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De l’insouciante légèreté de la jeunesse

L’âge de la jeunesse : passage sublime et inconscient duquel on ne sort jamais indemne et dont on garde, souvent, des souvenirs impérissables. Une période qu’Arnaud Desplechin raconte avec douceur et légèreté dans son dernier film, Trois souvenirs de ma jeunesse

Le temps qui passe, l’existence, l’amour, autant de thème qu’aborde ce nouveau long-métrage, qui, une fois de plus, ne nous déçoit pas en étant cet hymne à la vie et au vivant. D’un récit en trois parties, le réalisateur nous conte différentes étapes, de l’enfance à l’adolescence, sous les traits et le jeu de Paul Dédalus, son personnage principal. Pourtant, à la fin du film, c’est bel et bien d’Esther dont on a retenu le nom et le visage ; cheveux blonds et regard enchanteur, elle est le souvenir d’un amour de jeunesse perdu. Le cœur de l’histoire repose ainsi sur l’amour, naïf, brut, que les relations adolescentes peuvent entretenir. Les liaisons passionnées et destructives de nos vieux amants d’antan qui conditionnent notre avenir.

© Jean-Claude Lother / Why Not Productions
© Jean-Claude Lother / Why Not Productions

Les premières minutes du film portent l’ambiance nostalgique et mélancolique qu’accompagne les belles histoires d’amours qui se terminent. Paul, s’apprête à quitter le Tadjikistan et les bras d’une jolie femme qui semble plus émue que lui à l’idée de le voir partir. Il retourne en France, très vite rattrapé par des souvenirs : son enfance et la relation conflictuelle avec sa mère, les liens familiaux avec ses frères et sœurs, sa première sortie scolaire avec son meilleur ami. Avec succès, Desplechin, ne manque pas de jouer sur le décalage narratif de certaines séquences, intervertissant des scènes dramatiques avec de l’action. Le chapitre sur la Russie est d’ailleurs un battement très agréable de l’histoire, bref mais efficace, qui donne une nouvelle dynamique. Une partie primordiale pendant laquelle Paul est amené à offrir ses papiers à un jeune garçon, lui donnant ainsi son identité. N’étant alors plus le seul Paul Dédalus sur la terre, il se questionne quant à l’existence et sur qu’est-ce « être quelqu’un ».

Son existence, il ne semble l’avoir trouvé qu’à travers les yeux d’Esther, qui constitue la troisième partie, bien plus longue, du film. Loin des teen movies à l’eau de rose, c’est une histoire d’amour poétique, philosophique presque, qui revient sur les prémisses des premiers amours, des tendres moments de séductions aux désaccords qui entrainent la rupture. Un tableau sublime qui se compose doucement pendant plus de deux heures par le biais de séquences intemporelles, d’images comme ralenties, de regard fixe qui emportent le spectateur. D’une beauté visuelle, le film repose également sur la qualité de ces dialogues et du génie du bon mot de Desplechin. On lui reconnaît l’art de la citation, de la belle parole qu’il nous chuchote aux oreilles. Chaque mot sonne juste et vrai résonant ainsi plus fort en chacun de nous.

De cette envolée filmique on retient également les acteurs, Quentin Dolmaire (Paul) et Lou Roy Lecollinet (Esther). Tous deux signent ici leur premier grand rôle avec triomphe. De leur maladresse, se transmet un charme fou. Attachant dans leurs imperfections, ils sont tous deux le reflet d’une jeunesse exaltée et passionnée qui promet de grande chose. Trois souvenirs de ma jeunesse agit comme un véritable miroir et nous renvoie à nos expériences (mal)heureuses de jeunesse. Un film qui en bouleversera certains, doux, tendre dans lequel flâne un agréable parfum de nostalgie donnant envie d’avoir à nouveau 20 ans.

 « Trois souvenirs de ma jeunesse », d’Arnaud Desplechin, sortie au cinéma le 20 mai 2015.




Manifeste pour un hasard libre et non faussé

sardou

Dans un décor réaliste et avec une mise en scène de Steve Suissa qui partage cette même volonté, le spectateur est invité dans une « maison au fond d’un parc », à assister au nouveau drame d’Eric-Emmanuel Schmitt, « Et si on recommençait ? »

Une pièce qui vient s’ajouter à celles que l’on voit depuis quelques années dans son Théâtre Rive-Gauche et dans lesquelles on est habitué à voir Francis Huster et un autre Sardou : Davy. Cette fois-ci, la plume se met au service du père, Michel.

Le chanteur est de retour sur les planches dans la peau d’Alexandre, un médecin reconnu de retour sur les terres de sa jeunesse. En visite dans l’ancienne demeure de sa grand-mère, il est assommé par une horloge. Il se retrouve projeté 40 ans en arrière dans la même pièce, un jour d’août dramatique où sa vie a basculé.

Le voilà face à lui-même, à 25 ans. Son jeune double (Félix Beaupérin), habillé d’un jean « pattes d’eph », est en train de batifoler avec Betty (Dounia Coesens). Très vite, son « lui jeune », va se rendre compte de la présence de son futur. Il est par ailleurs, normalement le seul à le voir – même si sa grand-mère parle avec lui lors d’une scène ; mais ce ne serait pas là, la première incohérence de ce texte.

Car ce dernier n’est pas un grand texte, on est assez vite agacés par sa naïveté et ses incohérences. La question principale, qui revient à chaque histoire où le temps est défié, est de savoir si la modification de son passé aura un effet sur son propre présent. Cet aspect est complètement balayé. On est loin ici d’un quelconque effet Papillon. Michel Sardou rêve-t-il ?

Néanmoins, la pièce fait ressortir une certaine tendresse dans la relation entre les personnages. Elle est une réflexion sur l’avenir. Que ferions-nous si nous pouvions « tout recommencer » ? Alexandre fait ici le point sur ce qui lui a permis de se construire. Entre l’ancien et le jeune, on assiste à un échange entre la vocation et l’expérience, plus efficace qu’une simple crise de la soixantaine.

L’histoire est servie par un Michel Sardou qui donne un aspect humain un peu désabusé à son personnage, mais qui ne veut pas non plus gâcher le plaisir de découvrir les surprises de la vie à son « lui-jeune ». Son jeu fin, simple, effacé quand il faut, fait de cette pièce un très bon moment pour le spectateur.

L’icône est entourée d’un groupe de jeunes acteurs aussi talentueux dans leurs personnages respectifs. On pense notamment, outre le jeune couple, à Katia Miran (découverte par nous l’an passé au Petit Montparnasse) qui est aussi très juste dans son rôle évolutif pendant la dernière partie de la pièce.

« Si on recommençait ? » d’Eric-Emmanuel Schmitt, mise en scène de Steve Suissa, actuellement à la Comédie des Champs-Elysées, du mardi au samedi à 20h30. Dimanche à 16h. Durée : 1h20. Plus d’informations sur www.comediedeschampselysees.com




Un Gon-cours de littérature par Jérome Ferrari

Des destins qui se croisent, des générations qui se mêlent, des familles qui se déchirent.
Voici quelques-uns des ingrédients qui ont permis au « chef » Jérôme Ferrari de se voir attribuer le Graal de la littérature française, j’ai nommé le Prix Goncourt millésime 2012.

« Le sermon sur la chute de Rome » nous plonge au coeur de la Corse, entre tradition et modernité, une sorte de salé sucré temporel…

Dans le rôle du salé, la Tradition, incarnée par le vieux Marcel, grand-père d’une famille en décomposition, seul survivant d’une époque en noir et blanc.
Sa mémoire en bandoulière, une photo de ses frères et soeurs encore enfants comme seul témoin d’une époque révolue.

Dans celui du sucré, la Modernité incarnée par Matthieu et Libero, amis depuis l’enfance, naturellement devenus frères de coeur, en quête d’un projet commun.
Et ce projet va se présenter à eux sous une forme inattendue. Un bar de village, tombant en décrépitude au gré des repreneurs successifs, va constituer leur promesse d’avenir commun.

Au fil des pages, la mayonnaise va prendre progressivement, le projet des deux amis va devenir une réalité douce, sucrée, au bon goût de l’été et du soleil corse. Mais tout bon cuisinier vous le dira, il ne faut jamais laisser sa préparation sans surveillance … Au risque de voir tous les efforts réduits à néant.

« Ce que l’homme fait, l’homme le détruit ».
Cet adage tiré du sermon de Saint-Augustin trouve tout son écho dans les pages de Jérôme Ferrari. Tout empire aussi puissant et vaste soit-il semble hélas voué à disparaître sous les ravages de la passion humaine.

Dans son dernier roman, la plume de l’auteur est dense, parfaitement maîtrisée. Elle étouffe le lecteur sous la chaleur et les traditions corses.
La bassesse de l’esprit humain lui répugne. Petit à petit, il étouffe. La vétusté du libre arbitre l’oppresse, l’angoisse, le désarçonne.
La bataille entre générations qui est dépeinte dans ce chef d’oeuvre laisse l’âme en terreur. Cette même terreur dans laquelle il nous avait déjà emmené dans son précédent opus « Où j’ai laissé mon âme ».

Le sermon sur la chute de Rome

 

Extrait
« Dans ce village, les morts marchent seuls vers la tombe – non pas seuls, en vérité, mais soutenus par des mains étrangères, ce qui revient au même, et il est donc juste de dire que Jacques Antonetti prit seul le chemin du caveau tandis que sa famille regroupée à la sortie de l’église sous le soleil de juin recevait les condoléances loin de lui, car la douleur, l’indifférence et la compassion sont des manifestations de la vie, dont le spectacle offensant doit être désormais caché au défunt. »

 

Le sermon sur la chute de Rome
Jérôme Ferrari
Editions Actes Sud
202 pages
ISBN 978-2-330-01259-5
19€

 




« L’Atelier Volant », Novarina met en scène sa première oeuvre au Rond-Point

 

Copyright : Giovanni Cittadini Cesi

1971, Valère Novarina a 24 ans quand il écrit L’Atelier Volant. L’oeuvre sera mise en scène une première fois en 1974 par Jean-Pierre Sarrazac. Aujourd’hui, c’est son auteur qui se la (ré)approprie. Pas une seule syllabe n’a changé en 40 ans, « on a juste fait quelques coupes », rassure l’écrivain.

L’auteur est connu pour sa recherche et ses prouesses rythmiques, musicales, chirurgicales avec la langue française. Les bases sont posées dans L’Atelier Volant, mais un sens de la narration plus évident habite la pièce. Une histoire qui aurait pu être écrite ces dernières semaines. Que ce soit chez Foxconn (sous traitant d’Apple) ou sur les chaînes de montages de PSA. Elle est une critique virulente, acide et enrobée d’humour de la société consommatrice. Ce monde qui fait fabriquer à des ouvriers payés le minimum des produits qu’ils s’achètent ensuite au prix fort.

A l’écrit comme à la scène, la création prend la forme d’une fable, dans une scénographie extrêmement colorée, les références enfantines sont nombreuses. Ce qui souligne de manière brillante la folie de la situation, on est effrayé. Puis bercé, menés, dans cet univers burlesque. On parcourt les ateliers à la suite de M. Boucot (O. Martin-Salvan) et on écoute les dernières fulgurances intellectuelles méprisantes de sa femme, Mme Bouche (Myrto Procopiou). Car du mépris (dénonciateur !) il y en a, face à la classe ouvrière, inculte, manipulée, bernée jusqu’à la moëlle. La situation retranscris à merveille cette histoire qui se répète encore aujourd’hui sur la question de l’asservissement du travailleur. « Pendant qu’ils jouent, ils ne se pendent pas », affirme M. Boucot, plein de bontée d’âme.

Le couple leader excelle dans son jeu et les nuances dans lesquelles le metteur en scène les place. Chaque employé incarne également à merveille ce théâtre peu évident de prime abord. Il est important de ne pas se mettre en tête de comprendre tout ce qui se passe sur les planches, il faut lâcher prise, savoir se laisser couler, ne pas chercher la cohérence. Pourquoi cette mobylette est sur scène en même temps que ce wagonnet de fête foraine ? Pour raconter une histoire d’amour construite sur chaîne de montage, tout simplement.

L’absurde englobe le tout : les consommateurs sont déjà avertis que si ils ne consomment plus, l’économie peut se casser la figure ! Que le spectateur se rassure, l’artisan ne sera pas toujours dupe. Un éveil de conscience en conclusion d’une crise mondiale ? Pourquoi pas ! Moderne, actuel et réussi cet Atelier Volant mérite largement une visite. 

Pratique : Jusqu’au 6 octobre 2012 au théâtre du Rond-Point, 2bis av. Franklin D. Roosevelt (VIIIe arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 44 95 98 21 ou sur www.theatredurondpoint.fr / Tarifs : entre 15 € (moins de 30 ans) et 36 € (plein tarif).

Durée : 2 h 15

Texte, mise en scène et peinture : Valère Novarina

Avec :  Julie Kpéré, Olivier Martin-Salvan, Dominique Parent, Richard Pierre, Myrto Procopiou, Nicolas Struve, René Turquois, Valérie Vinci

 

Tournée :

  • Du 9 au 13 octobre 2012 au TNP, Villeurbanne
  • Le 17 octobre 2012 à la Scène Nationale de Mâcon
  • Les 23 et 24 octobre 2012 à La Coupe d’Or, Scène nationale de Rochefort
  • Les 7 et 8 novembre 2012 au Forum Meyrin (Suisse)
  • Du 14 au 24 novembre 2012 au Théâtre de Vidy Lausanne (Suisse)
  • Les 27 et 28 novembre 2012 à l’Espace des Arts, Scène Nationale de Chalon sur Saône
  • Les 6 et 8 décembre 2012 au Théâtre du Grand Marché, Saint-Denis de la Réunion
  • Du 16 au 18 janvier 2013 à la Comédie de Saint-Etienne
  • Du 22 au 26 janvier 2013 au Théâtre de Dijon-Bourgogne
  • Le 7 février 2013 au Théâtre de l’Archipel, Scène nationale, Perpignan
  • Les 14 et 16 février 2013 au Théâtre Garonne, Toulouse
  • Les 6 et 7 mars 2013, Le Maillon, Scène Nationale de Strasbourg
  • Les 12 et 13 mars 2013, Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy
  • Du 19 au 22 mars 2013, TNBA, Bordeaux
  • Les 4 et 5 avril, Nouveau Théâtre – CDN, Besançon



Salon du Livre Jeunesse – Des invitations à gagner !


La 26ème édition du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse ouvre ses portes pour une semaine à partir du 1er décembre.

A cette occasion, Arkult vous offre des invitations pour découvrir et redécouvrir toutes les animations proposées à l’Espace Paris-Est-Montreuil.


Et autant vous dire que le programme de cette nouvelle édition est riche et varié :

  • des centaines d’exposants et des milliers de livres en tout genre
  • une grande librairie européenne de jeunesse
  • une immense exposition sur le thème des princes et princesses
  • un festival de cinéma d’animation
  • des rencontres, des lectures, des ateliers
  • des parcours et des prix littéraires
  • une journée professionnelle et des formations et de nombreux autres rendez-vous avec la littérature jeunesse


Pour gagner une invitation, il vous suffit de nous envoyer un mail à l’adresse contact[at]arkult.fr en répondant à la question suivante :

Combien d’auteurs et d’illustrateurs ont participé à l’édition 2009 du salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil ? Indice ici.


Le site de la 26ème édition du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse.


Bonne chance et à bientôt au Salon et sur Arkult !