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Walking Dead – Apocalypse now

Poltrons et pétochards cette série n’est pas pour vous. « The Walking dead » est une série américaine (diffusée sur AMC) se déroulant dans la banlieue d’Atlanta peu après un énorme cataclysme cabalistique. Une atmosphère de fin du monde plane et transforme le paisible quotidien de citoyens lambdas (ni trop gentils ni trop méchants) dans un chaos morbide où les morts ne sont pas tout à fait morts et où les vivants ont bien du mal à le rester. Les morts-vivants (en anglais living dead) donc, sont épouvantablement nombreux et bien que dans un état de putréfaction atrocement avancé, ils sont toujours en quête de chair fraîche.

Vous n’êtes pas sans remarquer la dynamique classique des films de zombies et autres morts-vivants, mixée cette fois à la thématique très en vogue de l’apocalypse.

Comme pour le comic book de Robert Kikman dont est issue la série, certaines scènes sont graphiques jusqu’à écœurement, les plans sont évocateurs, sanguinolents et pas très poétiques : y aura de la cervelle sur les murs, vous êtes prévenus. La série est cependant jugée moins trash et moins cruelle que la BD ; pourtant, au fur et à mesure des épisodes une ambiance malsaine colle aux basques de notre petit groupe de survivants.

Ca s’arrête là pour la ressemblance puisque là série prend, à juste ou à mauvais titre, des libertés vis-à-vis du comic.

« The Walking Dead » n’est pas qu’un cache-cache haletant avec des charognes patibulaires et agonisantes. De telles performances à l’audimat outre-Atlantique ne pourraient se justifier ainsi. Si la critique est partagée, l’audience elle, est bonne et c’est certainement à mettre au crédit de la tension et de l’angoisse véhiculées par les protagonistes bel et bien vivants de la série. Le fil rouge des épisodes est l’honnête petit shérif du conté de Kentucky (Andrew Lincoln) qui mène sa barque sur les rives du Styx en compagnie de camarades d’infortune de tous horizons. Dans le cadre hostile de leurs refuges précaires s’entament un huis clos avec des problématiques bien humaines elles. Leadership, amour, trahisons sèment la zizanie au pays des zombies et emberlificotent les stratégies de survie.

Par ailleurs, on peut voir au travers de cette série une fable moderne sur notre monde trop gourmand en énergies fossiles.
Mais surtout, ces épisodes sont porteurs d’une réflexion sur l’évolution des rapports humains et des comportements dans un monde où cadres sociaux et juridiques classiques ont volé en éclat. Ce « retour à la nature » que vivent les protagonistes est, à l’instar de celui décrit par Hegel, fait de « violences et d’injustices » hurlantes.

Ainsi, même si l’intrigue manque un peu de finesse et que la fin de la saison 1 souffre de quelques lenteurs narratives, le frisson et les rebondissements sont là.

Une petite dose d’adrénaline et d’hémoglobine; voici le trailer.

L’adaptation au format série est réalisée par Frank Darabont qui était aussi le réalisateur de La ligne verte.

S’il fallait le comparer à la vague de films « survivalistes », nous pourrions convenir que « The Walking dead » est :

  • moins sombre que « La route » tiré du livre de Cormac McCarthy et porté au cinéma par John Hillcoat,
  • plus violent que « Je suis une légende » de Francis Lawrence, mais surtout avec plus de personnages…,
  • plus urbain que « Seul au monde » avec Tom Hanks,
  • moins surnaturel que « La guerre des mondes » avec Tom Cruise,
  • moins apocalyptique que « 2012 », pas d’effets spéciaux hallucinants où la statue de la liberté et tous les grands monuments mondiaux symboliques sombrent, s’écroulent… avec fracas.

Et s’il fallait analyser « The Walking dead » aux regards des films d’horreurs, la série est :

  • moins bestiale que « 28 jours plus tard » de Danny Boyle,
  • plus réaliste que dans « Le Territoire des morts » de George Andrew Romero, pour ce qui est des zombies,
  • définitivement plus effrayante que « Scary movie »…



« Golgota Picnic », un doux pétard mouillé

On vit vraiment une drôle d’époque, plus de 2000 ans après la mort du Christ, il se trouve encore des gens pour hurler au blasphème et proférer des menaces, dont le Seigneur se serait bien gardé, à l’attention de l’équipe de « Golgota Picnic » pour avoir mis sur pied une pièce faisant soi-disant offense à Jésus.


Le soir de la première, il est difficile d’accéder au théâtre plus d’une heure trente avant la représentation. Un premier cordon de sécurité à 100 mètres de la porte ne fait passer que les spectateurs munis de billets; à l’entrée, un second contrôle ne vous laisse que vos chaussures et avant de pénétrer dans la salle de spectacle, on passe un dernier détecteur de métaux, histoire d’être tranquille. Si vous décollez depuis l’aéroport du Rond-Point, vous ne risquez pas d’embarquer un terroriste à bord !


Enfin, une fois face à la scène, on savoure avant même le spectacle. D’être entré, certes, mais aussi cette délicieuse odeur de pains à hamburger, qui sont étalés sur la scène en totalité. Jean-Michel Ribes, faisant les cents pas de façon papale surveille au bon ordre de l’installation du public. Après 20 minutes de retard, les acteurs entrent enfin…


C’est parti pour une heure et des poussières de reproches en tout genre à l’Eglise, ils sont bien écris, prêtent à sourire, nous divertissent sans ennuyer. Listant tour à tour les méfaits d’une religion qui a perdu la confiance de ses fidèles (pédophilie, inquisition, génocides…), Garcia parle comme un enfant qui se rend compte de la véritable nature de ce qu’il a fantasmé, ou ce qui l’a guidé pendant des années mais qui aujourd’hui a perdu toute crédibilité dans son monde, ce monde qu’il semble détester et qu’il ne regrettera pas de quitter (message transmis par les acteurs).


Dans les premières minutes, la tension des contrôles de sécurité n’est pas complètement retombée, on s’attend au pire, aux symboles trash et insoutenables, il n’en est rien, pas même une esquisse. Une légère larme vient pour l’auteur, qui semble en fait terriblement déçu de l’absence de Dieu. Mettant les actions de l’église face à leurs contradictions (les Noirs ont été créés pour danser le funk et rouler des havanes), Garcia ne fait pas pour autant de la propagande anti-christique, encore moins « christianophobe », néologisme se prêtant très mal à ce propos. L’auteur ne cherche pas à convaincre, il se contente juste de se raconter, ça peut nous intéresser comme on peut faire le choix de s’en foutre. Les seules choses que les comédiens maltraitent sont d’authentiques vers-de-terre filmés en gros plan, affairés à bâtir une tour de Babel symbolique en tranche de pain.


Les acteurs sont à l’aise et jouent bien, même si le texte prononcé se suffit à lui même, la mise en scène n’est pas transcendante ni ratée, banale en somme, si on enlève les hamburgers.


Malgré les citations de Bush prêtées au Christ, (« Si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes contre moi »), la qualification de « messie du SIDA », n’ayant « jamais travaillé » reste quand même très soft comparé aux moindres dialogue de L’Exorciste ou des paroles d’un groupes de death metal quelquonque, qui pourtant ne mobilisent pas autant d’intégristes aux portes de leur salles respectives.


Mêlant théâtre, performance et musique, quelques symboles sont bien intégrés, de la plaie au flan de Jésus servant de poche pour l’argent, aux acteurs recouverts des couleurs de la Vierge utilisées dans l’iconographie religieuse (bleu et rouge) jusqu’à en devenir des êtres ignobles couverts de boue, jusqu’à la création en direct d’un authentique Suaire de Turin. Mais ces quelques idées n’atteignent pas la moitié d’un « budget ménage » nécessaire à un Macaigne.


Le texte se termine sur un facile « Pour trouver ta voie, il y a Google Maps », avant de conclure la pièce (les quarante dernières minutes), sur un piano où un musicien nu interprète les « Sept dernières paroles du Christ » adaptées pour l’occasion. Bien que d’une belle interprétation, la force se perd entre chaque mouvement et, au moment d’applaudir, le public est un peu perdu. Egaré entre la haine portée par les acteurs au premier acte et l’amour donné par la musique en conclusion.


Etrange goût amer que laisse un spectacle sans trop de pépins. Une bombe qui se révèle en fait n’être qu’un doux pétard mouillé, un bon boulevard un peu osé-olé qui a pris comme thème le Christ quand d’autres ont choisi le couple ou les discussions de comptoir.


Golgota Picnic

 




Hamlet Rock’n’Trash

Mélangez un crucifix à un préfabriqué, une enseigne lumineuse et quelques machines à café. Ajoutez-y un château gonflable, des coups de feu et une banane habillant un acteur. Secouez, et vous voilà dans l’écrin du Hamlet à la sauce Macaigne, rebaptisé pour l’occasion, « Au moins j’aurais laissé un beau cadavre ». Trois heures trente qui ne laissent pas rigide.


Dès les premières minutes, les hurlements et les insultes fusent entre Hamlet-fils et Claudius habillé du fruit cité précédemment. Oui, c’est bien une banane géante qui habille le fratricide. Ce costume et le dialogue irréel qui s’installe entre les deux hommes donnent le ton de toute la première partie : décalé, surprenant, vif, mais aussi un peu en force dans le jeu et un tantinet grossier, le texte étant parfois du Shakespeare, et à d’autres moments de l’authentique phrasé de pilier de comptoir.


Parfois, le public est interpellé, brusqué, arrosé (évitez les premiers rangs et les places côté escalier !), les images violentes fusent et servent bien certains passages de l’histoire, en particulier celui où Hamlet-fils est choqué par le remariage précipité de sa mère. Il s’en réfugie dans la tombe de son père, prend son cadavre dans ses bras, questionne le spectre paternel (ici, furet empaillé)… Bagarre, fruits qui volent, chaises que l’on casse, on voit tout. Rien n’est suggéré, et l’attention du spectateur est captée par l’excitante question : jusqu’où vont-ils aller ?


« Regarde toutes ces vieilles connes [le public], tu crois pas qu’elles ont été jeunes et belles comme toi ? » questionne Laërte à l’adresse de sa soeur. Cette phrase précède la nuit de noces érotiques entre Gertrude et Claudius, dont la couche nuptiale est la tombe du défunt frère/mari Hamlet Ier : de symboles et d’actions chocs, le spectacle foisonne. On se surprend même à sursauter et sentir d’agréables sueurs froides quand Hamlet-fils surgit une tronçonneuse à la main. Le juste milieu est trouvé, et sans jamais dépasser les limites, on se retrouve à rire, on se gausse de ce grand guignol de haute voltige dont le décalage est le mot d’ordre. Une première partie forte, violente et très drôle.


L’entracte offerte au public laisse à Hamlet le temps d’écrire « La souricière des traîtres », pour montrer à Claudius, son nouveau beau-père, qu’il connait la vérité sur le meurtre du roi.


Malheureusement, le second départ contient un peu plus de longueurs. Les acteurs semblent avoir du mal à passer de l’énergie explosive nécessaire à cette mise en scène, à la finesse requise pour certains passages du texte. Ceci a pour effet de casser le dynamisme impulsé aux débuts. Et puis ça hurle, ça ne s’arrête jamais de hurler, mais les gestes accompagnent moins cette colère. Dommage, car malgré cela, certains effets de scène sont bluffants et beaux dans le sens esthétique du terme, ils agissent comme une alternance entre de belles performances artistiques et des passages s’éternisant par un jeu d’acteur incertain.


D’après ce qu’il se dit, quelques soirs de rôdage ont aidé la troupe à trouver ses marques, et à emmener le public dans cet Hamlet qui, c’est certain, ne peut être imaginé avant d’être vu !


Après Avignon, il vous sera possible d’assister au spectacle aux endroits suivants :


2011


  • Du 2 au 11/11 au théâtre national de Chaillot (Paris)
  • Du 16 au 25/11 à la MC2:Grenoble


2012


  • Du 5 au 6/01 à la Filature / Scène nationale de Mulhouse
  • Du 11 au 12/01 à l’Hippodrome-Scène nationale de Douai
  • Du 18 au 20/01 au centre dramatique national d’Orléans/Loiret/Centre
  • Du 25 au 27/01 au Lieu unique (Nantes)
  • 8/02 au théâtres de la Ville de Luxembourg
  • Du 14 au 15/02 au Phénix / Scène nationale de Valence


Distribution


mise en scène, conception, adaptation Vincent Macaigne
scénographie Benjamin Hautin, Vincent Macaigne, Julien Peissel
concepteur son Loïc Le Roux
lumière Kelig Le Bars
artisanat Marie Ben Bachir


avec Samuel Achache, Laure Calamy, Jean-Charles Clichet, Julie Lesgages, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Pascal Rénéric, Sylvain Sounier