« J’habite une blessure sacrée », cure de réalité

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Nelson Mandela accède au pouvoir puis est obligé de céder aux règles du commerce international. Dans son propre pays, il ne peut pas reprendre leurs immenses terres aux Afrikaners pour nourrir un peuple qui a faim. Son programme politique ne peut être mis en place.

L’OMC, déesse de l’ultra-libéralisme veillant au bon déroulement des transactions entre les pays, obéit a des règles écrites par l’Occident. L’Afrique doit pourtant s’y conformer.

125 000 paysans se sont donné la mort en Inde entre 2000 et 2007, incapables d’entretenir leurs champs devenus stériles à cause des pesticides utilisés pour faire pousser les OGM.

En 1989, l’Exxon Valdez s’échoue en Alaska : la marée noire qui en découle est une catastrophe. Toujours en 1989, les 70 000 km² de côte du delta du Nigeria sont défoncés par le pétrole extrait dans le pays par des sociétés occidentales. Personne n’en parle.

En Haïti, on mélange des herbes et de la boue pour faire des gâteaux. Les Haïtiens appellent cette nourriture : le biscuit dur.

Evo Moralès, premier président d’origine amérindienne de Bolivie est élu en 2006. La première mesure de son mandat : renégocier les contrats de production gazière et pétrolière avec les multinationales afin d’en faire profiter le peuple Bolivien.

Pendant ce temps en Occident, on se travestit en boite de nuit et on danse sur des rythmes effrénés après avoir passé une journée à boursicoter. Le videur à l’entrée raconte son expérience : « Je suis obligé en un très court laps de temps, de juger la maximisation du profit probable selon le look du client qui se présente à la porte ».

C’est ce paradoxe, poussé aujourd’hui à son paroxysme (et plus encore) que tente de montrer « J’habite une blessure sacrée » de Mireille Perrier. Une histoire adaptée de « La Haine de l’Occident » de Jean Ziegler. Moment court mais intense. Du théâtre conscient au service du monde et de sa mémoire où l’action est montrée du point de vue de ceux qui la vivent.

Ils sont quatre acteurs pour jouer des dizaines de personnages. Les costumes sont pendus aux quatre coins de la scène pendant que les intrigues se déroulent dans un cercle tracé au moyen de tuiles brisées. A l’intérieur se dessine un portrait du grand méchant Occident dans de courtes sceynettes. Le travail d’adaptation est impressionnant car le résultat est profondément théâtral. Les éclairages et la mise en scène sont chargées d’une belle esthétique. Baignant la scène en pleine lumière lors de discours, dans la pénombre de la fumée et des cadavres le 11 septembre 2001.

Lorsqu’on participe à une expérience comme celle-ci (car c’est une expérience, on ne subit pas ce qu’il se passe sur scène, on y participe), on ne ressort pas indemne ou la tête vide. Les questions fusent, la plus importante reste : qui sommes-nous, humains ?

Un spectacle étonnant, essentiel. Espérons qu’il ne soit pas qu’un prêche pour convaincus : il faut montrer cette réalité au plus grand nombre, surtout quand c’est si bien fait. 

 

Pratique : Jusqu’au 31 octobre à la Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud (75011, Paris) – Réservations par téléphone au 01 47 00 25 20 ou sur www.maisondesmetallos.org / Tarifs : entre 10 € et 14 € – Du mardi au vendredi à 20 h. Samedi à 19 h, matinée le dimanche à 16 h.

Durée : 1 h 20

Mise en scène : Mireille Perrier

Avec : Benjamin Barou-Crossman, Stéphanie Farison, Joël Hounhouénou Lokossou, Mireille Perrier

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