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Sébastien Ménestrier – Pendant les combats

Un premier roman est entouré d’un grand nombre d’inconnues.

Pour l’auteur bien sûr, soucieux de savoir comment va être accueilli son ouvrage, quel positionnement on voudra bien lui accorder, quelles inspirations vont lui être prêtées.
Pour l’éditeur ensuite, qui fait là un véritable pari, comme un numéro de voltige sans le filet que peuvent constituer les précédents opus de l’auteur.
Et pour le lecteur enfin. Que penser en effet devant un premier roman ? Il y a bien la quatrième de couverture qui nous renseigne sur les grandes lignes du récit. Parfois même quelques critiques piochées à droite à gauche. Et puis les extraits entrevus en librairie avant de se décider.
Mais peu d’indications sur l’univers dans lequel il s’apprête à pénétrer, sur le succès de la communion à venir.

« Pendant les combats » est le premier roman de Sébastien Ménestrier.
Et très vite, les craintes s’envolent, en même temps que les personnages s’ancrent dans l’imaginaire du lecteur.

Il y a là Ménile et Joseph, deux amis, autrefois adolescents complices, désormais engagés dans une cause commune, la Résistance.
La force du récit tient en cette petite centaine de pages.
Puissantes.
Concises.
Bouleversantes.

Sébastien Ménestrier, qui s’était déjà illustré avec un premier récit (Heddad, aux éditions La Chambre d’Echos), nous dépeint ici l’absurde simplicité de la tragédie humaine : la lâcheté des hommes apparaît plus forte que leur amour. L’espoir disparaît derrière la triste réalité de la condition humaine et de ses faiblesses.

Seul regret, un auteur n’a qu’un premier roman …
Le lecteur n’a donc qu’une seule fois le plaisir d’éprouver ce mystère avant de s’engouffrer dans un univers totalement inconnu, vierge de comparaisons, puis l’intense satisfaction (et un brin de soulagement) de s’y trouver à son aise, face aux forces de l’écriture et de l’Histoire.

Extrait 1 :
« Plus tard, leurs cigarettes consumées, il a entrepris de se mettre debout, lentement, sans faire tomber le cendrier, posé entre eux. Il y est parvenu, puis Joseph a fait de même, et ils se sont retrouvés tous les deux, debout, sur le lit, stupides, ravis. »

 

Extrait 2 :
« Il n’avait rien dit pour que Ménile ne soit pas mis à l’écart. Il avait été en face d’Adrien, il avait pensé dire un mot, au moins ça, et puis il n’avait rien dit. Il n’avait pas voulu être mêlé, devant ce garçon, devant le campement tout entier, à celui qui avait démérité. »

 

Couverture
Couverture

 

Pendant les combats, Sébastien Ménestrier
Ed. Gallimard, collection Blanche
96 pages, 9,50€
ISBN : 978-2-07-013959-0




Les titres à rallonge ont quelque chose de fascinant


Le titre est copieux et l’histoire est truculente.  « Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » est un recueil de lettres écrites au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.


Leur point commun ? Juliet, jeune romancière fantasque, utopiste qui décide de farfouiller dans les cendres encore chaudes du passé.


Leur thème ? L’île de Guernesey et ses habitants.



Si on a pu attifer la guerre d’adjectifs tels que « drôle » ou «froide » celle des Guernesiais est incongrue. Avec cet ouvrage on ne ressasse pas, on ne retrace pas une énième fois les horreurs de 39-45, on découvre un nouveau genre de résistants. Le témoignage des insulaires fournit un nouveau point de vue sur cette guerre au sujet de laquelle on a déjà beaucoup lu. Ils aiment la littérature, la grande, et aussi la petite depuis longtemps ou depuis peu mais c’est une fenêtre vers l’extérieur. Isolés et têtus ils le sont, mais ils ne sont pas dépourvus d’auto-dérision et d’amour.


On commence par esquisser un sourire et à s’enticher de Juliet et de ces fameux correspondants. Puis, on pouffe en parcourant les récits ubuesques des indociles de cette île. Puis, on rit à gorge déployée de leur ingéniosité et surtout de leur profonde humanité. Et enfin, on a la cornée humide en éprouvant la dureté de la guerre. Même les plus coriaces ne résisteront pas et verseront une petite larme, dans le métro, sur la plage ou où qu’ils se trouvent, tant on s’attache aux personnages.



Les auteures :


Mary Ann Shaffer et Annie Barrows ont la plume tendre et l’humour insolite. Tante et nièce à la ville, elles nous livrent une bien belle histoire, ni « nian-nian » ni intello, tout bonnement pétillante et profondément touchante.

Restée coincée contre son gré à Guernesey, Mary Ann Shaffer nous communique au travers de ces pages iodées son affection géographico-littéraire pour l’île. Mary Ann ne vivra malheureusement pas suffisamment longtemps pour savoir à quel point son œuvre eut du succès. Éditrice, bibliothécaire puis libraire elle décède en 2008 peu de temps après avoir su que leur roman serait publié.

Annie Barrows, écrivain pour enfants insuffle au roman un peu de la magie qui manque parfois au quotidien.

Ce récit épistolaire ne souffre certainement pas des maux habituels propres à cet exercice.


Cela faisait longtemps qu’une ribambelle de personnages de roman ne vous avait pas manqué comme un vieux groupe d’amis?

Alors, si ça n’est pas encore fait, faites connaissance avec ces amateurs éclairés de rognures et vous sentirez à nouveau le vertige de la dernière page.


Extraits


[1} « 21 Janvier 1946

Cher Sidney,

Voyager en train de nuit est redevenu un bonheur ! Finies les attentes de plusieurs heures dans les couloirs, finis les stationnements en voie de garage pour laisser la place à un train militaire ; et par-dessus tout, finis, les rideaux tirés du couvre feu. Toutes les fenêtres des habitations étaient allumées et j’aime me remettre à espionner, ça m’a tellement manqué pendant la guerre. J’avais l’impression que nous étions transformés en taupes, cavalant dans des tunnels séparés.»

 

[2]  «  5 Avril 1946

Chère Juliet,

Vous devenez insaisissable. Cela ne me plaît guère. Je ne veux aller au théâtre avec personne d’autre que vous. J’essaie juste de vous déloger de votre appartement. Dîner ? Thé ? Cocktail ? Balade en mer ? Soirée dansante ? A vous de choisir. Je suis à vos ordres. Je me montre rarement aussi docile, ne gâchez pas cette opportunité de m’amadouer.

A vous,

Mark »

 

[3]  « 31 Mai 1946

Chère Miss Ashton,

Miss Pribby m’a dit que vous vous intéressiez à notre récente expérience de l’occupation de Guernesey par l’armée allemande, d’où cette lettre.

Je suis un homme discret et, néanmoins, au contraire de ce que prétend ma mère, j’ai connu mon heure de gloire. […] Je suis siffleur et pendant la guerre je me suis servi de ce talent pour mettre l’ennemi en déroute. »

 

[1] Mary Ann Shaffer & Annie Barrows, « Le Cercle des amateurs des épluchures de patates », NIL p25

[2] Mary Ann Shaffer & Annie Barrows, « Le Cercle des amateurs des épluchures de patates », NIL p149

[2] Mary Ann Shaffer & Annie Barrows, « Le Cercle des amateurs des épluchures de patates », NIL p256