Leçon de corruption par « Volpone ou le renard »

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L’argent rend fou, ceux qui n’en n’ont pas comme ceux qui l’amassent, c’est ce que voulait montrer Benjamin Jonson dès 1606 dans sa plus célèbre pièce, « Volpone ou le renard ». Ce personnage, sorte d’Harpagon britannique, est doté d’un goût prononcé pour le jeu de dupe. Roland Bertin, retraité de la Comédie-Française, l’incarne avec beaucoup de justesse, de talent et de finesse.

Les courtisans s’aglutinent au chevet de celui-ci, se faisant passer avec la complicité de son valet (Nicolas Briançon) pour mourant. On assiste à un grand bal des faux-culs, plein de fausseté et de stratagèmes, chacun y va de ses présents pour se faire coucher sur le testament. Empoisonnement, tentative de fiançailles, étranglement et prostitution s’installent à merveille dans ce beau décor de théâtre composé de coffres forts sur deux étages, offrant la possibilité d’une mise en scène dynamique et créative. Une mention particulière pour Grégoire Bonnet, incarnant un Corvino à la gestuelle d’agent immobilier maniaque.

Texte noir, acide, sombre et profondément cynique, Volpone a été ré-adapté par Briançon lui même. Mordant, tordant, on entend chaque syllabe et l’humour qui s’en dégage est incisif et proprement irrésistible. Les propos dessinent une image de l’argent comme étant un tuteur, cultivateur de désir, idée décrite avec de belles allégories et autres métaphores. On y voit aussi clairement le pouvoir des gens de l’ombre (ici, le valet), dirigeant à la baguette le jeu voulu par son maître, et auquel ce dernier se fera prendre par excès de gourmandise.

Tant il est vrai que la pièce dénonce ce que le genre humain peut faire pour l’argent, elle est aussi un tableau sans complaisance de ce que sont prêtes à faire les riches personnes pour s’amuser et se sentir exister. Volpone qui apparaît en Michou (le bleu en moins) en début d’acte 2 pour n’être pas reconnu des gens dans la rue, illustre la futilité à merveille. Il est aussi effroyablement crédible lorsqu’il joue les vieux pervers lubriques avec la femme d’un autre et presque bouleversant quand il se retrouve sans fortune face à la seule personne en qui il avait confiance.

L’argent donne tous les droit aux riches, puisqu’avant son déclin, le vieil animal sera au cœur d’un procès qu’il gagnera avec toute l’aisance que permet une bourse bien pleine aux yeux d’une justice aussi corrompue que l’âme humaine. Grandiose !

Enfin, Nicolas Briançon a fait le choix d’un final légèrement différent de la pièce originale, une conclusion diabolique, bien emmenée après deux heure de jeu très prenantes.

 

Pratique : Actuellement au théâtre de la Madeleine, 19 Rue de Surène (8e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 42 65 07 09 ou sur www.theatremadeleine.com / Tarifs : entre 17 € et 54 €.

Durée : 2 h 05

Texte : Ben Jonson

Mise en scène : Nicolas Briançon

Avec :  Roland Bertin, Nicolas Briançon, Anne Charrier, Philippe Laudenbach, Grégoire Bonnet , Pascal Elso, Barbara Probst, Matthias Van Khache et Yves Gasc

 

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Un commentaire pour “Leçon de corruption par « Volpone ou le renard »”

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  1. […] mais jamais déplacée. Austère, on est bien loin du faste et du grandiose déployé dans Volpone (lire l’article sur Arkult), mais l’essentiel est là, et cela […]

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