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Au Théâtre de l’Œuvre : Isabelle Carré ravive Audrey Hepburn comme elle le peut

Photo : Pascal Victor/ArtComArt
Photo : Pascal Victor/ArtComArt

Seule en scène au Théâtre de l’Œuvre, Isabelle Carré incarne une Audrey Hepburn fragile, en marge des clichés qu’on en garde, mise en scène par Jérôme Kircher d’après la biographie romancée que Clémence Boulouque a consacrée à la légendaire actrice, intitulée « Un instant de grâce » où elle s’est intéressée aux zones d’ombres de la vie de la « fiancée de tous les américains ».

Sur scène, Isabelle Carré fait son entrée vêtue d’un long manteau qui ne rappelle pas directement une quelconque tenue mythique d’Audrey Hepburn, avant de s’en dévêtir pour prendre place dans un lourd et confortable fauteuil, élément de décor imposant, disposé au cœur de ce qui semble être une chambre d’hôtel.

Pendant un peu plus d’une heure, Isabelle Carré, dont les traits n’ont pas été poussés à la ressemblance avec l’icône hollywoodienne, nous livre une longue confession adressée à son père qui l’a abandonnée étant jeune. Par de nombreux regrets et quelques larmes exprimés à ce père disparu mais néanmoins toujours présent pour elle, Isabelle Carré incarne une Audrey Hepburn au sourire fragile. Tout dans ce spectacle est élégant, délicat, et l’on ne peut qu’apprécier la proximité, voire même l’intimité qui s’établit entre la comédienne et le public. Pour autant, le texte de Clémence Boulouque est sans intérêt c’est davantage le plaisir de la voir Isabelle Carré aussi proche de nous qui nous captive, bien que l’intrigue,aborde le rêve de carrière de danseuse de l’actrice, la collaboration de son père et son intimité, il ne présente pas de tension dramatique particulière. Les problèmes évoqués ne sont qu’esquissés, là où l’on s’attendait à un vrai travail d’introspection face au passé nazi du père de la star, on assiste à un discours flottant.

Si l’icône tant adulée qu’était Audrey Hepburn est ravivée dans ce qu’elle pouvait avoir de plus candide et d’élégant avec beaucoup de sobriété et une certaine recherche de poésie, le texte condamne le jeu à rester en surface, dévoilant alors quelques longueurs. N’en demeure pas moins qu’Isabelle Carré s’en sort avec autant de classe que la femme légendaire qu’elle incarne.

« Le sourire d’Audrey Hepburn », auteure et adaptatrice Clémence Boulouque, mise en scène de Jérôme Kircher, du 2 novembre au 8 janvier 2017 au Théâtre de l’Œuvre, 55, rue de Clichy, 75009 Paris. Durée : 1h15. Pour plus d’informations : http://www.theatredeloeuvre.com/




Feuilleton théâtral : semaine n°45

Copyright : Danica Bijeljac
« L’Abattage rituel de Gorge Mastromas » / Copyright : Danica Bijeljac

En cette semaine n° 45, William Shakespeare est (encore!) omniprésent : du Théâtre de l’Aquarium au Cent-Quatre, bien qu’il ne m’aie pas suscité la même exaltation partout…

Du côté de la Cartoucherie, on voit succéder à « Hamlet Transgression » – variation sans queue ni tête aux formes ringardes se déclarant actuelle – « Richard III, loyaulté me lie ». Ce dernier est une adaptation de Jean Lambert-wild qui a remporté un large succès critique, mais ne m’a pas convaincu tant je trouve que l’œuvre est débarrassée de sa noirceur. Devenu clown sur un stand de foire, dans une ambiance sucrée et colorée, Lambert-wild joue le rôle principal face à Élodie Bordas qui incarne tous les autres. Trucs et astuces amusent le spectateur et nous mènent loin de ce que j’aime chez Shakespeare, d’autant que la pièce a été brillamment montée ces dernières saisons par Thomas Jolly, mais aussi et surtout par Thomas Ostermeier.

Toujours pour Shakespeare, au Cent-Quatre, le collectif OS’O adapte Timon d’Athènes et Titus Andronicus. Ici aussi l’anglais est totalement débarrassé d’une quelconque fidélité au texte : les bordelais, vainqueurs de l’édition 2015 du Festival Impatience s’évertuent à extraire les enjeux principaux des deux pièces pour questionner le rapport de l’humain aux dettes, financières et morales : un spectacle actuel et prenant comme une série américaine.

"Nkenguegi" - Copyright : Samuel Rubio
« Nkenguegi » – Copyright : Samuel Rubio

D’autres collectifs se sont illustrés mercredi et jeudi. Les 11 acteurs, danseurs et musiciens qui entourent Dieudonné Niangouna au Théâtre Gérard Philipe dans une création ardue, « Nkenguegi », assurent le « show ». Mais ce mélange où se croisent le drame du Radeau de la Méduse – sans dire que les naufragés sont des colonisateurs au large des côtes du Sénégal – et le drame des migrants qui échouent en Méditerranée, est un patchwork de mots si confus qu’on est vite pris en otage par l’ennui. Du côté du Théâtre-Studio d’Alfortville, un autre collectif raconte la vie de Gorge Mastromas (de Dennis Kelly), mis en scène par Maïa Sandoz, le pari est réussi. On y voit Adèle Haenel, fondue dans la troupe qui l’a accompagnée depuis le début de sa carrière. Peut-être aurais-je attendu davantage d’une actrice césarisée ? Mais son attachement à être un composant de ce groupe est bien respectable.

Enfin, j’ai passé mon dimanche 13 novembre au Théâtre de l’Œuvre, en compagnie d’Isabelle Carré. Élégante, satisfaisant un public de matinée, elle joue un texte de Clémence Boulouque qui ne mérite aucun intérêt. Pas plus que le UBU Café nouvellement installé au sous-sol du théâtre et, si le personnel y est très souriant, est éclairé par une lumière si froide que l’on préfère la rigueur automnale de l’extérieur pour patienter.

Hadrien Volle

  • « Hamlet Transgression », jusqu’au 3 décembre au Théâtre de l’Aquarium

  • « Richard III, loyaulté me lie », jusqu’au 3 décembre au Théâtre de l’Aquarium

  • « Nkenguegi », jusqu’au 26 novembre au Théâtre Gérard Philipe, Saint-Denis

  • « L’Abattage rituel de Gorge Mastromas », jusqu’au 19 novembre au Théâtre Studio d’Alfortville

  • « Timon/Titus », jusqu’au 26 novembre au Cent-Quatre

  • « Le Sourire d’Audrey Hepburn », jusqu’au 8 janvier 2017, au Théâtre de l’Œuvre