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[Théâtre] Juste la fin du monde au Théâtre de Verre

Photo : Victoria Sitja

En avril dernier, Victoria Sitjà nous avait éblouis pour sa mise en scène des « Trois Sœurs » de Tchekhov, et sa capacité remarquable à créer, sans moyens, de très belles images. Elle nous a marqué également par son idée d’aborder les questions de l’héritage et de la nostalgie à travers une trilogie composée à partir d’auteurs et de messages différents. Pour continuer ce travail, elle a mis en scène « Juste la fin du monde », de Jean-Luc Lagarce, s’inscrivant ainsi autant qu’elle se détache de l’actualité autour de cette pièce.

« Je décidais de retourner les voir, revenir sur mes pas, aller sur mes traces et faire le voyage », dès les premiers mots de Louis, la question de l’héritage chère à Victoria Sitjà est palpable. On ne cesse jamais de découvrir sa propre famille. À chaque retour chez soi, qui ne se rend pas compte que ces personnes qui nous élèvent ne nous connaissent finalement que peu ?

Le dispositif bifrontal, qui place toute l’action sur la longueur, bien que nous offrant l’excitante position de voyeur, ne porte pas toujours ses fruits dans les effets attendus par le spectateur. Parfois, la famille autour de Louis apparaît telle une brochette, figée, comme tenue par un pique. Une lecture carnassière de l’origine de Louis ? Ce parti pris souligne néanmoins la solitude évidente d’un héros isolé de par le regard de sa propre famille. À plusieurs reprises, le rythme des scènes le laisse à l’écart, en quelques échanges, il se retrouve seul si bien que les glissements vers les monologues se font avec fluidité. Autour de lui, les mots fusent, ils sont coupés, mâchés, débités, le dire des autres personnages crée une musique qui assaille, surcharge les épaules de Louis qui est le seul à parler posément. La mise en scène concoure toujours à renforcer cet effet. Dès que Louis est en famille, les lumières clignotent, les scènes s’enchaînent de même que le choix des musiques effectués par Victoria Sitjà qui nous donne à voir des images spectaculaires allant directement contraster avec les moments de solitude du héros qui, pour autant, sont particulièrement esthétiques. On se souvient par exemple de la famille qui, d’une marche synchronisée, soulève l’estrade depuis laquelle Louis déclame ses souffrances, annonçant le cortège funèbre prochain. À plusieurs reprises, la jeune metteure en scène réussit à nous saisir par ses tableaux devançant le texte et défiant l’action à venir.

On est marqué par le jeu classique d’Alexandre Risso (Louis), il contraste avec une Suzanne touchante, sincère, dont le rôle nous rappelle celui de Macha dans les « Trois Sœurs » où la comédienne s’était déjà illustrée. Mais la plus marquante, celle qui le mieux « cherche la vérité de son personnage, et arpente la réalité onirique de la représentation qu’elle crée », pour reprendre les mots de Krystian Lupa, reste la mère, vécue plus qu’incarnée par Dorothée Le Troadec, si jeune mais évoquant pourtant tant d’expérience, elle marque l’ensemble de la troupe par la puissance de son talent.

Par les contrastes dans le jeu et la plus grande simplicité de la mise en scène « Juste la fin du monde » marque une étape, certes moins aboutie que « Les Trois Sœurs », mais qui trouve une logique dans le travail en cours de Victoria Sitjà. Une étape qui accroit notre désir de découvrir cette trilogie dans son ensemble.

« Juste la fin du monde », de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Victoria Sitjà, au Théâtre de Verre en décembre 2016.




[Critique-Théâtre] Letter to a Man : Nijinski incarné par Baryshnikov, deux légendes de la danse en une

Photo : Julieta Cervantes

À l’espace Pierre Cardin (occupé par le Théâtre de la Ville), Bob Wilson met en scène le Journal de Vaslav Nijinski (1889-1950). Danseur légendaire incarné par lafigure mythique de la danse : Mikhail Baryshnikov. Une interprétation onirique autant jouée que dansée, véritable immersion dans le génie et la folie d’un artiste hors norme.

Dans une ambiance propre à Bob Wilson, à savoir un visage peint en blanc pour Baryshnikov et une esthétique élégante, froide, où les lumières rythment les scènes et sculptent l’espace, le journal intime de Vaslav Nijinski se dit, se danse et se mime. Derrière une rampe de cabaret, Baryshnikov n’applique pas une chorégraphie stricto sensu. Il est souvent assis ou une chaise à la main pour rappeler cette fameuse chaise que Nijinski détruisit en public de son vivant alors qu’il plongeait dans la souffrance et la folie. Sa silhouette fascine… Baryshnikov a des gestes fluides et précis, ceux d’un corps qui ne semble pas vieillir. Le danseur, âgé de 68 ans, nous hypnotise d’autant plus que le fond sonore incessant qui l’accompagne crée une ambiance étrange et magique.

Dans son journal écrit en à peine deux mois, Nijinski dialogue avec son moi intérieur traversé par des questions sur la guerre, le pacifisme, Dieu ou la paternité, et toutes ces tensions sont menées d’un pas de maître par Baryshnikov. Touchant et tout à la fois angoissant, Nijinski est aussi esquissé par des moments de danse qui l’ont rendu célèbre pour une performance impeccable où la folie et l’isolement du danseur trouvent un écrin sonore inépuisable.

Jusqu’au dernier instant Baryshnikov est saisissant par son charme qui laisse, certes, peu de place au confort, et qui nous ferait presque oublier le texte tant le monde visuel recréé par Wilson nous captive.

Letter to a man, d’après le Journal de Nijinski, mise en scène Robert Wilson, avec Mikhail Baryshnikov, jusqu’au 21 janvier 2017 au Théâtre de la Ville – Espace Cardin, 1, avenue Gabriel, 75008 Paris. Durée : 1h10. Plus d’informations ici : http://www.theatredelaville-paris.com/




[Critique-Théâtre] Feuilleton théâtral : semaine n° 50

Letter to a man – D.R.

D’Amiens au Creusot, du Théâtre de la Ville à La Colline, la dernière semaine de théâtre de l’année (avant la trêve de Noël et son lot d’autres « spectacles ») a été riche en poésie.

Poésie shakespearienne avec Louise Moaty qui met en scène, à Amiens, une nouvelle version des « Sonnets ». Bien moins rock n roll que ceux de Norah Krief la saison dernière, cette version donne à voir une poésie picturale et lyrique agréable. Moaty, perchée sur une montagne de terre et accompagnée d’un luth, chante et déclame éclairée du minimum de lumière. Les mots résonnent comme les notes pour nous plonger dans un monde envoûtant d’amour et de tendresse.

Poésie technique avec le « Gulliver » conçu par Karim Bel Kacem, qui ouvre la programmation « Jeune public » de la Colline. Si l’histoire et la construction dramatique laissent à désirer, l’expérience « technique » mérite d’être vécue. Le public n’est pas face à une scène où se déroulerait le conte de Jonathan Swift, mais placé autour d’un cube de bois, la maison de Gulliver, de retour chez lui après 9 mois de retard. On assiste aux retrouvailles en espionnant par autant de fenêtres que de spectateurs et on entend grâce à des casques audio. La conception sonore est particulièrement travaillée : on a l’impression d’être dans les oreilles, pour ne pas dire la tête, du héros. Karim Bel Kacem s’illustre ici en utilisant des techniques du cinéma à la scène, et le résultat mérite d’être connu.

Poésie économique avec les Tréteaux de France où l’on (re)découvre Xavier Gallais dans un grand rôle. Avec « L’Avaleur », il est un trader cynique dans une esthétique « bande-dessinée » imaginée par Robin Rennucci. Cette adaptation d’un texte de Jerry Sterner est éloquente de vérité sur le monde moderne, elle raconte avec humour et gravité le démantèlement d’une entreprise saine pour le profit immédiat des actionnaires. On ne manquera pas de revoir le spectacle lors de son passage à la Maison des Métallos en février. Un seul regret : on ne pourra pas dîner après le spectacle Chez Shao, le « meilleur buffet asiatique de Saône-et-Loire » qui se trouve justement au Creusot et qui a aussi marqué ma soirée.

Enfin, poésie chorégraphique avec Bob Wilson et Mikhail Baryshnikov qui transforment l’Espace Pierre Cardin en scène off-Brodway. Ils y montrent « Letter to a man », d’après le Journal du danseur Nijinski. On regrette un peu l’esthétique désormais classique de Wilson qui rend le spectacle moins surprenant qu’il ne pourrait l’être. Mais Baryshnikov, a presque 70 ans, est encore un immense danseur et ce texte qui est écrit par un homme en train de devenir fou, est bouleversant.

Hadrien Volle

  • « Sonnets », du 27 au 29 janvier au Théâtre de Caen

  • « Gulliver », jusqu’au 30 décembre au Théâtre de La Colline

  • « L’Avaleur », du 31 janvier au 18 février à la Maison des Métallos

  • « Letter to a man », juqu’au 21 janvier à Théâtre de la Ville – Espace Cardin




[Critique-Théâtre] Un radiateur vous manque, et tout est dépeuplé

Photo : Elisabeth Carecchio
Photo : Elisabeth Carecchio

Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, après avoir rejoué « Nous partons pour ne plus vous donner de soucis » aux Ateliers Berthier la semaine passée, spectacle créé l’année dernière qui avait été salué par la critique, reviennent jusqu’au 18 décembre avec leur nouvelle création « Le ciel n’est plus une toile de fond » qui explore la précarité et notre rapport à autrui.

Fascinés par le fait de comprendre où se trouve la frontière entre notre monte intérieur et notre monde extérieur et la façon dont nous existons et apparaissons au monde, Daria Deflorian et Antonio Tagliarini dans leur dernière création s’étaient intéressés au sort de quatre retraitées grecques qui se sont données la mort en raison de la crise économique. Nourrie de cette expérience de jeu sans recherche de vraisemblance pour jouer les retraitées, la nouvelle création « Il cielo non è un fondale » engage une réflexion aboutie sur le fond et la figure, sur le rêve et la réalité en complicité avec le spectateur. Tout commence d’ailleurs par le rêve de l’un des comédiens, qui y aurait vu Daria allongée au sol dans la rue, et aurait passé son chemin sans lui venir en aide. Une précarité qui a tout à voir, quand on pense à l’origine italienne des metteurs en scène, avec ces réfugiés qui échouent sur les plages de l’Italie, une image qui fait d’autant plus sens qu’à plusieurs reprises, les comédiens chutent au sol ; décontextualisé, le naufrage de l’humanité à peine esquissé pèse sur la pièce.

De là, des situations s’enchainent et s’entremêlent pour élucider notre rapport à la précarité et le sentiment de culpabilité, et ou de responsabilité que notre regard sur une personne dans le besoin, à terre dans la rue entraine et déclenche en nous. Dans un monde qui tend à s’urbaniser et où la ville nous efface, comment habiter l’espace urbain et densément peuplé ? Les comédiens et metteurs en scène s’emparent de la notion de paysage pour lui donner la parole sur un plateau dénué de tout décor où pourtant, règnent les bruits de la ville en fond sonore presque continu. Influencés par les écrits d’Annie Ernaux, « La Place » ou encore « Journal du dehors » dans lesquels l’auteure a consigné des conversations qu’elle a entendues dans les grandes surfaces ou les transports en commun, Daria Deflorian et Antonio Tagliarini ont voulu, à la manière d’Annie Ernaux, recréer et explorer les conditions d’une observation du monde à travers leurs expériences personnelles et le récit qu’ils livrent d’eux-mêmes. Un récit qui par extension, interroge le propre récit que nous livrons sur notre existence et le fait que finalement, nous vivons tous ensemble dans des mondes différents façonnés par nos expériences. Quand Daria Deflorian nous parle de ses soirées au supermarché, à en faire la fermeture à la recherche d’achats à faire qui la rendraient normale et conforme au monde, elle nous dit beaucoup sur le monde actuel et la détresse de ceux qui l’occupe.

D’un constat acerbe porté sur le monde traversé par des détails de la vie de chacun, nait un spectacle teinté de beaucoup d’humour et de lucidité où le radiateur qui occupe le plateau le temps de la représentation tend à se démultiplier, pour contribuer à réchauffer un monde devenu trop aride.

« Il cielo non è un fondale » [Le ciel n’est pas une toile de fond], de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, jusqu’au 18 décembre, aux Ateliers Berthier, Théâtre de l’Odéon (17e), 1, rue André Suares, 75017 Paris. Durée : 1h30. Plus d’informations ici : http://www.theatre-odeon.eu/fr/2016-2017/spectacles/il-cielo-non-e-un-fondale

 




[Critique] La Femme Rompue : Josiane Balasko invective la famille

Photo : Pascal Victor
Photo : Pascal Victor

« La Femme Rompue », mise en scène par Hélène Fillières, est une adaptation de « Monologue », une nouvelle écrite par Simone de Beauvoir en 1967 qui est une longue déclamation, celle d’une femme brisée par la vie qui décide de se retrouve seule un soir de réveillon. Elle vocifère ses désillusions, se révolte contre le monde allongée sur un divan. Josiane Balasko, habituée aux rôles comiques, se livre à une confession brutale, elle diffame, hurle sa rage à chaque réplique et contient sa sensibilité. Elle accomplit une performance remarquable tant son élocution et sa franchise collent au rôle.

Ayant perdue sa fille d’un suicide, Muriel n’est plus satisfaite de rien. Le personnage incarné est complexe : cette femme voudrait tout à la fois se réhabiliter vis-à-vis de la société tout en la dénigrant, allant jusqu’à se déclarer anticonformiste. Dans une atmosphère aussi sombre que le discours acerbe sur l’humanité, les lumières prennent une place importante sur le jeu, elles sculptent l’espace : tantôt referment le divan – seul élément de décor – sur lui-même, tantôt ouvrent des perspectives. Depuis ce lieu qui évoque la psychanalyse, les éclairages créent des ambiances suivant les émotions extrêmes que traverse la révoltée.

Du début à la fin, Josiane Balasko fait frémir le public en installant une relation presque intime, sa voix rugueuse donne vie à un cœur froid à la vie salopée. Franche et intrépide, la femme esseulée qui apparaît sous nos yeux évoque une existence pleine de deuils et de drames… Elle a renoncé. Dans son immeuble, elle est la « femme seule » malmenée par tous, à commencer par ses voisins qui font du bruit au point de la rendre hystérique plus qu’elle ne l’était déjà contre sa famille. Seul son père échappe à ses regrets et diffamations, il est l’unique personne qui l’a vraiment aimée alors que sa mère est réduite au néant depuis qu’elle a été condamnée à ne plus pouvoir jouer sa propre maternité. Les mots de Simone de Beauvoir dépeignent un personnage en détresse face aux hommes, aux pressions sociétales, une femme qui ne sait plus évaluer ses propres responsabilités ni même comprendre ses choix.

La Femme Rompue, d’après Monologue extrait de La Femme Rompue de Simone de Beauvoir, mise en scène Hélène Fillières, avec Josiane Balasko, du 7 au 31 décembre au Théâtre des Bouffes du Nord, 37 (bis), bd de La Chapelle, 75010 Paris. Durée : 1h10. Informations et réservations : http://www.bouffesdunord.com/fr/la-saison/la-femme-rompue

 




[Critique – vu à Avignon IN 2016] Au Théâtre de la Cité Internationale : Quand la démocratie éclabousse

Photo : Christophe Raynaud de Lage
Photo : Christophe Raynaud de Lage

Sur une scène noire de laquelle n’émergent que des isoloirs blancs faisant office d’écran, une élue zélée entre et installe méticuleusement une urne en attendant l’arrivée du maire. À la capitale le bureau 14 est prêt, c’est jour de vote ! Alors que tout le monde prend place, les heures défilent et, toujours aucun électeur en vue, les isoloirs n’isolent personne : est-ce à cause de la tempête de pluie battante ? Les responsables du bureau aimeraient s’en convaincre, tous se mettent à appeler leurs proches à voter et deviennent fous à la vue du seul électeur venu, ce qui donne lieu à des scènes pleines d’humour au milieu du chaos. Lorsqu’enfin les électeurs se déplacent, le résultat est édifiant : le pays a enregistré un taux d’abstentionnisme record, 80% de votes blancs.

De là, tout s’accélère, les politiques sur-réagissent et la pièce s’emballe. Maëlle Poésy construit alors une comédie noire sur le monde politique et la démocratie. En effet, elle met tour à tour en scène un petit groupe de ministres reclus, tous stéréotypés et appelant à la comparaison avec notre propre paysage politique. Que se passerait-il si demain, un tel scénario avait lieu ? Dans la capitaless, un état d’inquiétude est proclamé, des cellules de crise, des collectifs d’infiltration pour la vérité sont créés et plutôt que de tenter d’écouter le peuple, on assiste aux revers du pouvoir et au recentrement des ministres sur leur petite personne. Pour eux, gouverner c’est mettre ses sujets hors d’état de vous nuire, qu’advient-il alors des libertés fondamentales de la démocratie une fois les « gens radicalisés » et devenus « nuisibles » ?

Finement orchestrée, la pièce met en lumière le fossé existant entre les politiques et le peuple et entre en écho direct avec le contexte actuel. Si l’on regrette quelques longueurs et que le spectacle aurait gagné à être plus ramassé pour ne pas souffrir de coupures de rythme, la scénographie est hypnotique, l’ambiance sonore et lumineuse est très réussie. Le chaos, signifié par la pluie qui envahit le plateau pour laisser place à une ambiance lourdement tropicale, laisse imaginer une capitale ravagée, irradiée par les actes fous des ministres. Prêts à sortir des lance-flammes pour réprimer un peuple inactif, ils se disent en état de siège bien que pour certains, les souvenirs du siège remontent à des cours de latin du collège.

Tournée en dérision avec lucidité, la soit disant franchise des politiques perd toute sa crédibilité dans ce spectacle, les mises en scène successives de discours télévisés achèvent de les rendre risibles. Bien assis, le public s’y retrouve d’autant plus invité à une remise en question qu’il est considéré comme ce peuple qui, rassemblé, détient le vrai pouvoir : la république est morte, vive la république !

Ceux qui errent ne se trompent pas, de Kevin Keiss en collaboration avec Maëlle Poésy, d’après « La Lucidité » de José Saramago. Mise en scène de Maëlle Poésy, avec Caroline Arrouas, Marc Lamigeon, Roxane Palazzotto, Noémie Develay-Ressiguier, Cédric Simon, Grégoire Tachnakian.

Du 5 au 18 décembre 2016 au Théâtre de la Cité Internationale (Paris) Plus d’informations ici : http://www.theatredelacite.com/




[Critique] Amphitryon : rire des dieux avec éclat

Photo : André Muller
Photo : André Muller

Amphitryon est une pièce de Molière que l’on voit finalement peu montée, c’est une comédie en trois actes où les dieux et les hommes se rencontrent avec humour. Tout juste marié à Alcmène, Amphitryon est appelé à la guerre, Jupiter – derrière qui se cachait Louis XIV critiqué pour ses amours – saisit l’occasion de séduire la belle mortelle en prenant les traits de son jeune époux. Alors que Mercure garde un œil sur la situation, Amphitryon finit, accompagné de son valet, par rentrer plus tôt et tomber nez-à-nez avec son sosie, ce qui sème la confusion et crée un quiproquo fantaisiste où dieux et mortels se confondent.

Guy Pierre Couleau, qui la saison dernière s’était fait remarquer avec Don Juan revient de la guerre pour sa capacité à créer de très belles images grâce à une scénographie soignée et très esthétique, revient avec une création tout aussi onirique et une mise en scène constellée. Lorsque le rideau s’ouvre, on découvre une scène dépouillée où tout semble plongé dans la nuit, mais une nuit étoilée par des suspensions qui donnent de l’éclat et de la magie aux situations. La scénographie, qui repose par cette évocation constante des dieux qui regardent les mortels et se jouent d’eux depuis les cieux, rappelle les mises en scène de Jean-François Sivadier qui a récemment monté Don Juan au Théâtre de l’Odéon. Avec son Amphitryon, Guy Pierre Couleau crée de très belles situations qui ne perdent pas en intelligence, tout semble parfaitement orchestré, chorégraphié, on ne peut que saluer la limpidité de la pièce qui est en grande partie due au choix des comédiens très bien pensé pour les rôles. Aux physiques très différents, les acteurs sont toujours identifiables malgré les scènes entre sosies où les dieux prennent l’apparence d’humains, de sorte que l’on ne perd pas un mot de la représentation qui nous emmène dans un monde cosmique où si les personnages ne savent plus démêler le vrai du faux, on se régale de cette farce mythologique.

L’âme magique que le metteur en scène parvient à donner à la pièce grâce à des comédiens très bien dirigés augmentés d’une scénographie impeccable qui réveille notre âme d’enfant nous illumine. On se plait et on rit de ces dieux qui s’ennuient dans ce monde où la Terre ne tourne pas – plus – autour du Soleil et où la place de l’homme est en pleine interrogation.

Amphitryon, de Molière, mise en scène de Guy Pierre Couleau, Tournée du 17 au 28 janvier aux Célestins, Théâtre des Lyon. Durée : 2h. Pour plus d’informations : http://www.celestins-lyon.org/

 




Feuilleton théâtral : semaine n°48

© Elisabeth Carecchio
« Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni » © Elisabeth Carecchio

Bientôt les vacances de Noël ? Les scènes françaises semblent ne jamais dormir et offrent chaque semaine leurs lots de surprises. Un coup d’œil sur les créations nouvelles qui tiendront l’affiche jusqu’au milieu du mois et parfois même après ailleurs en France…

Si la crise grecque paraît lointaine dans l’actualité, elle est de nouveau sur scène, aux Ateliers Berthier, mise en scène par les italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini que Stéphane Braunschweig avait déjà accueilli alors qu’il était directeur de la Colline. Ils présentaient cette semaine « Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni » (« Nous partons pour ne plus vous donner de soucis »). Spectacle minimaliste où le plateau est occupé par moins d’objets que de comédiens. Ces derniers assument leur impuissance à recréer la vraisemblance d’un fait divers marquant : le suicide collectif de quatre personnes âgées en Grèce qui n’avaient plus les moyens de vivre. Ils jouent alors à chacun ce à quoi leur fait penser ce geste. Brûlant d’intensité avec des mots simples, les chanceux pourront voir une autre création du même groupe la semaine prochaine, « Il cielo non è un fondale », à laquelle je n’assisterai malheureusement pas.

Qu’il peut être difficile de voir plusieurs créations collectives à la suite, surtout si la seconde est aussi ratée que la première était réussie. Le Théâtre Silvia Monfort accueille les « Apaches » qui opèrent à une variation sur le thème de la famille sous le nom « Une place particulière ». Verbeux, trouble et sans logique – pas même absurde –, ce spectacle ne mérite pas le déplacement : tous les inspirateurs du collectif – dont le plus visible est Joël Pommerat – sont imités sans être à moitié égalés.

Autre ratage, pourtant plein de bons sentiments : la Pièce d’actualité n° 7 à la Commune d’Aubervilliers. Cette invitation faite à la Revue Éclair à faire s’exprimer les « gens d’ici » sur scène (comprenez, les habitants du 9-3), permet au plateau de la petite salle du théâtre d’être transformée en tatami géant pour jeunes lutteurs s’entraînant. Pendant que Corine Miret débite un texte parfumé d’exotisme de bon aloi, le niveau de bons sentiments qui s’en dégage est tellement abject qu’on imagine son personnage faisant partie de ceux qui « adorent Barbès », mais se plaignant des vendeurs à la sauvette. Les mêmes qui suivent les sentiers touristiques au mois d’août et se plaignent qu’il y ait du monde. Ce spectacle montre la fracture sociale avec une lumière crue. Ce petit scandale se poursuit jusque dans les cuisines du théâtre où pour se sustenter avant la représentation, comptez 14,50 euros pour un croque-monsieur et deux boissons sans alcool : des tarifs que même les théâtres intra-muros n’oseraient pas pratiquer, et qu’on imagine peu convenir aux « gens d’ici ».

Zvizdal
Zvizdal

Le week-end s’est déroulé sous de meilleurs auspices : au 104, j’ai assisté à la nouvelle création du collectif en résidence, Berlin. Nommé « Zvizdal », il est un objet scénique composé d’un écran et de trois maquettes. On y observe la vie des deux derniers habitants d’un village de la zone interdite autour de Tchernobyl. Loin des sentiers catastrophistes habituels, la vie est ici mise en valeur. Cette volonté coriace de Nadia et Pétro qui vivent en ces lieux contaminés depuis 25 ans, coupés du monde, est palpable.

Plus léger, j’ai assisté à la dernière de l’Amphitryon de Molière, mise en scène par Guy-Pierre Couleau. Le directeur de la Comédie de l’Est est, comme dans le « Songe d’une nuit d’été » que j’ai vu l’été dernier à Bussang, un magicien qui utilise de vieux dispositifs pour faire des images magnifiques. Si le texte traîne parfois en longueur, on est toujours bluffé et surpris par les effets de lumières et la direction donnée aux acteurs qui semble plus tenir de la chorégraphie que de la simple mise en espace. Avec cette histoire extraite de la Fable où les dieux viennent abuser de leur pouvoir chez les hommes, Couleau parvient à mettre de l’onirisme et nous faire rêver.

Hadrien Volle

  • « Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni », jusqu’au 7 décembre au Théâtre de l’Odéon/Berthier

  • « Une place particulière », jusqu’au 14 décembre au théâtre Silvia Monfort

  • « Pièce d’actualité n°7. Sport de combat dans le 93 : la lutte », jusqu’au 15 décembre à la Commune d’Aubervilliers

  • « Zvizdal », jusqu’au 17 décembre au 104

  • « Amphitryon », en tournée (janvier 2017 au Théâtre des Célestins de Lyon, en mars à Bagneux et en mai à Dunkerque)




Une Chambre en Inde : le Soleil écrase l’obscurantisme

Photo : Michèle Laurent
Photo : Michèle Laurent

Au Théâtre du Soleil, Ariane Mnouchkine et sa troupe reviennent avec leur nouvelle création, Une Chambre en Inde, car c’est en Inde que la metteure en scène a trouvé assez de matériau et de forces pour évoquer les attentats du 13 novembre 2015, pour qu’enfin le rire triomphe du fanatisme.

Comme toujours, Ariane Mnouchkine nous accueille et déchire nos tickets, avant de découvrir le Théâtre du Soleil, entièrement redécoré aux couleurs de l’Inde, saturé d’odeurs évoquant le pays, où les comédiens se changent et se préparent à vue, premier pas et grandiose amuse-bouche de ce qui nous attend une fois installés dans la salle de spectacle.

C’est en Inde, dans sa chambre qui sera le cœur battant de la pièce, que l’on découvre Cornélia, qui n’est autre que le personnage d’Ariane Mnouchkine, qui à distance vit le chaos des attentats du 13 novembre à Paris et souffre de ne plus avoir de visions pour créer son spectacle. Alors qu’elle et sa troupe étaient partis en Inde aux frais de l’Alliance Française pour jouer le Mahabharata, grande épopée et plus long poème jamais écrit sur la mythologie hindoue, l’horreur de ces attentats fanatiques les ébranle. Comment ne pas s’en saisir et en parler ? Leur retraite en Inde, loin de les couper du monde et de sa terrible actualité, devient salutaire pour leur permettre de mieux s’y confronter. Provoquant, le spectacle l’est dès le départ, et le ton humoristique est annoncé dès lors que Cornélia nous confesse son désarroi du haut de ses toilettes. Pour la troupe, le rire est un pouvoir magique et enchanteur à retrouver grâce au théâtre, car si l’on sauve le théâtre, un art qui permet d’assumer son impuissance, on sauve le monde.

Et dans cette chambre, lieu de tous les rêves et de toutes les visions de la metteure en scène, Cornélia – par extension Ariane Mnouchkine – réenchante et sauve le monde du fanatisme religieux, de Daech, en nous réapprenant à rire de ce qui pendant presqu’un an, nous avait fait pleurer. La chambre en Inde devient un lieu de traverse pour la troupe qui y déferle tantôt pour y jouer des scènes du Mahabharata dans des costumes traditionnels somptueux, tantôt des terroristes et chefs d’état saoudiens, avant de tout remballer à chaque fois que Cornélia est réveillée par les coups de fil incessants de son amie Astrid, ancrage récurrent dans le réel. Mais comme en Inde « on n’est pas au XXIème siècle, on est en Inde », toutes les images oniriques créées par Ariane Mnouchkine servent aussi un propos saisissant sur l’oppression des femmes dans ce pays ainsi qu’au Moyen-Orient, notamment lorsque le temps d’une scène très drôle, le parlement finlandais rencontre les saoudiens pour parler des « droits de l’homme ». L’Inde se transforme en porte ouverte pour aborder tous les sujets. D’ailleurs, dans ce spectacle, tout est osé au point que l’on rit d’un groupe de terroristes qui n’arrivent pas à déclencher leurs ceintures d’explosifs, qu’importe, Cornélia nous a prévenus, les dieux doivent pouvoir être rangés sur une étagère. Préoccupés par un souci d’exactitude pour parler de sujets aussi délicats, les comédiens vont jusqu’à nous expliquer ce que veut dire Daech de sorte qu’Une Chambre en Inde est une habile rencontre entre l’Histoire et l’actualité, pour vaincre par le rire la charte islamique, devenue sous nos yeux « charme islamique ». Cette vaste comédie humaine au sein de laquelle Gandhi, Tchekhov ou Shakespeare font irruption, atteint son paroxysme par l’émotion que procure la dernière scène. Tous sont réunis sur scène, regroupés autour du dictateur de Chaplin et son très fameux discours qui clôture la pièce sur un incroyable appel à l’humanité.

Une Chambre en Inde, création collective dirigée par Ariane Mnouchkine, actuellement au Théâtre du Soleil, Cartoucherie, 75012 Paris. Durée : 4h entracte compris. Plus d’informations ici : http://www.theatre-du-soleil.fr/thsol/




Actu [Théâtre – Rencontre] : « Portraits du paysage, du dehors au dedans » au Théâtre de l’Odéon

« Portraits du paysage, du dehors au dedans »

Rencontre avec Gilles Tiberghien, philosophe, esthéticien

Mardi 6 Décembre 2016 / 18h00

Odéon 6e / Salon Roger Blin

Animé par Daniel Loayza

En écho avec le spectacle Il cielo non è un fondale de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, une enquête sur la place du paysage dans l’art contemporain.

Photo : l cielo non è un fondale, photo © Elisabeth Carecchio
Photo : Il cielo non è un fondale, photo © Elisabeth Carecchio

Gilles Tiberghien , philosophe et essayiste, enseigne l’esthétique à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est membre du comité de rédaction des Cahiers du Musée d’art moderne et des Carnets du paysage, revue publiée par l’École nationale supérieure du paysage. Il est l’auteur, entre autres, de Nature, art, paysage (Actes-Sud / ENSP, 2001), Notes sur la nature, la cabane et quelques autres choses (Le Félin, 2005), La Nature dans l’art sous le regard de la photographie (Actes Sud, 2005), Dans la Vallée [avec Gilles Clément]. Biodiversité, art et paysage (Bayard, 2009).

Pour plus d’informations : http://www.theatre-odeon.eu

(Source : Dossier de presse)




Actu : Rencontre avec Krystian Lupa au Théâtre de l’Odéon

Krystian Lupa et le bonheur créatif

Rencontre avec le metteur en scène polonais

Samedi 3 Décembre 2016 – 14h00 – Odéon 6e Grande Salle

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Dans UTOPIA lettres aux acteurs, essai paru chez Actes Sud en 2016, Krystian Lupa revient sur les éléments constitutifs de son travail et de sa pensée. Ses mises en scène ont apporté une nouvelle appréhension de l’espace, de la direction d’acteurs et une rythmique du temps théâtral différente.

L’ouvrage donne à lire et à comprendre ses choix. Il explicite notamment la notion d’“installation secrète” de l’acteur, de “bonheur créatif ” et de “paysage intérieur”. Krystian Lupa, pour qui le théâtre est un “laboratoire des expressions humaines”, revient sur sa relation avec les comédiens et sur leurs difficultés, parfois, à saisir totalement le désir du personnage. Il met également en lumière l’un de ses axes de travail : l’impératif de construire un lien physiologique, physique et psychique plus fort avec le spectateur.

Avec Piotr Gruszczyński, dramaturge, animé par Georges Banu, traducteur Michel Lisowski.

Krystian Lupa présente à l’Odéon-Théâtre de l’Europe cette saison Wycinka Holzfällen (Des arbres à abattre)

Plein tarif 10€ / Tarif réduit 6€

Pour plus d’informations : http://www.theatre-odeon.eu/fr/

(Source : dossier de presse)




Feuilleton théâtral : semaine n°47

Photo - Michèle Laurent
Une chambre en Inde (Photo – Michèle Laurent)

Une nouvelle semaine théâtrale marquée, comme d’habitude, par tous les contrastes. De spectacles à faire naître une aversion pour le théâtre à la naissance de nouveaux chefs d’œuvres, on a traversé tous les états : ennui, colère, en passant par l’aveu, une fois de plus, de la vision de notre impuissance.

Au théâtre des Déchargeurs, en allant voir « Le Chant du cygne », j’ai pensé assister à la petite pièce en un acte d’Anton Tchekhov. J’avais bêtement lu l’affiche, sans chercher à en savoir davantage. Si le lever de rideau est conforme à ce à quoi le spectateur peut s’attendre, après la première dizaine de minutes, c’est le plongeon vers l’inconnu. Du dialogue nostalgique et triste de Tchekhov, on tombe dans les histoires de coulisses et échanges de techniques théâtrales entre un vieux et un jeune comédien. Les vies personnelles de ces derniers sont racontées à un public qui, légitimement, n’en a pas grand chose à faire. D’autant qu’il n’y a ni cohésion, ni recherche d’unité. Robert Bouvier, le metteur en scène, justifie cela en disant que son spectacle est à l’image de l’existence : imprévisible. Imprévisible, peut-être, mais faussement rocambolesque, parsemée de détails qui n’intéressent que ceux qui les vivent, cela n’engageait que Robert Bouvier, et personne ne lui en aurait voulu de garder ça pour lui !

Autre catastrophe, mais dont les raisons diffèrent : « Iphigénie en Tauride » de Goethe, interprétée comme à la Comédie-Française dans les années 60 par une Cécile Garcia faussement détachée qui semble ne pas comprendre ce qu’elle dit. Elle a des airs d’une bonne copine qui, en fin de soirée, imite Florence Foresti qui imite Isabelle Adjani en tragédienne. Et que dire des acteurs habillés comme une troupe amateur ayant comme contrainte de trouver ses costumes dans la pire des friperies ? Le mauvais goût est conforté par le manque de finesse de la mise en scène illustrative de Jean-Pierre Vincent – on est sur une île alors on entend le bruit de la mer… Tout ici, hormis Pierre-François Garel est à dégoûter du théâtre de la fin des Lumières pourtant porteur d’un message encore brûlant.

Le Chant du cygne (Photo : Fabien Queloz)
Le Chant du cygne (Photo : Fabien Queloz)

Classique, mais réussi, « L’Avare » de Jacques Osinski à l’Artistic Théâtre. Jean-Claude Frissung y campe un Harpagon tout en nuance, colérique mais sans cesse prêt à sombrer dans la folie. Ne devient-il pas fou errant lorsqu’on lui dérobe sa « cassette » ? Entouré d’un groupe d’acteurs qui, par un jeu élégant, soulignent la force du personnage central, le propos et le texte restent actuels à l’oreille du spectateur moderne.

Autre propos, d’autant plus en prise avec l’actualité : « Une chambre en Inde ». La nouvelle mise en scène d’Ariane Mnouchkine – certains racontent que ce serait la dernière – singe une troupe de théâtre dirigée au pied levé par une certaine Cornélia. On assiste à la débâcle d’un groupe d’acteurs financés par l’Alliance Française de Pondichéry, venus pour travailler sur le Mahabharata mais que les attentats du 13 novembre font changer de direction : après de tels événements, quelle est l’utilité du théâtre dans le monde ? Une suite de questions, illustrées par une succession de scènes où sont ouvertes les blessures les plus flagrantes d’une planète en crise : on voit les guerres, l’écologie, les violences sociétales… Et pourtant, sans perdre de vue la gravité intense, on rit. On s’amuse des personnages, des méchants, des terroristes caricaturés à la manière des bras cassés du film « We are Four Lions ». Cet appel du Théâtre du Soleil invite chacun à se tourner résolument vers le réel, à plonger dans la parole quotidienne contemporaine qui ne bénéficie pas de la même résonance que les textes les plus classiques du théâtre, et qui pourtant mérite tout autant, surtout aujourd’hui, d’être écoutée.

Hadrien Volle

  • « Le Chant du cygne », jusqu’au 22 décembre au Théâtre des Déchargeurs

  • « Iphigénie en Tauride », jusqu’au 10 décembre au Théâtre de la Ville – Les Abbesses

  • « L’Avare », jusqu’au 15 janvier 2017 à l’Artistic Théâtre

  • « Une chambre en Inde », jusqu’au 28 février 2017 au Théâtre du Soleil




Actu : La Comédie-Française lance « Les Journées Particulières » au Théâtre du Vieux Colombier

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La Comédie-Française lance ses « Journées Particulières », pour la 1ère, Claude Mathieu nous fait revivre quelques événements artistiques et historiques du 1er décembre 1778 !

Journée particulière, le 1er décembre 1778

samedi 3 décembre 2016 à 15h au Théâtre du Vieux-Colombier

Lancée la saison dernière, cette série propose de prendre place dans la machine à remonter le temps du répertoire. À partir d’une date « particulière », des lectures d’extraits des deux pièces du jour et une mise en contexte offrent un nouveau regard sur des événements théâtraux et historiques.

À la Comédie-Française, il y a 238 ans…

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Le 1er décembre 1778, la Troupe doit se dédoubler en jouant à Versailles pour le service de la Cour, mais aussi à Paris à la salle des Tuileries, pour son public. À quelques jours de la naissance du premier enfant du couple royal, la Cour est en émoi et les spectacles s’y succèdent. Période charnière pour la France qui voit son destin suspendu à la possible naissance d’un dauphin, elle l’est aussi pour la Troupe qui doit se relever de la mort de son plus grand auteur, Voltaire, et de son plus grand comédien, Lekain. La Reine Marie-Antoinette influence alors fortement le répertoire et l’activité de la Troupe qui joue provisoirement aux Tuileries en attendant la construction de son nouvel édifice, au Faubourg Saint-Germain. Cette situation inconfortable perdure depuis 1770. Très sollicitée également dans les résidences royales, elle ne sait parfois plus où elle en est, ni comment répéter les nouvelles pièces…

louis_de_carrogis_dit_carmontelle_scene_du_philosophe_marie_de_philipp_d5605048hCe jour-là à Versailles, on décide de reprendre deux pièces qui ont fait leurs preuves : Le Philosophe marié ou le Mari honteux de l’être de Destouches et Les Trois Frères rivaux de Joseph de La Font, tandis que les camarades de Paris joueront du Regnard et du Molière, là encore deux valeurs sûres. C’est à ce quotidien schizophrénique que nous vous invitons à assister.

Responsable artistique : Claude Mathieu
Organisation et coordination : Agathe Sanjuan
avec Claude Mathieu, Alexandre Pavloff, Françoise Gillard, Nâzim Boudjenah, Benjamin Lavernhe, Sébastien Pouderoux, Noam Morgensztern, Anna Cervinka

PROCHAINES JOURNÉES PARTICULIÈRES

7 janvier 2017 – À la Comédie-Française, il y a 126 ans… Le 24 janvier 1891, Thermidor de Victorien Sardou Responsable artistique Sylvia Bergé – 4 mars • 10 juin 2017 (programmations en cours)

Prix des Places : 10 € • 8 €

THÉÂTRE DU VIEUX-COLOMBIER

21 rue du Vieux-Colombier. Paris 6e

Plus d’informations : mardi-samedi 11h30-13h30 et 14h30-18h aux guichets, au 01 44 58 15 15, sur : www.comedie-francaise.fr

(Source : Dossier de Presse)




Actu : 2ème édition du Festival du Jamais Lu au Théâtre Ouvert à Paris

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FESTIVAL DU JAMAIS LU – PARIS
2ème édition
vendredi 2 | samedi 3 | dimanche 4 décembre

Il y a un an, le Festival du Jamais Lu débarquait à Paris avec une idée en tête : hacker la dramaturgie française !
De cette gentille intrusion est né un échange entre deux cultures cousines, qui n’ont pas eu assez d’une édition pour tout se raconter (coproduction Festival Jamais Lu – Montréal)

LES AUTEURS : Jérémie Fabre, Marilyn Mattei, Grégo Pluym, Sonia Ristic

LES METTEURS EN SCENE : Sophie Cadieux, Martin Faucher, Benoît Vermeulen, Catherine Vidal

LA TROUPE : Hélène Gratet, Dominique Laidet, Thomas Matalou, Guillaume Mika, Marie-Ève Perron, Nelson Rafaëll-Madel, Sarah Tick, Nanténé Traoré
Et deux apprentis comédiens du Studio d’Asnières – ESCA : Maïka Louakairim et Étienne Bianco

Qui a dit qu’il n’y avait pas d’auteurs en France ?

==> Plus d’informations ici : Festival Jamais Lu au Théâtre Ouvert <==

(Source : Dossier de Presse)




Au Théâtre des Quartiers d’Ivry : les relations publiques, mode d’emploi

Photo : Philippe Rocher
Photo : Philippe Rocher

Dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin, le Théâtre des Quartiers d’Ivry présente « Un démocrate », un spectacle écrit et mis en scène par Julie Timmerman : une véritable immersion dans le laboratoire de la démocratie.

Edward Bernays, dit Eddie et personnage central de cette pièce, a vraiment existé. Né en 1891, il est le double neveu de Freud et sur scène, il aura 100 ans dans un mois. Ses parents avaient dit : « tu seras marchand de grain Eddie ». Eddie vendra tout sauf du grain. Il vendra du savon, des cigarettes, Eddie fera fumer les femmes, il vendra la couleur verte, des biberons, Eddie invente : les relations publiques. Quatre comédiens jouent à tour de rôle ce grand homme de la propagande politique et des relations publiques avec malice et beaucoup d’énergie. On apprécie notamment le jeu d’Anne Cantineau, qui n’en finit pas de faire rire le public aux éclats dès lors qu’elle devient Eddie. Bernays n’est autre que l’homme qui invente le bien dans le produit, c’est l’homme qui observe les masses en quête de leur consentement. Pour lui, les hommes ne sont que des cobayes, y compris sa femme, Doris Fleishman qu’il instrumentalise à loisir pour en faire un symbole. Il le dit lui-même, « conseiller en relations publiques » ça ne veut rien dire, mais c’est quelque chose, et ça en jette donc ça suffit. Pendant une heure et trente minutes que dure le spectacle, le spectateur est sans cesse pris à parti, et face aux rouages de la politique et du règne de l’opinion publique, il se retrouve comme manipulé, à son tour instrumentalisé par Eddie Bernays. On a la sensation d’assister à un talk show, face à nous, le vendeur de désirs prêt à tout pour savoir avant nous ce dont nous avons besoin, n’a qu’une idée en tête, instaurer le doute.

Quand il fait fumer les femmes et qu’il met au point une stratégie de vente pour Lucky strike, il dit que la cigarette fait mincir, il admet aussi que le cancer existe peut-être, tout comme le fait qu’il n’y a peut-être pas de tigres en Inde, en fait, on ne peut être sûr de rien. Eddie Bernays nous aliène grâce à des acteurs qui le font revivre avec un humour qui nous heurte dans une mise en scène soignée. Julie Timemerman crée de très belles images, comme le mur de fond qui plus la pièce avance, plus il se remplit de photographies, de papiers, de couvertures de magazines retraçant la très longue vie et carrière du spécialiste des relations publiques qui peut-être aussi bien que son oncle, a su comprendre non pas l’esprit humain, mais la foule, la masse, jusqu’à l’explosion finale. À plusieurs reprises d’ailleurs, les quatre comédiens se liguent face au public comme un Big Brother qui surveillerait ses cobayes de l’American way of life, programmés pour ne pas avoir de pulsions de sortie, faire du yoga, manger et fumer. Et quand un humain veut s’échapper et se marginaliser, on le paralyse par la peur : le maître de la propagande est né.

En fait, Eddie a fait sa fortune sur les crises, quand il n’a pas été lui-même à l’origine des crises en question. On pense à sa campagne de publicité visant, en 1954, à renverser le président du Guatemala présenté comme communiste au profit de la CIA, qui sera une réussite. Pour le public, la mise en scène de ces mécanismes de propagande est ahurissante et donne matière à réfléchir même si nous savons ou soupçonnions déjà les relations publiques de fonctionner ainsi. Quoiqu’il en soit, avec peu de décor, Julie Timmerman produit un spectacle sarcastique en phase avec l’actualité, qui se veut didactique, et qui par un tour de force magistral parvient à projeter le public dans le système encore plus qu’il ne l’est déjà. Comme le disait Patrick Le Lay en 2004, pour reprendre sa formule célèbre, ce qui est finalement vendu par Eddie Bernays, c’est « du temps de cerveau humain disponible ».

Un démocrate, texte et mise en scène de Julie Timmerman, jusqu’au 27 novembre 2016 au Théâtre des Quartiers d’Ivry Antoine Vitez, 1 rue Simon Dereure 94200 Ivry-sur-Seine. Durée : 1h25. Plus d’informations ici : http://www.theatre-quartiers-ivry.com/fr/