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Désolations en Alaska … La terreur selon David Vann


Quand la rigueur des éléments n’est rien face à la froideur des sentiments humains, David Vann nous propose une descente dans l’enfer de la psychologie humaine.


Gary, la soixantaine approchant, décide de réaliser son rêve de jeunesse … Bâtir une cabane sur une île d’Alaska. Se contenter du strict nécessaire, et chaque jour défier la nature et la rudesse qu’elle impose à la vie.


Il entraîne Irene, sa femme, dans sa folle entreprise …
Et folle, elle aussi va le devenir progressivement. Méditant sur ce qui l’a poussée à suivre cet homme toute sa vie durant … A dire amen à tous ses projets …
Au-delà du projet de cabane, c’est toute sa vie de famille qu’elle reconsidère. A l’aune de ce qu’elle aurait souhaité. Le constat est sans appel et douloureux.


Autour de ce couple, nous assistons au déchirement d’une famille. En apparence, une famille.
En observant davantage, des individus ne partageant rien de plus qu’un lien de sang. La soeur (Rhoda) est une inconnue dans le coeur et dans les yeux de son frère (Mark).


Rien de plus en somme que la dramatique histoire de la vie, entre rêve de jeunesse, médiocrité du quotidien et désillusion à venir …


L’amour se transforme lentement en une routine ravageuse et destructrice, où le moindre obstacle prend la dimension d’un gouffre insurmontable.
Cette descente aux enfers inexorable tout au long de ces 300 pages plonge le lecteur dans une profonde angoisse.


A la sortie d’un tel roman, l’espoir paraît hors de propos, le bonheur honteux et le sentiment d’accomplissement illusoire.


David Vann réitère l’exploit de « Sukkwan Island » dans son deuxième roman traduit en Français sous le titre « Désolations » (« Caribou Island » dans son titre original). Il nous plonge dans les bas-fonds de l’âme humaine, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. Paradoxal ? Je vous laisse juge …


Désolations est publié aux éditions Gallmeister (http://www.gallmeister.fr/) – 304 p. – 23 €

 




La Guerre est Déclarée – Valérie Donzelli / Jérémie Elkaïm

Un des plus beaux films qu’il m’ait été donné de voir.


Attachants, ces acteurs.
Bouleversante, cette histoire.
Communicatives, les joies et les peines.
Débordante, l’émotion.

Oui, ce film est un abécédaire du cinéma comme on l’aime.

Une histoire vraie.
Les personnels médicaux jouant leur propre rôle pour certains.
Les acteurs principaux racontant leur histoire, ou ce qui s’en rapproche.
Et le film tourné au coeur de leurs lieux de vie.

Et au milieu, un petit garçon.
Adam, fruit de l’amour de Roméo (Jérémie Elkaïm) et Juliette (Valérie Donzelli).

Diagnostic d’une tumeur maligne au cerveau alors qu’Adam n’a pas encore 3 ans, et c’est l’univers entier de la famille qui menace de s’effondrer.
Les résolutions sont là : se battre coûte que coûte, ne jamais baisser les bras, surmonter cette épreuve, faire fi des petits tracas de la vie quotidienne. Se concentrer sur l’essentiel.

Tout un protocole pour continuer à vivre.
Pleinement.

Les images sont simples. Elles contribuent à ce que le spectateur s’immisce, sans même le vouloir, dans un quotidien qui aurait toutes les raisons d’être dramatique.

La musique est puissante.
Folie électronique. 
Passages majestueux où la musique classique trouve naturellement sa place.
Chansons d’amour.  J’ai d’ailleurs eu un vrai coup de coeur pour « Ton grain de beauté », composé par Valérie Donzelli, interprétée par Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm, et rien de moins que Benjamin Biolay aux arrangements.
C’est bien toute la complexité et la diversité des situations de la vie que reflète cette bande originale

Loin du drame que traversent tous les personnages, c’est un véritable hymne à la vie, à l’espoir que nous livre ici Valérie Donzelli, dans son 2e long métrage en tant que réalisatrice. « La Guerre est déclarée » a obtenu le Grand Prix du Festival de Cabourg ainsi que le Prix du Jury, le Prix du Public, et le Prix des Blogueurs au Festival Paris Cinéma.










J. S. Foer – Dis-moi ce que tu manges …


Quoi ? Vous avez mangé de la viande à midi ?

Vous préparez du poisson pour ce soir ?

Tout laisse à penser que le nom de Jonathan Safran Foer vous est encore inconnu …



Dans son ouvrage, l’écrivain new-yorkais se livre en effet à une étude de nos comportements alimentaires et de leurs conséquences sur les élevages et les traitements infligés aux animaux.

Si vous pensiez vous abriter derrière les labels et appellations tels qu’ « élevés en plein air », « bio », et j’en passe, jetez un oeil à « Faut-il manger les animaux ? ».


Loin des discours moralisateurs de certains extrémistes végétar/l/iens, J. S. Foer livre par écrit ses propres réflexions sur quelle alimentation donner à son jeune fils.
Et il tient à ce que le lecteur garde à l’esprit que c’est le père de famille qui est allé visiter des élevages considérés comme traditionnels. Il a également rencontré d’anciens (ou actuels) employés d’élevages industriels (…ayant presque toujours souhaité garder l’anonymat).


Ces mêmes élevages où vetusté, torture et barbarie représentent souvent le quotidien des animaux qui y sont cultivés (peut-on vraiment parler d’élevages dans ces conditions), abattus, et « préparés » en vue de les rendre « propres » à la consommation humaine.

Privations, enfermement, dégénérescence génétique, démembrements à vif … les pires pratiques y passent … et créent des espèces animales mutantes, incapables de vivre à la lumière du jour ou encore de se reproduire entre elles …

Des dindes assexuées, des poulets n’ayant comme espace vital que la surface d’une feuille A4, des porcs électrocutés, torturés, de jeunes boeufs castrés à vif … Il est préférable de terminer son assistte avant de reprendre sa lecture…

Et pourtant, jamais l’auteur ne se pose en extrêmiste moralisateur mais se propose toujours de fournir les clés pour que chaque lecteur puisse répondre, en son for intérieur, à cette question essentielle, et universelle : « Est-il vraiment naturel de manger des cadavres d’animaux ? »


Vous vous en doutez, cette lecture interroge. Retourne. Bouleverse.
A découvrir de toute urgence pour se faire sa propre opinion sur la question !


Cet ouvrage, qui fait suite dans l’oeuvre de Foer au succès de « Extrêmement fort et incroyablement près » est le fruit de trois années de recherches et de rencontres. Jeune père, compagnon de la romancière Nicole Krauss, Foer s’affirme comme une vraie figure de la nouvelle littérature états-unienne.
Il sort en 2011 son nouveau roman « Tree of Codes ».



Bibliographie de J. S. FOER :

2009 : Eating Animals (Faut-il manger les animaux ?)
2005 : Extremely Loud and Incredibly Close (Extrêmement fort et incroyablement près)
2005 : The Unabridged Pocketbook of Lightning
2005 : A Beginner’s Guide to Hanukkah
2004 : The Future Dictionary of America
2002 : Everything Is Illuminated (Tout est illuminé)
2001 : A Convergence of Birds






Vivement la guerre …

Soyons provocateurs !
Oui, vivement la guerre, ou plus précisément, vivement que la guerre soit déclarée. N’allez pas y voir là des velléités belliqueuses, mais bien une réelle curiosité cinématographique.

« La Guerre est déclarée » est en effet le titre du second long métrage de Valérie Donzelli (qui avait signé « La reine des pommes », sorti en salles en 2010), et largement remarqué à l’occasion du dernier festival de Cannes.


Une histoire d’amour. Ordinaire. Avec joies et peines.
L’apparition de l’enfant, puis de la maladie. Et le combat du quotidien, le combat au quotidien, le combat contre le quotidien.


Et c’est bien tout ce chapelet d’émotions qui nous assaille à l’écoute de la BO du film.
Une bande originale pour le moins originale, où Vivaldi côtoie Jacques Higelin, et des créations originales interprétées par les deux acteurs principaux du film : Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm.


Musique classique, nouvelle scène française, musique électro … Un tel ecclectisme dans une bande originale (8 extraits pour le moment, sur 18 morceaux pour la Bande Originale dans son intégralité) laisse présager toute la complexité des personnages, des émotions véhiculées tout au long du film, des contradictions, des personnalités, … bref, de la vie dans ce qu’elle a de plus basique, et paradoxalement aussi de plus complexe.


Alors, oui, vivement la guerre …
Au cinéma le 31 août. A suivre !


Bande originale disponible sur les plateformes de téléchargement depuis le 11 juillet.
Plus d’informations sur www.laguerreestdeclaree.com





Bruit et fureur : We Were Evergreen & The Stoned Popes

Ce billet n’entend pas se faire couronner d’un prix, bien heureusement.
Mais le concert auquel il m’a été donné d’assister hier soir en aurait mérité un, sans conteste !


En première partie, les We Were Evergreen, ou comment chauffer la salle, faire oublier l’hiver, faire rêver de l’été et des jours heureux et chaleureux en quelques morceaux subtilement orchestrés entre guitare, ukulélé, beat, synthé …


Un groupe qui monte vite (et avec quel talent !), un groupe à suivre de toute évidence, ils seront le 29 avril à la Java, et avant cela au Printemps de Bourges !


Puis les Stoned Popes … Commença alors une période de bruit … Sorte de vomissement musical … Heureusement arrivèrent rapidement le lyrisme, l’harmonie, et plus prosaïquement la folie dans le Nouveau Casino ! Une ambiance à faire trembler les murs de la scène parisienne … La petite dizaine de musiciens alternait entre performances musicales et mégaphone, sifflet, jeu avec la salle !


Une communion avec le public comme on en redemande ! Et le public a été servi !

La conclusion de ces deux heures d’extase musicale a ravi l’assistance, et pour cause : les deux groupes se sont retrouvés sur scène, en toute simplicité, pour finir d’enflammer le cœur et les oreilles de leur public !


We Were Evergreen : Lien vers le Myspace


The Stoned Popes : Lien vers le Myspace






Une pomme et tout part en compote … Pietragalla !

Une pomme et tout part en compote …


Excusez ce jeu de mots  culinaire, et permettez-moi de vous conter l’histoire de la femme revisitée par Marie-Claude Pietragalla dans son dernier spectacle « La Tentation d’Eve ».

Et c’est hélas bien d’histoire que l’on parle ici, et non de réelle ôde à la femme.
L’histoire de la femme originelle tout d’abord, Eve. Celle qui succomba au péché. Celle qui croqua la pomme. Celle qui éloigna l’humanité du jardin d’Eden.


Puis l’histoire de la femme à travers différents âges.


La préhistoire, avec ses hurlements, hors de toute structuration, seule transcription d’une humeur, d’un instinct, mais sans articulation possible.
Puis la femme séductrice, aussi bien en Asie qu’en Grèce Antique. La parole fait son apparition.
Le Moyen-Age, la Renaissance s’enchaînent ensuite. La parole est secondaire. La condition de la femme également. Heureusement qu’il y la danse, à la Cour comme aux bals.

Le dernier centenaire vient clôturer le bal.
Le Paris de Barbara … le cabaret, les histoires d’amour, le Paris romantique … sur un air de « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous » … Troublant de réalisme.
La folie des années 50, la femme-mère, l’enfant-roi, les tâches ménagères … et la danse comme seul échapatoire.
Et pour terminer cette course frénétique … la femme de début de 21e siècle, enfin parvenue (à quelques inégalités résiduelles près) à obtenir son naturel statut d’égal de l’homme, et jouissant de cette façon, de la même fureur du travail, du stress.



Et si tout ceci ne tenait qu’à une pomme ?


Le rythme du spectacle nous propose ainsi un véritable crescendo dans la folie.
Sous couvert de nous présenter les traits d’une structuration de la pensée, de la danse, et par là, de la vie, on assiste en fait à une destructuration de la pensée, de nos modes de vie et de communication et de nos rapports à l’autre.

Pour preuve, j’en veux cette analogie établie entre les chevaliers en armure moyen-âgeux qui paraissent tellement humains en comparaison des robots que l’on introduit progressivement dans nos foyers en ce début de 21e siècle.


Marie-Claude Pietragalla rend hommage à la femme, la femme originelle, Eve.
Mais elle lui rend un hommage particulier, presque sous forme de reproche. On sent arriver sur toutes les lèvres la question : « Mais pourquoi ? Pourquoi avoir croqué cette pomme ? » Puis, naturellement, cette interrogation : « Et si ? », oui et s’il n’y avait pas eu de pomme ?
Nous rentrons là dans des considérations théologiques …


Et Pietragalla dans tout ça ?


Pietragalla, divine, saisissante, est hélas contrainte par la scénarisation du spectacle. On souhaiterait tellement la voir s’échapper vers davantage de liberté et d’entreprise, vers une performance extraordinaire. Elle nous confirme « seulement » ses talents de danseuse étoile, bien loin d’être perdus.

Mention toute particulière à l’interprétation de « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous », et au spectacle de marionnette, emplissant la salle d’une émotion non dissimulable, bercée par de tendres sourires.






Plus d’informations sur : http://www.pietragallacompagnie.com/



La tentation d’Eve, en tournée dans toute la France
22 mars : Lille (59), Théâtre Sébastopol
28 mars : Nantes (44), Cité des Congrès
08 avril : Genève (Suisse), Théâtre du Léman
11 avril : Clermont Ferrand (63), Maison des Congrès
19 avril : Le Mans (72), Palais des Congrès
20 avril : Angers (49), Cité des Congrès
10 et 11 mai : Toulouse (31), Casino Théâtre
12 mai : Béziers (34), Zinga Zanga
14 et 15 mai : Lyon (69) Amphithéâtre
17 mai : Nancy (54), Salle Poirel
20 mai : Nice (06), Acropolis


Billets disponibles sur FnacSpectacles
http://www.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Danse-contemporaine-MARIE-CLAUDE-PIETRAGALLA-PPIET.htm%23blocSeances




Henri IV, la dérangeante modernité d'un souverain

Il était une fois un Roi de France. Un bon Roi de France. Moins pire que les autres en tout cas. Le Bien Aimé, comme il aimait à se faire appeler.


Un Roi de France capable, par ses seules paroles, par un unique écrit, d’instaurer la paix religieuse en son royaume. Mais aussi, plus tard, la guerre en Europe.

Henri le Quatrième. Henri IV, le Bien Aimé.


Sujet de la nouvelle pièce de Daniel Colas, présentée au théâtre des Mathurins, dont il est le co-directeur depuis 2006. Un voyage de 2h30 dans les souvenirs de l’Histoire de France, enfouis en chacun de nous, et ne demandant qu’à refaire surface. Mission réussie.



Dès les premières minutes, le public est transporté en plein XVIe siècle, à la cour du Roi de France. Décors, costumes, personnages. Tout y est. Henry IV y compris, incarné par l’excellent Jean-François Balmer (qui signe ici sa deuxième composition royale, après avoir interprété Louis XVI dans « La Révolution Française », films de Robert Enrico et Richard T. Effron, 1989).



Le lever du Roi. Les disputes conjugales du Roi. Les maîtresses du Roi. Les conseillers du Roi. Le confesseur du Roi. La vie du Roi.
Une vie bercée et chahutée par les émotions de cet homme, tantôt séducteur, tantôt colérique. Une vie traversée d’émotions et d’humeurs souvent contradictoires et antonymiques. Mais une vie tellement moderne et proche de nous. C’est bien là le trait de génie de Daniel Colas.


Retour en arrière.
2009. Théâtre des Mathurins déjà. Daniel Colas présente son spectacle intitulé « Les Autres ». Retour à la France des années 1960. En pleine guerre d’Algérie, Jean-Claude Grumberg, l’auteur de la pièce, nous présente le racisme ordinaire. La haine et l’indifférence au seul motif de la différence. Des phrases choc. Des situations où le rire se mêle à la détresse et la gêne. Des murmures qui courent dans la salle. Est-ce allé trop loin ? Non. Il faut aller loin pour se rapprocher de son public et l’impressionner (au sens littéral), étrange paradoxe.


Dernier acte à la Cour de France

Daniel Colas aime à nous replonger dans des périodes plus ou moins lointaines de l’Histoire de France pour mieux pointer du doigt les injustices ou les absurdités de notre société contemporaine. Ainsi, ce vieux Roi, pourtant volage, colérique, comploteur, fait preuve d’une véritable clairvoyance. Il aspire à la liberté de culte, au respect mutuel. Il souhaite bannir toute haine religieuse de son royaume, et commence pour ce faire, par appliquer ses préceptes à ses plus proches conseillers et amis.
C’est un véritable appel à la tolérance auquel le spectateur assiste alors.


Une fois de plus, le message passe. Le spectateur ressort de la salle transporté à une autre époque, si lointaine et pourtant si proche. Il se prend à rêver d’un Edit de Nantes revisité. Une injonction au respect mutuel, à la liberté de culte, à la liberté de moeurs, proclamée par une organisation au-delà des préoccupations politiques et financières.

Comme l’écrivait un écrivain moderne : « Et si c’était vrai ». Cela ne coûte rien d’y croire et d’espérer.



Henri IV, le Bien-Aimé, Théâtre des Mathurins, 36, rue des Mathurins (VIIIe).
Tél. : 01 42 65 90 00.
Horaires : mar. au sam. 20 h 45, sam. 15 h 30, dim. 15 h.
Places : de 26 à 47 €. Durée : 2 h 30 (avec entracte de 15 minutes)



Salon du Livre Jeunesse – Des invitations à gagner !


La 26ème édition du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse ouvre ses portes pour une semaine à partir du 1er décembre.

A cette occasion, Arkult vous offre des invitations pour découvrir et redécouvrir toutes les animations proposées à l’Espace Paris-Est-Montreuil.


Et autant vous dire que le programme de cette nouvelle édition est riche et varié :

  • des centaines d’exposants et des milliers de livres en tout genre
  • une grande librairie européenne de jeunesse
  • une immense exposition sur le thème des princes et princesses
  • un festival de cinéma d’animation
  • des rencontres, des lectures, des ateliers
  • des parcours et des prix littéraires
  • une journée professionnelle et des formations et de nombreux autres rendez-vous avec la littérature jeunesse


Pour gagner une invitation, il vous suffit de nous envoyer un mail à l’adresse contact[at]arkult.fr en répondant à la question suivante :

Combien d’auteurs et d’illustrateurs ont participé à l’édition 2009 du salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil ? Indice ici.


Le site de la 26ème édition du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse.


Bonne chance et à bientôt au Salon et sur Arkult !






La Porte des Enfers, Laurent Gaudé

La Porte des Enfers


La mort est sans doute le dernier refuge de la religion dans nos sociétés contemporaines.


La mainmise sur la cellule familiale s’estompe peu à peu, les positions d’une grande partie de l’Eglise sur la sexualité de la société semble anachronique.

La vie sur Terre n’est quasiment plus considérée comme un passage obligé avant d’atteindre un autre monde, on a vu ainsi se développer des sociétés entières basées sur le désir, la consommation, la jouissance quotidienne et polymorphe.


Mais la mort reste propriété de l’Eglise. Les cimetières ne sont-ils pas les derniers lieux à connotation religieuse qui subsistent dans nos sociétés, aux côtés des lieux de culte ?
Ils représentent d’ailleurs un culte à eux seuls : le culte des morts.


C’est à ce culte qu’est consacré le roman de Laurent Gaudé, La Porte des Enfers.


Au commencement est un enfant, Pippo de Nittis. Jeune Napolitain, du haut de ses 6 ans, il a toute la vie à découvrir. Et pourtant, c’est sa vie qui va brutalement le quitter, un matin de marché, dans les rues animées de Naples. Un matin de marché ordinaire. Un matin où il craint d’être en retard à l’école. Un matin. Naples.

Des règlements de compte. Des échanges de tirs. Une balle perdue. Un enfant. Pippo.


Cette vie qui s’achève prématurément laisse Matteo et Giuliana désemparés. Ensemble et pourtant si seuls. Aucune communication n’est plus possible entre eux. Le spectre de leur fils se dresse désormais comme une véritable barrière dans leur couple.

Chaque regard qu’ils échangent, chaque parole qu’ils souhaiteraient prononcer viennent se heurter à la vision de leur enfant mort. Seules deux choses pourraient les réunir à nouveau : que leur fils leur soit rendu, ou que leur vengeance soit consommée.

Décor posé. Le moment est venu de plonger dans l’aventure.


L’auteur joue avec les nerfs et les émotions de son lecteur. L’atmosphère étouffante, la chaleur, la puanteur, la saleté.
Dans la lignée de L’Etranger et de La Peste de Camus, du Soleil des Scorta et de La Mort du Roi Tsongor du même Laurent Gaudé, le lecteur est opprimé, il suffoque.
Il ne reprend son souffle qu’une fois le livre terminé, l’histoire achevée, les secrets enfouis dans un oubli volontaire.

Et pourtant, dès que l’occasion se présente de replonger dans les univers oppressants que dépeint Laurent Gaudé, je ne peux m’empêcher d’y aller à pieds joints ! Et toujours sans le moindre regret !


Laurent Gaudé, La Porte des Enfers, éditions Actes Sud
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Sniper, Pavel HAK

Confessions d’un tireur embusqué.

Récits des exactions commises en toute impunité aux enfants, aux femmes, aux hommes, aux vieillards.

Témoignage d’un groupe de fuyards, bravant les dangers naturels et humains pour se soustraire à la terreur environnante.


Trois points de vue qui se complètent dans le deuxième roman de Pavel HAK, et qui plongent le lecteur au cœur d’une guerre civile qu’on ne s’imagine que trop bien. Elle n’est jamais localisée précisément, et pourtant, tout nous semble limpide, tant l’actualité des dernières années remonte facilement dans l’imaginaire collectif.


Et avec elle, remonte également un goût amer dans la gorge du lecteur, un dégoût franc vis-à-vis de l’homme et du champ de ses possibles dès lors qu’il est autorisé, plus ou moins sciemment, à plonger dans l’horreur et la terreur et laisser libre cours à son imagination pour asseoir sa domination sur ses semblables en prétextant, qui d’une religion supérieure, qui d’une couleur de peau dominante, qui de mœurs étrangères et impures.

Parfois à la limite du supportable tant la description des supplices se veut réaliste et variée, ce roman pose la question de la nature humaine et de la soumission de l’homme , des excuses qu’il se crée pour s’autoriser à battre ses semblables, les piéger, les torturer, les exécuter, les anéantir.


La crainte qui naît dès les premières pages du récit se trouve bien vite affirmée et confirmée : l’homme ne connaît pas de limites dès qu’il est assuré – par ses supérieurs, par une doctrine, par ses gouvernants, par ses semblables – de faire le bien et surtout de se voir garantir une impunité totale, tant l’œuvre qu’il accomplit est sensée et contribue à la prospérité des valeurs auxquelles il croit ou est forcé de croire.

Ce récit redonne, paradoxalement, espoir en la nature humaine, en sa capacité à résister, à défendre ses opinions, même si ce comportement est directement synonyme de mort. Héroïsme lyrique, romantisme de bas étage, ou courage devant l’adversité, optimisme illusoire certes, mais ô combien glorieux.


A travers ce livre s’affirment ainsi le combat pour la liberté, l’affranchissement face au pouvoir militaire, face au pouvoir de la terreur.


Pavel HAK, Sniper
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Les singeries d’Oncle Boonmee …

Affiche du film

Week-end / Paris / Multiplexe / Oncle Boonmee (trouvez l’erreur!)


Le premier plan ne trompe pas : la jungle, la nuit, une vache, un lien qui cède, cette vache qui s’enfuit. Elle est rapidement rattrapée par son maître qui la ramène docilement à son attache. Vous venez de vivre les cinq premières minutes d’Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures), le dernier film du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, récompensé par la Palme d’Or lors du dernier Festival de Cannes.


Et avec cette scène, vous ne vous doutez pas que c’est l’un des moments les plus impressionnants des deux heures qui vous attendent que vous venez de laisser filer, sans même en profiter, sans même vous en délecter, sans même en garder une empreinte fraîche et nette dans votre esprit, juste « au cas où ».


Au cas où … au cas où … hélas le cas est là. Vous venez d’embarquer pour deux heures de cinéma thaïlandais, en bonne et due forme. Les plans durent, mais ne sont pas fixes. Le spectateur, lui, essaie de fixer, mais c’est dur.

L’histoire est somme toute banale : un homme, à l’article de la mort, se remémore ses vies antérieures. Il se revoit ainsi en poisson-chat violeur de princesse, puis retrouve sa femme morte des années auparavant et son fils, devenu entre-temps grand singe et hantant les forêts avoisinantes.


La vie de M. Tout-le-Monde non ?




Le cinéma thaïlandais nous a habitués à ses longs plans, figurant des espaces, des images, des situations, des non-dits, des rêves, des mots, des vœux. Il fait peu de cas de la vie humaine, de ces enveloppes corporelles tellement éphémères, lieux de transit d’une vie à une autre. Le sens est au-delà, dans la nature, dans l’unité du monde, dans l’esprit du monde et l’esprit des créatures, de toutes les créatures du monde.


Et dans ce domaine, Apichatpong Weerasethakul excelle. Il laisse le spectateur dans un état de rêverie, de méditation devant tant de sens, et tant de doutes. Les acteurs qu’il dirige font corps avec leur destin, leur histoire personnelle, leurs aspirations. Et dès les premières minutes du film, ce ne sont plus des acteurs, mais des hommes et des femmes dont il filme l’histoire, les relations, les croyances, les faiblesses, mais également les forces, l’amour, la joie de vivre, la volonté de vivre, de vivre chez eux, de vivre ensemble.




Alors, finalement, cette Palme d’Or était méritée ?


Méritée pour la justesse des personnages, l’évidence du propos, la force communiquée au spectateur.


Mais hélas, je crains que cela ne suffise pas. Que le réalisateur ait choisi un passage creux de son film pour y faire défiler un diaporama de photos, passe encore. Mais qu’apparaisse sur ces photos, tout comme il apparaît dans le film, un grand singe noir… Ou plutôt que grand singe noir, lisez, un homme vêtu d’un costume de grand singe noir, orné de lentilles fluorescentes rouges (attention, spoiler si vous lisez ce passage). Cette apparition d’une sorte de Chewbacca d’art et d’essai, dont l’authenticité nous rappelle la qualité des effets spéciaux de La Soupe aux Choux et autres Fantomas, passe pour gadget, loufoquerie, absurdité.


Qu’a voulu signifier le Jury du Festival de Cannes par le choix d’Oncle Boonmee pour recevoir la Palme d’Or ? Que lui seul est expert dans cet art ? Que ses décisions ne peuvent être comprises du grand public ? (Une dizaine de personnes quittant la salle … et n’en revenant pas … ce n’était donc pas la faute des toilettes du cinéma !)



Ou tout simplement que le réalisateur de La planète des Singes a cru reconnaître un de ses personnages dans un film thaïlandais et qu’il a souhaité en remercier le réalisateur ?






Oncle Boonmee (celui qui se souvenait de ses vies antérieures), d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande), actuellement au cinéma.

Toutes les séances, horaires, salles sur Allociné.




The Sleeper – Une course dans le temps à en perdre Allen


A la croisée d’Hibernatus (avec Louis de Funès), de Fahrenheit 451 (de Bradbury / Truffaut) et de 1984 (d’Orwell), The Sleeper est une grande farce tragicomique orchestrée d’une main de maître par Woody Allen au meilleur de son œuvre.

 

 

200 ans après avoir été cryogénisé à son insu, Miles Monroe, jazzman et gérant d’une épicerie végétarienne, se voit réveillé par des médecins révolutionnaires. Le monde qu’il découvre alors est réglé autour de la domotique, des gadgets, des robots. Il est vite considéré comme un alien échappé d’une planète mystérieuse et représentant un sérieux danger public. Mais c’est également ce manque d’identité qui lui confère un réel pouvoir aux yeux des révolutionnaires qui voient en lui le seul être capable de les libérer du joug totalitaire dont ils sont les victimes.

 

Sorti dans les salles obscures en 1973, The Sleeper vient trouver un écho dans l’actualité des derniers mois et années, au cœur des différents débats qui ont agité l’opinion publique, tels que les OGM, la gestion des données personnelles et médicales, le clonage, l’intrusion des robots dans la vie quotidienne, mais également sur un plan plus politique, la répression et le flicage de plus en plus présents dans notre société moderne.

 

 

Inquiétante vision d’un futur devenue réalité.

 

Des tomates pesant 50 kilos faisaient évidemment sourire à l’époque. Qu’en serait-il aujourd’hui ? Aujourd’hui où nous consommons des tomates sans pépins, des fruits sans peau, des légumes résistant à leurs prédateurs naturels.

 

Il semblait alors absurde de songer à la possibilité du clonage d’un être humain entier uniquement grâce à son nez. Qu’en est-il de la viande que nous mangeons tous les jours ? Des Américains payant des fortunes pour voir leur animal de compagnie tant chéri revivre à leurs yeux sous la forme d’un clone, obtenu uniquement à l’aide d’une cellule de l’original ?

 

Tout aussi absurde et alarmiste était cette immense base de données.
Que contient-elle ? Les informations personnelles relatives à chaque individu, ses convictions politiques, les moindres détails de sa vie privée, professionnelle, intime.
Si je vous souffle à l’oreille des mots tels que « passeport biométrique », « Facebook », « réseaux sociaux », vous commencez à voir où je veux en venir ?

 

A travers ce film aux abords loufoques, Woody Allen se positionne en inquiétant visionnaire d’une société future, ou plutôt du futur de notre société. Il la datait de la fin du 22e siècle, n’imaginant sans doute pas que, à peine 40 ans après la sortie de son film, tant d’éléments appartiendraient déjà à la réalité de son quotidien.

 

 

On ne pourra pas dire que l’on n’avait pas été prévenu !

 

The Sleeper – écrit, dirigé et avec Woody Allen – 1973




Imaginez-vous coincés par des mots : la Ronde du Carré

Ou comment une pièce à l’histoire somme toute banale se transforme en véritable performance théâtrale.

Le metteur en scène vous semblait tout à fait correct. Il vous avait parlé d’une succession de saynètes relatant les déboires de différents couples. Jusque là, rien d’anormal. Les répétitions, qu’elles soient italiennes, couturière, ou générale allaient suivre un chemin somme toute classique.Seulement voilà, le premier jour, votre texte en tête, vous pensiez votre italienne terminée, vous n’aviez pas mis l’intonation comme l’exercice l’exige, vous contentant de déclamer le texte appris pendant les semaines précédentes. Lorsque, du fond de la salle, vous entendez « Redis ton texte mais en plus vite » !

Vous veniez de découvrir à vos dépends l’exercice de style que constitue « La Ronde du Carré », pièce écrite par Dimitris Dimitriadis et mise en scène par Giorgio Barberio Corsetti. Cette pièce aurait pu se limiter à un classique théâtre de boulevard avec les péripéties de quatre couples observées en parallèle par le spectateur. Mais elle devient un véritable exercice de style, par la répétition successive de chacune de ces tranches de vie.

Le rythme s’accélère jusqu’à ne plus laisser la place qu’à des mots lancés ça et là par les acteurs, tels les acteurs de Ionesco dans le final de La Cantatrice Chauve.

Et pourtant, on assiste au portrait effroyablement réaliste des jeux d’amours, de désamour, de domination et de soumission au sein de couples (hétérosexuels, homosexuels, bisexuels, … ). Et par l’accélération progressive, l’érosion du discours pour ne plus être que mots, interjections, exclamations, on a l’impression de toucher l’émotion pure, le sentiment à l’état brut. Les acteurs sont réellement à fleur de peau, ils se dévoilent au fur et à mesure qu’ils se déshabillent des mots, rendus superflus par le génie de l’écriture de Dimitriadis.

Le public assiste, tantôt riant allègrement, tantôt méditant gravement en même temps qu’éclatent disputes, ruptures et drames conjugaux, au vaste champ des possibles de l’amour et de la domination.

Autant vous dire que l’on ne ressort pas indemne d’une telle expérience. Soyez sûr qu’après ces 2h30 de pur bonheur (mais pourtant de véritable angoisse), on en vient à réfléchir sur le sens des mots, la brutalité du discours, l’arme terrible que peut représenter le mépris verbal.