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Shame – ou la solitude urbaine

(c) MK2 Diffusion

Brandon, errant de la City, est un de ces CSP+ à qui tout réussit. Un poste au sommet dont on ne saura rien. Un grand appart à large baie vitrée, donnant sur l’Hudson. La séduction carnassière pour manteau. Un prédateur lâché dans la ville.
Dans le prologue, on le verra darder d’un regard acier une jeune femme dans le métro. S’ensuit une lente chorégraphie du chasseur et de la proie. A ce jeu, qui est la proie, qui est le prédateur?

Pour ce trentenaire, tout est jeu. Tout est matière à chair. Un cul qui passe en sortant de son immeuble. La cadre qu’on baise frénétiquement dans la solitude des quais de l’Hudson. La putain qu’on commande comme son plat de chinois.

Shame est un film sur la solitude contemporaine. Sur ce qu’après, au fond, chacun de nous se languit. Se combler. Se remplir. Brandon se remplit de chair, de passagère ivresse, jusqu’à la nausée. Comme Bridget Jones de bouffe. Comme celui-là de son match de foot. Comme le patron de Brandon de vaines touches dans les clubs. Comme sa sœur de mélodrames.
La ville est là, tantôt grise, tantôt rouge et bleue, toujours froide. Cette grande ville, qui à l’instar de toutes les autres, engloutit dans sa masse le moindre de ses habitants.
La nuit est là, lumineuse, dans son abondance, son entrechoc de verres, ses rues pareilles à perte de vue. Mais qui laisse l’homme l’aube venue, dans la froideur de ses draps bleus.

La parole de Shame est dans l’excès: soit absente à en rendre mal à l’aise, soit forte dans l’agression. Chez McQueen, les personnages sont des taiseux ou des incontinents verbaux.

Du personnage principal de Shame, on dit qu’il serait un héritier de Patrick Bateman. Mais plus qu’à Bateman, le personnage de Brandon m’évoque celui de Franck T.J Mackey, dans Magnolia. Ce Batman du sexe, campé par Tom Cruise, dans Magnolia. Brandon, c’est ce que serait Mackey dans la froideur urbaine. Les larmes de Brandon dans la jouissance glauque, ce sont les mêmes larmes que Mackey, percé à jour.

Les larmes. Les halètements, le tic tac des horloges aussi se répondent pendant tout le film. Pendant tout le film, c’est la même musique. L’éternel recommencement. C’est rond. En cercle. Brandon, c’est Sisyphe qui pousse son rocher en haut du mont. Il jouit, le rocher tombe.
Tout n’est qu’éternel recommencement, comme la faim qui le tenaille. Qui nous tenaille?

Shame, de Steve McQueen. Avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale, Nicole Beharie. 1h39. Film 4.

Encore dans quelques salles parisiennes (précipitez vous!).




Lundi – Drive : J’te dépose ?

Dans la salle et à l’écran, la course poursuite a démarré.
Spectateur bien attaché. Prêt à recevoir une claque visuelle.

Pas besoin d’attendre très longtemps, les premières images donnent le ton.
Une réalisation à couper le souffle, une photo à rendre jaloux un Jean-Pierre Jeunet.
Et un Ryan Gosling en cascadeur pilote, épatant.
A l’image de sa voiture. Un extérieur lustré, polissé. Mais qui cache bien son jeu, et peut se montrer hargneux, haineux, violent.

« A real hero » en somme …

Dépêchez-vous d’aller prendre votre claque sur un grand écran, il sera bientôt trop tard, et vous devrez vous rabattre sur un morne écran de télévision …

A noter toutefois la petite faiblesse au niveau de la synchro son … (n’est-ce pas Ben ?)