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L’autre vie de l’« Open Space »

Copyright : Pascal Victor
Copyright : Pascal Victor

Jean-Michel Ribes, à la tête du théâtre du Rond-Point, ne programme que des auteurs vivants. Amusant hasard, les seuls dialogues d’ « Open Space », la pièce de rentrée, sont des onomatopées. Ce spectacle de Mathilda May raconte une journée (la moins banale, sans doute) d’un service « international », dont les bureaux sont installés au 32e étage d’un immeuble quelconque.

La plupart des entreprises françaises est installée en open space. Alors pourquoi, après y avoir passé une journée, avoir envie d’y retourner en allant au théâtre ? Parce que Mathilda May montre tout ce qu’on ne voit pas, tous ces petits détails auxquels, habitués, on ne fait plus attention. Elle exclue les mots pour se concentrer sur les bruits, les gestes, les attitudes et les regards. Non, en sortant d’ « Open Space », vous ne verrez plus vos collègues de bureau de la même façon.

Chaque personnage est très marqué. Du jeune cadre dynamique séduisant au chef d’entreprise « hitlérique », en passant par le placardisé, oublié devant un Minitel. Le choix est fait d’un jeu clownesque, très corporel. Parfois, les individus coordonnent leurs bruits pour créer des orchestrations amusantes. On pense notamment à ce rictus de larmes lors de la mort d’un collègue qui vient faire l’instrumentation d’un gospel chanté pour l’occasion. De la machine à café trop bruyante aux chorégraphies synchronisées, en passant par la sonnerie de téléphone qui fait l’effet d’une flûte à six schtroumpfs, « Open Space » est plein de bonnes idées, drôles et surprenantes.

Mathilda May, dans un décor à mi-chemin entre « Le Père-Noël est une ordure » et un magasin d’exposition Alinéa, mélange bien réalisme cru de ces bureaux ennuyeux et onirisme dramatique lors de certains moments clés. Les lumières accompagnent à merveille ces changements de tons.

Un regret, peut-être, la longueur et la répétition de certains gags. On a parfois l’impression qu’il y a le désir de « faire durer » artificiellement le spectacle. Chaque spectateur se fera son idée sur ce qui aurait pu ne pas être ajouté, mais certaines idées perdent en force lorsqu’elles sont trop montrées.

Quoi qu’il en soit, « Open Space » est un spectacle déroutant, qui mérite que le public en fasse l’expérience.

« Open Space » de Mathilda May, au Théâtre du Rond-Point jusqu’au 19 octobre, 2 bis avenue Franklin-Roosevelt (8e arrondissement), du mardi au samedi à 21h. Dimanche à 15h (relache les 7, 16, 17 et 18 septembre). Durée : 1h30. Plus d’informations sur www.theatredurondpoint.fr/.




L’open space les a tuer ou The Office

« L’enfer c’est les autres », disait Jean-Paul S. Les autres, ce sont la famille, les voisins, les amis, … les collègues. Les collègues, on les côtoie 5 jours sur 7, 230 jours par an. Ces 230 jours, une majeure partie des employés du tertiaire les passent dans un espace clos, confiné, et pas forcément rutilant : le bureau (en anglais The Office). L’enfer c’est donc le bureau. Dans The Office, série US diffusée sur NBC à partir de 2005 et coécrit par Ricky Gervais et Stephen Merchant, l’enfer est truculent. L’enfer est évidemment pavé de bonnes intentions, celles d’un directeur foncièrement foutraque.

Une peinture du petit business US, drolatique et kafkaïenne. Un parfait dédramatisant de votre propre vie au bureau!

L’histoire :

Pour le décor de ce documentaire fictif ou « mockumentary » : néon blanc, plantes synthétiques, moquette usagée et camaïeu de beiges.
L’histoire est celle d’une petite boîte de province, Dunder Mifflin et de ses employés sollicités pour participer à un documentaire. Attention, c’est loin d’être aussi assommant que cela peu paraître de prime abord… Au contraire, sans pouvoir être qualifiée de série à suspense, The Office est bourrée de rebondissements et certains des épisodes sont des pépites lumineuses. Le positionnement inattendu de la caméra rend cette série très novatrice et particulièrement fraîche. Les épisodes sont en effet courts et vifs (20min). La patte du scénariste est US par excellence car on retrouve dans cette série toutes les thématiques classiques : Noël, St Valentin, et autres St Patrick …

Tout bon salarié n’est pas sans ignorer l’influence du chef, sur l’ambiance et les conditions de travail. En matière de chef, ils ont justement la crème de la crème de la promotion interne. Michael Scott (Steve Carell), un produit pur jus de Scranton, Pennsylvanie. Le seul hic, c’est qu’une fois devenu calife à la place du calife, Michael, un vendeur né, homme de terrain, ne sait pas vraiment quoi faire pour mener sa barque à bon port. Une fois derrière le bureau de Directeur régional, il musarde, il flemmarde et semble avoir à cœur de perturber l’avancement du travail de son équipe.


Le personnage principal :

Le rôle de Michael Scott semble taillé sur mesure pour Steve Carell. C’est à se demander comment les réalisateurs ont pu hésiter avant de lui donner le rôle. Steve Carell excelle dans les comédies, il le démontre dans Bruce tout Puissant, Crazy Night ou Little Miss Sunshine. Un débit de parole vigoureux, une gestuelle d’épileptique en pleine crise. Steve Carell est excessivement expressif et survolté. Bref, il en fait des caisses et ça lui va à merveille. Le succès de 40ans toujours puceau, permettra d’ailleurs à la série de faire des pics d’audiences. Meilleure performance d’un acteur dans une série comique ou musicale en 2006 aux Golden Globe et Meilleur acteur dans une série comique en 2007 et 2008 pour Teen Choice, tout de même ! Steve Carell est indiscutablement bidonnant et incontournable dans la grande famille des acteurs comiques américains.


Michael Scott ne croit pas en Dieu. Ce en quoi il croit par dessus tout, c’est en son humour. Il le voit infaillible, fin, désopilant. Il le rêve sensationnel, et bien sûr tout à sa gloire. Tout le monde ne partage pas cet avis au sein de ses équipes. Pour eux, son humour serait plutôt : lourd, vexant et stigmatisant. Mais c’est Michael qui signe les chèques à la fin du mois. Dilemme pascalien pour ses salariés. Ceux-là mêmes sont ses cobayes préférés et sa seule famille.

Stanley le désabusé, Meredith l’alcoolique, Kelly la coquette, Creed la fripouille, Andy le Très-propre-sur-lui, Phillis la ménagère de plus de 40ans, Oscar le latino, Pam la standardiste, Toby le dépressif, Jim le futé, Dwight le chasseur, Angela la psychorigide seront bien obligés d’entrer dans son jeu.
Jeux qui peuvent s’avérer pimentés car Michael est inventif, oh oui!?  Un grand créatif devant l’éternel : Jeux Olympiques au bureau, croisières, cérémonies de récompenses du personnel (Dundies) et fêtes en tout genre (anniversaires, Noël…) piloté par un « comité des fêtes ». Le spectateur n’est pas au bout de ses surprises… rebondissements et situations rocambolesques, on rit aux larmes. Effet cathartique garanti puisqu’on est obligé de confesser que certaines des situations ne sont pas sans rappeler des personnages et des événements vécus.


La grande force de The Office réside dans l’éventail de ressorts comiques que nous propose cette série. Le premier est donc Michael Scott et son management douteux. Mais il faut aussi noter de vraies émulations, terriblement poilantes côté personnel. En premier lieu, le duo comique entre le n°2 et le challenger. Dans tout duo comique on a souvent deux personnages avec des caractères diamétralement opposés à la Francis Veber. Le « ying » ici est Dwight Schrute le facétieux délateur, n°2 de l’entreprise, interprété par Rainn Wilson. Le « yang » de Dwight Schrute est Jim Halpert. Sympa, posé, une vie sociale bien remplie, Jim est jeune dynamique et plutôt beau garçon. Impossible que ces deux là s’entendent. La vie quotidienne de l’open space de Dundler Mifflin sera donc rythmée de traquenards, guet-apens et autres petits complots.


Le second rôle :

A l’instar d’autres personnages secondaires de série, dont Barney Stinson d’How I met Your Mother est l’exemple paradigmatique, Dwight Schrute crée l’événement parce qu’il est furieusement hors des standards. Porter à l’écran (même petit) un franc tireur, cultivateur de betteraves, avec un frère attardé, un look à faire pâlir Jean-Claude Dusse et un égo sur-dimensionné : c’est déjà en soi une petite révolution. Merci à Ricky Gervais et Stephen Merchant d’avoir forgé un tel personnage. Dwight est joyeusement antipathique, ambitieux, patriotique jusqu’à abrutissement, socialement inapte et belliqueux. Aussi dingue que cela puisse paraître, cela fait de lui un caractère bigrement attachant et diablement drôle. Rainn Wilson qui était déjà apparu comme assistant à la morgue dans Six Feet Under (Six Pieds sous terre), conquiert le public avec sa bagnole au tunning douteux, ses armes de poings planquées de partout dans le bureau et sa devise (parodiée par Jim) « Bears. Beets. Battlestar Galactica » (Ours. Betterave. Série de science-fiction de Ronald D. Moore).


Le ton :

Mais qui dit histoires de bureau dit aussi haines et gué-guerres. Le bureau de Scranton devra survivre au marché américain du papier, pas très florissant, notamment dans la Saison 7. Les joutes seront donc aussi internes. Les cols blancs seront ainsi confrontés aux cols bleus du stock : biceps contre matière grise. Mais ils devront de surcroît se battre pour imposer leur philosophie. Une philosophie singulière, portée par leur directeur, qui ne fait pas l’unanimité vis-à-vis du siège New Yorkais (à quelques encablures seulement de Scranton et pourtant si loin). Sans compter les conflits avec les autres antennes de Dundler Mifflin dans le pays.


Que peut-il manquer pour que ce cocktail soit molotov ? L’Amour ! C’est là que la caméra fouineuse du documentaire dévoile des conversations confidentielles et observe des relations naissantes. La caméra de plus en plus intrusive au fil des saisons fait progresser l’intrigue et met en lumière quiproquos, bassesses et tripotages. En fil conducteur, on retrouve Pam et Jim en Tristan et Iseult modernes. D’autres couples, plus « insolites », semblent également vouloir se former …


La série ne repose donc pas uniquement sur les épaules de Steve Carell. Et tant mieux, car la 8ème saison à paraître en 2012 ne le comptera plus au générique. Petite révolution pour la série qui a rendu célèbre la bourgade de Pennsylvanie, une affaire à suivre…

Pour finir, levons un tabou sur cette série. Il existe une série éponyme The Office, sur le même thème mais dont l’action se situe de l’autre côté de l’Atlantique, c’est d’ailleurs la première des deux à être apparue. Par dessus le marché, les réalisateurs sont les mêmes. Pourtant en dehors du pilote et de certains épisodes des premières saisons, les deux séries ont des scénarios diamétralement opposés.

British très noire ou Amerloc haut en couleur à vous de voir.  Au final c’est un peu comme choisir entre Les Beattles ou Les Stones… chacun son style!


Casting :

Steve Carell (Michael Scott), Rainn Wilson (Dwight K.Schrute), John Krasinski (Jim Halpert), Jenna Fischer (Pam Beesly), B.J. Novak (Ryan Howard), Leslie David Baker (Stanley Hudson), Brian Baumgartner (Kevin Malone), Angela Kinsey (Angela Martin), Phyllis Smith (Phyllis Lapin), Mindy Kaling (Kelly Kapoor), Creed Bratton (Creed Bratton), Paul Lieberstein (Toby Flenderson), Oscar Nuñez (Oscar Martinez), Kate Flannery (Meredith Palmer), Ed Helms (Andy Bernard), Melora Hardin (Levinson-Gould), Craig Robinson (Darryl Philbin), David Denman (Roy Anderson), Rashida Jones (Karen Filipelli), Andy Buckley (David Wallace), Ellie Kemper (Kelly Erin Harron) et Amy Ryan (Holly Flax).