« Tristesse Animal Noir » à la Colline

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tristesse

Avec « Tristesse Animal Noir » d’Anja Hilling, créé au théâtre de la Colline par Stanislas Nordey, on est typiquement dans le théâtre qui nécessite tout un tas d’explications annexes pour être bien apprécié.

La pièce se déroule en trois parties, très inégales (heureusement, le meilleur est gardé pour la fin). Dans la première partie, on suit une bande de bobos aux discussions bourgeoises qui vont pique-niquer à la campagne. Les trois couples sont très liés, puisque l’une des compagnes est l’ex-femme du mari d’un autre couple, et le dernier duo est composé pour moitié du frère de cette même ex-femme. Tout se passe bien jusqu’à l’événement dramatique : un incendie. Incendie qui nous conduit à la deuxième partie, où la forêt est mangée par les flammes car la bande de campagnards du dimanche n’a pas bien surveillé son barbecue. Troisième partie, aucun n’en est sorti indemne, et ils racontent (sauf ceux qui sont morts et qui ne peuvent plus témoigner).

Trop de détails dans le texte

Ce qui pêche en premier lieu, c’est le texte. Déclamé, accompagné de la main (« à la Nordey » pour ainsi dire), il est affreusement descriptif. Chaque geste, chaque mouvement des personnages est expliqué, disséqué, raconté dans ses moindres détails. Ce qui est pratique, c’est que si on lâche le fil de la pièce quelques minutes, on n’est pas perdu lorsqu’on le reprend, tant les idées sont lentes à être développées.

Parfois cependant, les pensées sont plus libres, moins prisonnières de cette litanie au service du détail. Dans ces moments précisément, les mots deviennent intéressants, moins lourds. Le reste du temps, les personnages semblent n’être que de simples paires d’yeux uniquement là pour des spectateurs aveugles.

Sensation désagréable

Mais tout de même… Il faut avouer que parfois, ce ton fonctionne très bien pour nous faire voir les images. On est difficilement serein pendant le passage de l’incendie, ni dans l’après, quand les personnages cherchent désespérément à se désaltérer. On jalouse les spectateurs (trop mal à l’aise ?) qui quittent la salle et se libèrent ainsi de ces sensations douloureuses et lancinantes.

De plus, le propos est intéressant, interrogeant les travers et les noirceurs des relations humaines de notre époque, sous couvert d’une légère conscience écologiste. Il est soutenu par une scénographie monumentale magnifique, et quelques instants de transitions, rituels réussis.

Ce qui nous emmène à la fin du spectacle, qui, bien que jalonnée de mort, est la partie la plus vivante. Les 40 dernières minutes sont prenantes et beaucoup plus dynamiques. En allant voir « Tristesse Animal Noir », prenez votre mal en patience, le meilleur vient à la fin. 

 

Pratique : Jusqu’au 2 février au théâtre de la Colline, 15 rue Malte Brun (75020, Paris).
Réservations par téléphone au 01 44 95 98 21 ou sur www.colline.fr.
Tarifs : entre 14 € et 29 €.

Durée : 2h20

Mise en scène : Stanislas Nordey

Avec : Vincent Dissez, Valérie Dréville, Thomas Gonzalez, Moanda Daddy Kamono, Frédéric Leidgens, Julie Moreau, Lamya Regragui, Laurent Sauvage.

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