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David Lafore : De la bouche fermée à la mule en passant par la chatte


Coluche, Brel et Gainsbourg enterrés, Guillon dégagé, Dieudonné placardé…Restent-ils des agitateurs de conscience et autres emmerdeurs de tourner en rond ? C’est la question que s’est posée l’espace Jemmapes en organisant une semaine de l’insolence. Et parmi les sales gueules programmées, celle de David Lafore a retenu notre attention.


Dans la queue, une tronche de vendeur d’aspirateur porte à porte attend. Drôle de mec qui croit encore au col de chemise posé sur un pull premier de la classe. Entrée dans la salle. Le commercial débarque sur le plateau. Merde ! Le vendeur d’aspirateurs…

David Lafore a ôté sa laine. Il s’installe. Soufflerait presque, c’est l’heure du boulot. Faut y aller. Interroge le public d’un regard « mi encrouté du réveil mi-j’vous emmerde ». Puis commence par murmurer dans le micro, jouant le mec gauche, un peu paumé qui sort un mémo pour ambiancer la salle d’un « est ce que vous êtes là ? », prononcé sur le même ton qu’un « file moi les clés de voiture ».

Et David entame son numéro, enchaîne les chansons sur pas grand chose, ou sur l’amour, rendant à chacun sa juste place, enfourne sa mule avant de quitter instruments et micro pour rythmer de ses doigts sa transformation soudaine en petite culotte de coton blanc. Et de conseiller fortement un « cuni pour mamie ».

Plus d’une heure d’échange où le public rit et sait se taire, bercé par une voix claire et envoûtante qui maîtrise à la perfection silences, bruitages, poésie moderne, tralala, sifflotements, susurrements, grognements, miaulements et un tas d’autres trucs en -ent. Envouté par une présence scénique d’autant plus forte que subtile.

Avec ces tacs et tics de langages à la Bobby Lapointe comme dans Jalousie, ces textes à prendre au troisième degré, le dandy tête à claques s’avère être l’impertinent pertinent du moment. Celui qui nous sauve des caravanes et autres miauleries mièvres de la scène française actuelle. Ce que certains arrivent à vendre sans avoir peur d’appeler ça de la musique: trois mots et deux notes, celles de David Lafore dépoussièrent la chanson française qui retrouve sa juste finesse et son audace.

Après un premier album en 2004, le chanteur continue son exploration de la vie et des sentiments dans son deuxième album intitulé sobrement: II , sorti en 2007

Cela donne en vrac: 20 francs (le cunnilingus), un baiser, une bombe, laisse moi mourir un peu,  tu m’en diras tant, fleur de rond point, Babines ou plat à gratin. À savourer.

Certaines restent coincées entre les dents pour que le goût dure en sortant. D’autres se boivent. Sans modération.

Vous vous méfierez des tronches de porte à porte, il se pourrait que ce soit vous qui vous retrouviez à les suivre, de portes en portes.

Jalousie -David Lafore




Aëla Labbé, l’œil du passé au présent

Envoutantes, mystérieuses, fascinantes, dérangeantes… ces images.

Ses images.

Sa vision de la vie, poésie mélancolique, spleen féerique.

Flottant entre l’irréel adulé et le rêve brisé, le regard de femme et celui de l’enfant, la nostalgie d’un passé immaculé et l’envie d’un futur dansé. Aëla est là. Devant et derrière l’objectif.


Anonymes sont de plus en plus la mode dans les cas avantage et inconvénient du pharmacie-enligne24 viagra de dysfonction érectile sont touchés. Table que l’activité cialis prix grenoble agricole renaud muselier secrétaire d’état nation.

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Jeune danseuse aujourd’hui photographe. Elle, faite pourtant pour le mouvement, capte ici l’instant. Le fige pour s’immerger et s’y replonger sans cesse. Alors l’image vieillie, emplie de brume et de bibelots d’un autre siècle dévoile à peine une enfance volée, une danse interrompue brutalement. « La photo m’a aidé à transmettre du rêve, de la magie que j’avais perdue à un moment donné. A combler ce vide d’échange avec le public qu’avait la danseuse »


Fini de rêver?

Sereine devant tant d’incertitudes. Accomplie parce qu’incertaine, Aëla arrête la vitesse du  temps. Figées, ces créatures féeriques venues des paysages  mythiques du Morbihan sont froides ou bouillonnantes de vie. La mélancolie n’a pas d’âge et s’agrippe aux longs cheveux soyeux comme elle rythme les vies pourtant jeunes des beautés à qui Aëla tire le portrait. Neveux, nièces, frères et sœurs inspirent l’artiste. Prenez Jeanne, 10 ans et pourtant si mélancolique explique la tante étonnée « L’enfance, c’est aussi la peur ou l’angoisse, et pas seulement l’univers parfait où le beau est partout. On me compare souvent à Sally Mann, je ne connaissais pas mais ce fut une révélation car elle met les enfants dans des situations différentes de celles où on les enferme d’habitude. »

Plongée en enfance pour mon œil amoureux. les clichés me rappellent l’univers de l’ illustrateur suédois Carl Olaf Larsson, un vieux bouquin qui trainait chez moi et qui m’est curieusement resté en mémoire.

Les images enveloppent, bercent, suscitent sourire, proposent beauté, puis l’image devient entêtante, les regards enivrants, obsédants, les yeux fermés des sujets morbides…

Troublantes certaines photographies où le sommeil flirte avec la mort, cette dernière singeant le sommeil. « C’est étrange, on me parle souvent de la mort…La mort me fait peur c’est vrai. Mais ce n’est pas d’elle dont j’ai voulu parler. Les paupières fermées illustrent plutôt la désillusion. Le rêve clôt. Peut être parce qu’au fond de moi, ce rêve que j’essaie de transmettre, je n’y crois plus vraiment. »

Décalée, Aëla ? Sortie de son univers, c’est aussi avec cette grand-mère qu’elle accompagne régulièrement dans ses nuits pour lutter contre la peur et la solitude qu’elle se sent à l’aise. « Le Passé est pour moi un paradis perdu, j’aime les choses poussiéreuses. Nous nous plongeons dans ses vieilles photos de famille pendant des heures et mes vieux habits sortis tout droit d’Emmaüs lui parlent complètement : elle a les mêmes ! »



Un voile sur le mystère Aëla

Issue d’une famille de 5 enfants nés de parents soixante-huitard, la mère collectionne les objets d’antan, le père est porté par l’engagement, il sera maire de la commune de Saint-Nolff.

Aëla a toujours dansé. Après son Bac littéraire à Toulouse, l’esprit compétitif du milieu de la danse en France lui déplaît et la pousse à l’étranger. À Amsterdam en Hollande, la jeune fille suit durant 3 ans les cours de danse théâtrale, danse des gestes du quotidien, initiée par Pina Bausch, d’une école supérieure d’art.

« Les études terminées, j’ai commencé à travailler avec un chorégraphe qui m’a physiquement détruite. Cela s’est très mal passé ». On n’en saura pas plus. Pas d’importance, cette cassure enfouie qui se glisse dans ces clichés lui appartient. Et finalement, là où la douceur se mêle de douleur, la douleur se fait douce dans le travail d’Aëla.

La jeune femme retourne alors dans la maison familiale de Bretagne.

Du bouillon culturel et artistique de la ville, elle se sent un peu seule ici et commence son histoire avec la photo il y a deux ans. La photographe autodidacte a aujourd’hui 24 ans.

Elle enchaîne des séries sur sa sœur, « Maïna, ma grande sœur, me ressemble beaucoup. Ça m’intéressait de jouer sur la similarité et la singularité. Comment développer une singularité quand on se ressemble tant ? » sur son entourage vivant, humain ou naturel, qu’elle diffuse sur Facebook ou sur Flickr . Se fait connaître petit à petit.

Incontournable photographe français,Willy Ronis disait « La photographie, c’est le regard. On l’a ou on ne l’a pas. Cela peut s’affiner, la vie aidant mais cela se manifeste au départ avec l’appareil le meilleur marché. »

Chez Aëla, le regard et l’univers sont là. L’esthétisme travaillé est exigeant. Reste la technique qu’elle ne maîtrise pas encore. Du numérique au polaroïd, la jeune photographe se met petit à petit à l’argentique pour apprendre la maîtrise des règles photographiques, de l’outil, de l’art de capter la lumière..

Après des premières expositions à Saint-Nolls puis à Nantes et Athènes, la jeune femme est de plus en plus demandée par des sites ou magazines internationaux. Aëla vient de réaliser sa première interview en français, pour Arkult. L’expérience s’est bien passée, nous confiera-t’-elle. Partagé.

Et moi de repartir faire un tour, dans l’univers d’Aëla en fredonnant The Virgin Suicides de Air et The Pirate’s gospel’ d’Aéla Diane.

Nostalgiques éperdues, s’abstenir.

http://www.flickr.com/photos/aela/

Aëla Labbé est aussi sur Facebook




Raïssa Fatima Tabaamrant, messager chantant



La chanteuse Amazigh Raïssa Fatima Tabaamrant était en concert au théâtre Jean Vilar de l’Île-Saint-Denis dans le cadre du festival Villes des musiques du monde. Après une représentation chaleureuse, véritable échange avec un public fidèle que la musique a perdu dans la danse, et les fameux  « youyou », pure délectation de plaisir, elle nous glisse quelques mots…


Calme et sereine après une heure et demie de chant proche de la transe, la chanteuse semble avoir gagné quelques années, une fois son maquillage essuyé. Fatima, ancienne petite berbère d’Ifrane, devenue véritable diva aujourd’hui est bien connue dans son pays mais aussi en Europe où elle fait de plus en plus de tournées.

Car celle qui a vécu une enfance difficile a su en faire une force, une voix au service d’un message. Après la mort de sa mère, la nouvelle épouse de son père lui fait vivre un enfer.  Elle fuira plus tard un mariage qu’elle n’a pas choisi pour se retrouver à Inezgane, pas très loin d’Agadir où elle habite encore aujourd’hui. Là, elle commencera ses débuts dans la chanson. Des souvenirs liés à ses petits villages du sud du Maroc qui ne lui ont pas tout pris, et lui ont même beaucoup donné. « Je suis née à Ifrane, non loin de Tiznit,  et comme dans beaucoup de villages au Maroc, le soir, nous nous  retrouvions autour du chant et de la danse. En fait, je me suis tout simplement  fait piéger par mon village et j’ai commencé le chant en 1983, j’avais 21 ans! »


L’amour du chant, non le chant de l’amour.


En tout cas, pas cet amour chanté par ses nombreux compatriotes, chanteurs de raï, de chaâbi, ou de chants berbères. « J’ai banni l’amour de mes chansons. Je parle de l’éducation, des femmes, de l’enfance, de la nature. Je voulais chanter des sujets sérieux car je pense que le message vient avant la musique. Le mien est de sensibiliser l’homme au rapport à l’identité : de la culture Amazigh et de la femme. »

Fatima Tabaamrant, diva engagée, oui mais politisée? « Fatalement répond elle: la culture est toujours politique. Mais elle est beaucoup plus noble. Son rôle est de tout faire pour que la politique ne l’envahisse et ne la dénature pas. J’ai eu beaucoup de difficulté au Maroc pour faire connaître mes chansons. Les médias me boycottaient. Il n’y a que depuis les années 1990 que cela prend de l’ampleur. Aujourd’hui, j’ai même été désignée membre de l’IRCAM, l’institut royal de la culture Amazigh qui prouve que le chemin vers la reconnaissance de notre culture est en train d’être pris. »

Alors c’est régulièrement les trois doigts levés qu’elle manifeste son amour pour la culture Amazigh, trois doigts qui  symbolisent la terre,  l’homme et la langue : Akal, Awal, Afgan…Un signe qui trouve un écho dans le public, sorte de lien d’intimité.

Avant d’être un message, puis, une voix, Fatima Tabaamrant est d’abord une poétesse. Une amoureuse de sa langue et des mots car, ce qu’elle veut dire, elle ne l’entend pas beaucoup ailleurs.

« Je respecte le travail des poètes hommes, mais je ne me sens pas bien dans leurs textes. Et ce que je veux dire, personne ne le dit alors je l’écris ! Car pour parler au nom de la femme, il faut d’abord être une femme ! »

Alors, face à cette diva qui ne semble pas connaître l’étrange phénomène de la grosse tête, je fais appel à ses souvenirs et lui demande quelles impressions a gardé la petite berbère de ses premières tournées à l’étranger ? « Le nombre de salles de théâtre m’a impressionné ! Ainsi que le savoir faire technique, organisationnel et le respect du temps. Au Maroc, un concert prévu à 11h peut démarrer à 3 heures du matin ! Malgré tout, je ne me sens bien que chez moi. Ici, je cherche les étoiles et la lune… »




Dany Dan, sans détours

Fort de ses vingt années d’expérience dans le milieu hip-hop, Dany Dan a le sourire facile. L’ancien des « Sages Po » l’affirme dans son dernier album : avec lui, c’est À la régulière, autrement dit: proprement.


Débarqué de République centre-africaine à l’âge de 11 ans, Daniel Lakoué grandit à Boulogne-Billancourt et ne quittera cette ville que pour venir s’installer sur l’Île-Saint-Denis (93), il y a deux ans. Le « petit Africain émerveillé par la ville et ses lumières » découvre la culture hip-hop en bas de sa rue et dans son quartier avec ses amis : tag, break-dance, rap, verlan, graff’… Ce novice, déjà passionné par le dessin, opte pour la bombe et fait ses premières armes sur les murs, laissant son art envahir l’espace public. La rencontre avec deux amis donnera naissance au groupe les Sages Poètes de la rue, qui a connu le succès dans les années 90, période où le rap s’impose sur la scène musicale française. Le trio se met d’accord pour que ses membres existent aussi indépendamment et Dany Dan démarre une carrière solo, revenant régulièrement au graff’ quand le temps le lui permet.


« Claustrophobe artistique »
Ni bavard ni avare de paroles, Dany semble incarner à merveille le fameux « Don’t worry, be happy » de Bobby McFerrin. Pourtant, ses rimes, alignées comme des quilles, tombent sous le poids d’un flow qui détonne. Ses textes transpirent l’égo assumé du rappeur et parlent des femmes, du rap, de la rue, frôlant parfois la frime, évitant toujours le bling-bling. Il y a de la légèreté chez Dany. Même s’il aborde parfois des sujets plus sérieux, pas question d’endosser l’étiquette du rappeur engagé. « Moi, je ramène des couleurs et des histoires. J’essaie d’écrire le reflet de ma réalité. Je n’ai jamais voulu porter cette casquette politique… D’abord parce que d’autres le font mieux que moi. Et puis parce que je déteste être mis dans une case, » explique ce « claustrophobe artistique », comme il aime à se désigner. Du 92 au 93, la périphérie le poursuit ? Non. La vie l’a fait atterrir sur l’île, et vivre en banlieue ne veut pas dire habiter dans un « quartier », rectifie-t-il.  À 36 ans, dont la moitié dans le milieu, Dany, est déjà un papi du rap. Le terme le fait sourire. Il revendique sa longévité et se réjouit d’avoir la plume toujours aussi affûtée.


Le succès, une « patate chaude »
Son regard sur le milieu hip-hop aujourd’hui ? « Il s’est bien débrouillé, notre petit rap français… Mais depuis un moment déjà, les rappeurs chantent moins pour faire de la bonne musique que pour gagner de l’argent. Et quand tu cherches l’argent, tu copies ce qui marche. Or, la reproduction empêche la création. » Un rappeur à grosse tête, Dany ? « Je n’ai jamais eu envie d’être une star, avec les autographes, les groupies, tout ça… j’en suis vite revenu. Si c’était à refaire, je masquerai mon visage. Le succès est une patate chaude. » L’artiste porte un regard pessimiste sur la société actuelle : « Les fossés se creusent entre jeunes et vieux, riches et pauvres… Mais tant qu’il y aura des problèmes, les rappeurs seront là pour en parler. » Au-delà, le rap n’est-il qu’un magnifique instrument de dénonciation fondé sur un triste constat ? « Je n’écris jamais mieux que quand je suis triste. Paradoxalement, en ce moment mes chansons marchent et je suis heureux ! »

À la régulière, sorti en mai dernier en autoproduction
Crédit photo de Une: Manon El Hadouchi



L’orange mécanique: cru 2010

 

 

Fin de journée. Surprise d’avoir une fois de plus vaincu le duo sadique-comique RER-métro. Radio allumée en fond sonore, affalée sur l’objet salvateur marron qui envahit mon ridicule salon parisien, je feuillette les pages du journal du jour. Roms, expulsions, sécurité, violence, racisme, guerre nationale, voyous… Tout d’un coup les premières notes de la 9ème symphonie – 4ème mouvement – d’un certain Ludwig Van Beethoven me viennent en tête… La mélodie de l’Orange mécanique.



Célèbre film de Stanley Kubrick sorti sur les écrans en 1971, adaptation du roman d’Anthony Burgess du même nom (A Clockwork Orange) paru en 1962, l’oeuvre s’impose à nouveau en 2010 et revient nous jeter à la gueule, en vrac : banalisation et esthétisme de la violence, viols collectifs, drogues, manipulations, conformisme social, morale publique, expérimentation scientifico-politique, enfermement…

Au public, s’il survit, d’en tirer les conclusions.

Outrés, choqués, mal à l’aise, admiratifs, époustouflés, les réactions des spectateurs d’hier sont les mêmes qu’aujourd’hui. Et faute d’un Kubrick qui viendrait réveiller cette société étouffée sous le poids des annonces racistes et sécuritaires, on ressort le classique et ose la comparaison.


Pas de droogies-boogy avant vos prières du soir


Dans un décor nocturne urbain, une bande de jeunes, les droogies, déambule au gré de ses pulsions dictées par un puissant mélange de drogues en tout genre. Tabassages et viols collectifs  rythment leurs soirées, le tout en musique, on se souvient du passage où I’m singing in the rain a perdu pour toujours sa légèreté, et en sourire… L’inconscience, l’insouciance d’une jeunesse poussée à l’extrême bat son plein.

Puis, tout fout le camp. Un cambriolage se termine en meurtre, l’autorité d’Alex, le chef de bande est remise en cause avant d’être trahie et de le conduire directement à la case prison. Là-bas, il comprend vite que la Bible peut lui être très utile, pour faire mine de se racheter une bonne conduite aussi bien que pour se laisser aller à des fantasmes inspirés des principaux protagonistes.

Pas assez rapide, une autre solution lui est proposée: être le cobaye d’une nouvelle technique de lutte contre la délinquance financée par le gouvernement : une thérapie qui éradique la violence. Le principe est simple : tout acte de violence est lié à une douleur physique intense ressentie par l’individu au moment où il veut passer à l’acte. Et ca marche. Alex ressort de prison, psychologiquement toujours autant démoniaque mais physiquement doux comme un agneau, incapable de faire « le Mal » autant que de se défendre, d’avoir des relations sexuelles consenties et surtout… d’écouter son air favori : la 9ème symphonie – 4ème mouvement – d’un certain Ludwig Van Beethoven, suite à une malencontreuse erreur du thérapeute. Après d’autres péripéties, Alex se retrouve sur un lit d’hôpital, encadré par un membre du gouvernement qui a soudainement vu un intérêt politique à ce qu’Alex retrouve sa vraie nature….


Remake 2010


Le rôle des droogies serait ici joué par les jeunes de banlieues. A peu de choses près: tournantes, vols, braquages de casinos et tabassages en règle, leurs occupations sont finalement assez proches de celles d’Alex et de ses potes. Non? Mais l’actualité y rajoute aussi de nouveaux acteurs amateurs de violences plus folklos, comme des coups de haches: les roms, gitans, roumains, tziganes- choisissez celui que vous préférez pour plus de simplicité.

Le Nadsat, langage des droogies, mélange d’argot anglo-russe porte désormais le nom de Romlan, mélange de romani et de verlan. Pour exemple: – « Téma la gadji, j’y mettrais bien mon pelo dans le luc! », est une phrase typique des droogies d’aujourd’hui. Terminé  le vieux slibard blanc par dessus le falsard, grosses cylindrées et casquettes à l’envers font partie de la nouvelle tenue réglementaire. Pour une bande-son raccord, les viols se dérouleraient au son des Gypsies ou de Booba selon les ethnies droogies.

Côté casting, le rôle du docteur Brodsky serait tenu par notre ministre de l’Intérieur, rempli d’idées productives ou plutôt de « bonnes intentions » en matière de nouveaux traitements. Les derniers en date : déchéance de la nationalité pour les délinquants français d’origine étrangère et peines de prison pour parents négligents viennent s’ajouter aux plus classiques expulsions, démantèlements de camps, contrôles d’identité au faciès, gardes à vue supplémentaires…. Autant de méthodes pour apprendre aux délinquants à devenir « meilleurs ». L’ aumônier Sarkozy prêcherait la bonne parole aux délinquants prisonniers car l’église seule dispose des enseignements nécessaires pour que l’individu puisse décerner le bien du mal.

Et comme le film, sûrement censuré, n’aura pas un gros budget, on remettrait le même acteur au sommet du gouvernement, l’imaginant plutôt bien tirer les ficelles de cette mécanique de l’orange.


L’homme à tête d’orange


« Orange » signifie l’homme en argot anglais. L’homme mécanique. En français, c’est un fruit, un fruit susceptible de pourrir. Encore que toute pourriture soit relative, entendons-nous.

Est-ce à la « nature du fruit » que l’on doit la pourriture ? Ou parce que l’on a fait de lui une véritable machine ?

Comme l’orange, il arrive à l’homme de pourrir, déposer ses germes sur le reste de ses copines de filet… Mais la pourriture n’est pas forcément là où l’on croit semblait déjà dire M. Kubrick.

C’est lorsqu’elle le prive de sa liberté de choisir entre deux notions relatives aux limites bien complexes: le bien, le mal que la mécanique termine d’achever son forfait sur l’homme à tête d’orange.

Attention cher docteur, à ce que dans le processus en cours, vous ne développiez pas aux meilleurs d’entre nous, une aversion  pour la 9ème symphonie de Beethoven , ou l’autre chant pourtant bien connu qui parle de sang impur et de sillons.

Crédit photos: (c) Manon El Hadouchi




Vincent Ganivet ou l’Art du parpaing

Jeans, baskets, cheveux surpris au réveil, le jeune homme de 33 ans en tenue de chantier reçoit à l’heure du café dans son immense atelier, rue du Bocage à L'île-Saint-Denis (93). Il paraît qu’il est artiste. Et que l’air de rien,  ses œuvres sont en ce moment même au Palais de Tokyo à Paris dans le cadre de Dynastie, une grande exposition sur la nouvelle génération d’artistes contemporains. Quand l'Art rencontre la maçonnerie.


(A droite, Vincent Ganivet devant son atelier épaulé par Momo un collègue et ami qui travaille avec lui ses constructions en équilibre)

Les fondations

« L’idée du Domino cascade ( une des premières performances de l'artiste) est parti d’un délire sur un chantier. Pourquoi ne pas faire s’écrouler des parpaings comme l’on  ferait s’écrouler des dominos ou des cartes à jouer ?

Depuis, le parpaing m’a poursuivi ! »

C'est décidé, ce sera donc ces curieux Lego de plus de 10 kilos que l’artiste utilisera au service de son art. L'idée « est de les disposer de travers, autrement que lorsque j'étais payé pour le faire. » Car des chantiers, Vincent en a fait pour financer ses études aux Beaux-Arts de Paris. « Après avoir fait la seule prépa publique en France, j’ai fait de l’image 2D et de la vidéo aux Beaux-Arts. A côté, je gagnais ma vie en faisant de la maçonnerie. Du coup, les deux se sont rejoints logiquement.

Il y a une dizaine d’années, un copain avait devant sa galerie des parpaings là depuis toujours. J’ai fait un igloo avec qui leur a plu. Ils l’ont laissé exposé dans la galerie. Un jour, un visiteur avec qui j’ai sympathisé m’a proposé d’occuper un atelier sur l’Ile-Saint-Denis. J’ai aussitôt accepté. »

Depuis 7 ans, l’atelier de Vincent prend peu à peu forme pour offrir de l’espace aux divers artistes qui s’y côtoient et à tout projet proposé.

Le chantier

Aujourd’hui, il est le témoin des constructions monumentales de Vincent. « On travaille d’abord sur des maquettes puis, on construit des gabarits, les formes en bois qui vont être les clés de voûte des constructions. » A son actif ? Igloo, autres roues et arches en équilibre, feux d’artifice picturaux, fontaines, fuite d’eau…« Il y a un côté raide minimal, brut dans ce que je fais. L’idée étant de recréer un équilibre précaire que l’on sent fragile. J’aime ce rapport aux spectateurs qu’impliquent mes œuvres : passer sous un arche en parpaings tu le fais ou tu le fais pas !»  Surtout qu’ils ne sont pas collés entre eux, l’œuvre n’étant pas pérenne. « Après l’expo, les parpaings retournent à leur vie de parpaings. Ils s’en vont faire des pavillons en banlieue » explique Vincent, heureux de présenter les vestiges de ses œuvres devenus murs et cloisons de l’atelier. Des parpaings, un objet pas très convoité, plutôt ingrat.

« Peu importe le matériau, c’est une histoire de gestes. Rien n’oblige à travailler le bronze pour faire de belles sculptures. C’est l’énergie qu’on met dedans qui importe. »

Ainsi de la fuite d’eau, première installation dans une galerie: «  Le public n'avait à se mettre sous la dent qu’un seau et une coulée de gouttes d’eau en provenance du plafond. Une provocation, oui mais qui implique tout le monde : le galériste qui doit aller vider le seau toutes les 2 heures et le public car c’est une proposition visuellement raide : tourner autour du seau (du pot?).  Mais la démarche était de faire d’une galère de chantier qui est un poncif,  une espèce de philosophie zen ! On pourrait appeler ça du minimalisme monumental ! »

Travaux finis

Un art intellectualisé qui ne se veut tout de même pas trop intello : « Mon travail plaît autant  à une personne qui pose des parpaings pour gagner sa vie qu’à d’autres qui ont une culture beaux-arts.  Moi-même, je ne vais pas souvent voir des expos, l’art contemporain n’est pas toujours généreux et de ce côté là, l’échange, est fondamental pour moi.  Je donne un truc à voir dont la motivation première n’est pas de se triturer les méninges, même si après, chacun peut y mettre autant d’interprétations qu’il veut. »
Un art contemporain tourné vers l’autre, en interaction avec un public diversifié, c’est la vision de Vincent Ganivet, personnalité aussi éclectique que son art. « Un jour tu manges un kebab, le lendemain, c’est cacahouètes et champagne, c’est le propre de l’artiste d’être une identité transgressive ! »

L’exposition au palais de Tokyo a donné une bonne impulsion à l’artiste qui a déjà des galeristes sur le dos et des projets pleins la tête.

Vincent Ganivet, dans le cadre de l'exposition Dynastie au Palais de Tokyo jusqu'au 5 septembre.

www.vincentganivet.fr

http://www.dynasty-expo.com/d/fr/artistes/artistes.php?art=43




MapJazzy : Du jazz au pop-rock, le duo « s’aime » sa musique au fil des bars


Au hasard d’un soir, dans un café, MapJazzy m’est tombée dessus…

Un regard, un échange. Puis un secret susurré par cette chanteuse à la voix suave et son joueur de clarinette basse, dont on ne sait plus bien s’il joue l’instrument ou si l’instrument se joue de lui; une nuit à y repenser… Pas question que ça reste un coup d’un soir. Je tente l’initiative risquée du premier appel. MapJazzy répond, le début d’une relation ? Possible… Pour se connaître, j’ai jeté ça et là des mots sur lesquels j’ai laissé MapJazzy  ricocher.

MapJazzy…

Raul: C’est un hommage à l’histoire de la musique du XXème siècle avec une relecture jazz. On emprunte au jazz sa liberté, son instabilité, le fait qu’avec lui, tout puisse changer d’un jour à l’autre. Map pour les initiales de Merle-Anne Prins-Jorge, notre chanteuse à la voix extraordinaire. C’est aussi une référence à la mappemonde, pour mieux traverser les frontières.

Merle-Anne: Avec MapJazzy, on essaie de lutter contre la mort de la vie nocturne à Paris. D’apporter un peu de douceur à cette capitale qui se fait moins bruyante qu’avant. L’idée, c’est de pouvoir venir jouer partout, dans le maximum de lieux publics ou chez des particuliers pour faire découvrir le jazz aux amateurs autant qu’aux non-initiés. Si en buvant un coup, un air fredonné attire leur attention, nous sommes les grands gagnants de la soirée. La transmission est quelque chose de très important. Pour nous, elle fait partie de la musique.

Références…

Merle-Anne : On emprunte à tous les répertoires connus que l’on aime : aussi bien des classiques du jazz comme Ella Fitzgerald, Janis Joplin, Louis Armstrong, Sarah Vaughan, que de la pop ou des musiques du monde : les  Beatles, U2, Police, Joao Gilberto, Henri Salvador. On tourne avec une trentaine de morceaux mais on continue d’élargir notre palette. Il y a tellement de belles chansons.

Raul : Il y a aussi Bobby Mac Ferrin ! Tuck and Patti, un duo couple que nous aimons beaucoup et Eric Dolphy, grand saxophoniste clarinettiste. Pour le silence : Miles Davis, pour cette envie de jouer notre musique dans les bars : Akosh, enfin, Musica Nuda, un groupe italien pour l’hommage aux grands standards de la musique. Mais en règle générale, on aime la soul, le jazz, le funk, le groove. On est très black music !

Je pense vraiment que le rôle du chanteur, c’est d’être un guide, emmener à la découverte ou la redécouverte de plusieurs sons. Nous travaillons actuellement sur un album plus pop-rock : Big Biz (comprendre « Big bisous », un mot doux coutumier du duo musical)

(Pour l’énergie, pas de doute! Allez voir l’extrait vidéo de Taratata, chanson extraite de l’album en cours)

Voyages…

Raul (rêveur) : Ce projet a débuté par un voyage : celui d’un italien venu tout droit de  Catanzaro en Calabre à Paris pour passer son bac et étudier le Jazz.

Puis, un autre voyage, plus récent, celui de Merle-Anne en Italie qui a donné lieu au projet Mapjazzy.

Merle-Anne : Tout est histoire de voyages depuis mes origines… La traversée d’un homme venu d’Afrique (Angola) qui a fait la rencontre d’une femme en France. Ils conçoivent un enfant à Rome qui naîtra à Paris. (Merle-Anne)

Le voyage est aussi le but de ce projet : chercher à transporter les musiques. On est basé à Paris mais le disque sortira d’abord en Italie, car nos premiers concerts se sont déroulés là-bas.

Un voyage encore dans le monde du silence parce qu’il est aussi musique.

Amour…( le duo est aussi couple dans la vie)

Merle-Anne : Ma grande tante Juliette disait: « Tu n’as pas connu l’amour tant que tu n’as pas connu un Italien! » (Rires)

Raul : Nous, c’est l’histoire d’amour d’un être avec son double (…)

Merle-Anne (l’interrompant) : « Il est bavard! Intarissable sur ce sujet! » me glisse-t-elle en aparté.

Disons que Nous, c’est depuis toujours. J’aime à dire que c’est un France-Italie sans coup de boule à la fin !

Raul : On s’est mis ensemble il y a 15 ans durant notre formation musicale au CIM de Paris (école de jazz et de musiques actuelles) puis, pendant 10 ans chacun a vécu sa propre histoire. On s’est finalement retrouvé autour d’envies musicales. J’avais écrit des chansons que je pensais chanter moi-même, mais j’ai vu en Merle-Anne la parfaite interprète.  Un amour qui a donné naissance à un disque, mais aussi à un bébé!

Merle-Anne: Justement, dans le titre Dans mes rêves qui est une de nos compositions, je parle de cet amour partagé entre la musique et la maternité : « J’ai laissé ma fille dormir seule à la maison pour vivre mes rêves…. ». Il y a un côté utopiste à vouloir faire l’artiste…

De toute façon, on est très love, très spirituels…

Raul : Très soul quoi (…)

Merle-Anne: Un autre mot vite! (rires)

Alors ce sera : Paris…

Merle-Anne: Ah ! C’est là que tout a commencé ! Là où l’on habite, où l’on démarre nos projets, notre histoire. C’est la plus belle ville du monde. Mais pour y être bien, il faut voyager. Paris ne tolère pas la médiocrité. Il y a ici une intellectualisation de tout qui stimule mais qui est peut-être un peu trop présente… Les échanges dans les bars, tout ce bouillonnement, c’est à ça que nous sommes attachés.

Raul : C’est une vraie ville métisse. Merle-Anne me donne ce petit côté parisien, cet amour du bouillonnement. N’étant pas natif de la capitale, je n’en suis pas encore blasé ce qui me permet de lui redonner à mon tour régulièrement le goût de Paris. C’est un échange.

Merle-Anne : C’est vrai que je ressens une déprime générale : ici mais aussi partout ailleurs, les gens sont las, exténués. Ce monde est trop violent. Ce nouveau temps que l’on impose est trop violent : il faut aller toujours plus vite, devenir star à 20 ans avant que cela ne soit trop tard. Le fameux « time is money » a fait des ravages. La musique, c’est avant tout de l’air qu’on déplace et qui vient faire vibrer les petits duvets des oreilles. Une sensation qui fait du bien. Un côté doux, enveloppant, le côté féminin de Paris.

Improvisation…

Merle-Anne: Là maintenant tout de suite?!

Raul: Oh oui!!!!

Bobby McFerrin- Don’t worry, Be Happy- par MapJazzy. Version a cappella sur fond sonore d’ambiance de bar!

MapJazzy- Don’t Worry, Be Happy –

MapJazzy c’est aussi une actualité:

– Le projet Mapjazzy:

Enregistrement du disque Voice Link prévu fin juillet. Plus d’info sur le myspace : http://www.myspace.com/mapjazzy (Attention la qualité son est bien meilleure en vrai que dans les vidéos !!)

– Le projet Big Biz :

L’album est déjà enregistré. Il sortira d’abord en Italie mais seulement après la sortie et la digestion de Voice Link.

Photos: (c) Manon El Hadouchi




La tête en friche loin des têtes d’affiches

Au départ, un livre aux ingrédients pourtant pas bien « folichons »: vieille mamie attachante et benêt au cœur tendre, le tout agrémenté de gras pigeons armés de sobriquets, de livres et dico en passe d’être apprivoisés. Pourtant, La tête en Friche de Marie-Sabine Roger est un de ces bouquins qui réussit à donner naissance à un plat doux et relevé.

Miraculeusement le mélange prend vie, senteur, goût, odeur et sens. Parce que les phrases sont brutes, osent le nu. Le lecteur assiste à un étrange accouplement où les mots de tous les jours n’ont pas peur de se dresser fièrement à côté de mots nouveaux, un rien prétentieux parfois, mais pourtant si délicats…Tout ça  sous la plume aguerrie de Marine-Sabine Roger, qui, ancienne enseignante, connaît bien son sujet.

Le sujet justement : une rencontre entre Germain, un « gars de la terre » en manque d’amour et Margueritte une vieille dame passionnée de livres et avide de transmission. Mais aussi le langage des mots, la confrontation d’un Savoir que l’on croit inaccessible et d’une naïveté parfois mangée par ce premier. Bien des fois, je me suis sentie Germain, bien des fois, je me sens encore Germain, perdue dans un tourbillon de mots, d’images et de références loin de mon quotidien…

Pour cela, je suis allée voir l’adaptation cinématographique…Le film quoi, le film tiré du bouquin.

Petite hésitation déjà en voyant le Germain de Jean Becker: Depardieu ?! Pff…

Curiosité oblige, je franchis malgré tout la porte de la salle et me voilà partie…Moins loin que je l’aurai aimé.

Entrée en matière trop brutale, performances d’acteurs douteuses, poésie enfuie, flashs back mielleux….Quand l’image s’emmêle, c’est une friche qui n’est plus. Un film trop propret. Un simplet trop intello pour croire à une soudaine découverte de la magie des livres,  une mamie sans brin de folie : ridée mais trop lisse, sympatoche mais trop moraliste, touchante mais finalement un peu chiante…Une Marguerite à laquelle on a enlevé son deuxième  « t » qui faisait pourtant toute la différence.

Autre histoire que celle de Sabine que j’avais laissé m’apprivoiser, cette adaptation ne laisse pas plus de traces qu’un bon Louis la Brocante une soirée de pluie.

Il y a de ces livres qui devraient le rester. Des livres à ne pas rater.

Extraits:

« Margueritte dit que se cultiver, c’est tenter de grimper en haut d’une montagne. (…) Un beau matin, on prend son sac à dos, on commence sa marche. (…) On croyait que le monde s’arrêtait à la colline en face, mais non ! (…) une fois qu’on est tout en haut, on est content (…) seulement au bout d’un moment, on se gaffe d’un truc tout con : c’est qu’on est seul, sans plus personne à qui causer. (…) C’est sans doute à ça qu’elle pense Margueritte quand elle dit (…) que la culture isole. »

« C’est pas parce qu’on est inculte qu’on n’est pas cultivable. Il suffit de tomber sur un bon jardinier. »

La tête en friche, Marie-Sabine Roger, Ed du Rouergue, 2008

La tête en friche, un film de Jean Becker, sortie dans les salles en juin 2010




Expo : Duane Hanson – Le rêve américain d’un désenchanté


En guise d’accueil, une jeune pompom girl déjà fatiguée. Puis des touristes lasses, un docteur au regard perdu dans le vague, un bodybulder au bord du dégonflement….Le rêve américain, démystifié.

Etudiant, surfeur, vendeur de voitures se confondent étrangement avec les visiteurs étonnés. Etonnés par le réalisme de ces sculptures humaines sans vie et pourtant si expressives. Et moi de regarder ces touristes dans cet étrange zoo de la vie, des touristes qui n’osent s’approcher de trop près. De rigueur au musée Grévin, les appareils photos sont silencieux. Curieusement, l’idée ne vient à personne de les sortir. Ici, on admire l’Ennui. La star, c’est le spleen.

Au-delà du résultat physique et technique étonnant de vérité où, bourrelets, rides, boutons, chair de poule et poils au dos nous renvoient à notre image telle qu’elle est, la démarche artistique du père de l’hyperréalisme est encore d’actualité.

« Tout le monde à un moment de son existence a été ou sera une figure de Duane Hanson, un être soudain figé sur place, perdu dans ses pensées, paralysé par un je ne sais quoi…Une sorte de torpeur existentielle qui renvoie à l’isolement de l’individu » écrivait Bruce Bégout, philosophe et écrivain français au sujet de l’artiste.

Pas de piédestal, à hauteur humaine, cowboyman et ouvriers de chantiers se tournent le dos, portant le fardeau des classes populaires de l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui. Pas de critique portée derrière ces 15 portraits exposés, pas de dégoût ou de jugement. On perçoit d’abord le regard d’un homme fasciné par les gens, petits, grands, moches, les abîmés de la vie.

La projection d’un entretien dans l’atelier de l’artiste, permet d’en apprendre plus sur la démarche de Duane Hanson : « Donner du recul à des personnages trop près de nous. (…) d’étudier les gens ordinaires qui souffrent du quotidien. (…) parce que la résignation, le vide et la solitude de leur existence captent la véritable réalité de la vie des gens. »

Duane Hanson, Le rêve américain…

Mercredi, jeudi, vendredi, dimanche de 14h à 19h et samedi de 14h à 21h au pavillon Paul Delouvier du parc de la Villette jusqu’au 15 août.