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Les idées lumineuses de José Parrondo

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Vous est-il déjà arrivé d’écouter un enfant se parler à lui-même ? Mi-fou, mi-génie, il fait preuve d’une imagination incontrôlable où se mêle la naïveté, la clairvoyance et l’originalité. Le bon sens des enfants bouscule généralement le nôtre (Cette nuit j’ai rêvé que je dormais. Etait-ce bien utile ?), ils nous prêtent souvent des motivations saugrenues (Le sous-marin a été inventé par un marin qui n’aimait pas la pluie) et se construisent un réel où il ferait bon vivre de temps en temps (Je me suis débarrassé de mes dictionnaires et de mes encyclopédies pour garder la part de mystère des choses.)

HC_Ennuis_p3HC_Ennuis_p3Par miracle, José Parrondo est resté un des leurs. Cet auteur-illustrateur belge est toujours un être précieux perdu dans ses pensées lumineuses et ses livres sont des petits bijoux qu’on collectionne pour nos vieux jours. Dans Parfois les ennuis mettent un chapeau publié chez L’Association, il nous scotche devant des évidences en une phrase et trois coups de crayon : « Une valise emportée par la tempête voyage sans voyageur », « Quand on est deux à ne rien faire comme les autres, on ne peut plus dire qu’on ne fait rien comme les autres ». Drôle comme un Martin Page et percutant comme un Jules Renard, José Parrondo prête des intentions aux animaux « Je serais très déçu si on me disait que la mouche qui se frotte les pattes ne vient pas de réaliser une bonne affaire. », s’amuse avec les corps de métiers « N’espérez pas qu’un horloger vous donne l’heure. Il la vend » et nous éclaire de ses pensées: « Je ne me souviens pas de la chose la plus incroyable qui me soit jamais arrivée. »

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Avec des illustrations justes et fortes, il donne une lecture différente du monde qui nous entoure, le rendant plus poétique et plus censé. Minimalistes et beaux, ces textes ont la fraicheur de l’enfance sans être départis d’une certaine sagesse, qu’on attriburait volontiers à de vieux conteurs. Grâce à lui, on sait que la fantaisie et le talent n’ont pas d’âge. « Quand je parle tout seul je m’écoute attentivement car j’ai peut-être des choses importantes à dire. » Ouvrez grands vos oreilles.


HC_Ennuis_p123arkultParfois les ennuis mettent un chapeau (éd. L’Association, 2012) vient d’être réédité à l’occasion de la sortie d’ Histoires à emporter (éd. L’Association, 2014). José Parrondo publie également au Rouergue, chez Delcourt, Milan Presse (Capsule Cosmique), Bréal Jeunesse, etc.

 

 




Des bosses et des bulles

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Dessin de Matthieu FORICHON
Des Bosses et Des Bulles

Il a le look René-Charles quand il arpente les sentiers. René-Charles fait du trail, comprendre : de la course à pied en milieux hostiles.

Adieu le goudron, il laisse ça aux « majorettes ». Lui, il s’attaque à des monts et des montagnes, quand il a la forme. Il aime quand ça grimpe, quand il y a du dénivelé positif et qu’il a eu un prix de gros sur le nombre de kilomètres à parcourir.

Au panthéon de R-C : Killian Jornet, Anton Krupicka et Seb Chaigneau. Son Graal c’est l’UTMB (Ultra Trail du Mont Blanc). Le traileur c’est le randonneur 2.0. Un citadin qui, l’été venu, s’attaque à des challenges en altitude. Un montagnard qui a eu envie de faire carburer ses mollets. C’est un peu tous les coureurs.

 

Le trail est une discipline relativement confidentielle (8 millions de pratiquants en Europe tout de même) et la BD de Matthieu Forichon permet d’en appréhender les codes. Comme toujours, lorsqu’on observe une vraie galaxie avec ses rites, ses fêtes, son jargon, son alimentation… il est forcément très savoureux de le tourner en dérision.

 

Pour les « finishers » de la 6000D, de la Saintélyon, de la Diagonale des Fous c’est l’occasion de rire de certains excès. Pour les autres, c’est l’occasion d’une immersion avec des sportifs passionnés.

 

Après avoir trop longtemps mis en exergue uniquement le dépassement de soi, il est bon d’en revenir à la base : courir pour le kif, prendre son pied (minimaliste ou pas).
Bien sûr que c’est exigeant et pénible mais personne ne le ferait s’il n’y avait pas tous le reste : le paysage, les copains et le saucisson aux ravitos. C’est de ça aussi que parle Matthieu Forichon, de cette ambiance bonne franquette, de cette simplicité et de ce partage.

 

Comme pour Pénélope (Bagieu) ou Margaux (Motin) tout a commencé par un blog aux illustrations humoristiques. Le blog dont René-Charles est le héros (ou l’antihéros) s’appelle Des Bosses et Des Bulles (DBDB). Et il n’y a pas que R-C, on y retrouve toutes les stars du trail. Des stars qui ne sont ni des divas, ni des péteux mais des gens très accessibles malgré leurs performances imposantes.

 
 
Le ton et le trait font mouche. René-Charles est attachant. BIM plébiscite du blog !! Un livre ouvre donc la voie « Premières foulées » (Tome 1). Cette BD ne fait pas seulement rire, c’est aussi très beau, léger et aérien comme la course.

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Pratique :

Titre : Premières Foulées
Editeur René-Charles Edition (via Ulule)
Pages : 248 p
Prix : 19€
Merci à Vincent qui m’a offert Premières Foulées et permis de découvrir les aventures de R-C 🙂



Berthet One: les bulles au delà des barreaux


C’est lors d’ un passage en prison suite à un cambriolage, que Berthet s’est mis à dessiner pour raconter, non sans humour, son expérience carcérale.  Après avoir été lauréat du concours de BD Transmurailles d’Angoulême, Berthet expose en grandes pompes à la Wild Stylerz Gallery et la galerie 3F à Paris. Depuis, le jeune homme multiplie les projets avec la jeunesse des quartiers populaires et fignole sa BD à paraître en octobre. Coup d’œil sur ce curieux faiseur de bulles qui emportent avec elles les clichés.


Pourquoi une Bande Dessinée sur la prison ?


Je me suis inspiré de ce que je vivais. C’est aussi un moyen de parler de choses que les gens imaginent autrement. Beaucoup se font des fantasmes sur la prison, les jeunes pensent que celui qui est allé en taule est un caïd. Au contraire, nombreux sont ceux qui en pleurent tellement c’est difficile… Je donne des informations qui éclairent sur le principe une planche de dessin/une histoire. La première case évoque toujours une vérité autour de laquelle je brode ensuite avec humour.


Comment s’est passé ton séjour là-bas ?

La prison n’est une chose souhaitable pour personne. C’est l’enfermement, l’isolement, la famille et les enfants qui manquent et surtout, c’est l’impuissance totale: si ta mère tombe malade par exemple, tu ne peux rien faire…


Justement, dans ta BD, tu en parles avec humour alors que c’est difficile…


J’aime bien rigoler ! L’humour est une arme redoutable qui permet que les choses passent mieux. J’utilise le rire pour dénoncer et m’éclater aussi.


Comment t’es tu mis à dessiner?

Je tiens le crayon depuis que j’ai 12 ans et j’ai dessiné jusqu’à 14 ans… Toujours à l’école. Mais lorsque l’on grandit, on fait des choix. J’avais des copains qui faisaient les 400 coups et ça leur apportaient de l’argent. À la fin du compte, ils avaient des Nike et moi des baskets deux bandes, ils partaient en vacances, moi non… Bref, j’ai vite réfléchi et j’ai fini par me laisser embarquer. Après, ça va vite. Au départ tu veux un vélo puis une moto, une voiture, un appart… Et plus ça va, plus les petites bêtises deviennent grandes…
En arrivant en prison, j’avais envie d’utiliser ma peine à bon escient et j’ai donc repris mes études. J’ai passé mon bac et en retournant à l’école, j’ai repris mes petites habitudes : dessiner dans un coin du cahier. Un jour, j’ai crayonné le prof avec des dents de cheval et des oreilles de lapin. Un collègue l’a montré au professeur qui a aimé ! Il en a parlé à ses collègues et le dessin a circulé de main en main avant d’atterrir entre celles d’un surveillant qui a adoré et m’a conseillé d’en faire quelque chose…


Tu prépares un autre projet autour de la banlieue. Peux-tu nous en parler ?

Tout comme la prison, les gens se font des films sur la banlieue. Il s’y passe pourtant des choses superbes et personne d’ici n’en parle. On laisse ça à des gens qui ne sont pas d’ici, qui ont fait des études et qui viennent en parler… Ce sera l’histoire d’Abigaëlle, une nana qui vient de la campagne et qui vient poursuivre ses études en ville. Et en guise de ville, elle arrive en banlieue. Elle avait ses idées arrêtées et elle se rend compte qu’il y a plein de gens mortels ! C’était un moyen pour moi de mettre du melting-pot dans mes dessins : mélanger les cultures, les couleurs… On y retrouve Nadia et Fatou, deux nanas qui vont à la fac, qui ont un travail à côté et qui ont du mal à avancer dans la vie. Parce que c’est une réalité, un jeune de cité, avec un bac + 72, a moins de chance de réussir.
Abigaëlle est moche. Elle a une vraie tête de vieille comme l’expression. Ceux qui ne connaissent pas l’univers de la banlieue apprendront à la connaître. En gros, ce que j’aimerais, c’est que la personne qui lira ma BD puisse se dire la prochaine fois qu’elle verra un mec en casquette, baskets et survêtement : « si ça se trouve, c’est un mec bien ».


C’est rare de se mettre dans la peau d’un personnage féminin quand on est un homme, non ?


Les gens s’attendent à un mec de banlieue qui crache et qui parle mal. Pour prendre le contre-pied, j’ai décidé de parler d’une fille qui vient de la campagne, qui va a l’école et qui est gentille ! Mais il fallait quand même qu’elle ait un super pouvoir: elle est super moche et elle peut avoir un sale caractère si tu la cherches ! C’est pour ça qu’ici, on est tous des Abigaëlle, garçons et filles… Si grâce à mes dessins, j’arrive à créer des ponts entre les mondes, je serai ravi.



L’évasion, premier album de Berthet à paraître à le 17 novembre

Berthet s’expose  à la galerie 1161 du 13 octobre au 13 novembre ! Vernissage le jeudi 13 octobre à 18heures.


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