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Un plaisir tout en désuetude

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La première minute est effrayante : au lever de rideau, on est plongé dans les tréfonds immémoriaux que représentent pour nous le milieu du XXe siècle : musique, décors en carton, paroles frivoles, difficile de faire plus désuet. Puis, dès la deuxième minute on est conquis : tout n’est en fait qu’humour et le côté vieillot complètement assumé ajoute une touche extrêmement drôle à un spectacle qui l’est déjà beaucoup.


C’est l’histoire de deux frères et une sœur de la campagne qui montent à Paris afin de trouver un parti. Pour cela, ils se rendent à ce qu’ils pensent être l’agence matrimoniale. Par un quiproquo, ils se retrouvent embauchés comme domestiques chez un riche docteur de la ville, pensant que ce dernier, sa fiancée et sa sœur sont leurs futurs époux.


Ce revival est orchestrée avec rythme, les acteurs sont mis en scène de façon élégante et dynamique, chacun doté d’une personnalité est d’une voix particulière ce les rend d’autant plus intéressant à voir comme à écouter. On observera particulièrement la sœur venue de Loche qui campe une provinciale illuminée d’un grotesque totalement assumé : c’est irrésistible, sans oublier le personnage de la maîtresse, extrêmement coloré qui ajoute parfaitement le piment nécessaire à cette comédie bourgeoise.


Ce spectacle musical sans prétention est une adaptation, mais qu’on se rassure : la construction et l’humour caractéristique de l’auteur sont respecté, et comme dirait une dame (d’un âge respectable!) du public un soir de générale : « Feydeau aurait adoré ».


Pratique : « Les fiancés de Loches », actuellement au théâtre du Palais-Royal (1e arrondissement). Horaires et réservations sur http://theatrepalaisroyal.com et par téléphone au 01 42 97 40 00. – Reprise pour l’été 2015, du mois de juin au mois d’août




« Chat en Poche » à l’Artistic Athévains

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Copyright : Marion Duhamel

Avec cette mise en scène de « Chat en Poche », Anne-Marie Lazarini contribue à nous interroger sur la difficulté de jouer Feydeau à notre époque. Certes, ce dernier reste un auteur très populaire et visible. Sa puissance comique n’a pas disparu. Mais tout de même… Suffit-il de le mettre en scène dans un beau décor bancal aux tons gris et aménagé de meubles flashy pour rendre ce vaudeville un tantinet moderne ? En ce qui concerne « Chat en Poche », nous n’en sommes pas certains, tellement l’intrigue sue le XIXe siècle et le parti pris de la mise en scène n’est pas clair…

Qui cela amuse-t-il aujourd’hui, d’assister au désarroi d’un riche industriel de la Troisième République qui cherche à acheter sa postérité auprès d’un chanteur d’opéra (Dufosset), et de suivre celui-ci et ses proches dans sa quête (qui sera forcément un échec), pendant que le jeune premier occupe le cœur de toutes les dames de la maisonnée ? Qui est encore diverti par ces quiproquos entre futurs époux, entre Dufosset et ses femmes, sans oublier les maris de ces dernières ?

On ne peut pas dire que l’on ne rie pas : ces personnages qui se retrouvent enfermés dans des situations inextricables dans lesquelles ils se sont mis tout seul est tordante, surtout lorsque l’histoire est remarquablement servie par la performance des acteurs (en particulier Dufosset, interprété par Cédric Colas). Mais la mise en scène d’Anne-Marie Lazarini vogue dans une sorte d’entre deux eaux entre désuétude et modernité. Les acteurs courent, mais ne sont pas dynamiques pour autant.

Néanmoins, on retiendra quelques beaux effets, la sensation d’avoir passé un moment agréable mais avec cette gène d’un spectacle d’un autre temps qui nous revient tout au long de la représentation.

Pratique :
Actuellement au théâtre Artistic Athévains
45 rue Richard Lenoir, 75011 Paris
Les mardi, vendredi, samedi à 20h30. Le mercredi et le jeudi à 19h, et en matinée le samedi à 16h et le dimanche à 15h.
Durée : 1h20
Réservations au 01 43 56 38 32

 




« Un fil à la patte » dynamique au théâtre de Belleville

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En ce moment au théâtre de Belleville se joue « Un fil à la patte », comédie demi-mondaine de Georges Feydeau. La compagnie « Hocemo Théâtre » nous en propose une version prenante, dynamique et très vivante.

Lucette Gauthier est une femme libre, forte … Chanteuse de cabaret, elle a une vie délicieuse. Se lève à midi en compagnie de son amant, déjeune et puis reçoit, à sa convenance et selon son envie. Parmi ceux qui patientent aujourd’hui, il y a un parolier et une dame qui voudrait l’engager pour le soir…

Malheureusement, monsieur Bois d’Enghien, qui a passé la nuit avec Lucette et qui lui donne tant de plaisir à vivre doit signer son contrat de fiançailles le soir même, durant une sauterie où Lucette est invitée à chanter. Bien sur, ni l’un ni l’autre ne sont au courant. La pièce est une belle illustration du génie de Feydeau, qui fait durer et monter jusqu’à l’explosion la plaisanterie pendant 3 actes.

Ce vaudeville est aussi une critique franche du monde de Feydeau (la France mondaine de la fin du XIXe). Il est intéressant de voir que la comédie humaine dénoncée dans ce comique de situation est toujours d’actualité. L’humour qui en ressort ne semble en rien désuet.

Sur scène à Belleville, tous les acteurs sont jeunes. Ils ne semblent pas avoir plus de 35 ans. De cette jeunesse, par ces bouches presque juvéniles, Feydeau semble plus vivant que jamais. Le texte, le rythme sont très bien tenus, on entend les mots, les phrases et tout cela sonne moderne à nos oreilles. C’est une prouesse, car en plus d’être doués d’une diction impeccable, les personnages ont un jeu d’une exagération maîtrisée ahurissante. Sans parler de leurs corps, il se dégage des situations clownesques, voir cartoonesques de leurs gestes. Les comédiens nous font rire et nous ébahissent, même lors des passages sans texte sans qu’aucun ne soit moins bon que les autres : rarement il est permis de voir un aussi haut niveau d’excellence entre tous les acteurs.

Ces choses mises ensemble, on assiste à un vrai moment de théâtre où tout est calculé au millimètre près, de l’entrée des comédiens aux décors en passant par les virgules du texte et les changement de rôles des comédiens pendant la pièce. La compagnie Hocemo fait parfaitement ressortir l’essence de la leçon de comique donnée par Feydeau, un régal.

Pratique : Jusqu’au 28 février au théâtre de Belleville, 94 rue du faubourg du Temple, 75011 Paris.
Réservations par téléphone au 01 48 06 72 34 ou sur www.theatredebelleville.com.
Tarifs : de 10 à 25 €.

Durée : 2 h

Mise en scène / Jeu : Lise Quet

Avec : Nicolas Fantoli, Cindy Rodrigues, Julien Large, Lionel Rondeau, Damien Prévot, Rémi Dessenoix (en alternance avec Florent Bresson), Amandine Calsat, Claire Pouderoux