor sur plateau tournant nous offre en première vue une masure méditerranéenne. Un garage au rez-de-chaussée, réaménagé en chambre de fortune. Un étage avec une petite chambre et une terrasse qui sert de poulailler, la cuisine à l’extérieur. Dès le lever de rideau, le thème de prédilection de Franck Castorf est là : petites personnes et bourgeoisie se côtoient dos à dos, les riches contre les pauvres. Comment les premiers ne prêtent aucune attention aux seconds.


Trois princesses se parlent, se touchent, se caressent. L’une va dans le poulailler, s’allonge et commence à mourir. Râle de trois femmes de robes vêtues. Elles déclament leurs mots, qu’ils soient de Dumas, Bataille ou Müller. Cette litanie est le ton général de la pièce. Personnages « prolos », sans recherche de bonnes manières, goujats riches et obsédés par la futilité. Marguerite Gauthier et ses amies sont des putes, appellation que les personnages décrits par Dumas n’auraient jamais accepté.


Le décors changent, le monde aussi. Public projeté dans un club aux parois de plexiglas animé par un anglais, portant un masque cornu en latex, qui nous rassure : « n’ayez pas peur, ici, soyez juste vous même ! ».


Dans la boîte, on livre Marguerite Gauthier, morte, emballée dans du plastique. Son amant la pleure dans une ambiance fluo-trash. Dès la première heure (sur quatre), le public est averti. L’histoire, le texte, tout est mis au second plan, en soutien de la mise en scène pure. Surtout, ne pas chercher à comprendre, on est à l’inverse du théâtre classique, les mots soutiennent un jeu d’acteur, au public d’en saisir des bribes, des propos, des sensations.


Le drame, on se le créé dans nos têtes. Il est celui qui nous plaira, composé des images qui nous sont offertes.


Décalage, repoussoir de l’obscénité du monde. Un panneau « Anus Mundi » tourne à dix mètres de hauteur sur un cabaret désuet, où la chanteuse, toute heureuse, suit un homme sortant de scène. Elle, frétillant de plaisir, « j’adore les favelas ! », comme d’autres aiment tant la « musique hip hop » ou « l’art de l’Afrique ». Bourgeoisie déconnectée des réalités importantes, évidentes aux yeux de Castorf.


Une partie du public s’exile à la fin de la première partie. Deux heures, si on essaie d’y voir une Dame aux Camélias au sens où l’incarnait Sarah Bernhardt dessinée par Mucha, cela peut paraître longuet. Pour les autres, l’aventure continue.


Lors du retour du public, les trois premiers quarts d’heure sont projetés sur grand écran, pendant que les acteurs jouent dans une cavité du décor. Le procédé est grandiose et impressionnant d’intimité. Dans six mètres carrés, caméramans et preneurs de sons filment deux acteurs. Un huis-clos en gros plan, inimaginable lors de la première partie.


Puis on part plus dans une réflexion de Müller, sur l’esclavage, la condition du peuple noir en Jamaïque, les ouvriers roumains qui défilent sur grand écran, sans oublier la condition du peuple mexicain, déconnecté de ses racines Aztèques dont il ne reste que les pyramides. Essayez de comprendre, c’est finir comme Arnaud de Montebourg le soir de la première : endormi pendant deux heures.


Le spectacle est un voyage, un Grand Huit de sensations, une mise en scène envoûtante, des messages clairs au milieu d’un monde sans repère. Un panneau publicitaire installé sur scène, parodie de la réclame, affiche comme message d’adieu : « Le rêve d’une vie, vivre dans nos meubles ». Castorf réécrit la théorie de la relativité.


 

à partir de l’œuvre d’Alexandre Dumas fils
et des fragments de L’Histoire de l’œil de Georges Bataille et de La Mission d’Heiner Müller

mise en scène Frank Castorf

Certaines scènes de ce spectacle peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes, il est donc déconseillé aux moins de 16 ans.

7 janvier – 4 février 2012
Théâtre de l’Odéon / 6e

dramaturgie : Maurici Farré
décor : Aleksandar Denić
costumes : Adriana Braga
musique : Sir Henry

avec Jeanne Balibar, Jean-Damien Barbin, Vladislav Galard, Sir Henry, Anabel Lopez, Ruth Rosenfeld, Claire Sermonne.

production Odéon-Théâtre de l’Europe, Théâtre National de la Communauté française de Belgique

 




Rencontre avec J. Malkovich, Y. Landrein et L.H. Macarel – Les Liaisons Dangereuses

Lorsqu’on rencontre John Malkovich, on se demande tout d’abord comment le saluer.

Une tape sur l’épaule du metteur en scène Molièrisé de la pièce de théâtre « Good canary » ?
Un bisou esquimau à Osbourne Cox l’agent de la CIA de Burn After Reading ?
Une accolade à Athos mousquetaire du roi dans L’Homme au Masque de fer?
Un baisé russe à Valmont dans la version de Stephen Fears des Liaisons Dangereuses?
Un grand salut à la cantonade en direction de John Malkovich jouant son propre rôle dans Dans la peau de John Malkovich ?
Une petite bise au réalisateur de Dancer Upstairs ?

Et si nous commencions plutôt par une poignée de main ?
Une poignée de main ferme et directe qui laisserait entendre que l’on n’est pas des « bénis oui-oui » mais que tout de même « On aime beaucoup ce que vous faites » !?

Parce qu’avec 50 pièces de théâtre et plus de 60 films à son actif, John Malkovich est une vedette, un dinosaure de la culture, en France et à l’étranger.
Mais pas un de ceux qui traînent des casseroles embarrassantes. Plutôt un des « happy few » en orbite de notre XXIème siècle. Il a joué avec les plus grands mais toujours avec une humilité et une dérision toutes « malkoviennes » et n’a sur la conscience que sa soif insatiable de créativité.

En définitive John Malkovich est un dinosaure dont,  à l’instar de « Denver », on aimerait qu’il soit « notre ami et bien plus encore ».

Et autant dire que l’on n’en mène pas large quand le dinosaure entre dans le foyer du théâtre de l’Atelier, où a lieu la rencontre avec les quelques blogueurs retenus.
Les discussions se font plus silencieuses, les postures se figent, les sourires s’esquissent … et les chuchotements peuvent commencer. Et puis très rapidement, l’atmosphère se détend.
Le metteur en scène s’installe à un tabouret, entame un premier verre de vin et commence à se prêter aux interviews.
Tout simplement.
En français.
En prenant le temps de répondre à chacune des questions posées.
En prenant le temps de discuter avec chacun.
En prenant le temps de remercier chacun de l’intérêt dont il fait l’objet.
Une file se met en place pour aller poser les quelques questions pensées, préparées, pesées des jours durant …
Essayer d’être original, ne pas commettre d’impair, ne pas lui demander son plus grand moment de cinéma, son meilleur souvenir de tournage, son meilleur film …
Eviter l’attendu … « Bonsoir Monsieur de Valmont » !
Et puis, le moment arrive … Plus personne devant nous … C’est là que l’on comprend ce qu’il nous arrive. Il est temps de la jouer faussement détendu, et de démarrer l’interview tant attendue.

Cela ne vous démangeait pas de reprendre le rôle de Valmont ?
Oh non, cette fois je m’occupe de la mise en scène!
De plus le rôle de Valmont occupe certes une grande place dans la pièce mais ce n’est pas tout, il y a tous les autres personnages et l’histoire surtout, ainsi que tous les éléments techniques.

Selon vous, les valeurs qui sont dénoncées par le couple Merteuil – Valmont sont-elles toujours d’actualité aujourd’hui en 2012 ?
Les valeurs oui, la religion certainement pas en France mais ailleurs, oui !
Aux Etats-Unis par exemple la religion est plus forte.

Comment concevez-vous la création théâtrale dans notre société moderne ?
Y a-t-il de nouveaux « grands classiques » qui pourraient émerger parmi nos auteurs contemporains ?
Les « grands classiques » sont devenus des classiques pour de bonnes raisons. Ils sont très beaux ! Je ne sais pas si l’on peut dire qu’il y a véritablement de grands écrivains de théâtre français depuis quelques siècles.
Des « ok », des biens, des intéressants, il y en a eu mais des grands non.
Depuis Molière, non.
Intéressant c’est sûr, mais si l’on compare avec l’Angleterre et l’Allemagne, non.
Je ne peux même pas en citer un seul.

Alors pas de confidence sur une éventuelle adaptation à venir au cinéma ou au théâtre d’une œuvre française ?
Oh non, je n’ai pas dit ça, je ne parle pas des écrivains, mais des auteurs de théâtre.
Les auteurs de théâtre sont certes bons, mais il y a sans doute une raison s’ils sont si rarement joués mondialement.
Jean Genet oui, Ionesco qui n’était pas français mais qui vivait là, Beckett qui a écrit en français, eux m’intéressent beaucoup mais tout ça remonte déjà à 40 ou 50 ans.
Tout cela m’amène à vous dire que finalement les grandes pièces ne vont jamais disparaître.

Et même avec les tablettes, e-books et autres smartphones, vous prédisez à ces pièces encore un long avenir ?
Votre génération écrit beaucoup plus que la mienne.
Quel est le problème ? La technologie et tout ça ? Ça m’est égal.
Moi par exemple j’écris 20 fois plus qu’il y a 20 ans.
Non, toute cette technologie, ça n’est pas du tout une mauvaise nouvelle.

D’où vous vient cet amour pour les français et pour la langue de Molière ?
Oh Molière ! C’est surtout que j’ai une maison ici depuis très longtemps.
C’est une longue histoire d’amour avec la France !

 

Et voilà …
Viennent ensuite le tour de Yannick Landrein (Monsieur de Valmont) et Lazare Herson Macarel (Azolan).

 

Bon je sais on a déjà du vous la faire mais qu’est-ce que ça fait de passer après John Malkovich ?
Yannick Landrein : Rien du tout, c’est facile…. Rires
Non au début c’est assez impressionnant et puisque tout le monde pose la question cela m’a renforcé dans l’idée que c’était quand même un truc énorme.  Mais au bout du compte John est quelqu’un de très humble et de très modeste et il n’a jamais ramené son expérience professionnelle en me disant « Moi quand je l’ai joué je l’ai fait comme ça ». Il a toujours beaucoup composé à partir de ce qu’on proposait et de la compréhension universelle du texte. Il n’a jamais cherché à me montrer comment il fallait jouer Valmont, nous avons simplement cherché ensemble à savoir comment l’interpréter le mieux possible à partir du texte de base. Il s’est comporté comme un metteur en scène et pas comme un passeur et il ne m’a jamais dit « Allez !! Y a une grosse charge sur toi… ». Au contraire il a toujours cherché à me simplifier la vie.

Quelle est la part d’improvisation car la mise en scène  est atypique ?
Y.L. : Ce n’est pas un texte classique puisque l’interprétation théâtrale a déjà trois ans je crois. Le livre est classique mais l’adaptation est contemporaine et faite en tentative de langue ancienne, en vieux français.
John est un metteur en scène contemporain, il a un univers particulier et qui est un peu déjanté, il aime bien le… comment dit-il déjà, le « fatras ». Il aime bien quand c’est drôle, quand c’est con, quand c’est décalé, il adore le théâtre et il n’a pas envie de le cacher.
En toute logique l’improvisation est un des éléments sur lequel on a travaillé très très vite. Il fallait que l’on comprenne très vite le texte et ce qu’on jouait pour pouvoir avoir la liberté par la suite de s’adapter aux envies et humeurs de chacun, ce qui fait que ça laisse la pièce dans un état de vivant enfin beaucoup plus vivant que ce que l’on peut voir dans d’autres pièces plus classiques.

Lazare Herson Macarel : Ce qui fait qu’on a dû, petit à petit, se faire à l’idée que l’on faisait du théâtre et qu’on montrait du théâtre en train de se faire : comme une répétition.

C’est justement ce qu’on a bien aimé, à savoir un texte classique mais une interprétation un peu dérangeante.
Y.L. : John Malkovich aime bien déranger un peu les gens, il aime bien les faire sortir de l’histoire pour les faire rentrer un peu dans le théâtre.

Quel est le rôle de la tablette et des téléphones portables à part prendre des photos à la volée sous la jupe de Madame de Volanges?
Regards complices : Ah bon, t’en avais un toi de portable?
Y.L. : C’est une idée qu’a eue John avant même d’avoir choisi les comédiens il y a plus d’un an et demi.
Il est vrai qu’au début on nous avait dit que nous allions beaucoup téléphoner, que l’on écrirait beaucoup de lettres et qu’il y aurait des écrans derrière nous avec les messages qu’on enverrait et il s’est avéré que dans le travail on a un peu oublié cet aspect conceptuel et c’est devenu une anecdote.
Aujourd’hui on communique par ces moyens-là : l’ordinateur, les sms, le téléphone donc on ne va pas faire comme si on ne le faisait pas mais ça n’est pas l’idée principale. Le centre de tout c’est vraiment le théâtre et pas le téléphone portable.

Une dernière question : Pensez-vous finir entiers toutes les représentations ? Qui a déjà des bleus …
Y.L. : On en a tous un peu mais c’est normal et on est tous très bienveillants les uns vis-à-vis des autres !

Une soirée toute en simplicité, en puissance et en émotions que Pierre & Stef ne sont pas près d’oublier.
Pour rappel, toutes les informations sur la pièce :

Un court billet rédigé par Stef & Pierre qui ont assisté à la Générale pour Arkult

Les Liaisons dangereuses ,Théâtre de l’Atelier, 1, place Charles-Dullin (XVIIIe). Tél: 01 46 06 49 24. Horaires: 20 h du mar.  au sam., mat. sam. et dim. 16 h. Places: de 10 à 38 €. Durée: 1  h  55. Jusqu’en mai.
Twitter :@LesLiaisonsD
Facebook : la page fan
Distribution :
Mise en scène: John Malkovich
Équipe technique:
décor : Pierre-François Limbosch
costumes : Mina Ly
lumières : Christophe Grelié
musique : Nicolas Errèra
maître d’armes : François Rostain
Avec: Sophie Barjac, Jina Djemba, Rosa Bursztejn, Lazare Herson-Macarel, Mabô Kouyaté, Yannik Landrein, Pauline Moulène, Julie Moulier, Lola Naymark.

 




Quand Valmont s’attaque aux Liaisons Dangereuses …

Une invitation pour une Générale des Liaisons Dangereuses, ça ne se refuse pas me direz-vous … John Malkovich à la mise en scène qui plus est. Et frappée du sceau du théâtre de l’Atelier pour couronner le tout. Il faudrait être timbré pour dire non à une telle soirée.
Et pourtant, le doute est là, tapi dans un coin de notre esprit : comment faire oublier au spectateur le film de Stephen Frears et ses interprètes légendaires ? Quelle création envisager et quelle originalité apporter ?
Mais voilà, c’est sans compter le talent créatif de John Malkovich. Et dès les premières répliques, on se trouve bien plongé dans d’autres Liaisons Dangereuses, plus modernes, plus décalées, mais tout aussi puissantes.

Le thème des Liaisons Dangereuses avec ses personnages emblématiques a été traité par Les Inconnus et d’illustres réalisateurs, au théâtre, sur grand/petit écran et même sous forme de comédie musicale. Mais, aujourd’hui en 2012 …
  • L’introduction des tablettes et des téléphones portables ne dénature-t-elle pas le caractère épistolaire de l’oeuvre originale ?
  • La version portée par John Malkovich sort-elle du lot ?
  • Est-il possible de retranscrire au théâtre la complexité mystique des personnages de Choderlos De Laclos déclinée dans une œuvre de 500 pages ?
  • Pourquoi le duo Valmont-Merteuil fascine-t-il encore et toujours?


Acte 1

La pièce s’ouvre avec un rideau métallique brinquebalant sur un acte sobre, un peu lent à se mettre en place. On y retrouve les lettres que l’on connaît bien et petit à petit on entre dans le monde de l’énigmatique et flegmatique Malkovich. Les rouages de la machine infernale des Liaisons Dangereuses nous semblent soudain plus visibles, plus purs. Le texte, lui, est toujours aussi fort.Pourtant ce n’est pas le texte qui porte les jeunes interprètes, c’est plutôt eux qui le portent et qui se l’approprient avec une fraîcheur de ton saisissante. Tablettes et téléphones portables côtoient vieux français, robes « crinolinesques » et redingotes de style. Et pourtant ça ne sonne pas faux.Ces appareils technologiques devenus banals dans notre quotidien s’introduisent avec un naturel déconcertant dans le XVIIIème siècle originel du texte. On aurait même pu s’attendre et souhaiter qu’ils soient plus présents. Les smartphones notamment permettent un second degré qui restitue parfaitement le caractère libertin et joueur de Valmont, sans éclipser les méandres de l’intrigue et le poids de l’écrit.

Acte 2
Après l’entracte dans le chaleureux foyer du Théâtre de l’Atelier, c’est une autre dimension des Liaisons Dangereuses qui nous est comptée. Finies la frivolité et la comédie, « bas les masques » : voici venu le temps du drame mais toujours avec une mise en scène un peu décalée.Il y a plus de mouvements, les costumes changent, le décor bouge, les jeux de lumière se font omniprésents, contrastant férocement avec le premier acte.
C’est une fracture sauvage par rapport au théâtre classique. Les fauves sont lâchés, les acteurs sautent ou agonisent et se démènent dans un excès libératoire.Valmont et Danceny se battent à l’épée avec force fougue et renfort de ketchup. En somme, l’interprète de Saint-Pierre dans la série de publicités fortes de café est ici un bon berger, notre Noé qui nous embarque tous à bord de son arche. Le final très émouvant des acteurs sur un large plébiscite de l’audience en est témoin.

La mise en scène
Le décor, ou l’absence de celui-ci est assez déstabilisante, surtout dans le premier acte.
Les acteurs sont tous sur scène.
Tout le temps.
Tous les 9.
Assis sur des chaises contemporaines et dépareillées à se désaltérer et picorer des des clémentines.
On se sent comme à une répétition dans l’intimité de la troupe.Les costumes sont dessinés par John Malokivch, revêtant ici sa casquette de dandy styliste. Ils sont ancrés dans le passé mais bel et bien dans le présent car il y a fort à parier que la Comtesse de Merteuil ne portait pas de pantalons et que Valmont ne traînait pas son spleen dans un jeans.
Astucieuse éloge des corps, ils sont évolutifs et résolument aux services de l’évolution du caractère des personnages. Si « l’amour est enfant de bohème »*, alors on aime cette pièce bohème chic qui parle d’amour et de stratagèmes sans que le bon Choderlos ne se retourne dans sa tombe.

Les acteurs
Une histoire, des décors, une mise en scène. Oui, certes. Mais sans acteurs valables, avouez que ça sonnerait un peu creux.

Autant dire que M. John n’a pas ménagé ses efforts pour le casting … Ce n’est pas moins de 300 prétendants qui ont défilé devant la directrice de casting, puis une soixantaine devant le metteur en scène en personne. Plusieurs mois d’essais pour parfaire le choix final.
Et le résultat est là.

Yannik Landrein en Vicomte de Valmont face à Julie Moulier en Madame de Merteuil. L’humour pince-sans-rire et la légèreté de caractère face à la perversité manipulatrice et la rancoeur amoureuse.
L’étonnante maturité des comédiens, âgés de moins de 30 ans pour la plupart, contribue à déstabiliser le spectateur. Notre société moderne voit en effet les mariages devenir de plus en plus tardifs, et la maturité sentimentale reconnue une fois la quarantaine passée.

La pièce nous plonge dans un entremêlement entre figures parfois tout juste sorties de l’adolescence, digital natives armés de tablettes et smartphones, et jeunes adultes soumis aux impératifs familiaux et maritaux en vigueur au XVIIIème siècle.
Entre les deux époques … nos coeurs balancent encore !


Une nouvelle mise en scène peut-être, mais les Liaisons n’en sont pas devenues moins Dangereuses. La modernité et l’immédiateté ajoutent à la violence des mots, l’immédiateté de leurs conséquences.

De subtiles touches de technologie, un savant saupoudrage d’inattendu, de décalé, parfois même d’absurde. La recette que nous présente John Malkovich sur la scène du théâtre de l’Atelier est savoureuse. Avec pour brigade, des talents jeunes et moins jeunes, reconnus ou en passe de l’être dans les jours à venir.
Alors, n’hésitez pas, succombez à la tentation, et goûtez aux fruits défendus des Liaisons Dangereuses !
 
 
Les Liaisons dangereuses ,Théâtre de l’Atelier, 1, place Charles-Dullin (XVIIIe). Tél: 01 46 06 49 24. Horaires: 20 h du mar.  au sam., mat. sam. et dim. 16 h. Places: de 10 à 38 €. Durée: 1  h  55. Jusqu’en mai.
Twitter :@LesLiaisonsD
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Distribution :
Mise en scène: John Malkovich
Équipe technique:
décor : Pierre-François Limbosch
costumes : Mina Ly
lumières : Christophe Grelié
musique : Nicolas Errèra
maître d’armes : François Rostain
Avec: Sophie Barjac, Jina Djemba, Rosa Bursztejn, Lazare Herson-Macarel, Mabô Kouyaté, Yannik Landrein, Pauline Moulène, Julie Moulier, Lola Naymark.

Note * « L’amour est enfant de bohème »  : Georges Bizet Carmen



Costard trois pièces

Quel est le point commun entre Phileas Fogg, un chevalier maladroit de la Renaissance et un tenancier de salon de coiffure ? Sacha Danino et Sebastien Azzopardi !

Trois pièces actuellement à l’affiche à Paris ont été touchées par la grâce de ces deux auteurs de théâtre. Les trois sont hilarantes, étonnantes et farfelues.

Les spectateurs de tous âges y trouveront leur bonheur !

La première, « Le tour du Monde en 80jours » est une adaptation de l’œuvre éponyme de Jules Verne et joue sa 6ème saison (1500 représentations au compteur) au Café de la Gare. Décalée, burlesque, jubilatoire, frénétique on s’amuse énormément du jeu de scène des acteurs. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est très récréatif et que ça peut plaire à un public de 7 à 77 ans selon les degrés de lecture.

La deuxième, jouée au Splendid est « Mission Florimont ». Cette pièce retrace aussi un voyage mais à une tout autre époque :  la Renaissance. Le roi de France confie à l’un de ses plus fidèles – mais pas très vaillant serviteur-, une mission. Il doit remettre au calife de Constantinople un important message. La route sera semée d’embûches… et cette histoire tout droit sortie de l’imagination de ses deux auteurs est un vrai petit bijou comique.

La troisième et dernière en date, est également la plus originale, puisqu’il s’agit d’une adaptation en français d’un grand succès populaire américain « Dernier coup de Ciseaux ». C’est le Théâtre des Mathurins qui accueille cette pièce, dont le fondement repose sur la participation du public pour élucider un meurtre. Aventure inédite !!!

La patte du duo Danino-Azzopardi ?
Du rythme, du bricolage scénique, des références humoristiques à l’actu, de la bonne humeur et des acteurs-athlètes.

Ça trotte, ça galope, ça roule, ça se dandine : le ton de ces 3 pièces est résolument ultra-enlevé, on ne peut décemment pas s’ennuyer une seconde.
Dans « Le tour du monde en 80 jours » et « Mission Florimont » avec peu d’acteurs et peu de décors, ils nous font sacrément voyager. Cela n’est pas sans rappeler l’adaptation loufdingue d’Hitchcock par Eric Metayer : « Les 39 marches », où chaque acteur interprète une palanquée de personnages. Ainsi la petite troupe enchaîne les apparitions en changeant de voix, de costumes, de religions, de sexes… provoquant des fous rires généralisés.  Zygomatiques sensibles, s’abstenir !

Pour « Dernier coup de Ciseaux » c’est un poil différent (ça varie d’un cheveu pourrait-on dire pour filer la métaphore).
Les premières minutes de la pièce posent le décor et présentent les personnages au travers d’une scène de vie du salon de coiffure. Chacun a plus ou moins un mobile et tient bien son rôle.

Mais outre le rythme, le point commun de ces pièces est qu’elles laissent la part belle au rire et à la participation des spectateurs. Participation poussée à son paroxysme, bien sûr, dans « Dernier coup de ciseaux » où l’on peut même pendant l’entracte soumettre ses questions au commissaire de Police enquêtant sur le meurtre.

Puisqu’il faudra bien commencer par en voir une des 3, alors comment choisir ?

Si vous portez un chapeau melon et/ou des bottes de cuirs. Si quand on parle jeux de société, pour vous, il n’y a que le Cluedo qui ait droit de cité. Si vous ne dormez jamais devant un épisode de Derrick et que vous connaissez toutes les répliques de Columbo. Si les livres qui ont peuplé votre enfance ne sont autres que « Le club des 5 » ou « Les 6 compagnons ». Enfin si vous rêvez que les Experts de Manhattan, de Miami ou d’ailleurs vous demandent enfin votre avis.
Oui, si vous brûlez qu’ils vous sachent bon gré d’être derrière votre télé avec du temps de cerveau disponible ? « Dernier coup de ciseaux » est pour vous. Vous pourrez participer, questionner, influencer, bref, faire de cette enquête, votre enquête. Si bien que chaque soir la disparition tragique d’une pianiste renommée et bruyante voisine d’un salon de coiffure, trouvera une issue différente.

Si de Phileas vous vous souvenez seulement qu’il est anglais et qu’il a tenté un tour du monde à la fin du XIXème siècle. Il est temps de mettre à jour votre culture générale, mais sans Fred & Jamie ! Sur scène dans un rythme endiablé, les pays et les entourloupes se succèdent. Si vous ne connaissez pas le Café de la Gare niché depuis 30 ans au cœur du Marais. Si vous n’avez jamais trépigné dans les gradins étroits qui ont vu Coluche, Elie & Dieudonné ou Eric & Ramzy faire leurs premières passes d’armes…
Alors il vous faut découvrir cet écrin dans lequel « Le tour du monde en 80jours » est devenu un mythe, une référence du théâtre comique (mais pas de boulevard) et dont le fameux Café de la Gare est le temple.

 

Si vous avez envie de vous encanailler avec les sbires de François Ier et ses rivaux, en chantant en dansant et en galopant, vous êtes au bon endroit. Plus dévergondé que Phileas, mais beaucoup moins fute-fute que Canard le coiffeur, notre Florimont de la Courneuve, qui parle un étrange patois (la langue de la cité),  donne toutefois énormément de sa personne. Ce grand bêta en collants, conquerra votre cœur et vous ne saurez rester insensible aux charmes de son acolyte, la belle Margot. Il y a des rebondissements, des « méchants », des interludes musicaux, des jeux de lumières et une trame de fond efficace. Sur scène du talent à profusion et une troupe qui s’éclate et délire dans une fantaisie canalisée, pour notre plus grand plaisir.

Avec déjà 3 succès dans leur escarcelle, nul doute que Sacha Danino et Sebastien Azzopardi, sont des auteurs à suivre. Si vous avez envie de passer un bon moment au théâtre, c’est en tout cas une valeur sûre!

 « Dernier coups de ciseau »

Théâtre des Mathurins, 36 rue des Mathurins – 75008 Paris

DU MARDI AU SAMEDI À 21H ET LE SAMEDI À 16H30

Distribution :

Pièce comique de Marilyn Abrams et Bruce Jordan,

Texte Français de Sacha Danino et Sebastien Azzopardi,

Mise en scène Sébastien Azzopardi,

Avec : Domitille Bioret, Romain Canard, Réjane Lefoul, Yan Mercoeur, Bruno Sanches et Olivier Soliveres.

 

« Le tour du Monde en 80 jours »

Café de la Gare, 1 Rue du Temple 75004 Paris

DU MERCREDI AU SAMEDI À 20H ET LE SAMEDI À 17H

Distribution :

Pièce comique de Sacha Danino et Sebastien Azzopardi,

Mise en scène Sébastien Azzopardi,

Avec : Stéphane Roux, Rodolphe Sand, Frédéric Imberty, Nicolas Tarrin, Coralie Coscas

 

« Mission Florimont »

Splendid, 48 rue faubourg Saint-Martin 75010 Paris

DU MARDI AU SAMEDI A 21H30 ET LE SAMEDI À 17H

Pièce comique de Sacha Danino et Sébastien Azzopardi

Mise en scène Sébastien Azzopardi,

Avec :

Florimont : Sébastien AZZOPARDI Ou Rodolphe SAND Ou Nicolas MARTINEZ

Margot : Aurélie KONATE

François 1er : Guillaume BOUCHEDE ou Sébastien AZZOPARDI ou Yannik MAZZILLI

Soldats : Erwan CREIGNOU ou Gilles-Vincent KAPPS ou Benoit MORET

Charles Quint : Olivier SOLIVERES ou Franck DESMEDT

 




« Golgota Picnic », un doux pétard mouillé

On vit vraiment une drôle d’époque, plus de 2000 ans après la mort du Christ, il se trouve encore des gens pour hurler au blasphème et proférer des menaces, dont le Seigneur se serait bien gardé, à l’attention de l’équipe de « Golgota Picnic » pour avoir mis sur pied une pièce faisant soi-disant offense à Jésus.


Le soir de la première, il est difficile d’accéder au théâtre plus d’une heure trente avant la représentation. Un premier cordon de sécurité à 100 mètres de la porte ne fait passer que les spectateurs munis de billets; à l’entrée, un second contrôle ne vous laisse que vos chaussures et avant de pénétrer dans la salle de spectacle, on passe un dernier détecteur de métaux, histoire d’être tranquille. Si vous décollez depuis l’aéroport du Rond-Point, vous ne risquez pas d’embarquer un terroriste à bord !


Enfin, une fois face à la scène, on savoure avant même le spectacle. D’être entré, certes, mais aussi cette délicieuse odeur de pains à hamburger, qui sont étalés sur la scène en totalité. Jean-Michel Ribes, faisant les cents pas de façon papale surveille au bon ordre de l’installation du public. Après 20 minutes de retard, les acteurs entrent enfin…


C’est parti pour une heure et des poussières de reproches en tout genre à l’Eglise, ils sont bien écris, prêtent à sourire, nous divertissent sans ennuyer. Listant tour à tour les méfaits d’une religion qui a perdu la confiance de ses fidèles (pédophilie, inquisition, génocides…), Garcia parle comme un enfant qui se rend compte de la véritable nature de ce qu’il a fantasmé, ou ce qui l’a guidé pendant des années mais qui aujourd’hui a perdu toute crédibilité dans son monde, ce monde qu’il semble détester et qu’il ne regrettera pas de quitter (message transmis par les acteurs).


Dans les premières minutes, la tension des contrôles de sécurité n’est pas complètement retombée, on s’attend au pire, aux symboles trash et insoutenables, il n’en est rien, pas même une esquisse. Une légère larme vient pour l’auteur, qui semble en fait terriblement déçu de l’absence de Dieu. Mettant les actions de l’église face à leurs contradictions (les Noirs ont été créés pour danser le funk et rouler des havanes), Garcia ne fait pas pour autant de la propagande anti-christique, encore moins « christianophobe », néologisme se prêtant très mal à ce propos. L’auteur ne cherche pas à convaincre, il se contente juste de se raconter, ça peut nous intéresser comme on peut faire le choix de s’en foutre. Les seules choses que les comédiens maltraitent sont d’authentiques vers-de-terre filmés en gros plan, affairés à bâtir une tour de Babel symbolique en tranche de pain.


Les acteurs sont à l’aise et jouent bien, même si le texte prononcé se suffit à lui même, la mise en scène n’est pas transcendante ni ratée, banale en somme, si on enlève les hamburgers.


Malgré les citations de Bush prêtées au Christ, (« Si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes contre moi »), la qualification de « messie du SIDA », n’ayant « jamais travaillé » reste quand même très soft comparé aux moindres dialogue de L’Exorciste ou des paroles d’un groupes de death metal quelquonque, qui pourtant ne mobilisent pas autant d’intégristes aux portes de leur salles respectives.


Mêlant théâtre, performance et musique, quelques symboles sont bien intégrés, de la plaie au flan de Jésus servant de poche pour l’argent, aux acteurs recouverts des couleurs de la Vierge utilisées dans l’iconographie religieuse (bleu et rouge) jusqu’à en devenir des êtres ignobles couverts de boue, jusqu’à la création en direct d’un authentique Suaire de Turin. Mais ces quelques idées n’atteignent pas la moitié d’un « budget ménage » nécessaire à un Macaigne.


Le texte se termine sur un facile « Pour trouver ta voie, il y a Google Maps », avant de conclure la pièce (les quarante dernières minutes), sur un piano où un musicien nu interprète les « Sept dernières paroles du Christ » adaptées pour l’occasion. Bien que d’une belle interprétation, la force se perd entre chaque mouvement et, au moment d’applaudir, le public est un peu perdu. Egaré entre la haine portée par les acteurs au premier acte et l’amour donné par la musique en conclusion.


Etrange goût amer que laisse un spectacle sans trop de pépins. Une bombe qui se révèle en fait n’être qu’un doux pétard mouillé, un bon boulevard un peu osé-olé qui a pris comme thème le Christ quand d’autres ont choisi le couple ou les discussions de comptoir.


Golgota Picnic

 




[Si je t’attrape …] A mourir de rire !


Si je t’attrape, je te mort ! Oui, bon, encore un titre avec une faute d’orthographe. On n’en est plus à ça près avec la série des « … m’a tuer ».
Et puis, à y regarder de plus près, Les Blancs Manteaux, succès, prolongations = puce à l’oreille ! Et places au premier rang ! Oui oui, vous avez bien entendu, premier rang ! Celui où d’ordinaire, il faut prévoir le parapluie pour se protéger des attaques de particules buccales volantes, identifiées la plupart du temps.
Là, il n’en est rien. Totale maîtrise. Parfois une petite participation réclamée par les comédiens, mais vraiment rien de méchant. Autant dire, un bon premier rang !
Et c’est rassurés que nous entrons dans une heure de rire quasi continu, qu’il soit fou ou aux éclats !



Stef : Durant l’été 2010 la pièce d’Olivier Maille avait fait des débuts intimistes. Il se murmurait alors sous cape que le trio sur la scène du théâtre  « Les feux de la rampe » avait du talent et que les dialogues étaient piquants, depuis la pièce a tout simplement décollé (500 représentations à ce jour) et met le feu au théâtre des Blancs Manteaux, le jeudi, le vendredi et le samedi.

La banane, tous les spectateurs l’ont en sortant car on rit beaucoup de quiproquos en scène désopilante…

Ne dit-on pas que c’est dans les vieilles casseroles qu’on fait les meilleures soupes ? La trame de la pièce respecte cet adage.  Les thèmes sont universels : L’amour & la mort.

Cependant  on reste assez peu de temps dans la dimension consensuelle pour très vite s’engouffrer dans l’humour noir et juste ce qu’il faut de décalé.  Car voilà l’élément perturbateur qui pointe déjà le bout de sa faux : La mort, la vraie, en noir, celle qui est sensée foutre les jetons-les chocottes-la trouille quoi !

Si la mort pouvait m’être aussi douce …

Pierre : Qui ne rêverait pas de passer ne serait-ce que quelques minutes avec La Mort …
Juste histoire de se faire une idée.
Apprendre à connaître celle qui va nous accompagner pour le restant de notre vie … ou plutôt de notre mort.

Et là, autant dire que c’est la Mort que l’on souhaiterait rencontrer (si tant est que l’on souhaite jamais la rencontrer), celle qui serait capable de nous faire oublier qui elle est, et surtout … pourquoi elle est là !

A nous faire douter que c’est vraiment elle, qu’on doit faire erreur … Une blague douteuse, un comédien raté, une soirée déguisée, Halloween avant l’heure … Bref, les raisons seraient multiples !
Et pourtant, pour plagier le titre d’un roman de Robert Merle, « La Mort est mon métier » nous annonce-t-elle à mi-mot … La preuve en est, elle est chaussée Méphisto (merci Aldebert) !

Entre balbutiements, chansonnettes, cascades et autres bévues, le spectacle proposé par la Mort est tout bonnement magnifique ! (Coup de chapeau à Florent Chesné, en photo ci-contre)
Et oui, car c’est encore bien méconnu, mais la Mort a des mimiques !
Mais sans vivants, la Mort n’est rien … Allons faire un tour du côté de ses victimes du jour !


Stef : Chômeur, égoïste, flemmard, irritant c’est ainsi que le personnage de Franck apparait dans les premières minutes de « Si te t’attrape je te mort ». La scène introductive, dite aussi scène des Miels pops, est hilarante. En quelques phrases la situation est dressée, les spectateurs sont déridés, le décollage peut avoir lieu.

On découvre après l’entrée sur scène fracassante de la mort, que Franck a aussi des bons côtés…
A Paris le personnage est joué par Olivier Maille, comédien d’une expressivité rare faisant tout passer dans ces mimiques.
Avec une bonne présence scénique, Olivier Maille, ne se contente pas de donner la réplique à la mort, il est aussi le metteur en scène de cette pièce. Le sacré répondant de son personnage associé à une gestuelle burlesque très maîtrisée sont là pour faire monter la sauce. A ce petit jeu le tandem fonctionne très bien. Rajouté le sel apporté par le personnage de Caroline et vous aurez un trio qui carbure.


Pierre : Et autant dire que Caroline a démarré au quart de tour !
Une furie, une coloc détestable, une ex regrettée (et regrettable ?), une actrice ratée …
Bref, la femme idéale !
Et oui, on tomberait presque sous le charme (non, pas uniquement de la comédienne -Kim Schwarck ce soir là-, c’est le risque), mais de son rôle !


De la bonne humeur, de la voix, du punch ils en ont. Ils en veulent, ces djeunes. Une belle énergie sur scène à voir absolument si vous avez envie d’une pièce …
… Drôle sans être lourdingue
… Bien ficelée mais pas alambiquée
… Déconcertante d’efficacité

 

A voir à Paris, Toulouse, Montpellier en décembre
Une pièce à voir à la capitale mais aussi en province, une fois n’est pas coutume ! Alors, profitez-en, courez sur les sites de location de place, dans vos théâtres préférés, ou envoyez un gentil mail aux acteurs (résultat non garanti), et allez vite voir une représentation de « Si je t’attrape je te mort », en tournée :

  • Paris
    Théâtre des Blancs Manteaux : 15 rue des Blancs Manteaux, 75004 Paris (Métro Hôtel de Ville)
  • Toulouse
    Café théâtre Les Minimes
  • Montpellier
    Kawa Théâtre

 

 Casting
La mise en scène signée Olivier Maille fait la part belle à la répartie et à l’inattendu. Olivier est enfant du verbe mais sa carrière il l’a débutée avec un costume un peu spécial, celui d’avocat. A son actif depuis qu’il a troqué sa robe contre les planches « Quand j’étais amoureux », « Les Zexperts – Mais qui a tué le cadavre mort?»! , « J’y comprends rien! » , « Le régime se sarkophage », «Jusqu’ici tout val mal!», « Le videur du paradis ».

La Mort : Jérôme Rodrigues de Aguiar, Rui Silva ou Florent Chesné
Franck : Olivier Maille, Stéphane Szestak ou Benoît Ménager,
Caroline : Kim Schwarck, Elise Hobbé ou Mélodie Fontaine.

N.B : Ce billet est le premier du genre … Ecrit à 4 mains par Stef et Pierre … A bientôt pour d’autres billets de ce type, à 4, 6, 8, 10 mains, voire davantage encore !

 




Faites l’amour… protégés!


La comédie musicale Hair, ça vous évoque quelque chose, non ?!

Mais oui!  Bien sûr me direz-vous « Let the sunshine in » ou « Laissons entrer le soleil». Des cheveux longs, du sexe, de la drogue et surtout de la contestation.


Au Palace l’univers soixante-huitard reprend forme mis en scène par Sylvain Meyniac et prolonge les représentations jusqu’au 24 septembre.




Hymne intemporel à la liberté!


Plus de 40 ans après sa première adaptation française au Théâtre de la Porte Saint Martin avec Julien Clerc, le spectacle phare de la période « Peace and Love » fait encore parler de lui. Il évoque des sujets qui n’ont rien d’anachronique aujourd’hui et offre une nouvelle lecture du mouvement hippie. Psychédélique, sulfureux, sensuel voire même érotique, on comprend bien pourquoi cette comédie musicale avait soulevé tant de contestations et pourquoi le message « Protégez-vous » y trouve parfaitement sa place aujourd’hui.


Le fragile personnage principal lutte pour trouver sa place dans cette société. Résistant à ses parents qui souhaitent le voir intégrer l’armée. Le tout sur fond de lutte contre le SIDA … ce qui peut expliquer la participation de Pierre Bergé, président de Sidaction.

Même si les comédiens donnent tout, on déplore parfois certaines lenteurs et une acoustique qui ne permet pas de bien saisir les paroles.

Pourtant, « Il est interdit d’interdire », « Faites l’amour pas la guerre », et autres slogans sont toujours très actuels. Cette « tribu », c’est ainsi que la troupe s’appelle, nous ouvre de beaux moments de groupe et une mise en scène pêchue. A 21 sur scène et avec une telle volonté d’impliquer le public, on finit forcément par taper dans ses mains et en redemander.


Coloré, festif et subversif, Hair version 2011 vaut bien un petit retour à l’heure des « pattes d’eph » !

En ce moment en représentation au Théâtre Le Palace. Pour en savoir plus, rendez-vous sur :

http://www.faiteslamour.fr/index.php


Théâtre Le Palace
8 rue du Faubourg Montmartre
75009 Paris


Distribution

Mise en scène : Sylvain Meyniac ; Musique : Galt Mac Dermot

Adaptation française : Sylvain Meyniac

Direction musicale : Alexandre Finkin ; Costumes : Victoria Vignaux

Décors : Anne Wannier

Scénographie : Stéphane Baquet

Chorégraphie: Jean-Claude Marignale


Avec Laurent Bàn, Laurent Marion, Lucie Bernardoni, Lorène Devienne, Corentine Planckaert, Candice Parise, Anandha Seethanen, Camille Turlot, Régis Olivier, Lola Aumont, Jua Amir, Alexander Donesch, Noémie Alazard, Anne Mano, Philippe d’Avilla, Dominique Magloire, Sebastien Lete, Xavier Combs, Alex Finkin, François-Charles Delacoudre et Héloïse Adam.





« Frontières » sans limites à NAVA

 



Le festival NAVA (Nouveaux Auteurs dans la Vallée de l’Aude) est un monde dans un monde. Une poignée de pèlerins qui s’intéressent aux plumes du théâtre, présentes et futures, au milieu de nulle part, dans un de ces magnifiques paysages français.


À l’intérieur de la programmation 2011, il y a eu une œuvre qui sera considérée un jour comme « de jeunesse » d’un auteur résolument nouveau : Régis de Martrin-Donos, aujourd’hui âgé de 23 ans. Baptisée « Frontières », c’est la première mise en espace établie à partir de ce texte.


Quels mots ! Et quels comédiens !


Dans le cadre splendide du château de Serre, une chaise attend l’acteur. Le jour s’éteint peu à peu, et, entre chien et loup, le Fils (Sylvain Dieuaide) s’installe. La folie se lit dans son regard, une psychose évidente se confirme sur le visage dès les premiers mots de sa mère (Raphaëline Goupilleau), plutôt marâtre. Elle s’évertue à descendre son fils plus bas que terre, secouant la mémoire du grand frère modèle comme une cloche au-dessus du crâne de sa dernière progéniture tout en l’habillant des pieds à la tête. L’habillant de mots, l’habillant d’insultes, l’habillant pour l’hiver en somme.


« Plus je te regarde et plus tu es laid » lance-t-elle. Comme la mère d’H.P. Lovecraft à son fils. Quand on sait dans quelle folie ce rejet maternel a plongé l’écrivain, on ne peut pas se retenir d’imaginer le pire pour ce garçon qui évolue face à nous. Heureusement, il ne se laisse pas brimer sans réagir. On assiste à sa première rébellion envers celle qui l’a mis au monde. Il lui dit qu’il veut sortir, faire sa vie, savoir qui il est, partir à la Guerre.
La folie s’exprime enfin. Le Fils est un humain avec des airs de mutant, ou de zombie, aucune importance… Il arrive désormais à sortir le monstre que sa mère a enfanté avec lui.


Sylvain Dieuaide offre une interprétation juste, nous faisant par là-même oublier qu’il tient un texte en main. Lorsqu’on suit le fil de son parcours en 2011, il a joué dans « La Coupe et les Lèvres » d’Alfred de Musset mis en scène par Jean-Pierre Garnier, une œuvre collective où seul le groupe avait sa place, et le seul souvenir marquant que pouvait laisser le comédien était qu’il jouait du piano. Puis il a interprété Jean-Louis dans « Perthus » de Jean-Marie Besset, mis en scène par Gilbert Désveaux. Un rôle très bien incarné mais où il n’était pas le héros. Dans « Frontières », il est ce héros, il habite ce Fils, il est fou et nous emmène sans efforts dans sa folie transcendante.


Lorsqu’enfin, il s’échappe, c’est pour tomber sur le balai du gardien de l’immeuble (Yves Ferry), qui finit de dessiner ce monde rédhibitoire aux yeux du jeune homme. Une terre dévastée où la guerre entre Nord et Sud fait rage. « C’est trop tôt pour voir le monde » ou encore « Tu n’as pas le droit ! » lui serine-t-il. Cet échange (comme le reste de la pièce) est magnifiquement mis en espace par Benjamin Barou-Crossman, le gardien et le fils s’installant dans un jeu de chat perché dominant /dominé très esthétique.


Il s’avère au moment de partir que cet homme est le père que le Fils n’a jamais connu. C’est l’auteur qui prend un coup d’avance sur le spectateur en faisant se poser la question au personnage avant qu’elle n’arrive à notre esprit. Et cette brillante prise de court sur le public n’est qu’un petit rubis échappé de ce texte qui, entier, est couronné de joyaux.


La troisième scène représente le Fils complètement fanatique, ayant traversé des déserts entiers pour rejoindre le front à pied, il rencontre un déserteur (Stefan Delon). Cet homme le met face à ce qui habite souvent la jeunesse : la fougue, la naïveté, la sensation d’être invincible quand on sort enfin à la découverte du monde. Lorsque l’on s’évade « du rêve de ses parents », que se passe-t-il ?


Refusant de tuer le soldat, Le Fils repart et expérimente. Il tente de vivre la vie dont il rêvait, et finalement, se retrouve nez à nez avec sa mère, la Guerre est finie, mais il souffre de n’avoir pu se battre. Et c’est dans les derniers mots que naît l’évidence, avec une phrase particulièrement forte, d’un Fils aux ailes coupées adressée à celle qui l’a mutilé : « J’ai compris que mon seul ennemi c’était toi, je te déclare la guerre ».


Quand un jeune auteur met ces mots sur du papier, et que d’excellents comédiens les incarnent aux yeux d’un public unanime, on aurait tendance à s’interroger sur ce qui a poussé Régis de Martrin-Donos à écrire cela, à sa vie, à ses blessures. Mais lorsque l’on vit ce moment de théâtre intense dans un festival si singulier, alors on ne peut qu’imaginer le futur et ce qu’on pourra encore découvrir de cet écrivain à la plume si brillante. On ne sort pas du spectacle rassasié, non, on sort conquis et avide de découvrir la suite.


La seconde pièce de Régis de Martrin-Donos, « Un garçon sort de l’ombre » sera créée lors de la saison 2011-12 du CDN des Treize Vents à Montpellier du 27 octobre au 4 novembre. La mise en scène sera signée Jean-Marie Besset, et Stefan Delon y tiendra de nouveau l’affiche.


Plus d’informations : http://www.theatre13vents.com




Hamlet Rock’n’Trash

Mélangez un crucifix à un préfabriqué, une enseigne lumineuse et quelques machines à café. Ajoutez-y un château gonflable, des coups de feu et une banane habillant un acteur. Secouez, et vous voilà dans l’écrin du Hamlet à la sauce Macaigne, rebaptisé pour l’occasion, « Au moins j’aurais laissé un beau cadavre ». Trois heures trente qui ne laissent pas rigide.


Dès les premières minutes, les hurlements et les insultes fusent entre Hamlet-fils et Claudius habillé du fruit cité précédemment. Oui, c’est bien une banane géante qui habille le fratricide. Ce costume et le dialogue irréel qui s’installe entre les deux hommes donnent le ton de toute la première partie : décalé, surprenant, vif, mais aussi un peu en force dans le jeu et un tantinet grossier, le texte étant parfois du Shakespeare, et à d’autres moments de l’authentique phrasé de pilier de comptoir.


Parfois, le public est interpellé, brusqué, arrosé (évitez les premiers rangs et les places côté escalier !), les images violentes fusent et servent bien certains passages de l’histoire, en particulier celui où Hamlet-fils est choqué par le remariage précipité de sa mère. Il s’en réfugie dans la tombe de son père, prend son cadavre dans ses bras, questionne le spectre paternel (ici, furet empaillé)… Bagarre, fruits qui volent, chaises que l’on casse, on voit tout. Rien n’est suggéré, et l’attention du spectateur est captée par l’excitante question : jusqu’où vont-ils aller ?


« Regarde toutes ces vieilles connes [le public], tu crois pas qu’elles ont été jeunes et belles comme toi ? » questionne Laërte à l’adresse de sa soeur. Cette phrase précède la nuit de noces érotiques entre Gertrude et Claudius, dont la couche nuptiale est la tombe du défunt frère/mari Hamlet Ier : de symboles et d’actions chocs, le spectacle foisonne. On se surprend même à sursauter et sentir d’agréables sueurs froides quand Hamlet-fils surgit une tronçonneuse à la main. Le juste milieu est trouvé, et sans jamais dépasser les limites, on se retrouve à rire, on se gausse de ce grand guignol de haute voltige dont le décalage est le mot d’ordre. Une première partie forte, violente et très drôle.


L’entracte offerte au public laisse à Hamlet le temps d’écrire « La souricière des traîtres », pour montrer à Claudius, son nouveau beau-père, qu’il connait la vérité sur le meurtre du roi.


Malheureusement, le second départ contient un peu plus de longueurs. Les acteurs semblent avoir du mal à passer de l’énergie explosive nécessaire à cette mise en scène, à la finesse requise pour certains passages du texte. Ceci a pour effet de casser le dynamisme impulsé aux débuts. Et puis ça hurle, ça ne s’arrête jamais de hurler, mais les gestes accompagnent moins cette colère. Dommage, car malgré cela, certains effets de scène sont bluffants et beaux dans le sens esthétique du terme, ils agissent comme une alternance entre de belles performances artistiques et des passages s’éternisant par un jeu d’acteur incertain.


D’après ce qu’il se dit, quelques soirs de rôdage ont aidé la troupe à trouver ses marques, et à emmener le public dans cet Hamlet qui, c’est certain, ne peut être imaginé avant d’être vu !


Après Avignon, il vous sera possible d’assister au spectacle aux endroits suivants :


2011


  • Du 2 au 11/11 au théâtre national de Chaillot (Paris)
  • Du 16 au 25/11 à la MC2:Grenoble


2012


  • Du 5 au 6/01 à la Filature / Scène nationale de Mulhouse
  • Du 11 au 12/01 à l’Hippodrome-Scène nationale de Douai
  • Du 18 au 20/01 au centre dramatique national d’Orléans/Loiret/Centre
  • Du 25 au 27/01 au Lieu unique (Nantes)
  • 8/02 au théâtres de la Ville de Luxembourg
  • Du 14 au 15/02 au Phénix / Scène nationale de Valence


Distribution


mise en scène, conception, adaptation Vincent Macaigne
scénographie Benjamin Hautin, Vincent Macaigne, Julien Peissel
concepteur son Loïc Le Roux
lumière Kelig Le Bars
artisanat Marie Ben Bachir


avec Samuel Achache, Laure Calamy, Jean-Charles Clichet, Julie Lesgages, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Pascal Rénéric, Sylvain Sounier

 




Le Pays de Nulle Part s’invite à Paris

Un grain de génie et beaucoup de folie dans « Souviens-toi Pan ». Cette comédie musicale se base sur l’histoire bien connue de Peter Pan.

Peter où l’enfant qui ne voulait pas vieillir mais qui célèbre pourtant ses 100 ans et inspire cette année de nombreuses pièces.

La troupe mi professionnelle mi amateur menée par Julien Goetz nous offre une interprétation ingénieuse et fidèle au mythe. De la danse, du chant, de la débrouillardise et un grand bol de féérie !


Dans un enchaînement bien huilé de scènes réjouissantes, on retrouve Peter, Wendy, Jean, les enfants perdus, la fée Clochette et bien sûr les pirates du Pays de Nulle part emmenés par le Capitaine au célèbre crochet.


Peter Pan (Antonio Macipe) est hyper expressif et exotique. Venu du Venezuela ce jeune chanteur habite la scène faite de « bric et de broc » de fond en comble. Wendy (Joe Marshall) est particulièrement grâcieuse et sa douceur consacre des moments d’une émotion parfaite. Dans cet univers coloré, bien pensé et sans aucun temps mort on déplore le rôle trop en retrait d’une enfant perdue : Poussière (Mélanie Duchesne). Cette candidate de la « Nouvelle Star » belge (« Pour la Gloire » sur RTBF) est surprenante avec une voix rocailleuse de chanteuse pop-rock. Dans ce groupe d’enfants perdus très attachants, Jean le jeune frère de Wendy (Ludovic Fert) joue et danse de façon exhubérante et jubilatoire. Son interprétation délicieusement décalée est hilarante.


Mention spéciale, du côté des méchants pirates, au duo formé par le Capitaine Crochet  (Ralph Folio) et son acolyte Mouche (Julie Lemas). En parfaite osmose, ces deux chanteurs apportent une touche exquise de second degré et une présence scénique digne de show man !



Seul bémol, le rôle pour le moins énigmatique de Nicolas Tatossian jouant le narrateur de ce flash-back des protagonistes de « Souviens-toi Pan » . Il se murmure en coulisse que les apparitions de ce nouveau personnage seraient en pleine évolution.


Quelques pépites musicales vous resteront en tête de longues heures durant. La chanson Bienvenue  au refrain entraînant « Tic tac au taquet » ainsi que Kéo l’hymne des enfants sauvages sont des petits bijoux du genre. Les chorégraphies sont ciselées et donnent envie de prendre part à la danse.

Orchestration efficace et belle part à la danse : la clé d’une bonne soirée !

Qui a dit qu’on ne pouvait pas faire rêver sans être Stage Entertainement (Le roi Lion, Mamma mia…) ?


Ils ont voulu redonner vie à une pièce jouée en 2006 devant une salle comble et comblée à Evry et ils ont bien fait. Leur envie et leur plaisir de jouer sont communicatifs, on est accueillis en amis dans un cocon de bonne humeur. Voila une troupe qui a une âme, du chien, du professionnalisme et surtout un petit quelque chose qui nous entraîne et les emmènera loin!


En ce moment en représentation au Théâtre Clavel. Pour en savoir plus, rendez-vous sur : http://www.souvienstoipan.com/


Distribution :

Compositeur: Julien Goetz

Chorégraphe/Metteur en scène: Gregory Pennaneach et Rita Lalle

Auteur: Patrick Bernard

Production /Promotion : Julien Iscache


Avec Nicolas Tatossian, Joe Marshall, Ludovic Fert, Antonio Macipe, Julie Lemas, Mélanie Duchesne, Raphaëlle Raimon, Maud Abeloos, Maëva Clamaron et Ralph Folio.

 




Un vivant « Suicidé » au 65ème festival d’Avignon

Le Suicidé est une pièce de Nicolaï Erdman écrite en 1928, puis censurée par le régime stalinien en 1932. L’auteur ne l’aura jamais vue montée. En 2011, mise en scène par Patrick Pineau, elle a été créée le soir d’ouverture du 65ème festival d’Avignon. Le public a pu découvrir que sous ce titre dramatique se cache une pièce drôle et intelligente.


Sur la scène des Carrières de Boulbon, la scénographie est faite de quatre blocs, qui composent les pièces d’un appartement collectif de l’ère soviétique. Aux premières minutes de la pièce, l’un d’entre eux s’ouvre et laisse apparaître un décor coloré et soigné. Sur le lit, un homme ne dort pas, il a faim…


Dès le dialogue initial, les mots servent une situation qui s’inverse aussi soudainement qu’elle a démarré : le mari veut manger, réveille sa femme pour qu’elle s’occupe de lui, et finalement se retrouve très vite à empêcher cette dernière de se lever pour qu’elle lui prépare un repas. Ce type de rebondissements fait de contradictions revient à de nombreuses reprises dans le texte, et ils sont, dans la mise en scène de Pineau, valorisés par un jeu d’acteur où la réaction des comédiens face aux mots est rapide et provoque de vifs changements d’expressions, tordants !

Ces mêmes mots se suivent tout en dissension, et ne sont pas étrangers aux drôles de relations qui nouent les personnages. Quand Maria Loukianovna pense que son mari, Sémione Sémionovitch, va passer à l’acte et se suicider parce qu’il se sent un moins que rien, le moment où elle confie son inquiétude à sa mère (la brillante Anne Alvaro), puis à son voisin, veuf depuis peu, sont des situations d’un comique rare.


Comique, pour nous public. Mais lorsque la belle-mère Sérafima Illinitchna essaye de faire rire son beau-fils pour éviter qu’il n’attente à sa vie, ses blagues font chou blanc. Par cet humour osé, l’auteur a réussi à faire ressortir le contexte politique qui le cernait, et le metteur en scène à nous en faire sentir l’écho évident que l’Histoire a sur la situation politique actuelle dans le monde occidental. Les personnages réduits à vivre dans des petites boîtes se questionnent sur leur désespoir, le travail à la sauce stakhanoviste et leur envie de voir changer les choses.


Leur principal espoir, ils le voient en Sémione Sémionovitch, cet homme pensant se tuer. Tour à tour l’intelligentsia russe, le représentant des commerçants, la femme jalouse ou le pope défilent à sa porte pour le convaincre de rejeter la faute sur le pouvoir en place, justifiant qu’« à notre époque, ce qu’un vivant peut penser, seul un mort peut le dire » et ajoutant « les gens qui se tuent aujourd’hui n’ont pas d’idées et ceux qui ont des idées ne meurent plus pour elles ». Chacun tente d’appâter le défunt, lui promettant un enterrement en première classe comme d’autres dans le monde actuel promettent quarante vierges contre un attentat-suicide.


Les situations improbables et drôles continuent de ponctuer l’action. Notamment au moment où le futur suicidé fait part de ses doutes sur la mort, c’est un sourd-muet qui l’écoute.


En seconde partie se met en place un banquet à la Tchekhov, scène de groupe où une quinzaine de comédiens sont sur scène et ça fonctionne plutôt pas mal. C’est l’occasion pour le « Suicidé » d’un dernier repas, il est 10 heures, à midi il devra se tuer. Condamné à mort par des idées. Léger bémol, car malgré la force du message qui prend tout son aspect concret, on ressent quelques longueurs et mollesse dans les interventions des personnages.


La pièce se termine avec les mêmes armes que l’introduction, faisant se côtoyer messages et situations extravagantes avec une touche d’absurde : le mort se réveille, et tous sont paniqués. La mise en scène de masse est très bien menée et sert à merveille l’ultime action comique. Un « Suicidé » bien vivant et réussi assurément.


Après Avignon, il vous sera possible d’assister au spectacle aux endroits suivants :


2011

  • 17 et 18/11 à la Maison de la Culture de Bourges
  • 23 et 24/11 à l’Espace Malraux / Scène nationale de Chambéry
  • Du 29/11 au 3/12 au théâtre Vidy-Lausanne
  • Du 6 au 9/12 à la MC2:Grenoble
  • 12 et 13/12 au théâtre de Villefranche

2012

  • Du 6 au 10/01 et du 12 au 15/01 à la MC93 Bobigny
  • Du 17 au 21/01 à la Scène nationale de Sénart
  • Du 24 au 28/01 au théâtre La Piscine de Châtenay-Malabry
  • 31/01 au théâtre de l’Agora d’Evry
  • 4/02 au théâtre Louis Aragon / Scène conventionnée de Tremblay
  • 7 et 8/02 au Volcan / Scène nationale du Havre
  • 11/02 au théâtre Jean Arp à Clamart
  • Du 15 au 23/02 au théâtre du Nord à Lille
  • Du 29 au 4/03 aux Célestins / Théâtre de Lyon
  • Du 7 au 17/03 au Grand T à Nantes
  • 20 et 21/03 au théâtre de l’Archipel à Perpignan
  • 27/03 au théâtre de la Colonne à Miramas
  • 30 et 31/03 au CNCDC Châteauvallon


Distribution


mise en scène Patrick Pineau
traduction André Markowicz
collaboration artistique Anne Perret, Anne Soisson
scénographie Sylvie Orcier
musique et composition sonore Nicolas Daussy, Jean-Philippe François
lumière Marie Nicolas
costumes Charlotte Merlin, Sylvie Orcier
accessoires Renaud Léon


 
avec Anne Alvaro, Louis Beyler, Nicolas Bonnefoy, Hervé Briaux, David Bursztein, Catalina Carrio Fernandez,
Laurence Cordier, Nicolas Daussy, Florent Fouquet, Nicolas Gerbaud, Aline Le Berre, Manuel Le Lièvre,
Renaud Léon, Laurent Manzoni, Babacar M’Baye Fall, Charlotte Merlin, Sylvie Orcier, Patrick Pineau


Et pour visionner (ou revisionner) la pièce, diffusée dimanche 10 juillet sur Arte: