« Visage de feu » : reflète sans convaincre

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Table, chaises, vaisselle, bibelots, costumes : le décor de ce « Visage de feu » est blanc. S’il est le plus lisse possible en façade, nul n’est dupe. Il montre comment la clarté est une tentative de cacher l’ennui et le conformisme dans lesquels cette famille allemande stéréotypée des années 1990 est enfermée. Une entité dont les parents s’accrochent au moindre événement de la vie quotidienne pour trouver une raison à leur existence. Cette fausseté est soutenue par le jeu mécanique des acteurs, notamment la mère, interprétée par Sophie Lebrun, calme, cruelle mais toujours très souriante. Très vite, on comprend que Marius von Mayenburg dessine son modèle avec exagération, pour mieux le détruire ensuite.

Dès les premières minutes, entre le frère et la sœur, naît une relation « anormale ». Elle lui fait sa première branlette, au détour d’un couloir dans la demeure familiale. Par ces jeux récurrents, ensemble, ils apprennent la vie adulte et refusent de l’accepter. Les parents entretiennent leurs enfants dans une jeunesse qu’ils ont quittée et ils restent sourds aux cris de leurs progénitures désormais pubères : on pense à la mère qui prend sa douche et se frotte devant son fils. Malgré les remarques insistantes de ce dernier, la mère n’arrête pas : ce n’est encore « qu’un enfant » – et quand bien même ! Une seule issue s’offre alors aux jeunes amoureux : la violence. Ils détruisent la société qui les entoure en devenant pyromanes. Ils vont jusqu’au bout de leur désir de rupture. La relation est consommée charnellement et ils iront jusqu’à supprimer tous les obstacles à leur épopée. La « vie normale » est rejetée en bloc.

Malheureusement, la pièce de von Mayenburg et le talent de créateur d’images de Martin Legros ne parviennent pas à nous captiver. Même si la mise en scène fait bien ressortir les idées principales du texte, on connaît des moments d’ennui. Est-ce la trop belle esthétique dans laquelle nous plonge parfois le metteur en scène qui nous fait oublier la noirceur de la pièce ? Ou bien est-ce l’approche didactiquement provocante de von Mayenburg qui nous coupe de nos émotions, comme face à un film éducatif ? Aucune réponse n’apparaît clairement. Martin Legros est fidèle à son engagement : « un acte artistique n’est censé convaincre personne, il doit juste être le miroir d’une humanité particulière ». Pari réussi, au sortir de la pièce on est songeur, mais nullement convaincu.

« Visage de feu » de Marius von Mayenburg. Mise en scène de Martin Legros, jusqu’au 18 novembre au Théâtre Monfort, 106 rue Brancion, 75015, Paris. Durée : 1h30. Plus d’informations et réservations sur www.lemonfort.fr

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