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PROFIT-ons en!

Quand Machiavel (1) rencontre Don Juan (2) et Dorian Gray (3) dans une multinationale américaine des années 90 ça donne : PROFIT.
Jim Profit (Adrian Pasdar) est le héros en col blanc de cette série co-réalisée par David Greenwalt et John McNamarra par la chaîne FOX. Malgré toutes ces séries qui déboulent sur le marché un petit retour sur cette perle d’une seule saison sortie en 96 n’est pas fortuit.

 

Une série en costards d’époque

Après quelques images on ne peut que mesurer l’ampleur de l’évolution du monde du travail, évolution visible à l’œil nu. Ce n’était « que » 16 ans plus tôt et pourtant en matière de style et d’accessoires tout semble trop grand, trop gros, trop large si bien que parfois on a l’impression de regarder un film d’époque. Ça ne brûle pas la cornée mais les cravates bariolées irritent tout de même un peu. Les costumes de ces messieurs, les tailleurs de ces dames sont extra-larges et donnent des silhouettes cocasses aux jeunes requins présomptueux qui les portent.

Quant aux vilains (très) gros ordinateurs sans navigateur, ils ne laissent guère présager la bureautique actuelle. Diantre pas d’Internet et une 3D assez folklo, ça fait drôle ! Même la déco des bureaux de Gracen & Gracen pourtant supposés être une société parmi les plus high-tech et grand luxe, prêtent à sourire. Alors quand, au plus fort du suspense, un jingle musical de type vieux rock est lancé à plein tube, là c’est bon on rigole. On rigole mais on est tout de même ostensiblement fasciné car les problématiques soulevées par le personnage principal, elles, n’ont pas pris une ride.

Un précurseur charismatique

Psychopathe ambitieux et séducteur hypnotique, Jim Profit est le pilier de la série. Il est motivé, intelligent et il ne compte pas ses heures. Il pourra l’écrire sur son CV. Mais s’il devait énoncer des défauts il aurait bien trop le choix…

Un lien de parenté ténu fait de lui le père ou a minima « le tonton » de bons nombres de personnages au panthéon des séries cultes.

– Un regard acéré sur le monde du travail et les intrigues de bureau.

Don Draper (Mad Men 2007), as-tu changé de costume !?

– Une éthique très personnelle, faites de malversations, chantages, extorsions, intimidations, viles manipulations.

Tony Soprano, serait-ce donc toi (The Sopranos 1999) ?

– Une double vie bien huilée. D’un côté un employé de bureau serviable et de l’autre un homme capable de tuer de sang froid son propre père.

Dexter Morgan (Dexter 2006), n’as-tu donc rien inventé !?

 

Trop pour l’époque

Jim Profit est un prédateur de la plus vieille espèce, pas un Tricératops, un Tyrannosaure Rex. Il incarne le capitalisme dans sa forme la plus féroce et perverse. Il a les dents qui raient le parquet (et arrachent la moquette) et cache un passé plus que sombre. En ce sens il est repoussant. Il est amoral et mu par sa recherche de vengeance et de pouvoir, mâchoire serrée, bien décidé, il a un but et n’en démordra pas.

Lors des premières diffusions TV,

  • Est-ce l’aspect capitaliste extrême qui troubla ?
  • Sont-ce les rapports incestueux avec sa mère qui choquèrent ?
  • Est-ce que le téléspectateur s’est tristement reconnu dans le personnage avant de le rejeter ?

Nul ne le saura jamais.
Mais, un mythe toujours vivace 16 ans plus tard est intriguant, n’est-ce pas ?

(1) Nicolas Machiavel est un penseur italien de la Renaissance, philosophe et auteur notamment de l’ouvrage Le prince qui regroupe des théories sur la guerre.

(2) Don Juan, célèbre personnage de Molière inspiré à l’origine du Don Juan de Tirso de Molina de 1630.

(3) Dorian Gray, personnage principal du roman Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, publié en 1890.

 

Distribution
Adrian Pasdar : Jim Profit
Lisa Zane : Joanne Meltzer
Sherman Augustus : Jeffrey Sykes
Lisa Blount : Roberta « Bobbi » Stokowski
Lisa Darr : Gail Koner
Keith Szarabajka : Charles Henry « Chaz » Gracen
Jack Gwaltney : Pete Gracen
Allison Hossack : Nora Gracen
Scott Paulin : Jack WaltersGracen
Jennifer Hetrick : Elizabeth Gracen Walters
Don S. Davis : l’ancien Shériff

Merci à Olivier T. pour cette découverte.




Starbuck – Je suis ton père …

David Wozniak héros ou zéro ? 

 

Bienfaiteur dans le besoin d’une clinique de fertilité, cet Apollon bientôt quadragénaire se retrouve poursuivi par son passé. Et un passé à 1066 jambes … forcément vous rattrape rapidement !

Puisqu’il nous a emballés, tentons de dresser un portrait aux rayons X de ce personnage attachant.
Qui du héros  () ou du zéro () l’emportera ?

– Cheveux hirsutes

Le cheveu hirsute est l’apanage du penseur, philosophe ou mathématicien. Vous imaginez, vous, Albert Einstein avec la raie au milieu et les cheveux plaqués?! Non! David Wozniak n’est pas du genre gominé.

 Allez, allez, le style hipster c’est déjà dépassé!

– Barbe naissante

 Cette barbe naissante (pour rester dans le thème qui nous intéresse aujourd’hui…) lui permet sans aucun doute d’aborder la jeune génération bardé d’une aura positive. Un a priori positif. Un quelque chose qui nous dit que cet homme là est gentil. Qu’il n’a pas tout à terminé sa transformation en adulte.

 Enfin David ? Même au Canada, Gilette Mach 3, vous devez connaître quand même, ça fait très négligé!

– T-shirt délavé

Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé. Un vrai rebelle ce David, ni dieu, ni maître. David ne craint personne à part son employeur de père immigré polonais dur à cuire de la vieille époque.

 Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé et fauché…

– Jean troué

 A l’arrache David, non jamais! Après le « jean boyfriend » le « jean Wozniak », le must de l’été 2012. Se porte sale, troué et large.

 Toile râpée, couleur fanée un tel falzar démontre un certain laisser-aller… Tu n’es pas vraiment de ceux qui prennent le taureau par les cornes mais de ceux qui courent pour ne pas se faire encorner et tentent parfois des feintes audacieuses pour détourner la bête.

– Vieilles baskets

Les baskets, même défraîchies, sont un vrai plus quand on doit pouvoir pousser une pointe, poursuivi par des enfants biologiques en mal de père ou des créanciers peu amènes.

Sans aller jusqu’à soutenir ceux qui disent que les chaussures reflètent beaucoup de la personnalité de celui qui les porte… disons que tu ne respectes guère le dicton de l’élégante Coco Chanel disant qu’il faut toujours « soigner les extrémités » .

 

– Appartement

 Ami camelot et adepte du « Bon coin » tu as trouvé la caverne d’Ali Baba ! Un joyeux bric-à-brac témoin d’une vie bien remplie et d’une passion pour le ballon rond
Ces dames de « C’est du propre » vont s’arracher les cheveux, la déco passe encore mais la crasse, ça ne passera pas. Chance de survie d’un bébé dans un milieu hostile comme ton appartement : 1 heure max !

 

Héros ou zéro … qu’il est difficile de départager !
Et pourtant, quand on y réfléchit bien, qu’on prend un peu de recul avec ce film, qu’on y repense quelques jours après …
Tous ces éclats de rire pendant la séance. Toute cette simplicité dans ses rapports aux autres. Tout ce bien qu’il nous a procuré pendant presque 2 heures.

Sans conteste, David Wozniak est un héros des temps modernes ! Justement car il représente cette certaine idée du zéro à laquelle nombreux sont ceux qui aspirent.

A la rencontre de plusieurs générations, la sienne à laquelle il ne veut pas ressembler, et la suivante, celle de ses enfants, dans laquelle il s’intègre sans problème … bien malgré lui, et parfois au désespoir de son entourage !

Point positif tout de même, en entamant la quête de leur père biologique, les 533 enfants du généreux donateur ne se doutaient certainement pas qu’ils allaient découvrir un personnage aussi attachant que ce David Wozniak.

Et pour terminer, un dernier conseil …

Si vos parents ont voyagé au Canada dans les années 80,
Et si vous avez un doute sur la paternité de David Wozniak à votre endroit.
Un test de paternité est disponible sur le site internet, sait-on jamais …
http://www.starbuck-lefilm.com/test-paternite/.

 

  • Réalisation : Ken Scott
  • Scénario : Ken Scott et Martin Petit
  • Production : André Rouleau, Caramel Films
  • Direction photo : Pierre Gill
  • Montage : Yvann Thibaudeau
  • Costumes : Sharon Scott
  • Compositeur : David Laflèche

Casting

  • Patrick Huard : David Wozniak
  • Julie Le Breton : Valérie, la petite amie de David
  • Antoine Bertrand : l’ami avocat
  • Igor Ovadis : le père de David
  • Marc Bélanger : Paul, frère de David
  • David Michaël : Antoine, un fils de Starbuck
  • Patrick Martin : Étienne, un fils de Starbuck
  • David Giguère : le porte-parole des enfants de Starbuck
  • Sarah-Jeanne Labrosse : Julie, une fille de Starbuck
  • Patrick Labbé : Maître Chamberland
  • Dominic Philie : l’autre frère de David




5 bonnes raisons de découvrir Game of Thrones

Vous en avez entendu parler, vous avez peut-être même aperçu quelques images, le dernier phénomène TV s’appelle Game of Thrones.

Peut-être parce que les personnages sont habillés à la mode médiévale ou alors parce que vous avez entendu le mot « fantasy », vous vous êtes dit que ce n’était pas pour vous et pourtant… voici 5 bonnes raisons de découvrir la nouvelle série de HBO.

En matière de séries, vous avez déjà transhumé plusieurs fois de la côte Est à la côte Ouest américaine*.

Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage :
de Malibu (Baywatch) à Atlantic City (Boardwalk Empire),
de Los Angeles (Mac Gyver) au New Jersey (The Sopranos),
puis par exemple de la Nouvelles Orléans (Treme) à San Francisco (Monk),
de Baltimore (The Wire) à Miami (Dexter),
ou encore du mortel comté du Kentucky (The Walking Dead) à Albuquerque au Nouveau-Mexique (Breaking Bad).

Mais le téléspectateur, même avide, que vous êtes en a les jambes fourbues. Le petit détour à Rome ne vous a pas tellement détendu…

1. Envie d’ailleurs ?

Vous n’êtes peut-être pas désireux de vous (re)plonger dans un univers américain ou américanisé. En revanche qu’en serait-il d’aventures dans une nouvelle « Terre du milieu »?

Au travers de la saga littéraire Le Trône de fer, George R. R. Martin, a mis au  monde un univers constitué de 7 royaumes avec ses propres codes, alliances et légendes : Westeros.

La transposition sur petit écran des ouvrages cultes a été confiée à David Benioff et D. B. Weiss début 2011. La critique a d’ailleurs salué de façon rare et unanime l’adaptation jugée convaincante. La série se passe donc dans un monde imaginaire de type féodal et fantastique. Le générique rythmé et primé en 2011 par un Emmy Award dévoile en prenant de la hauteur la carte de ce nouveau monde et des villes à l’architecture prodigieuse qui peuplent le territoire. Le décor de la série tant extérieur qu’intérieur y est saisissant. Il a dû à n’en point douter engloutir une bonne partie de l’impressionnant budget estimé à entre 50 et 60 millions de dollars pour la première saison. Au bout de quelques épisodes les noms des cités de Winterfell ou Port-Réal vous seront presque aussi familiers que Lyon et Auxerre … mais ne cherchez pas sur le site de la SNCF, aucun TGV ne dessert ces fabuleuses villes.

Difficile de faire plus dépaysant !?

2. Envie de changer votre perception sur les personnes de petites tailles ?

A bien y réfléchir, à la TV ou au cinéma, peu de héros, gentils ou méchants, qui fussent atteint de nanisme. Car oui cessons donc séance tenante nos circonvolutions, nous parlons ici d’un nain : le personnage de Tyrion Lannister incarné par l’acteur Peter Dinklage. Tyrion est un personnage ambivalent, ambitieux, rusé et attachant. Ainsi, The imp (en français Le lutin ou Le nain) comme il est appelé dans la série vous fera oublier les prestations du serviable Passepartout de Fort Boyard.

Car si Passepartout a eu l’obligeance de conserver avec entrain les clés des cellules du Fort, Peter Dinklage a remporté un Primetime Emmy Award en 2011 puis un Golden Globe en 2012 pour son rôle dans Game of Thrones. Il a donc été sacré « Meilleur acteur dans un second rôle »  à deux reprises.

3. Envie de passer de passer du XXème au XXIème siècle : The Wall ?

Si lorsqu’on vous parle de « The Wall » vous pensez aux Pink Floyd qui donnaient de la voix sur les ondes fin 1979 avec leur onzième album … il va falloir désormais changer de siècle. The Wall au XXIème siècle désigne un mur colossal qui délimite le royaume le plus au Nord. Ce mur est glacé et fait l’objet de l’attention toute particulière d’une fraternité un peu allumée et élitiste vêtue de noir et prête à en découdre : The Night Watch (Garde de Nuit). Savoir ce qu’il y a par delà le mur, c’est comme regarder sous son lit lorsqu’on est petit, ça fout la frousse.

4. Envie d’une vraie intrigue ?

Dans Game of Thrones, plus de 20 personnages principaux font progresser une intrigue dont la construction ressemblerait à celle du fameux stade de Pékin, le nid d’oiseau. Comme dans l’heptalogie (7 romans) : jamais de parti pris, jamais de personnage principal unique. On passe donc de l’un à l’autre en découvrant aussi bien les motivations de chacun, que leurs petits et plus gros secrets.

Les Arryn, Baratheon, Greyjoy, Lannister, Targaryen ou encore Stark, tous veulent le pouvoir : le trône de fer. A grand renfort de stratagèmes, d’espionnages, de meurtres, de guerres, chacun mène sa barque ou son armée dans un remake un peu plus musclé et plus tordu de « Tout le monde veut prendre sa place ».

 

 

 

 

 

5. Envie de savoir ce qui va se passer quand ce fichu hiver va débarquer ?

« Winter is coming » est la devise de la maison Stark (non, rien à voir avec le designer). On ne sait guère à quoi s’en tenir à propos de ce mystérieux hiver. Pourquoi diantre, l’hiver ferait-il si peur ? Certaines jeunes générations ne l’ont jamais connu mais parlent de chimères assoiffées de sang, de disparitions étranges, de mort. Quand l’été, lui, apporte prospérité et foisonnement des biens … Cet hiver doit être dantesque pour faire ainsi trembler les habitants parfois revêches des 7 royaumes. Il semblerait pourtant peu probable de voir apparaître des meutes de barbares chaussés de Uggs ou de Crocs dans un royaume médiéval ! Mais alors, si leur style primitif est préservé, que craignent-ils ?

 

Evidemment, pour profiter pleinement de cette série, il vous faudra pardonner quelques scènes osées pas forcément très constructives (sans vouloir jouer à « Sœur la vertu ») et rester concentré pour mémoriser la pléiade de personnages, mais on a dit 5 bonnes raisons de regarder Game of Thrones…

 

Titre original : Game of Thrones
Titre en français : Le Trône de fer
Scénario : D. B. Weiss, George R.R. Martin, David Benioff
Réalisation : Timothy Van Patten, Daniel Minahan, Brian Kirk, Alan Taylor
Décors : Richard Roberts
Durée épisode : Environ 60min

* Appui documentaire : http://seriestv.blog.lemonde.fr/2012/01/11/une-carte-des-series-americaines/




Les Enfants de Belle Ville – Dilemme sans fin

Affiche du film

Sorti en Iran en 2004, « Les Enfants de Belle Ville » est le deuxième long métrage du réalisateur iranien Asghar Farhadi. Il a fallu attendre le 11 juillet 2012 pour le voir à l’affiche dans l’Hexagone. Le succès de son dernier long métrage « Une Séparation »(dont nous vous parlions il y a tout juste un an) a sans aucun doute été déterminant dans le choix des producteurs français d’en faire profiter le public français, même tardivement.

A l’image de ses autres longs métrages, Asghar Farhadi dépeint dans « Les Enfants de Belle Ville » un portrait de la société iranienne actuelle, souvent bien loin des clichés encore trop répandus dans le Vieux Continent européen.

Au coeur de cette nouvelle histoire, deux jeunes gens de Téhéran : Firoozeh et Ala.
Et cette nouvelle histoire de coeur est confrontée aux dures réalités de la société iranienne.

Akbar, frère de Firoozeh, vient de fêter ses 18 ans dans un centre de rétention pour mineurs, où il purge une peine de prison pour le meurtre de sa petite amie, la fille de M. Abolqasem. Funeste anniversaire s’il en est, puisque la majorité est synonyme d’éligibilité à la peine capitale. Ainsi, à peine soufflées les bougies, le voilà transféré dans un établissement pour adultes, où il attendra l’exécution de sa sentence. Son exécution.
Ala, un de ses comparses du Centre pour Mineurs s’engage alors à obtenir le retrait des poursuites du plaignant, M. Abolqasem. S’ensuit alors un chassé croisé psychologique entre Ala, Firoozeh, M. Abolqasem, sa femme, et le religieux du quartier.

Ni coupable ni victime

Cette course au pardon va faire naître un marathon amoureux entre les deux jeunes gens, à l’issue conditionnée par le destin d’Akbar.

Ce destin que l’on comprend dépendant des interprétations et des intérêts de chacun.
Le prix du sang : deux fois plus cher pour le coupable (un homme) que celui de la victime (une femme).
La force du pardon et de la miséricorde dans l’Islam. Ce pardon revient sur toutes les lèvres. Mais sous ses traits de principe inaltérable, de valeur transcendante, il cache dans la situation présente bien des bassesses de la nature humaine, la cupidité notamment.

Apparaissent alors nombre de dilemmes pour l’ensemble des personnages de ce film.
Dilemme entre amour pour une fille assassinée et amour pour une vivante.
Dilemme entre respect d’une promesse et passion amoureuse.
Dilemme entre amour conjugal et amour maternel.

La force de ce film est sans doute de ne jamais (sauf à un moment bien précis) tomber dans la facilité. De ne jamais essayer de simplifier les situations et les épreuves que la vie met en travers du chemin des personnages. Et c’est bien cette force dans le récit et dans les images que l’on a retrouvée plus récemment dans « Une Séparation ». Comme il est troublant d’ailleurs de ne pouvoir distinguer clairement le Bien du Mal.

Les grosses productions ne nous y préparent bien souvent pas. Elles préfèrent nous mâcher la réflexion, ériger des positions nettes et franches, de peur que le spectateur ne se trompe dans son jugement. Ne commette une erreur d’appréciation. Ne se range du mauvais côté.
Mais dans « Les Enfants de Belle Ville », comme dans « Une Séparation », pas de manichéisme simplificateur.

Mention spéciale

Et quitte à rapprocher « Les Enfants de Belle Ville » des autres longs métrages d’Asghar Farhadi, il me paraît nécessaire de mentionner l’excellente prestation de Taraneh Allidousti (Firoozeh). La jeune actrice iranienne s’était fait connaître du public français par son rôle d’Elly dans « A Propos d’Elly » du même réalisateur, sorti en 2009 dans les salles obscures. Elle interprète également Rouhi dans « La Fête du Feu » (toujours du même réalisateur). Dans « Les Enfants de Belle Ville », Firoozeh incarne un certaine image de la femme iranienne. Une éclaircie brille au loin dans sa condition de femme, mais un poids des traditions et de la société parfois l’écrase et la blesse.

Seul bémol, car il en faut un … le dénouement …
Je vous laisse juge !

Prochain rendez-vous pour Asghar Farhadi à l’automne prochain. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas Téhéran, mais la France qui accueillera le tournage de son nouveau film, un « thriller social » selon son producteur français Memento Films. Dans les rôles principaux : Tahar Rahim -à l’actualité chargée en cet été 2012- et Marion Cotillard.
A suivre donc …

 

Titre original : , شهر زیبا Shahr-e ziba
Titre français : Les enfants de Belle Ville
Réalisation : Asghar Farhadi
Pays d’origine : Iran
Durée : 1h41
Sortie en Iran : 2004
Sortie en France : 11 juillet 2012

Distribution :
Taraneh Allidousti : Firoozeh
Babak Ansari : Ala
Faramarz Gharibian : Rahmati Abolqasem
Hossein Farzi-Zadeh : Akbar
Ahu Kheradmand : la femme de M. Abolqasem
Farhad Ghaiemian : Ghafouri : le propriétaire du kiosque




Ken Loach – La part des anges : « Ta mère en kilt »

… Quand la jeunesse turbulente de Glasgow part à la rencontre de la noblesse fortunée des Highlands !

Dans son dernier film, le cinéaste britannique nous emmène dans les quartiers défavorisés de Glasgow.
Comme bien souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, les personnages qu’il nous fait rencontrer subissent de plein fouet les affres de la vie : chômage et délinquance côtoient les environnements familiaux chaotiques et s’unissent pour faire disparaître toute trace d’espoir dans le quotidien de leurs victimes.

C’est parmi ces naufragés, bien souvent repris de justice, que se rencontrent Robbie (Paul Brannigan), Albert (Gart Maitland), Rhino (William Ruane) et Mo (Jasmin Riggins). Condamnés à servir l’intérêt général pour leur éviter le supplice des prisons, ils vont se lier d’amitié. Et c’est à l’occasion de la visite d’une distillerie organisée par Harry (John Henshaw), le surveillant de la bande, que Robbie va découvrir la puissance de son goût et de son odorat.

Le whisky, cause de tant de désespoir dans leurs familles respectives, va alors se révéler être son unique source d’espoir. Ironie de l’histoire sans doute …
Le whisky et ses saveurs, véritable reflet de la condition humaine : âcre, tourbé, à l’image des héros du film; ou au contraire  céréale, fruité, comme le quotidien des richissimes amateurs de malt des Highlands.
Le whisky et sa fabrication, métaphore de la vie et de ses épreuves. Le whisky tire profit de chaque fissure, chaque imperfection et chaque brèche présentes dans les alambics qu’il traverse. Sans cette histoire qui lui est propre, il perdrait à jamais sa saveur et son authenticité.

Cette vie qui s’acharne, sans pour autant que la caméra de Ken Loach ne tombe dans le misérabilisme si tentant.
Car c’est encore une fois l’authenticité qui triomphe dans ce nouveau film du Britannique.

Il n’est pas question  pour Robbie, Albert, Rhino ou Mo de céder, de se laisser emporter par le courant de la violence sociale.
Là où tant d’autres auraient sans doute baissé les bras, abandonné la lutte, la « Dream Team » de nos jeunes héros ne plie pas les genoux. Elle se tient prête à affronter son destin.

Et quelle preuve plus évidente de cette dignité intacte, de cette détermination sans faille, que l’humour « so british » présent tout au long du film.

Comme souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, cette légèreté constitue une échappatoire précieuse à la gravité des lendemains de ses personnages.
Au-delà de l’humour et de l’ironie, c’est toute la palette de sentiments que déploie le réalisateur dans « La part des anges », et ce comme rarement il en avait eu l’occasion.

Larmes de rire, larmes de désespoir.
Fou rire, violence folle.
Espoir, fatalité.
La vie.
Rien que ça.

Le Jury du dernier festival de Cannes ne s’y est pas trompé en attribuant au film son prix 2012.
Pour tous ceux qui, au son de « Ken Loach » se disent : « Ah non, pas encore un film d’art et d’essai chiant à mourir » … Essayez quand même. On ne sait jamais. Une bonne surprise est si vite arrivée !

 

Titre original : The Angels’ Share
Réalisateur : Ken Loach

Acteurs :
Robbie : Paul Brannigan
Harry : John Henshaw
Albert : Gary Maitland
Nikki : Siobhan Reilly
Rhino : William Ruane
Mo : Jasmin Riggins
Thaddeus : Roger Allam

Producteur : Rebecca O’Brien
Scénariste : Paul Laverty

 




Laurence Anyways – Un projet plus grand que nature

Le jour de son trentième anniversaire, Laurence (Melvil Poupaud) révèle à sa compagne, Fred (Suzanne Clément)  son désir d’être une femme. Profondément ébranlée par cette déclaration mais néanmoins amoureuse, Fred fait le choix de l’accompagner dans sa démarche avant de perdre, à son tour, son identité. Xavier Dolan, l’insolent réalisateur de ce film-fleuve brillant, nous offre à voir une décennie de déchirements où se nouent et se dénouent toutes les problématiques du changement de sexe.

Ecce homo, « Voici l’homme »…

Montréal, dans les années 1990. Laurence entame sa métamorphose. Pour le réalisateur, cette ville cosmopolite aurait dû accueillir mieux que n’importe quelle autre un projet aussi fou que changer de sexe. Réputées sans tabou, les communautés gays lesbiennes y revendiquent le droit à la différence depuis de nombreuses années. Mais tous les tabous n’ont pas le même poids. Xavier Dolan le reconnait : « Un enseignant transsexuel soulèverait l’inquiétude, l’ire de parents anxieux de voir leurs enfants tanguer vers l’anticonformisme. La personne la plus évoluée se félicite encore intérieurement de démasquer un transsexuel dans la rue, et les ghettos identitaires sont hostiles envers le troisième sexe. » Pas d’asile pour les trans. Voici l’homme, pardon la femme, fuyez.

Autre mythe qui s’effondre. N’est pas fou qui veut, n’est pas sain qui croit. Laurence Alia veut changer de sexe, certes. Mais il n’est peut-être pas le plus dingue de tous. C’est un écrivain reconnu et un enseignant apprécié. Malgré d’évidents problèmes familiaux, il s’occupe de sa mère colérique (Nathalie Baye –géniale) et de ses amis tordus. Il est patient, réfléchi et drôle. Campé par un Melvil Poupaud au sommet de son art (on ose le dire), il glisse dans sa nouvelle peau dignement. Et surtout, il aime Fred d’un amour absolu qu’une décennie de heurts ne saura pas changer. Finalement, il est peut-être le plus normal de tous : celui qui veut aimer en s’aimant. Ce qui change, c’est l’identité du couple, son image, sa résonance. Et c’est une mutation que Fred ne peut supporter. Depuis qu’ils se sont rencontrés, Laurence et elle listent les choses qui leur enlèvent beaucoup de plaisir. Perdre l’homme qu’elle aimait tel qu’elle le connaissait lui retire tout le sien. « J’ai imaginé alors ce que ça pouvait être d’avoir devant soi un ami, un parent, un compagnon qui, du jour au lendemain, revendique l’impossible, et remet en question, s’il ne l’efface pas entièrement pour certains, l’entièreté des moments vécus ensemble. » explique Xavier Dolan. Finalement, le drame n’est pas d’être né homme quand on voudrait être femme mais bien de croire que l’amour ne peut pas résister à tout.

La liste des choses qui nous procurent beaucoup de plaisir

  • Suzanne Clément a obtenu le prix de la meilleure interprétation féminine à Cannes cette année. Une récompense que Melvil Poupaud aurait largement méritée également…
  • Après J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires, le jeune réalisateur prodige de 23 ans réalise son plus beau film. Laurence Anyways a obtenu le grand prix du film romantique à Cabourg. Un petit pas pour l’homme… un grand pas pour l’humanité.

 

Réalisé par : Xavier Dolan

Avec : Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Nathalie Baye, Monia Chokri

Pays d’origine : Canada / France

Année de production : 2012

Durée : 2h39

Date de sortie : 18/07/2012

 Participez au jeu concours Arkult et gagnez vos places de cinéma pour le film Laurence Anyways. Rendez-vous sur www.facebook.com/arkult.fr pour connaître les modalités de jeu.

 




We are not dead

Une zone commerciale périurbaine comme on en connait tant, entre villes et champs, bordée par une voie rapide ou une nationale. A la fois décor et actrice du film cette zone est l’incarnation de notre société de consommation. Une société saturée, compulsive et déshumanisée. Comme la station de ski pouvait l’être dans « L’enfant d’en haut » d’Ursula Meier ce lieux cristallise les envies et les inégalités…

Un couple y gère mollement un restaurant exécutant des plats à base de pomme de terre mais c’est vraiment la soupe à la grimace… L’homme est broyé par le travail (Bouli Lanners). La femme est noyée dans l’ennui et la folie (Brigitte Fontaine).

Leur premier fils (Albert Dupontel) essaie de vendre du rêve mais surtout des sommiers dans un magasin de la zone éclairé au néon et vidé de tous clients… la faute à la crise.

Leur second fils (Benoît Poelvoorde) est un marginal – un punk- il erre entre parkings, ronds points et grandes enseignes de la distribution de cette même zone mais jamais sans son chien.

 

L’errance justement est un personnage clé du film. Qu’ils marchent de longues heures, qu’ils attendent, roulent ou qu’ils pèlent des patates, les différents personnages sont acteurs de longues et bizarroïdes scènes de quasi inactions qui créent des longueurs.

Fort heureusement ces longueurs sont compensées par des pépites grolandesques et ubuesques qui vous laisseront les yeux ronds comme des soucoupes.

 

« Le Grand soir » est avant tout un film drôle oui vraiment comique à la manière du cinéma social anglais à la Ken Loach. On pouffe, on rit -parfois jaune- mais on ne compte plus les scènes dont on sait dès le premier regard qu’elles deviendront cultes. Une petite révolution de monsieur Toutlemonde et un grand cri de résistante : « WE ARE NOT DEAD » !

 

Le Grand Soir réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kervern en salle depuis le 13 Juin. Prix spécial à « Un Certain Regard » Cannes 2012.




Trans-porcs en commun – Les femmes du bus 678

Amateurs de comédie et/ou de films d’action, vous pouvez passer votre chemin …
Après un billet consacré aux Hommes et à leurs combats, en voici un en hommage au combat de Femmes.

Le nouveau film de Mohamed Diab impressionne par les explosions (de rage), la violence (de la société) et les pieds de nez (au destin).

Coincés dans le RER, le métro, le train tous les matins, tous les soirs, vous jurez, vous pestez, vous vociférez.
Pourtant ce pourrait être bien pire. Et sans issue.

Ajoutez à la puanteur, à la moiteur, au confinement, une dose de terreur et d’angoisse.
Vous commencez à percevoir ce que vivent ces femmes tous les jours au moment de monter dans un bus.
Ces bus toujours bondés. Prétextes à toutes les fantaisies de la part des hommes.

Malheur à celle qui osera se plaindre, lever les yeux sur son agresseur.
Car, malgré ce qu’en disait encore la loi égyptienne, on est bien là en train de parler d’agressions. Agression sexuelle. Agression morale.

« Les femmes du bus 678 » est l’histoire de trois femmes meurtries.
Meurtries, mais qui vont oser se faire entendre et agir.

Trois remarquables interprètes (Nahed El Sebaï, Bushra Rozza et Nelly Karim) pour trois personnages que tout sépare (classe sociale, rapport à la religion, contexte familial et personnel, profession, …).
Ces contrastes servent d’autant plus le film et le message qu’il souhaite faire passer, qu’ils démontrent (si besoin en était) qu’il s’agit là d’un combat universel, qui doit se concevoir à l’échelle d’une société toute entière.

Mohamed Diab trouve les mots justes pour laisser percer la lueur d’espoir tout au long du film.
Cette lueur que ne vont pas arrêter de suivre Fayza, Nelly et Seba.
Cette lueur menacée aujourd’hui encore.

 

Réalisation et scénario : Mohamed Diab
Montage : Amr Salah el-Din
Musique : Hany Adel

Distribution :

Boushra : Fayza
Nelly Karim : Seba
Nahed el-Sebai : Nelly
Maged El Kedwany : Essam
Omar el-Saeed : Omar, le petit ami de Nelly
Basem el-Samra : Adel
Ahmed El Feshawy : Sherif, le mari de Seba
Sawsan Badr : la mère de Nelly
Yara Goubran : Amina, une collègue de Fayza
Marwa Mahran : Magda, la femme de l’inspecteur
Motaz El Demerdash : lui-même

 




Pour lui, de Andreas Dresen

Là où « La Guerre est déclarée » nous parlait d’espoir, « Pour lui » nous protège contre le désespoir.
Le désespoir dans lequel tomberait naturellement une famille devant une telle situation.

Mais dans le cas de la famille Lange, c’est un peu différent.
Frank, marié à Simone, et père de deux enfants (Mika et Lili), est diagnostiqué d’un glioblastome alors qu’il entre dans la quarantaine.

A partir de là, chaque heure qui va passer, chaque jour, chaque mois, sera vécu intensément.
Pour Frank, il n’est pas question de vivre chaque jour comme le dernier, mais bien de vivre ses derniers jours.

S’ensuivent alors démence, dégradation rapide de sa condition physique et de ses capacités mentales.
Mais la vie est toujours là.
De tous ces moments tragiques, Frank, Simone, Lili et Mika vont faire surgir l’étincelle de la vie.

La coupe punk jamais osée …
La cuite avec sa belle-mère …
La vie est là.
Qui chasse pour des moments précieux cet odieux personnage qui s’est invité dans le foyer des Lange … La tumeur de Frank.

Il n’est pas question d’espoir dans ce film.
Mais de jeu, de tromperie avec le désespoir.

Sensibilité.
Pudeur.
Honnêteté.
Un documentaire n’aurait sans doute pas trouvé le ton plus juste.

Alors aussi paradoxal que cela puisse paraître :

Ce film est réussi,
DONC,
Réfléchissez bien avant d’aller le voir.

Pour lui
Titre original : Halt Auf Freier Strecke
Réalisé par : Andreas Dresen
Durée : 1h40min

Avec :
– Steffi Kühnert: Simone Lange
– Milan Peschel: Frank Lange
– Talisa Lilli Lemke: Lilly Lange
– Mika Nilson Seidel: Mika Lange
– Ursula Werner: Renate, la mère de Simone
– Marie Rosa Tietjen: la soeur de Simone
– Otto Mellies: Ernst, le père de Frank
– Christine Schorn: la mère de Frank
– Bernhard Schütz: Stefan
– Thorsten Merten: La tumeur
– Inka Friedrich: Ina Lange




Week-end – Oslo, 31 août – Un feu follet norvégien

Alors que sa cure de désintoxication touche à sa fin, un ex-junkie se rend à Oslo pour passer un entretien d’embauche et profite de l’occasion pour revoir ses proches une dernière fois.

Librement inspiré du roman de Drieu la Rochelle Le feu follet, ce film raconte la dernière journée d’un homme désespérément lucide qui tente avec maladresse de se réinsérer dans son ancienne vie. « Le 31 août marque la fin de l’été en Norvège, les beaux jours sont finis, l’automne approche et puis c’est l’hiver, sombre et froid. » explique le réalisateur.

Dans son film, Joachim Trier pointe du doigt cette société désinvolte qui malmène ceux qu’elle a engendrés. Il réinterprète tous les thèmes chers à Drieu la Rochelle : la décadence de la jeunesse, la désinvolture de la bourgeoisie, l’incapacité à comprendre et être compris. Le personnage principal, interprété avec beaucoup de justesse par Anders Danielsen Lie, a beau aimer, être aimé, s’être sevré et aspirer à une vie rangée, il est incapable de supporter un jour de plus la violence ordinaire du quotidien. Lucide à l’excès, il refuse d’affronter le silence d’une ex qui a souffert, l’absence d’une famille qui se protège et les maladresses répétées de ses amis. Fin de l’été.

Puissant, élégant, intemporel et affreusement réaliste, ce feu follet norvégien mérite d’être contemplé.

Sorti en salle le 29 février 2012.

 

 




Shame – ou la solitude urbaine

(c) MK2 Diffusion

Brandon, errant de la City, est un de ces CSP+ à qui tout réussit. Un poste au sommet dont on ne saura rien. Un grand appart à large baie vitrée, donnant sur l’Hudson. La séduction carnassière pour manteau. Un prédateur lâché dans la ville.
Dans le prologue, on le verra darder d’un regard acier une jeune femme dans le métro. S’ensuit une lente chorégraphie du chasseur et de la proie. A ce jeu, qui est la proie, qui est le prédateur?

Pour ce trentenaire, tout est jeu. Tout est matière à chair. Un cul qui passe en sortant de son immeuble. La cadre qu’on baise frénétiquement dans la solitude des quais de l’Hudson. La putain qu’on commande comme son plat de chinois.

Shame est un film sur la solitude contemporaine. Sur ce qu’après, au fond, chacun de nous se languit. Se combler. Se remplir. Brandon se remplit de chair, de passagère ivresse, jusqu’à la nausée. Comme Bridget Jones de bouffe. Comme celui-là de son match de foot. Comme le patron de Brandon de vaines touches dans les clubs. Comme sa sœur de mélodrames.
La ville est là, tantôt grise, tantôt rouge et bleue, toujours froide. Cette grande ville, qui à l’instar de toutes les autres, engloutit dans sa masse le moindre de ses habitants.
La nuit est là, lumineuse, dans son abondance, son entrechoc de verres, ses rues pareilles à perte de vue. Mais qui laisse l’homme l’aube venue, dans la froideur de ses draps bleus.

La parole de Shame est dans l’excès: soit absente à en rendre mal à l’aise, soit forte dans l’agression. Chez McQueen, les personnages sont des taiseux ou des incontinents verbaux.

Du personnage principal de Shame, on dit qu’il serait un héritier de Patrick Bateman. Mais plus qu’à Bateman, le personnage de Brandon m’évoque celui de Franck T.J Mackey, dans Magnolia. Ce Batman du sexe, campé par Tom Cruise, dans Magnolia. Brandon, c’est ce que serait Mackey dans la froideur urbaine. Les larmes de Brandon dans la jouissance glauque, ce sont les mêmes larmes que Mackey, percé à jour.

Les larmes. Les halètements, le tic tac des horloges aussi se répondent pendant tout le film. Pendant tout le film, c’est la même musique. L’éternel recommencement. C’est rond. En cercle. Brandon, c’est Sisyphe qui pousse son rocher en haut du mont. Il jouit, le rocher tombe.
Tout n’est qu’éternel recommencement, comme la faim qui le tenaille. Qui nous tenaille?

Shame, de Steve McQueen. Avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale, Nicole Beharie. 1h39. Film 4.

Encore dans quelques salles parisiennes (précipitez vous!).




Lundi – Martha Marcy May Marlene

Quatre prénoms pour une seule femme, c’est lourd à porter.
Derrière chacun de ses prénoms se cache une histoire. Une vie même.

L’éblouissante Elizabeth Olsen a été, est et sera chacune de ces femmes.
(NDLR : oui oui, Olsen, les soeurs Olsen, ce sont ses grandes soeurs).

« S’enfuir d’une secte.
Retrouver sa famille.
Se reconstruire. »

Le schéma du film semble simple. Mais c’est sans compter sur le traumatisme vécu.
Et progressivement, un nouveau cheminement nous apparaît.
Limpide certes, hélas sans dénouement possible.

« Quitter sa famille.
Retrouver ceux que le sang nous fait appeler famille.
S’enfoncer.
Se disloquer.
Perdre pied. »

Perdre pied. Perdre tous ses repères.
Vivre le mal. Vivre avec le mal. Revivre le mal.
Et finalement céder. Lâcher prise.

Sean Durkin (Two Gates of Sleep, Afteschool, Mary Last Seen, …) nous fait plonger dans la terreur (en apnée bien sûr, n’espérez pas respirer pendant ce film !)
Et pour contraster au mieux avec cette terreur, quoi de plus efficace qu’une nature rayonnante ?
L’innocence des décors champêtres. Le calme des étendues d’eau.

Et pourtant, malgré ces magnifiques images, le jeu d’acteur saisissant d’E. Olsen, personne à la sortie de la salle n’ose prononcer le désormais facebookien « J’aime ! », tant ce film éprouve le spectateur, tant il lui demande, tant il exige de lui.

Réalisé par : Sean Durkin
Avec : Elizabeth Olsen, John Hawkes, Sarah Paulson

Bande annonce (VOST) :




Week-end – Once

Once de beauté subtile et authentique, ce film irlandais est une merveille. A voir autant qu’à écouter.

L’histoire est simple. A Dublin, un musicien de rue se lie d’amitié avec une jeune tchèque, pianiste et chanteuse comme lui. Il répare des aspirateurs dans la petite boutique de son père et compose des chansons  inspirées d’une rupture douloureuse. Elle est mariée à un homme absent et collectionne les petits boulots pour élever sa fille. Si elle ne cède pas à ses avances, c’est ensemble qu’ils apprendront à se surpasser en enregistrant des chansons capables de changer le cours de leurs vies.

Tourné en deux semaines seulement avec des chanteurs professionnels comme acteurs principaux (Glen Hansard et Markéta Irglová), ce film de John Carney  ressemble parfois à un documentaire. Un choix délibéré du réalisateur qui pense «  qu’un morceau de musique de deux minutes peut s’avérer tout aussi puissant qu’une conversation d’une journée ».  Evident sans jamais être attendu, délicat en tout point, ce film simple est un bijou.

Once, réalisé par John Carney avec Glen Hansard et Markéta Irglová.

Prix du public au festival de Sundance.

Sortie en 2007.




Lundi – Drive : J’te dépose ?

Dans la salle et à l’écran, la course poursuite a démarré.
Spectateur bien attaché. Prêt à recevoir une claque visuelle.

Pas besoin d’attendre très longtemps, les premières images donnent le ton.
Une réalisation à couper le souffle, une photo à rendre jaloux un Jean-Pierre Jeunet.
Et un Ryan Gosling en cascadeur pilote, épatant.
A l’image de sa voiture. Un extérieur lustré, polissé. Mais qui cache bien son jeu, et peut se montrer hargneux, haineux, violent.

« A real hero » en somme …

Dépêchez-vous d’aller prendre votre claque sur un grand écran, il sera bientôt trop tard, et vous devrez vous rabattre sur un morne écran de télévision …

A noter toutefois la petite faiblesse au niveau de la synchro son … (n’est-ce pas Ben ?)




Vous avez demandé la Police, ne quittez pas…

Dans la série « The Wire » (en français « Sur écoute »), c’est la police criminelle de Baltimore que vous aurez au bout du fil. Mais quel que soit l’objet de votre appel, ça n’est pas vraiment vous que veulent entendre les inspecteurs Jim McNulty (Dominic West) et Lester Freamon (Clarke Peters).

Eux, c’est les anti-héros des vrais des durs, ils font leur numéro pour pincer les « méchants » de Baltimore et combinent des talents tels que mauvaise foi, alcoolisme et infidélité.

Leur tour favori est la mise sur écoute. Sauf qu’il ne suffit pas de coller son oreille au biniou pour ouïr tous les mauvais coups fomentés par les trafiquants et mécréants de diverses espèces. 

Les écoutes c’est bien sur des machines avec des diodes lumineuses de partout, des numéros qui s’affichent, des chronos qui tournent, des statistiques informatiques et surtout de la paperasse administrative, mais ça n’est pas que ça sinon on serait tenter de raccrocher.

 

Emmenés par l’arbitraire et abusif Major Rawls (John Doman) et le charismatique lieutenant Cedric Daniels (Lance Reddick), les agents de la crim’ brisés par une hiérarchie « the chain of command » pas très flexible usent leurs semelles sur le terrain.

Le terrain de leurs enquêtes c’est les cités « The project » (Saison 1), les docks du port (Saison 2), les meetings politiques (Saison 3), les lycées (Saison 4) et les locaux de l’édition du journal local (Saison 5). Le fil rouge reste cette équipe attachante de bras cassés qui se planquent, traquent, patrouillent et fricotent avec des crapules. Et quelles crapules !! Le personnage ambivalent d’Omar Little (Michael K. Williams) et le musculeux Stringer Bell (Idris Elba) sont fascinants. Leur proximité troublante et la complexité de l’histoire rend parfois ces leaders de délinquants plus attachants que la Police.

Sans en révéler trop, cette scène issue de la saison finale est parfaitement révélatrice de l’ambiance de The Wire :

The Wire a été créée par David Simon et co-écrite avec Ed Burns diffusée sur HBO à partir de 2002. La série préférée de Barack Obama (Las Vegas Sun) est avant tout une véritable fresque sociale. Le message est clair : « The Wire » est aussi une approche sociologique de la vie urbaine et des inégalités.

A regarder en VOST de préférence car l’argot des cités et celui de la marée chaussée sont croustillants !