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Un Grand Hôtel de l’Europe délabré

Copyright : Pauline Le Goff
Copyright : Pauline Le Goff

Sur la petite scène du théâtre de Belleville sont installés un comptoir d’hôtel avec sa sonnette et son pendant : un fauteuil pour permettre à qui en aura besoin de patienter dans le hall de ce qu’on comprend très vite être un palace sur le déclin, le Grand Hôtel de l’Europe.

C’est le jour de l’arrivée d’un nouveau directeur. Cet événement exceptionnel est prétexte à montrer au spectateur une galerie de personnages peuplant l’hôtel : réceptionniste, bagagiste, femme de ménage, client, homme politique corrompu… Trois acteurs passent d’un rôle à l’autre en fonction des scénettes.

Des scènes sont ponctuées de chansons qui ouvrent les portes sur l’intime des personnages qui les interprètent. On découvre l’onirisme et les rêves qui habitent chacun d’eux, de la quête de pouvoir à la celle de plus de RTT.

Malheureusement, le spectacle semble bâclé et le résultat est souvent plus ennuyeux que l’observation d’un vrai hall d’hôtel. Les personnages, peut-être trop nombreux, sont très inégaux dans l’interprétation. On pense notamment à la réceptionniste, madame « Pinjohn » à l’accent sensé être britannique mais virant volontiers vers l’africain caricaturé.

Il y a une piste burlesque, presque cartoonesque qui est esquissée, mais les personnages ne vont pas au bout. Les acteurs semblent être comme des comédiens amateurs, obsédés par l’idée de faire rire le public au moyen de gags et autre « trucs », mais cela ne fait pas mouche puisque le fond des caractères des personnages est mal dessiné. Une grande partie des actions est déshumanisée. Rien ne paraît naturel et finalement rien ne nous touche.

Ce manque de travail est d’autant plus visible que les lumières sont aussi réfléchies que pour l’éclairage d’un hôpital, à l’exception des passages chantés où le noir se fait et laisse place à l’imagination. Une imagination néanmoins sapée par la justesse harmonique très approximative des interprètes.

Malgré quelques bonnes idées, ces nombreux défauts et une fin affligeante peignent un hall d’hôtel factice où la folie manque cruellement pour nous emporter.

« Grand Hôtel de l’Europe » un spectacle de la compagnie Tàbola Rassa,  actuellement au Théâtre de Belleville, mardi à 21h15, du mercredi au samedi à 19h15, dimanche à 17h. Durée : 1h15. Plus d’informations sur www.theatredebelleville.com.




Les Nombrils – Voyage hilarant en égotisme

Trop souvent ignoré, délaissé, voire pire, torturé, nous devrions tous avoir une pensée émue pour notre nombril, voilà pour moi c’est fait… Évidement le sujet de ce billet n’est pas notre petite cicatrice située sur l’abdomen, résultat de la coupe du cordon ombilical, mais de la pièce Les Nombrils actuellement au théâtre Michel.

Après s’être caressé le ventre, vient tout de suite en tête le syndrome de l’ego surdimensionné, dit le melon, et c’est bien le thème de cette pièce truculente et hilarante : une troupe de quatre comédiens égotiste au talent plus que discutable dirigée par un metteur en scène souhaitant interloquer le spectateur par une approche révolutionnaire du théâtre. cinq personnages donc, rejoints très vite par un sixième jouant tous les différents hôteliers rencontrés pendant leur tournée provinciale.

Le regard lointain, la main sur le cœur, la voix calée en mode vibrato, ces pseudos acteurs essaient tant bien que mal de jouer une pièce incompréhensible qu’un Shakespeare de boulevard sous LSD, promenant sa collerette dans les plaines de Kiev, aurait pu écrire dans un moment de grande détresse personnelle.

Il y a tout d’abord la grande actrice à la carrière longue comme le bras d’un bébé Hobbit qui a connu son heure de gloire dans une pub pour de la farine, le comédien à l’haleine douteuse qui ne cesse de dépiler son CV empli de films que personne n’a jamais vus, le jeune apprenti de 40 ans dont le talent n’a été repéré que par sa maman, et l’ingénue qui hésite entre le théâtre, le doublage de films pornos et le pole dance. Leurs égos sont mis à mal par l’abandon de leur producteur qui devait financer cette tragédie russe jusqu’au graal ultime : le festival d’Avignon !, mais également par les réceptionnistes des hôtels de seconde zone notamment par un Corse qui imposera sa vision de la pièce à la sauce indépendantiste. Le metteur en scène, dépassé par autant de talent concentré, se démène dans tout cela pour imposer sa vision myope d’un théâtre du futur.

 

crédit photo : Franck Harscouet
Crédit Photo : Franck Harscouet

En plus d’un pitch original qu’est-ce qui fait que la pièce Les Nombrils soit si réussit ? Tout d’abord le texte, en effet, l’écriture est ciselée et précise, les répliques fusent et font mouches :

« Il y a tellement de noms d’oiseaux qui volent au-dessus de ma tête qu’il y en a bien un qui va me chier dessus ! » du Audiard en somme !

Ensuite, l’interprétation, il faut beaucoup de talent pour se faire ainsi maltraité dans cette autodérision permanente et chaque personnage, pris individuellement, peut même émouvoir.

Assurément un des succès de cette seconde partie d’année et alors que la pièce fictive n’attire qu’une vingtaine de spectateurs au début des représentations (beaucoup moins à la fin), cette parodie allèche le badauds tant les fous rires sont nombreux et bruyants.

Un conseil, ne vous couvrez pas trop, il fait très vite chaud.

« Les Nombrils », actuellement au théâtre Michel (8e arrondissement), du mardi au samedi à 21h et en matinée le samedi à 17 h 30. Plus d’informations sur http://lesnombrils-lapiece.fr.