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« Vous n’avez encore rien vu » – Cet étrange objet du cinéma

Un O.C.N.I., Objet Cinématographique Non Identifié.
C’était mon premier Alain Resnais. Ne vous attendez donc pas à des parallèles à répétition, des analogies avec ses précédents films, une analyse systématique de l’évolution de son style et de sa pensée dans le temps …

Non, vraiment, rien de tout ça. Simplement cet étrange sentiment qui gagne le spectateur tout au long de la séance. L’ennui guette, il sent qu’il aurait une place attitrée dans un tel film, personne n’oserait la lui contester. Et pourtant il guette, mais ne trouve pas l’occasion de s’immiscer dans la tête du spectateur. Car ce que nous propose Alain Resnais dans son film est une véritable performance artistique, un coup magistral tant dans l’histoire du cinéma que du théâtre.

Imaginez plutôt voir se représenter devant vous deux (voire trois) écoles du théâtre, autour d’une seule et même pièce, Eurydice de Jean Anouilh. Forcément, l’envie primaire est à la comparaison, « le théâtre classique est quand même plus fidèle », « les mises en scène modernes sont vraiment spéciales » … Vous savez ce même « spécial » utilisé par Xavier Dolan dans Laurence Anyways … Ce « spécial » passe-partout et pourtant tellement signifiant, synonyme de rejet, de dégoût.

Puis une fois la comparaison rapidement épuisée de son sens et de son intérêt, surgissent l’intérêt et la complémentarité. Il n’y a clairement pas une unique vision d’une même pièce, ni d’une même mise en scène. On touche alors à l’épineuse question de la liberté laissée à l’acteur par son metteur en scène. Et de ce que le metteur en scène recevra de la part de ses acteurs pour enrichir sa mise en scène, et la rendre unique.

Car c’est bien là l’essence de la pièce. Prétexte pris du décès d’un metteur en scène les ayant réunis par le passé pour jouer Eurydice, 14 acteurs se retrouvent en huis clos dans une cérémonie orchestrée par le majordome du défunt pour donner leur point de vue sur une mise en scène moderne de cette même pièce.

Formidable mise en abyme du jeu théâtral. Bouleversants hommages à ses acteurs, jouant leur propre rôle.
Mais jusqu’où est-ce le rôle pensé par le metteur en scène, et où commence la personnalité de l’acteur ?
Mention toute particulière et très personnelle pour quatre d’entre eux : Pierre Arditi, impressionnant, Michel Robin,  touchant,  Mathieu Amalric, inquiétant et Sabine Azéma, saisissante.

 

Réalisation : Alain Resnais et Bruno Podalydès (pour la captation Eurydice par la Troupe de la Colombe)
Scénario : Laurent Herbiet, Alex Reval1, d’après Eurydice (1942) et Cher Antoine ou l’Amour raté (1969) de Jean Anouilh
Musique : Mark Snow

Distribution:
Sabine Azéma : Eurydice 1
Anne Consigny : Eurydice 2
Pierre Arditi : Orphée 1
Lambert Wilson : Orphée 2
Mathieu Amalric : monsieur Henri
Michel Piccoli : le père
Anny Duperey : la mère
Denis Podalydès : Antoine d’Anthac
Jean-Noël Brouté : Mathias
Hippolyte Girardot : Dulac
Michel Vuillermoz : Vincent
Andrzej Seweryn : Marcellin
Michel Robin : le garçon de café
Gérard Lartigau : le petit régisseur
Jean-Chrétien Sibertin-Blanc : le secrétaire du commissaire

La troupe de la Colombe
Vimala Pons : Eurydice
Sylvain Dieuaide : Orphée
Fulvia Collongues : la mère
Vincent Chatraix : le père
Jean-Christophe Folly : monsieur Henri
Vladimir Consigny : Mathias
Laurent Ménoret : Vincent
Lyn Thibault : la jeune fille et le garçon de café
Gabriel Dufay : le garçon d’hôtel

 




« L’Italienne », on ne badine pas avec le théâtre

ITALIENNE. Si ces 4 syllabes vous emmènent dans la péninsule chère à Jules César vous êtes dans le vrai. Cependant si l’image mentale qui se projette dans votre ciboulot est celle d’une jeune femme au corps glabre, au teint halé, aux vêtements bien taillés et aux lunettes vissées sur un petit nez mutin, vous êtes loin, très loin de la vérité. Le pire dans tout ça, c’est que vous ne comprendrez le titre de cette pièce qu’une fois à la moitié de la représentation. C’est là un bien faible risque à prendre car lorsqu’on se rend au théâtre du Funambule on est certain de passer une plaisante soirée.

Dans dans « L’Italienne » de Eric Assous, on parle d’amour. Exit le mélo dégoulinant pour les coeurs d’artichauts ou le règlement de compte à « O.K. Corral ».  Au centre de « L’Italienne » un couple, deux acteurs et une pièce dans la pièce.

Après le Théâtre du funambule c’est La Comédie St Michel qui accueille le duo à partir du 21 Septembre et pour 4 mois du vendredi au samedi à 20h.

Astrid Pinker​ a le regard qui tue et Muriel, son personnage tire la première. Ses talons claquent et son talent se démarque malgré son âge tendre.

Eric Rolland a le charme rassurant de la quarantaine et la verve claire. Malgré un coeur grenadine, Franck, son personnage, a la dent dure contre son ex, Muriel. Lui qui hier encore était banquier a bien fait de quitter les financiers avides pour les saltimbanques indolents.

David Garcia, tapi dans l’ombre de la salle observe les ébats et débats des personnages. Il a la piquante appréhension du metteur en scène qui guette les réactions du public.

A l’issue de la représentation, nous avons échangé dans l’atmosphère feutrée d’un bar accueillant de la Butte.


[Stef-Arkult] Pour jouer une rupture, est-ce qu’on pioche dans son vécu ou on hésite parce que ça fait trop mal ?

ER : Je ne suis pas un fana de la méthode acteur studio où on se fait du mal pour faire remonter des trucs et exprimer des sentiments sur scène. J’ai vécu des choses comme ça et quand je l’ai lu ça m’a rappelé des souvenirs mais quand je joue ce texte, ça ne fait plus appel à moi. Peut-être qu’un jour, un metteur en scène me le demandera mais ça n’est pas la façon dont nous a fait travailler David Garcia.

[Nous commandons : des liquides houblonnés pour les comédiens, un café-long-tardif pour le metteur en scène]

AS : On arrive à ressentir des émotions au fur et à mesure du jeu parce qu’on se met dans une situation bien particulière donc je suis un peu de l’avis d’Eric. Y a plein d’acteurs qui te diront « à tel moment j’ai pleuré parce que j’ai pensé à ma grand-mère » ou je ne sais quoi… Y en a.
Moi je suis plutôt dans une énergie de jeu et dans un sentiment.


[Stef-Arkult] Comment est-ce que vous définiriez la pièce, est-ce une tragédie ou une comédie ?

AS : On a eu beaucoup de mal à la classer cette pièce. Y en a qui disent comédie sentimentale sans pour autant restreindre à un truc de nénette. En tous cas je ne pense pas qu’on puisse parler d’un drame parce qu’il y a de l’espoir !

ER : Bref, c’est pas « Nuit Blanche à Seattle », je n’irais pas voir ça au ciné alors je ne le jouerais pas non plus.
Ca n’est pas un truc à l’eau de rose, ni les dialogues ni les rapports entre les deux personnages aussi bien quand ils s’aiment que quand ils se déchirent. Les gens sortent plutôt avec la banane et ils ne pleurent pas. [Regards amusés entre Astrid et Eric]… Quoi que si, une fois on a vu pleurer un spectateur mais c’est rare, c’est très rare.
Et ça c’est aussi la touche de David car l’ouverture finale de la pièce n’est pas dans le texte d’Eric Assous. Et, avec une telle ouverture, chacun comprend ce qu’il veut.

DG : Du point de vue du metteur en scène, la pièce est conçue comme une suite d’accidents de la vie, subies par un homme. Et à la fin l’homme s’apprête peut-être à faire subir ce qu’il a vécu, c’est la roue qui tourne. Le futur de la pièce pourrait donc être l’histoire de Lorraine [nouvelle compagne de Franck] qui dirait que son mec est parti avec quelqu’un.

AS et ER : L’italienne 2… le retour! [rires]


[Stef-Arkult] J’avais une petite appréhension en venant vous voir parce le sujet des disputes et des séparations n’est pas hyper marrant …

ER : Je vois ce que tu veux dire, mon personnage le dit aussi, c’est pas original.

[Stef-Arkult] Oui voilà, alors qu’apportez-vous de neuf à cette grande thématique ?

AS : Je pense que l’originalité vient du parti pris, choisi par David,  qui est de monter cette pièce d’une manière cinématographiée.  Du coup on n’est pas dans le « too much » des sentiments. Les scènes de disputes ont été raccourcies et nous avons essayé un maximum de mettre de l’humour même là où c’était triste.
Évidemment je ne peux pas trouver la pièce chiante, puisque je joue dedans mais je la trouve surtout très actuelle et tout le monde peut s’y retrouver.

[Nous trinquons et c’est bien la première fois que je trinque avec une personne qui boit un café…]

ER : Il y a une grande originalité dans la forme.
Il y a des flashback. On ne sait pas où on se situe : dans la pièce que nos personnages vont interpréter ou dans leur vie.
Moi je n’ai jamais vu ça au théâtre, c’est un jeu original et très cinéma.

[Je conviens que la pièce est conçue comme des poupées russes et que ça me rappelle « Mulholand drive » car ici aussi c’est dans le détail des accessoires de Muriel qu’on arrive à distinguer le théâtre dans le théâtre…]

ER : Malgré le thème vu et revu, la pièce est originale les gens s’attachent au personnage même à ceux qui sont très durs.

DG : Choisir un thème assez couru c’est aussi l’occasion de voir comment des comédiens arrivent à trouver de la finesse de jeu.
Je suis très dans le fait de déclencher un sentiment tout de suite. On voit rarement ça au théâtre. Mais dans cette petite salle c’est possible quand le spectateur est tout proche.
Etant donné que ça parle de théâtre j’aurai pu faire une énième pièce sur le thème de Tchekhov en reprenant les fameux personnages de « La Mouette » : Nina et Trigorine. C’est ce qui m’est venu à l’esprit en premier, car se sont des figures qu’on travaille beaucoup dans le théâtre contemporain.
Mais j’ai essayé d’être dans un théâtre cinématographique plus à la new-yorkaise, à l’américaine. Je préfère donc des David Mamet à des Olivier Py. Pour ce genre de théâtre en tout cas.


[Stef-Arkult] Une question à propos d’Eric Assous. Il a en ce moment 3 pièces à l’affiche à Paris, qu’est-ce que ça fait de travailler pour un « serial auteur » ?

ER : Il nous a donné la chance de jouer cette pièce et je le bénis tous les jours. Il ne nous connaissait pas. Je l’ai contacté en juin pour lui dire que j’avais monté une pièce de lui au Cours Florent. Eric Assous m’a alors dit qu’il avait donné les droits de la pièce qu’on travaillait au cours Florent à une autre compagnie. Mais durant ce coup de fil nous avons sympathisé et à la fin il m’a dit qu’il avait une seconde pièce, « L’Italienne ». Nous sortions un peu de nulle part, enfin du cours Florent pour ma part et Astrid l’année précédente, et surtout, on n’était pas connu.
[Le Cours Florent qui est tout de même l’Ecole privée de formation de l’acteur la plus reconnue en France…]
Contre toute attente Eric Assous m’a dit « si vous la voulez elle est pour vous, elle a failli être montée 2 ou 3 fois mais ça ne s’est jamais concrétisé ». Moi j’aimais déjà beaucoup cet auteur. J’avais lu et vu plusieurs de ses pièces dont « L’illusion conjugale ». Évidemment j’étais ravi.

Nous n’avions pas du tout calculé de se retrouver à côté de gens comme Jean-Luc Moreau, son metteur en scène attitré. A la rentrée il y avait donc « L’italienne » coincée entre « Mon meilleur copain » et « Les conjoints » [voir bas de pages Infos complémentaires] mais nous ne jouons pas dans la même cour, ni dans les même théâtres et surtout on n’a pas les mêmes moyens. N’empêche qu’on a eu de super critiques, d’excellents papiers dans les journaux. Finalement, l’alchimie fonctionne.
Eric Assous a d’ailleurs vu et aimé ce que nous avons fait avec David Garcia. C’était un vrai challenge !


[Stef-Arkult] Si je résume, Eric Assous vous a donné la pièce et vous a laissé monter votre projet ?

DG : Ah oui tout à fait, il nous a donné le texte et nous a laissé maîtres.
Par exemple je voulais un écart d’âge mais différent de celui qui est écrit. Je voulais le décaler, nous avons pris un écart entre une comédienne d’une vingtaine d’année et un acteur qui a la quarantaine. Le rapport est différent.

AS : Ça passe très bien du coup lorsque mon personnage raconte ses premières expériences et son court métrage. La petite jeunette en peu écervelée et naïve qui sort un peu tout ce qui lui passe par la tête, c’est plus crédible.


[Stef-Arkult] Contrairement à ton personnage, Astrid, as-tu passé une audition ?

AS : Ben non en fait, on a déjà travaillé ensemble tous les trois. Je n’étais pas à Paris, Eric Rolland a pensé à moi, il m’a envoyé le texte, je l’ai lu et j’ai dit « banco ».

[C’est donc aussi une histoire de copains … des copains qui ont du talent]


[Stef-Arkult] Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour 2012 ?

AS : Le succès de « L’Italienne » jusqu’à 2013 en France et à l’étranger !

[Eric et David acquiescent sourire au coin des lèvres]


Le public alangui par d’autres récits de passions éculées ne sera pas déçu. Cette Italienne n’est pas une douche froide. La pièce sonne juste et ça n’est pas uniquement à mettre au crédit d’une Bande Originale qui nous embringue avec les deux comédiens jusqu’à l’issue finale. La pièce est différente, elle amène son petit quelque chose. Sans être « boulevard » elle amuse et sans être trop cérébrale elle innove et embryonne une charmante réflexion sur les idylles, jouée avec beaucoup de tendresse et de complicité…


« L’Italienne » au théâtre, La Comédie St Michel
95 Boulevard Saint-Michel

75005 PARIS

01.55.42.92.97

Le Vendredi et le Samedi à 20h. Durée 1h20.

Distribution :

Mise en scène : David Garcia

Avec : Astrid Pinker (Muriel) et Eric Rolland (Franck)

Compagnie de théâtre : Les petits joueurs

Facebook : http://www.facebook.com/LesPetitsJoueurs

 

Informations complémentaires :

  • « Mon meilleur copain » d’Eric Assous, mis en scène par Jean-Luc Moreau avec Dany Brillant, Roland Marchisio, Muriel Huet Des Aunay, Juliette Meyniac et Aude Thirion au Théâtre des Nouveautés à Paris.
  • « Les conjoints » d’Eric Assous mis en scène par Jean-Luc Moreau avec Anne Loiret, José Paul, Anne-Sophie Germanaz au Théâtre Tristan Bernard.

 

 




Jacques Lassalle nous emmène « Loin de Corpus Christi »

Copyright : Marc Ginot

La création de « Loin de Corpus Christi », pièce de Christophe Pellet mise en scène par Jacques Lassalle est inédite. Inédite parce que montée une fois à la Comédie de Genève, mais aussi par son format, son contenu, sa forme… Tout commence lorsqu’une passionnée de cinéma tombe sous le charme d’un acteur à la Cinémathèque Française, elle va partir à sa recherche… Ne se contentant pas d’intégrer du cinéma dans le théâtre, elle bouscule les frontières entre ces deux arts par une problématique difficile. 

Tout d’abord, en soulignant la différence d »importance du personnage face à l’Histoire. Bertolt Brecht et Richard Hart vivent dans le même Hollywood qui voit se produire la montée du macchartysme après la Seconde Guerre mondiale. Le premier personnage existe encore dans la mémoire collective, le second est presque oublié après quatre films. En interrogeant ce fait, Christophe Pellet questionne également notre obsession de l’image, du désir qu’elle nous procure et l’occupation de notre esprit par un acteur, son visage, ou le corps d’une héroïne de jeux vidéos.

Sur ces idées est écrite une pièce complexe qui nous fait jongler d’une époque à l’autre, en 1946, 1989, 2005 et 2025, mais pas forcément dans cet ordre… Jacques Lassalle a fait le choix du réalisme pour dépeindre ces espaces chronologiques. Dans un décor qui est une salle de cinéma, on fait des bonds dans le siècle, guidés par des panneaux dactylographiés sur le fronton de l’écran, comme dans un film muet. Les années changent mais le cadre reste, ces sièges rouges… Tout au plus quelques draps viendront les recouvrir…

Une étrange atmosphère

Divisée en deux parties distinctes (l’une d’1h20, l’autre d’1h), la pièce nous invite à suivre Anne Wittgenstein (Sophie Tellier). Passionnée de cinéma elle partage le coup de foudre qu’elle a eu pour Richard Hart avec son vieux professeur de cinéma, Pierre Ramut (Bernard Bloch), clin d’oeil amical au critique de cinéma toujours en activité, Pierre Murat. Il la met en garde, faisant référence au Portrait de Jennie de William Dieterle. Ce film où un peintre croise un soir une jeune fille dans un parc, la fait vivre dans une toile, et par mégarde, la ressuscite. Où se situent rêve et réalité ?

Ces discussions maître-élève sont une belle leçon de cinéma, qui ne laissent pas pour autant les non-initiés sur le bord du chemin. Bloch est touchant et humain dans ce rôle, sa disciple semble troublée, mais aussi follement amoureuse de ce nouveau visage inconnu. Léger bémol cependant, dans son jeu, Sophie Teillier vire parfois un tantinet groupie, on a l’impression qu’elle essaye de se convaincre de son amour, c’est gênant. 

On sent sur toute la pièce un voile de mystère, d’étrangeté. Des fantômes planent au-dessus de nos têtes. C’est d’ailleurs comme une apparition qu’arrive Richard Hart (Brice Hillairet), pour son premier rendez-vous à la MGM en 1946. Il est comme nous l’a décrit Anne Wittgenstein : absent, aérien, nous faisant douter de sa propre existence… Il a 20 ans, vient de Corpus Christi au Texas et appréhende la vie de Los Angeles, ses excès. Dans ce monde irréel créé par Jacques Lassalle, on est forcément questionné sur comment le cinéma nous absorbe, nous capte et nous plonge dans des sensations inconnues.

Aliénation par l’image

L’Histoire nous fait rester sur terre, la chasse aux communistes fait rage outre-atlantique. Richard Hart, faible d’esprit, gamin du « deep south », devient un informateur du gouvernement et cause la fuite de quelques uns des gens qui l’ont approché de trop près : Norma Westmore (Marianne Basler), Julie Arzner (Annick Le Goff), toutes deux excellentes dans leurs rôles respectifs. Bertolt Brecht (Bernard Bloch) est aussi conduit à s’échapper avec elles.

Puis on revient à notre époque, Anne a subi quelques épreuves qui l’ont conduite à abandonner Richard Hart.

Et vient Berlin-Est, Norma Westmore s’y est réfugiée depuis 25 ans, on vit avec elle la chute du Mur. La question de Richard, de l’image, la hante. Morritz, son amant d’aujourd’hui a les mêmes traits que son amour d’hier. Le jeune homme s’avère n’être en fait qu’un informateur de la Stasi. Toujours cette question de l’image, de l’espionnage et du jeu de dupe. Qui sont ces gens qui nous obsèdent et pourtant nous détruisent ?

Toute la pièce est une critique poétique de l’aliénation à l’écran, qui nous donne l’illusion de vivre dans un monde libre. Alors que sans cesse les spectres du passés montrent que ce n’est pas le cas, le mal n’est pas forcément où le plus gros doigt le pointe. La terreur ne règne pas là où on hurle le plus fort qu’elle existe. Et si « Loin de Corpus Christi » était le cri d’un désir de liberté ?

Avec une conclusion réussie, Jacques Lassalle propose une version compréhensible de cette pièce complexe, un pari qui n’était pas gagné d’avance.

Pratique : Jusqu’au 6 octobre 2012 au théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses (18e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 42 74 22 77 ou sur www.theatredelaville-paris.com / Tarifs : entre 15 € (jeune) et 26 € (plein tarif).

Durée : 2 h 20 (avec entracte)

Texte : Christophe Pellet (édité chez L’Arche)

Avec :  Marianne Basler, Annick Le Goff, Sophie Tellier, Tania Torrens, Julien Bal, Bernard Bloch, Brice Hillairet

Tournée :

  • Du 10 au 19 octobre 2012 au Théâtre des 13 Vents – Centre Dramatique National du Languedoc-Roussillon, Montpellier
  • Le 13 décembre 2012 au Préau – Centre Dramatique Régional de Basse-Normandie, Vire
  • Du 26 au 30 mars 2013 aux Célestins – Théâtre de Lyon



Starbuck – Je suis ton père …

David Wozniak héros ou zéro ? 

 

Bienfaiteur dans le besoin d’une clinique de fertilité, cet Apollon bientôt quadragénaire se retrouve poursuivi par son passé. Et un passé à 1066 jambes … forcément vous rattrape rapidement !

Puisqu’il nous a emballés, tentons de dresser un portrait aux rayons X de ce personnage attachant.
Qui du héros  () ou du zéro () l’emportera ?

– Cheveux hirsutes

Le cheveu hirsute est l’apanage du penseur, philosophe ou mathématicien. Vous imaginez, vous, Albert Einstein avec la raie au milieu et les cheveux plaqués?! Non! David Wozniak n’est pas du genre gominé.

 Allez, allez, le style hipster c’est déjà dépassé!

– Barbe naissante

 Cette barbe naissante (pour rester dans le thème qui nous intéresse aujourd’hui…) lui permet sans aucun doute d’aborder la jeune génération bardé d’une aura positive. Un a priori positif. Un quelque chose qui nous dit que cet homme là est gentil. Qu’il n’a pas tout à terminé sa transformation en adulte.

 Enfin David ? Même au Canada, Gilette Mach 3, vous devez connaître quand même, ça fait très négligé!

– T-shirt délavé

Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé. Un vrai rebelle ce David, ni dieu, ni maître. David ne craint personne à part son employeur de père immigré polonais dur à cuire de la vieille époque.

 Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé et fauché…

– Jean troué

 A l’arrache David, non jamais! Après le « jean boyfriend » le « jean Wozniak », le must de l’été 2012. Se porte sale, troué et large.

 Toile râpée, couleur fanée un tel falzar démontre un certain laisser-aller… Tu n’es pas vraiment de ceux qui prennent le taureau par les cornes mais de ceux qui courent pour ne pas se faire encorner et tentent parfois des feintes audacieuses pour détourner la bête.

– Vieilles baskets

Les baskets, même défraîchies, sont un vrai plus quand on doit pouvoir pousser une pointe, poursuivi par des enfants biologiques en mal de père ou des créanciers peu amènes.

Sans aller jusqu’à soutenir ceux qui disent que les chaussures reflètent beaucoup de la personnalité de celui qui les porte… disons que tu ne respectes guère le dicton de l’élégante Coco Chanel disant qu’il faut toujours « soigner les extrémités » .

 

– Appartement

 Ami camelot et adepte du « Bon coin » tu as trouvé la caverne d’Ali Baba ! Un joyeux bric-à-brac témoin d’une vie bien remplie et d’une passion pour le ballon rond
Ces dames de « C’est du propre » vont s’arracher les cheveux, la déco passe encore mais la crasse, ça ne passera pas. Chance de survie d’un bébé dans un milieu hostile comme ton appartement : 1 heure max !

 

Héros ou zéro … qu’il est difficile de départager !
Et pourtant, quand on y réfléchit bien, qu’on prend un peu de recul avec ce film, qu’on y repense quelques jours après …
Tous ces éclats de rire pendant la séance. Toute cette simplicité dans ses rapports aux autres. Tout ce bien qu’il nous a procuré pendant presque 2 heures.

Sans conteste, David Wozniak est un héros des temps modernes ! Justement car il représente cette certaine idée du zéro à laquelle nombreux sont ceux qui aspirent.

A la rencontre de plusieurs générations, la sienne à laquelle il ne veut pas ressembler, et la suivante, celle de ses enfants, dans laquelle il s’intègre sans problème … bien malgré lui, et parfois au désespoir de son entourage !

Point positif tout de même, en entamant la quête de leur père biologique, les 533 enfants du généreux donateur ne se doutaient certainement pas qu’ils allaient découvrir un personnage aussi attachant que ce David Wozniak.

Et pour terminer, un dernier conseil …

Si vos parents ont voyagé au Canada dans les années 80,
Et si vous avez un doute sur la paternité de David Wozniak à votre endroit.
Un test de paternité est disponible sur le site internet, sait-on jamais …
http://www.starbuck-lefilm.com/test-paternite/.

 

  • Réalisation : Ken Scott
  • Scénario : Ken Scott et Martin Petit
  • Production : André Rouleau, Caramel Films
  • Direction photo : Pierre Gill
  • Montage : Yvann Thibaudeau
  • Costumes : Sharon Scott
  • Compositeur : David Laflèche

Casting

  • Patrick Huard : David Wozniak
  • Julie Le Breton : Valérie, la petite amie de David
  • Antoine Bertrand : l’ami avocat
  • Igor Ovadis : le père de David
  • Marc Bélanger : Paul, frère de David
  • David Michaël : Antoine, un fils de Starbuck
  • Patrick Martin : Étienne, un fils de Starbuck
  • David Giguère : le porte-parole des enfants de Starbuck
  • Sarah-Jeanne Labrosse : Julie, une fille de Starbuck
  • Patrick Labbé : Maître Chamberland
  • Dominic Philie : l’autre frère de David




Ken Loach – La part des anges : « Ta mère en kilt »

… Quand la jeunesse turbulente de Glasgow part à la rencontre de la noblesse fortunée des Highlands !

Dans son dernier film, le cinéaste britannique nous emmène dans les quartiers défavorisés de Glasgow.
Comme bien souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, les personnages qu’il nous fait rencontrer subissent de plein fouet les affres de la vie : chômage et délinquance côtoient les environnements familiaux chaotiques et s’unissent pour faire disparaître toute trace d’espoir dans le quotidien de leurs victimes.

C’est parmi ces naufragés, bien souvent repris de justice, que se rencontrent Robbie (Paul Brannigan), Albert (Gart Maitland), Rhino (William Ruane) et Mo (Jasmin Riggins). Condamnés à servir l’intérêt général pour leur éviter le supplice des prisons, ils vont se lier d’amitié. Et c’est à l’occasion de la visite d’une distillerie organisée par Harry (John Henshaw), le surveillant de la bande, que Robbie va découvrir la puissance de son goût et de son odorat.

Le whisky, cause de tant de désespoir dans leurs familles respectives, va alors se révéler être son unique source d’espoir. Ironie de l’histoire sans doute …
Le whisky et ses saveurs, véritable reflet de la condition humaine : âcre, tourbé, à l’image des héros du film; ou au contraire  céréale, fruité, comme le quotidien des richissimes amateurs de malt des Highlands.
Le whisky et sa fabrication, métaphore de la vie et de ses épreuves. Le whisky tire profit de chaque fissure, chaque imperfection et chaque brèche présentes dans les alambics qu’il traverse. Sans cette histoire qui lui est propre, il perdrait à jamais sa saveur et son authenticité.

Cette vie qui s’acharne, sans pour autant que la caméra de Ken Loach ne tombe dans le misérabilisme si tentant.
Car c’est encore une fois l’authenticité qui triomphe dans ce nouveau film du Britannique.

Il n’est pas question  pour Robbie, Albert, Rhino ou Mo de céder, de se laisser emporter par le courant de la violence sociale.
Là où tant d’autres auraient sans doute baissé les bras, abandonné la lutte, la « Dream Team » de nos jeunes héros ne plie pas les genoux. Elle se tient prête à affronter son destin.

Et quelle preuve plus évidente de cette dignité intacte, de cette détermination sans faille, que l’humour « so british » présent tout au long du film.

Comme souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, cette légèreté constitue une échappatoire précieuse à la gravité des lendemains de ses personnages.
Au-delà de l’humour et de l’ironie, c’est toute la palette de sentiments que déploie le réalisateur dans « La part des anges », et ce comme rarement il en avait eu l’occasion.

Larmes de rire, larmes de désespoir.
Fou rire, violence folle.
Espoir, fatalité.
La vie.
Rien que ça.

Le Jury du dernier festival de Cannes ne s’y est pas trompé en attribuant au film son prix 2012.
Pour tous ceux qui, au son de « Ken Loach » se disent : « Ah non, pas encore un film d’art et d’essai chiant à mourir » … Essayez quand même. On ne sait jamais. Une bonne surprise est si vite arrivée !

 

Titre original : The Angels’ Share
Réalisateur : Ken Loach

Acteurs :
Robbie : Paul Brannigan
Harry : John Henshaw
Albert : Gary Maitland
Nikki : Siobhan Reilly
Rhino : William Ruane
Mo : Jasmin Riggins
Thaddeus : Roger Allam

Producteur : Rebecca O’Brien
Scénariste : Paul Laverty

 




We are not dead

Une zone commerciale périurbaine comme on en connait tant, entre villes et champs, bordée par une voie rapide ou une nationale. A la fois décor et actrice du film cette zone est l’incarnation de notre société de consommation. Une société saturée, compulsive et déshumanisée. Comme la station de ski pouvait l’être dans « L’enfant d’en haut » d’Ursula Meier ce lieux cristallise les envies et les inégalités…

Un couple y gère mollement un restaurant exécutant des plats à base de pomme de terre mais c’est vraiment la soupe à la grimace… L’homme est broyé par le travail (Bouli Lanners). La femme est noyée dans l’ennui et la folie (Brigitte Fontaine).

Leur premier fils (Albert Dupontel) essaie de vendre du rêve mais surtout des sommiers dans un magasin de la zone éclairé au néon et vidé de tous clients… la faute à la crise.

Leur second fils (Benoît Poelvoorde) est un marginal – un punk- il erre entre parkings, ronds points et grandes enseignes de la distribution de cette même zone mais jamais sans son chien.

 

L’errance justement est un personnage clé du film. Qu’ils marchent de longues heures, qu’ils attendent, roulent ou qu’ils pèlent des patates, les différents personnages sont acteurs de longues et bizarroïdes scènes de quasi inactions qui créent des longueurs.

Fort heureusement ces longueurs sont compensées par des pépites grolandesques et ubuesques qui vous laisseront les yeux ronds comme des soucoupes.

 

« Le Grand soir » est avant tout un film drôle oui vraiment comique à la manière du cinéma social anglais à la Ken Loach. On pouffe, on rit -parfois jaune- mais on ne compte plus les scènes dont on sait dès le premier regard qu’elles deviendront cultes. Une petite révolution de monsieur Toutlemonde et un grand cri de résistante : « WE ARE NOT DEAD » !

 

Le Grand Soir réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kervern en salle depuis le 13 Juin. Prix spécial à « Un Certain Regard » Cannes 2012.




Pour lui, de Andreas Dresen

Là où « La Guerre est déclarée » nous parlait d’espoir, « Pour lui » nous protège contre le désespoir.
Le désespoir dans lequel tomberait naturellement une famille devant une telle situation.

Mais dans le cas de la famille Lange, c’est un peu différent.
Frank, marié à Simone, et père de deux enfants (Mika et Lili), est diagnostiqué d’un glioblastome alors qu’il entre dans la quarantaine.

A partir de là, chaque heure qui va passer, chaque jour, chaque mois, sera vécu intensément.
Pour Frank, il n’est pas question de vivre chaque jour comme le dernier, mais bien de vivre ses derniers jours.

S’ensuivent alors démence, dégradation rapide de sa condition physique et de ses capacités mentales.
Mais la vie est toujours là.
De tous ces moments tragiques, Frank, Simone, Lili et Mika vont faire surgir l’étincelle de la vie.

La coupe punk jamais osée …
La cuite avec sa belle-mère …
La vie est là.
Qui chasse pour des moments précieux cet odieux personnage qui s’est invité dans le foyer des Lange … La tumeur de Frank.

Il n’est pas question d’espoir dans ce film.
Mais de jeu, de tromperie avec le désespoir.

Sensibilité.
Pudeur.
Honnêteté.
Un documentaire n’aurait sans doute pas trouvé le ton plus juste.

Alors aussi paradoxal que cela puisse paraître :

Ce film est réussi,
DONC,
Réfléchissez bien avant d’aller le voir.

Pour lui
Titre original : Halt Auf Freier Strecke
Réalisé par : Andreas Dresen
Durée : 1h40min

Avec :
– Steffi Kühnert: Simone Lange
– Milan Peschel: Frank Lange
– Talisa Lilli Lemke: Lilly Lange
– Mika Nilson Seidel: Mika Lange
– Ursula Werner: Renate, la mère de Simone
– Marie Rosa Tietjen: la soeur de Simone
– Otto Mellies: Ernst, le père de Frank
– Christine Schorn: la mère de Frank
– Bernhard Schütz: Stefan
– Thorsten Merten: La tumeur
– Inka Friedrich: Ina Lange




Lundi – Martha Marcy May Marlene

Quatre prénoms pour une seule femme, c’est lourd à porter.
Derrière chacun de ses prénoms se cache une histoire. Une vie même.

L’éblouissante Elizabeth Olsen a été, est et sera chacune de ces femmes.
(NDLR : oui oui, Olsen, les soeurs Olsen, ce sont ses grandes soeurs).

« S’enfuir d’une secte.
Retrouver sa famille.
Se reconstruire. »

Le schéma du film semble simple. Mais c’est sans compter sur le traumatisme vécu.
Et progressivement, un nouveau cheminement nous apparaît.
Limpide certes, hélas sans dénouement possible.

« Quitter sa famille.
Retrouver ceux que le sang nous fait appeler famille.
S’enfoncer.
Se disloquer.
Perdre pied. »

Perdre pied. Perdre tous ses repères.
Vivre le mal. Vivre avec le mal. Revivre le mal.
Et finalement céder. Lâcher prise.

Sean Durkin (Two Gates of Sleep, Afteschool, Mary Last Seen, …) nous fait plonger dans la terreur (en apnée bien sûr, n’espérez pas respirer pendant ce film !)
Et pour contraster au mieux avec cette terreur, quoi de plus efficace qu’une nature rayonnante ?
L’innocence des décors champêtres. Le calme des étendues d’eau.

Et pourtant, malgré ces magnifiques images, le jeu d’acteur saisissant d’E. Olsen, personne à la sortie de la salle n’ose prononcer le désormais facebookien « J’aime ! », tant ce film éprouve le spectateur, tant il lui demande, tant il exige de lui.

Réalisé par : Sean Durkin
Avec : Elizabeth Olsen, John Hawkes, Sarah Paulson

Bande annonce (VOST) :




Lundi – Drive : J’te dépose ?

Dans la salle et à l’écran, la course poursuite a démarré.
Spectateur bien attaché. Prêt à recevoir une claque visuelle.

Pas besoin d’attendre très longtemps, les premières images donnent le ton.
Une réalisation à couper le souffle, une photo à rendre jaloux un Jean-Pierre Jeunet.
Et un Ryan Gosling en cascadeur pilote, épatant.
A l’image de sa voiture. Un extérieur lustré, polissé. Mais qui cache bien son jeu, et peut se montrer hargneux, haineux, violent.

« A real hero » en somme …

Dépêchez-vous d’aller prendre votre claque sur un grand écran, il sera bientôt trop tard, et vous devrez vous rabattre sur un morne écran de télévision …

A noter toutefois la petite faiblesse au niveau de la synchro son … (n’est-ce pas Ben ?)




La Taupe – Méfiez-vous de tout le monde …

Amis paranoïaques, passez votre chemin.
Amis ai-je dit … Abus de langage, on n’est jamais trop prudent.
Les changements de camp sont si fréquents.
Passer d’Est en Ouest et réciproquement …Ce n’est pas un rideau de fer qui va empêcher les transferts et les transfuges.

Vous l’aurez compris, le dernier film de Tomas Alfredson, adapté d’un roman de John LeCarré, nous fait revenir au début des années 70. La guerre froide fait rage. L’information est déjà au centre de toutes les préoccupations.

Dans cet univers, les Services Secrets britanniques (le MI6, aussi appelé le « Circus ») sont en effervescence.
Une mission ratée, un cadavre embarrassant.
Une taupe à identifier.
Tout le monde est présumé coupable. Personne ne peut être entièrement innocent.

S’ensuit alors une véritable guerre psychologique entre les principaux membres dirigeants du plus haut service de renseignement britannique.
Tous les stratagèmes sont à considérer pour mettre la main sur cette taupe.
Cette taupe qui joue double jeu avec l’Est. Qui met en danger les intérêts de la Couronne.

Ils sont bien loin les films d’action à la James Bond …
Pas d’explosion, pas de coups de feu (ou presque), pas de James Bond girl.

Mais une tension de tous les instants.
Et le spectateur n’est pas laissé sur la touche.
La musique, les jeux de lumière, les silences, les jeux d’acteurs.
Tout contribue à répandre ce sentiment de malaise. Un sentiment de crainte. Un sentiment de défiance.
La découverte de la taupe devient la quête personnelle de chacun des spectateurs dans la salle. On ne peut clairement pas abandonner. On ne peut imaginer ressortir de la salle sans la clé du mystère.

Bref … c’est gagné pour Tomas Alfredson !

Ajoutez à cela un Gary Oldman au meilleur de sa forme, qui nous démontre une fois de plus son talent à s’adapter à ses personnages.
Flegme.
Retenue.
Ténacité.
Il ne lâchera rien avant d’avoir mis la main sur cette funeste taupe.

Alors, en cette période grand froid, un seul conseil : allez vous enterrer dans la salle de cinéma la plus proche, et partez avec lui à la recherche de « La Taupe » !

 

Avec : Gary Oldman, Benedict Cumberbatch, Toby Jones, Tom Hardy, John Hurt, Colin Firth,
Mark Strong

Réalisation : Tomas Alfredson

Scénario : John Le Carré, Peter Straughan, Bridget O’Connor

Production : Tim Bevan, Robyn Slovo, Eric Fellner




Mardi – Quel est Mon noM? de Melvil Poupaud

Contre le ciel de traîne. Le spleen. Et la routine. I say « Melvil ». Coup de coeur de la semaine, du mois même :): « Quel est mon nom » de Melvil Poupaud, édité chez Stock.

Peut-être vous demanderez vous, – comme moi, quel est ce comédien qui offre en pâture à un tel âge ses Mémoires : est-ce un présomptueux un peu fou et /ou cynique, capitalisant sur sa belle gueule et ses connexions ou bien un artiste (un peu fou aussi), qui a eu la chance, mais surtout le talent d’avoir une vie d’une richesse crasse? La bonne réponse est évidemment la deuxième 🙂

Quel est Mon noM est un étrange objet littéraire, quelque part entre le scrapbook, le journal intime, le livre d’art et le scénario de cinéma. L’opus est taillé comme son auteur : multiple, dense, poète, créatif,… et franchement passionnant.

Melvil lives in a wonderful world. On s’attarde. On flâne. On s’émerveille. Sauf que le chapelier fou, le lièvre de Mars, la reine de coeur et le lapin blanc ont pour nom Serge Daney, Raul Ruiz, Marcello Mastroianni et Sa Majesté le 7e art et la Sainte Créativité.

Entre cartes postales, brouillons de scénar, storyboards, clichés et bouts de journal intime, Poupaud décline avec grâce son interprétation du genre autobiographique. Comment mettre en scène sa vie, ou plutôt comment faire de souvenirs une oeuvre à son image. Tout est jeu.

Si lire ce livre pousse certes à se faire illico une nuit Ruiz/Deneuve/Mastroianni/Duras (et on ira se pendre après), il donne surtout une furieuse envie… de créer.
Et rien que pour ça…

Quel est Mon noM ?, Melvil Poupaud. Stock. 2011




L’Amour dure trois ans – F. Beigbeder

Gaspard Proust … A la recherche de l’amour perdu …

C’est l’histoire d’une rencontre.
C’est l’histoire d’un sentiment.

Au début, on ne s’attend à rien.
Et l’instant d’après, c’est une évidence.

Un simple regard a suffi.
Quelques mots et la magie opèra.

On se répète que ça ne durera pas.
On se dit qu’on a déjà vécu ça.

Qui disait que ça n’arrivait qu’aux autres ?
Qui nous privait de ce bonheur jubilatoire ?

Ce n’est sans doute pas très bobo.
Ce n’est peut-être même plus réac.

L’amour me direz-vous ?
L’admiration vous répondrai-je.

Gaspard Proust.
Marc Marronier.

C’est à mes yeux la meilleure raison de courir vérifier si « L’Amour dure Trois Ans ».
Rires. Pleurs. Mais surtout rires.
Rires. Rires. Et surtout rires.

 

 

 




Vivement la guerre …

Soyons provocateurs !
Oui, vivement la guerre, ou plus précisément, vivement que la guerre soit déclarée. N’allez pas y voir là des velléités belliqueuses, mais bien une réelle curiosité cinématographique.

« La Guerre est déclarée » est en effet le titre du second long métrage de Valérie Donzelli (qui avait signé « La reine des pommes », sorti en salles en 2010), et largement remarqué à l’occasion du dernier festival de Cannes.


Une histoire d’amour. Ordinaire. Avec joies et peines.
L’apparition de l’enfant, puis de la maladie. Et le combat du quotidien, le combat au quotidien, le combat contre le quotidien.


Et c’est bien tout ce chapelet d’émotions qui nous assaille à l’écoute de la BO du film.
Une bande originale pour le moins originale, où Vivaldi côtoie Jacques Higelin, et des créations originales interprétées par les deux acteurs principaux du film : Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm.


Musique classique, nouvelle scène française, musique électro … Un tel ecclectisme dans une bande originale (8 extraits pour le moment, sur 18 morceaux pour la Bande Originale dans son intégralité) laisse présager toute la complexité des personnages, des émotions véhiculées tout au long du film, des contradictions, des personnalités, … bref, de la vie dans ce qu’elle a de plus basique, et paradoxalement aussi de plus complexe.


Alors, oui, vivement la guerre …
Au cinéma le 31 août. A suivre !


Bande originale disponible sur les plateformes de téléchargement depuis le 11 juillet.
Plus d’informations sur www.laguerreestdeclaree.com





Festival d'écologie urbaine et populaire

Pollution, malbouffe, économie mondiale, logements-passoire… : la résistance populaire s’organise autour d’un chouette festival sur une petite île perdue au milieu du 9-3.
Parce que oui, il se passe autre chose que des vols à la portière et des trafics de drogue en banlieue parisienne.

La troisième édition du festival Effet de C.E.R. (Cinéma, Ecologie, Résistances) s’ouvre ce soir à 19 heures.
Mention spéciale pour le dernier documentaire de Marie-Monique Robin. La journaliste qui s’était fait connaître notamment par le détonnant « Monde selon Monsento » qui s’attaquait à la célèbre firme d’ OGM, revient avec un livre et un documentaire Notre poison quotidien. Diffusé le 15 mars dernier sur Arte, elle se déchaîne cette fois sur les produits chimiques présents dans notre alimentation. Ajoutez à cela les dernières actualités sur les décès liés aux staphylocoques du Quick d’Avignon et l’intoxication alimentaire au Kebab de Chartres, voilà de quoi prendre son abonnement à vie dans une Amap, plus radical, se laisser crever de faim, ou partir monter sa ferme sur le plateau du Larzac… (La dernière option est tentante!)
Le documentaire sera suivi d’un débat et d’une séance de dédicace avec la journaliste. Si vous entendez les ventres gargouiller dans la salle accompagnés des  » bruits glutturaux en La mineur  » produits par les salives ravalées, ne soyez pas surpris.
Samedi, Indices, le documentaire du réalisateur Vincent Glenn, sera projeté à 14 heures, histoire de savoir comment les États se soucient de notre Bonheur Intérieur Brut en gardant le vieil outil de mesure usé qu’est le P.I.B (séance suivi d’un débat avec le philosophe et essayiste altermondialiste Patrick Viveret)
Dimanche, le documentaire de Jean-Pierre Thorn, 93, la belle rebelle, clôture en beauté le festival.
Pour terminer par un regard original porté sur un territoire, qui, quand on sait lui parler, déborde de belles rencontres. Et régale nos oreilles avec ses cultures musicales alternatives trop souvent mises au placard par un Rap commercial omniprésent.

Le programme

Vendredi 18, samedi 19 et dimanche 20 mars 2011 au Centre culturel Jean Vilar – 3, rue Lénine, L’Île-Saint-Denis (93), Pass 3 jours = 3 €




La démesure se réfléchit dans les salles obscures

Bon évidemment, c’est mieux d’être un minimum partisan, au moins sur certains points, avant d’aller à l’édition 2010 du festival de cinéma d’Attac, dédié cette année à « La démesure, jusqu’à quand ? ».

Pourquoi partisan ? Parce que l’association, dont l’acronyme signifie Association pour la Taxation des Transactions Financières, lutte pour, je cite, « la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale, et culturelle dans l’ensemble du monde ».

Mais y être sensible n’est pas nécessaire pour se sentir concerné par les thèmes abordés tout le long de ce festival : la gestion des déchets, les impérialismes, l’innovation technologique, l’agroalimentaire et la santé, la surveillance ou encore les impacts de la finance. Cela via des films et documentaires – médiatisés comme celui de Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global ou plus confidentiels, et point trop partisans – mais aussi par des débats.

Enfin, si, malheureusement, comme Houellebecq, vous estimez que votre pays n’est ni plus ni moins qu’un hôtel*, il me semble qu’il y a la TV dans ces lieux de passage. Vous aurez alors peut-être plaisir à simplement aller visionner des longs métrages comme Wall-E (d’Andrew Stanton), Trafic (de Jacques Tati), Soldat Bleu (de Ralph Nelson), ou encore le cultissime Brazil, de Terry Gilliam.

Pour tout cela, le rendez-vous est au cinéma La Clef, à Paris, du 17 au 23 novembre. Pour le programme, c’est ici. Quant à l’adresse, c’est .

*Matinale de France Inter du 09 novembre 2010