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In Nomine Fratris – Au nom du frère …

In Nomine Fratris - Michel MALAUSSENA - Couverture
In Nomine Fratris – Michel MALAUSSENA – Couverture

« In Nomine Fratris » est le 3e ouvrage de Michel MALAUSSENA. Après « Animatueurs » (1) , véritable pavé dans la mare infestée de crocodiles du petit écran, puis « Et Pourquoi pas Hollywood ? » (2), il signe ici un roman prenant combinant  fiction et éléments du réel.

S’appropriant l’exercice de style qui voit se mêler et s’interposer deux récits en apparence sans rapport, il mène d’une plume adroite et puissante le déroulement d’un mystérieux fil d’Ariane.

D’une part, des documents on ne peut plus formels : procès-verbaux de gardes à vue, rapports d’auditions de témoins, dépositions en tous genres, autour d’un étrange accident nocturne.
De l’autre, des récits de jeunesse, souvenirs d’une enfance bercée par la sécurité d’une famille aimante, guidée par des valeurs fortes.

 

 

 

J’en veux pour preuve ces deux courts extraits :

Extrait 1 : 

« Question : Votre mari était-il sujet à malaise ?
Réponse : Jamais depuis que le connais.
Question : A votre avis, pourquoi votre mari a-t-il abandonné Madame Annezer ?
Réponse : Je ne puis vous répondre.
Question : Désirez-vous allez voir votre mari à la morgue ?
Réponse : (n’a pas répondu) »

 

Extrait 2 :

« – L’église ? Ça va pas bien ou quoi ?
Mais notre mère a insisté dans l’intention de normaliser les rapports père-fils.
– Comment veux-tu qu’il considère un mariage hors de l’Eglise ? … Comme une provocation supplémentaire ?
Lorsqu’il a compris que son père apprécierait l’effort et trouverait là l’occasion de recoller les morceaux, mon frère s’est résigné.
– Après tout, c’est un effort dérisoire, tu as raison, autant ne pas gâcher la fête, je n’en suis plus là.
Il est de ces gestes auxquels le plus obtus des parents ne peut rester insensible. Après trois ans de brouille, la concorde était donc en route. »

 

Ces routes, en apparence parallèles, finirent néanmoins par trouver un point d’ancrage. Une rencontre qui bouleverse le cours d’existences paisibles.

Michel MALAUSSENA réussit là un véritable tour de force. A la froideur des documents judiciaires, il oppose la chaleur de l’amour filial et fraternel. A l’impersonnalité des échanges administratifs, il oppose l’inébranlable des sentiments humains. A l’injustice orchestrée par les instances d’un Etat dépassé par les événements, il dresse la soif de justice d’une famille désemparée et accablée par le malheur.

Pratique

Broché: 280 pages
Editeur : BALLAND (7 mars 2013)
Collection : LITTERATURE
Langue : Français
ISBN : 978-2353151950

 

Notes :
(1) : Animatueurs – Ed. Jean-Claude Gawsewitch Editeur, 2008
(2) : Et pourquoi pas Hollywood – Ed. Jean-Claude Gawsewitch Editeur, 2009

 




Leçon de corruption par « Volpone ou le renard »

L’argent rend fou, ceux qui n’en n’ont pas comme ceux qui l’amassent, c’est ce que voulait montrer Benjamin Jonson dès 1606 dans sa plus célèbre pièce, « Volpone ou le renard ». Ce personnage, sorte d’Harpagon britannique, est doté d’un goût prononcé pour le jeu de dupe. Roland Bertin, retraité de la Comédie-Française, l’incarne avec beaucoup de justesse, de talent et de finesse.

Les courtisans s’aglutinent au chevet de celui-ci, se faisant passer avec la complicité de son valet (Nicolas Briançon) pour mourant. On assiste à un grand bal des faux-culs, plein de fausseté et de stratagèmes, chacun y va de ses présents pour se faire coucher sur le testament. Empoisonnement, tentative de fiançailles, étranglement et prostitution s’installent à merveille dans ce beau décor de théâtre composé de coffres forts sur deux étages, offrant la possibilité d’une mise en scène dynamique et créative. Une mention particulière pour Grégoire Bonnet, incarnant un Corvino à la gestuelle d’agent immobilier maniaque.

Texte noir, acide, sombre et profondément cynique, Volpone a été ré-adapté par Briançon lui même. Mordant, tordant, on entend chaque syllabe et l’humour qui s’en dégage est incisif et proprement irrésistible. Les propos dessinent une image de l’argent comme étant un tuteur, cultivateur de désir, idée décrite avec de belles allégories et autres métaphores. On y voit aussi clairement le pouvoir des gens de l’ombre (ici, le valet), dirigeant à la baguette le jeu voulu par son maître, et auquel ce dernier se fera prendre par excès de gourmandise.

Tant il est vrai que la pièce dénonce ce que le genre humain peut faire pour l’argent, elle est aussi un tableau sans complaisance de ce que sont prêtes à faire les riches personnes pour s’amuser et se sentir exister. Volpone qui apparaît en Michou (le bleu en moins) en début d’acte 2 pour n’être pas reconnu des gens dans la rue, illustre la futilité à merveille. Il est aussi effroyablement crédible lorsqu’il joue les vieux pervers lubriques avec la femme d’un autre et presque bouleversant quand il se retrouve sans fortune face à la seule personne en qui il avait confiance.

L’argent donne tous les droit aux riches, puisqu’avant son déclin, le vieil animal sera au cœur d’un procès qu’il gagnera avec toute l’aisance que permet une bourse bien pleine aux yeux d’une justice aussi corrompue que l’âme humaine. Grandiose !

Enfin, Nicolas Briançon a fait le choix d’un final légèrement différent de la pièce originale, une conclusion diabolique, bien emmenée après deux heure de jeu très prenantes.

 

Pratique : Actuellement au théâtre de la Madeleine, 19 Rue de Surène (8e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 42 65 07 09 ou sur www.theatremadeleine.com / Tarifs : entre 17 € et 54 €.

Durée : 2 h 05

Texte : Ben Jonson

Mise en scène : Nicolas Briançon

Avec :  Roland Bertin, Nicolas Briançon, Anne Charrier, Philippe Laudenbach, Grégoire Bonnet , Pascal Elso, Barbara Probst, Matthias Van Khache et Yves Gasc