« Praia do futuro » : conte gay dépassé

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© Epicentre Films
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Il y a de ces films dont vous sortez changés, avec une vision différente des choses, un regard neuf. Des films qui vous font voir le monde autrement, vous passionnent pour des vies et libèrent des idées reçues. Et puis il y a les autres, comme « Praia do Futuro », littéralement « La Plage du Futur ».

Ils sont deux motards, roulant à vive allure dans un désert au son du très grinçant groupe Suicide. Puis, une plage apparaît. C’est le drame : le vent et des vagues mortelles emportent les deux hommes. Donato, un sauveteur Brésilien, n’a pas le choix : il ne peut en sauver qu’un. Le destin lui choisit Konrad, un touriste allemand dont il tombe instantanément amoureux. Pour vivre cette histoire d’amour, il quitte et brise les liens avec famille et amis puis part le rejoindre à Berlin. Quelques années plus tard, son petit frère Ayrton, débarque dans la capitale allemande, annonçant tel un Camus du XXIe siècle, « maman est morte ».

 

Ce long métrage est-il censé apporter un nouveau regard sur l’homosexualité (il a été présenté en ouverture du festival du film LGBT « Chéris Chéris » en 2014) ? Rien n’est moins sur, au contraire tant tout semble dépassé : « Praia do Futuro » est digne des films gays tels qu’ont les faisait il y a 20 ans. On y retrouve des acteurs homosexuels en perpétuelle recherche de soi, sans attache et à la sexualité forcément sauvage (on pense notamment à une scène de baise dans une voiture). Des éléments clichés qui nous empêchent de nous attacher sincèrement aux acteurs, Wagner Moura (Donato) et Clemens Schick (Konrad) qui brillent pourtant dans leurs rôles respectifs. Le manque de dialogue n’y arrange rien, le réalisateur Karim Aïnouz mettant à l’honneur les sensations, il laisse la place à de nombreuses scènes muettes.

Au-delà du mélodrame amoureux, c’est le portrait d’un jeune Brésilien en pleine évolution que nous chante le réalisateur, traitant à la fois des racines, du lien fraternel ou encore de l’absence, tout cela construit autour de longues ellipses temporelles et géographiques. Le film passe des couleurs chaudes à la grisaille, d’une année à sept ans après, sans suivre de liens logiques. C’est alors la torpeur qui s’empare de nous petit à petit, tant le film manque de profondeur et de cohérence. Suivre la vie d’un homme ennuyeux ne peut que l’être pour le public. On attend cette scène, celle qui nous colle au siège, qui nous décroche de cette lenteur interminable… en vain

Le film se termine comme il a commencé : sur une plage, sur fond de retrouvailles fraternelles et amoureuses. Laissant s’échapper trois hommes dans le brouillard. Celui-ci même dans lequel nous restons une fois l’écran devenu noir.

Praia do Futuro, de Karim Aïnouz, sortie au cinéma le 3 décembre 2014. Durée, 1h46.

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