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George Dandin, drame d’Hervé Pierre

(c) Christophe Raynaud de Lage
(c) Christophe Raynaud de Lage

Après avoir présenté Trahison de Pinter en début de saison, le Vieux-Colombier continue de mettre en lumière la noirceur des relations homme-femme avec George Dandin de Molière. Cette pièce cruelle, montre un paysan parvenu ayant épousé Angélique, une noble désargentée. Cette union, dont aucun n’est dupe – « c’est nos biens qu’ils épousent », comprend Dandin – devient pour le héros un rappel perpétuel à sa basse condition, de laquelle il ne peut s’extraire pour tout l’or du monde. Dans ce climat, le pauvre homme surprend un arrangement galant qui doit avoir lieu entre son épouse et le seigneur local. Cela le rend affreusement jaloux. Malheureusement pour lui, son seul témoignage ne suffira pas pour obtenir les soutiens nécessaires, pour que la fautive lui rende des comptes.

Nous revoilà dans un monde où les nobles pensent que leur naissance leur donne tout pouvoir. La jeune épouse, mais surtout ses parents, rabaissent, cassent, à chacune de ses paroles le pauvre paysan qui pensait s’offrir un rêve, mais qui, en fait, a payé un cauchemar hors de prix. Toute cette horreur conjugale est bien orchestrée par Hervé Pierre, et les quelques pertes de rythme de la représentation n’empêchent en rien ce spectacle d’être tout à fait réussi.

La belle scénographie a été composée par Eric Ruf. Grâce à celle-ci, ce George Dandin semble se dérouler au Far-West, au pied d’une maison de planches qui occupe toute la hauteur du théâtre. La mise en scène, vivante et bien dosée, fait ressortir toute l’exclusion et la solitude dans laquelle est placé Dandin. L’ensemble de ce monde de sang bleu, avec l’aide de domestiques zélés, parvient à faire passer l’honnête paysan pour un fou, le poussant ainsi au suicide. L’espace est aussi utilisé à la composition de jolis tableaux ; on retiendra particulièrement l’idée (simple, mais ingénieuse) de faire jouer la scène nocturne dans le noir total.

« J’enrage de bon cœur d’avoir tort, lorsque j’ai raison » (Dandin)

Du texte ressort tout l’humour, l’autodérision et la cruauté. Les passages muets, dansés, montrent des nobles qui s’arrangent entre eux pour conserver leur supposé prestige hypocrite, au nez et à la barbe du mari. Mais la musique délicate et les meilleurs parfums ne cachent pas toute la laideur des bonnes gens.

De cette vision classique, mais bien jouée de la pièce, peut s’opposer un autre point de vue qui semble apparaître dans les 30 dernières minutes. Et si George Dandin devenait une réflexion sur le mariage, cette institution aujourd’hui souvent considérée comme vieillotte ? Angélique questionne à un moment son mari : « mais vous m’avez demandé mon avis avant de m’épouser » ? Faisant écho aux arrangements entre familles qui peuvent encore avoir lieux aujourd’hui dans le monde. Alors, cette épouse malhonnête devient aux yeux du public une femme libre, qui a décidé de vivre la vie qu’elle désire et non plus celle que la société attendait d’elle.

(c) Christophe Raynaud de Lage
(c) Christophe Raynaud de Lage

« George Dandin » de Molière, mise en scène d’Hervé Pierre, jusqu’au 1er janvier 2015 à la Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier (6e arrondissement, Paris), le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h. Dimanche à 16h. Durée : 1h25. Plus d’informations et réservations sur www.comedie-francaise.fr