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Wildlife : Une saison ardente – Histoire d’une (admirable) descente aux enfers

On connaissait le rêve américain, nous voilà plongés dans le cauchemar américain. Un pays en pleine mutation, au début des années 1960, un contexte politique mouvant, une société qui se transforme, les relations hommes / femmes qui prennent une nouvelle teinte. Nous sommes pourtant bien loin dans ce film de la frénésie des grandes villes de la côté Est.

Ici, c’est le Montana, la rudesse du climat et des éléments qui vient s’entrechoquer avec celle des sentiments et des rapports humains. Ainsi, l’harmonie qui règne, ou a minima semble régner, entre Jeanette, Jerry et Joe Brinson, va lentement se disloquer en prenant comme miroir les yeux du jeune adolescent, enfant unique, involontairement centre du drame qui se prépare. Et paradoxalement, le jeune homme représente à lui seul, l’image de la maturité, de la sagesse et de la stabilité au milieu d’un chaos en voie d’explosion.

On assiste ainsi à la lente descente aux enfers, physique, psychologique, d’une famille sans histoire, dépeinte avec un talent hors norme dans ce premier long métrage de Paul Dano. L’image splendide magnifie cette sensation de longue dépression, d’abord latente puis qui vient tout balayer, sans refuge possible. Au cœur du brasier, l’impeccable et incroyable Ed Oxenbould (Joe Brinson) impressionne par son jeu. Pas de superflu, une justesse des expressions, un rôle poignant pour cet adolescent écartelé au croisement des voies choisies par ses parents, seul détenteur de douloureux secrets, et toujours garant du maintien de l’équilibre familial.

Primé au festival du film de Turin et sélectionné à celui de Sundance, Wildlife vous marque, vous touche, vous retourne même, par la justesse et la sincérité des personnages qui composent ce drame, rien que trop banal, et aux relents amèrement contemporains.

 

 

Fiche technique
Titre original : Wildlife
Titre français : Wildlife – Une saison ardente
Réalisation : Paul Dano
Scénario : Paul Dano et Zoe Kazan, d’après le roman Une saison ardente (Wildlife) de Richard Ford

Distribution
Carey Mulligan : Jeanette Brinson
Jake Gyllenhaal : Jerry Brinson
Ed Oxenbould : Joe Brinson
Bill Camp : Warren Miller
Mollie Milligan : Esther
Zoe Margaret Colletti : Ruth-Ann




[Théâtre – Avignon] Si le terrorisme ne se voit pas, avec Gosselin il se vit

Frédéric Leidgens et Victoria Quesnel dans « Joueurs, Mao II, Les Noms » © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Qu’est-ce qui peut bien mériter de s’enfermer dix heures dans une salle de spectacle ? Un effet de mode sans doute, la clim’ et les banquettes de la FabricA certes, mais peut-être et surtout l’expérience du théâtre. Tous les prétextes sont bons pour aller voir « Joueurs, Mao II, Les Noms », la dernière création de Julien Gosselin.

Un attentat se prépare au World Trade Center, celui des années 1980. Dans un appartement un couple se déchire, se masturbe et s’ennuie. À première vue quel rapport ? Joueurs, premier volet du spectacle, y répondra pour nous. Mao II, le deuxième, questionne le rôle de l’écriture dans un monde gangrené par l’idéal terroriste. Il est presque 23h lorsque s’amorce Les Noms, ultime partie de la soirée. Un homme seul assassine en Méditerranée des victimes choisies par leurs initiales. Julien Gosselin convoque magistralement l’Histoire en une pièce qui présente de façon irradiante les maux de notre temps.

De la violence, donc. Tissée comme un fil rouge elle n’est jamais illustrée mais expérimentée pour traverser les trois romans (dont Gosselin garde les titres) de Don DeLillo. Spectateurs et comédiens sont à leurs places respectives poussés vers leurs limites : épuisement des corps, excitation de l’ouïe, perte de la notion de temps, sommeil, envoûtement. De quoi faire taire les idiots qui déclarent en sortant, furieux et peu inspirés, qu’ils ne vont pas au théâtre pour voir du cinéma.

Connu pour éprouver, questionner le théâtre, le metteur en scène phare de l’École du Nord, use ingénieusement de la caméra embarquée. Elle est sur le plateau un personnage en soi, prodigieusement maniée par Jérémie Bernaert et Pierre Martin (respectivement régisseurs et créateur vidéo). Outil mais pas seulement, le cinéma permet de raviver la question de ce que l’on montre ou pas dans une salle de spectacle. Et il ne faut pas moins d’une petite dizaine d’heures à Julien Gosselin pour cerner les contours, explorer les ressorts d’une mécanique actuelle : le terrorisme.

L’ambition est haute mais le spectacle s’y hisse.

Quoi de mieux que l’Histoire pour rappeler à la salle que l’islamisme radical semé partout dans le monde n’a vraiment rien inventé ? Consumérisme des biens, des plaisirs, des désirs : une société malade de trop de facilités fabrique en son propre sein l’idée de sa destruction. Trop fin pour le déclarer sur un ton dogmatique, l’habile chef-d’orchestre compose une pièce très fine qui donne généreusement au spectateur les clés pour comprendre son époque. Un tour de force qui réside dans une capacité à faire digérer un festin de dix heures qui sert du terrorisme marxiste, de l’Amérique des expats, la funeste secte Moon et l’amour qui se meurt. Rien que ça, en effet ! L’ambition est haute mais le spectacle s’y hisse.

Envie irrésistible de ne pas lâcher son siège. Fatigué ? Affamé ? Vous pouvez tout à fait sortir pour prendre l’air, griller une cigarette ou faire une petite sieste. Mais l’on ne veut pas souffrir de ces besoins triviaux tant on est accrochés par ce qui se passe sous nos yeux. Le seul risque encouru est d’en rater une miette. Une savante lumière propose des atmosphères toujours plus saturées d’une sensualité folle. Le corps est à l’honneur, sublime et tellurique. Tous les sens s’alertent aux vues des performance de monuments d’acteurs. Un espace temps théâtre puissant et manifeste.

« Joueurs, Mao II, Les Noms » d’après Don DeLillo. Adaptation et mise en scène de Julien Gosselin
Dates de la tournée sur : https://www.theatre-contemporain.net/




[Cinéma] Moi, Tonya

© Mars Distribution

Courte mais intense, la carrière de la patineuse Tonya Harding inspire tumulte et violence au réalisateur Craig Gillespie (Une Fiancée pas comme les autres ou The Finest Hour). Si Moi, Tonya ne semble ni savoir où aller ni quoi nous dire, c’est peut-être pour coller à l’image d’une héroïne paumée.

Tonya Harding c’est d’abord une petite fille qui ne se remettra jamais du départ de son père, elle se crèvera d’entraînement pour la seule chose qu’elle sait faire : patiner. Adolescente en lutte éternelle contre elle-même, elle va quitter très tôt une maison toxique. Malmenée par une mère qui la frappe, la rabaisse, elle se barre à quinze ans, barbelé sur les dents avec un mec violent qui la cogne, lui aussi. Si elle sait se défendre avec son effronterie, elle maquille ses bleus dont elle a tant besoin. On la bat et cela la booste, elle rappellera même Jeff, devenu son ex-mari, la veille d’un championnat, tant elle a besoin de coups pour se remotiver.

Mais pour qu’un scénario patine si lourdement, c’est qu’entre portrait, enquête, psychologie de comptoir ou simple tranche de vie, on ne sait pas où cela va. Qu’est-ce qu’un biopic qui balaie en trois dates et pas plus de scènes sur la glace, une carrière si houleuse ? Même si Margot Robbie excelle autant sur des patins que dans les baskets de la championne, l’histoire est trop brouillonne et part dans tous les sens. Sur une pseudo-rythmique d’allers-retours maladroits entre interviews de l’athlète et immersion dans son couple, le spectateur peut se perdre dans un film incomplet. L’envie irrépressible de trouver un documentaire sur la vie de la vedette peut être dérangeante car malgré le titre qui emphase sur le « moi » de Tonya, c’est plutôt sur le reste que la camera se braque. On sort peu renseigné de cette biographie satisfaite de la facette badass du personnage Harding.

L’explosion de sa carrière occupe à peine l’espace dans deux heures assez longues. Cinq minutes à l’écran pour ce coup de matraque qui secoua le monde du sport ainsi que toute la presse. Cela semble un poil court pour « l’affaire Harding-Kerrigan » que l’on ne présente plus, mais surtout mal jaugé pour l’instant fatidique qui fit basculer toute entière la vie d’une championne. Depuis qu’elle a trois ans elle s’exerce sur la glace mais c’est sur à Lillehammer qu’elle patinera hélas pour la dernière fois. Retour en 1994 quand les JO d’hiver se déroulaient en Norvège et que Tonya Harding amorçait son épreuve : le fameux programme court. Celle qui fut la première, femme et américaine à réaliser un triple axel est sous une pression monstre. Un lacet qui la gêne, elle demande au jury une seconde chance sur la piste : ils acceptent mais elle chute, et à plusieurs reprises. Dommage que Gillespie n’ait fait que survoler ce passage crucial… Trop déstabilisée par les soupçons qui pèsent sur elle et son entourage à propos de l’attaque de Nancy Kerrigan, adversaire éternelle, elle finira 10e. Alors que sa rivale blessée six semaines plus tôt décroche sur le podium la médaille d’argent, Harding est détrônée mais aussi démasquée comme complice dans cette histoire de coup-bas aux vestiaires.

Sans grande surprise alors un spectateur peut facilement se laisser aller à moult rebondissements. D’autant que le réalisateur ne manque pas de faire de l’humour, mais cela ne suffit pas pour que le film se tienne. Néanmoins on comprend, par un formidable finish, que la danseuse brutale va se reconvertir. Peu svelte sur la glace elle sautille sur un ring puisqu’elle choisit la boxe. Petite fille battue mais pas des moins robustes, on saisit (bien trop tard!) une femme inébranlable, et la boucle est bouclée.

« Moi, Tonya » de Craig Gillespie, sortie au cinéma le 21 février 2018

Tonya Harding : Margot Robbie (sélectionnée pour l’Oscar de la meilleure actrice)
LeVona Fay Golden : Allison Janney (Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle)
Jeff Gilooly : Sebastian Stan

 




Avignon OFF 2016 : « Kennedy », au nom du père, du fils, et des États-Unis !

Photo : Aude Vanlathem
Photo : Aude Vanlathem

Avec Kennedy, Ladislas Chollat, salué en 2014 pour sa mise en scène de Le Père de Florian Zeller qui avait remportée pas moins de trois Molières, propose une immersion dans les rouages familiaux et politiques – pléonasme dans leur cas – de la famille Kennedy.

Le public, habité par des images de l’assassinat à Dallas en 1963 de JKF, d’une Jackie Kennedy en tailleur Chanel et au sex-appeal de l’ex-président et de ses frères, découvre la puissante dynastie sous un nouveau jour. Avec des symboles efficaces comme le drapeau américain et des documents d’archives ou de films typiquement américains, le metteur en scène plante le décor d’une suite d’hôtel composée de deux panneaux servant souvent d’écrans, sans pour autant sombrer dans un effet Powerpoint qui avait caractérisé sa mise en scène d' »Encore une histoire d’amour », au Studio des Champs-Elysées cette saison. Du début à la fin du spectacle y sont en effet projetés des portraits de la famille Kennedy dont JFK et son frère Bobby, fiction et réalité se mélangent, parfois le président s’adresse à nous, mais l’effet House of Cards n’opère pas.

Les Kennedy, c’est d’abord un clan et beaucoup d’argent. On pense alors aux prochaines élections Clinton-Trump et à cette politique américaine oligarchique qui ne bouge pas, pour autant, les Kennedy restent un cas unique. Joseph Patrick Kennedy, le patriarche, rêvait déjà de briguer la Maison Blanche de sorte qu’il parvint à éduquer ses fils avec ce seul dessein, planifiant ainsi l’accession au pouvoir minutieusement programmée de sa descendance. Dès le départ, le spectacle s’inscrit dans ce rapport à la filiation et au « projet Kennedy ». Dépeint sous un angle inhabituel, JFK est présenté comme un homme malade, angoissé, fragile, cassé par les rêves de son père et paranoïaque – tout dans les attitudes du comédien traduit ces inquiétudes. Au duo des Kennedy vient enfin s’ajouter une femme, tantôt Jackie, tantôt Marilyn, elle est surtout aux yeux du président une potentielle espionne. Dans une atmosphère qui accentue la décadence, notamment sexuelle de JFK sans cesse sauvé par le clan, le pouvoir et la politique sont présentés sous un jour bien sombre. La fortune familiale, soupçonnée de s’être constituée sur fond mafieux y est remise en question et par extension, les bases du pouvoir à l’américaine. Si les acteurs sont convaincants, leur jeu manque toutefois de ce qui fait l’imaginaire social des Kennedy, à savoir un charisme à l’américaine et une allure séductrice.

Au demeurant, la qualité du texte et de la mise en scène réside dans le fait que les Kennedy sont, certes démystifiés, mais pour mieux servir le mythe. Comparés aux Atrides, à ces dynasties grecques et à ce qui fait une grande famille de pouvoir, quelque chose d’héroïque ressort de la mort annoncée du président. À la manière d’Achille, JFK a fait le choix de prendre le risque de mourir et d’entrer au panthéon des présidents adorés plutôt que d’avouer son infirmité et de rester sur ses gardes. Peut-être plus encore que le clan Kennedy, c’est un discours sur la politique américaine qui émerge de cette création, en écho avec les prochaines présidentielles, on ne peut s’empêcher de penser que ces élections n’ont rien de plus à proposer que du scandale et un pouvoir appuyé par l’argent déjà bien en place. Aux États-Unis, la présidence est une affaire de familles.

Kennedy, de Thierry Debroux, mise en scène de Ladislas Chollat, avec Alain Leempoel, Dominique Rongvaux et Anouchka Vingtier.

Festival d’Avignon, Théâtre du Chêne Noir, 8bis, rue Sainte-Catherine, 84000 Avignon, jusqu’au 30 juillet, relâches les lundis, 15h, durée 1h30.




Un « bois lacté » traversé par un fleuve d’émotions

© Pascal GELY
© Pascal GELY

Avec « Le bois lacté », Dylan Thomas signait une pièce poétique [1. La pièce a été créée pour la radio en 1952]. Les mots y sont utilisés pour créer un imaginaire qui transporte le lecteur/spectateur comme un fleuve drague une multitude d’objets. On est pris dans le courant de la journée d’un village Nord-Américain où 63 personnages (jouées par 7 acteurs), laissent à voir leur intimité jusque dans ses méandres les plus profondes. Le texte, difficile au premier abord, est dit de façon claire. Il ne faut pas chercher à comprendre à tout prix : les images parlent d’elles-mêmes et, pour nous aider, celles-ci se succèdent dans une structure temporelle et spatiale bien définie.

Chacun des protagonistes décrit son existence, donne son regard sur lui-même dans des situations simples, récurrentes. Tantôt dans une diction narrative, tantôt vivant l’action. Il n’y a pas d’ordre d’importance entre eux. Tous égaux face à la vie ! Chacun ses rêves, ses relations… L’une est maniaque, seule dans sa grande maison, l’autre est alcoolique et il vit une histoire physique avec une jeune femme dans la forêt. L’un tente depuis des années de tuer sa femme, l’autre voit l’amour quand il regarde le village chaque matin. Finalement on est ensemble, mais chacun dans son monde et chacun dévoile son jardin secret.

Stephan Meldegg réussi là une prouesse de mise en scène en faisant jouer cette galerie de personnages sur la (toute) petite scène du théâtre de Poche. La plupart du temps, tous les comédiens sont sur le plateau. Parfois, seul l’un d’entre eux déclame, parfois ils s’animent tous ensemble pour créer une ambiance propice à soutenir la narration : équipage d’un navire, troupeau de chèvre, pilliers de comptoirs, visite touristique… Ce parti prix d’occupation de l’espace ressert d’autant plus l’attention autour des mots.

Finalement, c’est un véritable conte qu’il nous est proposé de vivre dans ce « Bois lacté », une histoire au long cours qui prendra qui veut bien se laisser happer, un moment où il y a autant d’émotions à vivre que de personnages à rencontrer.

Pratique : Jusqu’au 8 décembre 2013 au théâtre Poche-Montparnasse, 75 bd du Montparnasse, 75006 Paris – Réservations par téléphone au 01 45 44 50 21 ou sur www.theatredepoche-montparnasse.com / Tarifs : entre 10 € et 35 €.

Durée : 1 h 30

Texte : Dylan Thomas

Mise en scène : Stephan Meldegg

Avec : Rachel Arditi, Jean-Paul Bezzina, Sophie Bouilloux, Attica Guedj, César Méric, Jean-Jacques Moreau, Pierre-Olivier Mornas




1275 âmes (et quelques morts plus tard) de Jim Thompson

Crédit photo : Folio Policier
Crédit photo : Folio Policier

Polar sauce western,  1275 âmes est le récit du shérif de Pottsville, Nick Corey, héros délicieusement antipathique d’une ville qui ne l’est pas moins.

Sous des airs tout d’abord lâches et fainéants, nous le découvrons au fil des pages rusé et manipulateur se jouant de l’hypocrisie et de la vilénie des 1275 habitants.  Justifiant le meurtre (et sa lâcheté) par une mission divine. Qui sont les innocents, qui sont vraiment les coupables ? Certainement tous et personne à la fois.

Qualifié de Polar rural, proche de l’atmosphère de John Steinbeck et des décors de Mark Twain, mais la comparaison s’arrête bien ici. Publié en France en 1966, ce roman conjugue le cynisme à tous les temps.  Les femmes sont calculatrices et les hommes des pochetrons paresseux. Amateur de bons et beaux sentiments fuyez !  Pour tous les autres, vous adorerez détester les personnages. Les dialogues peuvent parfois dérouter mais nous resituent dans une Amérique profonde  où les « nom de nom » ou « Et v’la-ti’ pas… » sont légions. Il y a peu d’indication temporelle dans cet ouvrage, nous déduisons simplement que  l’esclavagisme n’est pas encore aboli, peu importe, l’action pourrait se transposer à notre époque ce qui rend ce polar encore plus captivant.

 

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Extraits :

« – C’est mon métier, oublie pas, de punir les gens pour le simple fait qu’ils sont des êtres humains. De les amadouer jusqu’à ce qu’ils se montrent tels qu’i’ sont et ensuite de leur tomber dessus. Et c’est un sale boulot, figure toi, mon loup, et j’estime que le plaisir que je peux trouver à les piéger,  j’ai bougrement mérité. »

« Je suis les deux à la fois, […] Le type qu’est trahi et celui qui trahit l’autre, les deux en un seul ! »

1275 âmes

Traduit de l’anglais (États-Unis) : Marcel Duhamel

Titre original : Pop. 1280

Édition originale : Gallimard / Série Noire – Janvier 1966
Rééditions : Gallimard / Série Noire – Septembre 2005 /
Dernière édition poche : Folio Policier – Octobre 1998
Autres éditions : Folio – Juin 1988 / Carré Noir – 1980 /

Adaptation au cinéma : Coup de Torchon de Bertrand Tavernier.




Mercredi – Boulbar – Highway to… America

C’est dans la salle du Réservoir que se tient la soirée «We are The Lions». C’est dans cette cale de bateau baroque délattée aménagée de bric et de broc et de miroirs au lustre d’antan, que nous avons voyagé avec Bertrand Boulbar. Cet artiste français, auteur, compositeur et interprète a entrepris un road trip entre New York et San Francisco : 8000 kilomètres… pas loin de 5000 miles sur l’asphalte. Armé de sa guitare de son harmonica et d’une carte, il prend les routes secondaires, il roule sa bosse à la recherche d’une autre Amérique. Il livre son carnet de voyage psychédélique et émouvant : ses rencontres, ses émotions, ses insomnies, les paysages.

Un texte poétique et percutant posé d’une voix sourde et grave qui nous conduit « passager sans bagage » en terre comanche.

Pour parachever cette invitation au voyage sur la scène du Réservoir, Bertrand Boulbar était accompagné d’un dessinateur, bricoleur, scrabooker, Vincent Gravé qui nous entraîne dans le rêve un peu plus encore.

Le 27 Février sortira son 3ème album « Motor Hotel » consacré à cette errance américaine de motels en stations services, mi-nostalgique d’une Amérique 60’s, mi-contemplatif face aux grands espaces qui inspirèrent Kerouac et Ginsberg.

Quand Iggy Pop (de « American Dream ») et Gerald de Palmas se rencontre Into the wild (2) ça donne ça :


Burnsville – Trailer de l’album Motor Hotel -… par roymusic

« Burnsivlle, 500 habitants et pas grand chose à faire, à part se marier,
Avec son ami d’enfance,
Il suffira d’une danse,
Au bal de Sunshine Vallee »

Roy Music vous dit quelque chose c’est peut-être parce que la talentueuse rockeuse Mademoiselle K qui voulait tant aller « Jouer dehors » et l’empereur de « La tristitude » Oldelaf, viennent de la même maison…

Prochain concerts :

  • Jeudi 8 mars 2012 – Les Trois Baudets (Paris – 75) – 20h00
  • Samedi 28 avril 2012 – Casino (Dax – 40) – 20h00



Vous avez demandé la Police, ne quittez pas…

Dans la série « The Wire » (en français « Sur écoute »), c’est la police criminelle de Baltimore que vous aurez au bout du fil. Mais quel que soit l’objet de votre appel, ça n’est pas vraiment vous que veulent entendre les inspecteurs Jim McNulty (Dominic West) et Lester Freamon (Clarke Peters).

Eux, c’est les anti-héros des vrais des durs, ils font leur numéro pour pincer les « méchants » de Baltimore et combinent des talents tels que mauvaise foi, alcoolisme et infidélité.

Leur tour favori est la mise sur écoute. Sauf qu’il ne suffit pas de coller son oreille au biniou pour ouïr tous les mauvais coups fomentés par les trafiquants et mécréants de diverses espèces. 

Les écoutes c’est bien sur des machines avec des diodes lumineuses de partout, des numéros qui s’affichent, des chronos qui tournent, des statistiques informatiques et surtout de la paperasse administrative, mais ça n’est pas que ça sinon on serait tenter de raccrocher.

 

Emmenés par l’arbitraire et abusif Major Rawls (John Doman) et le charismatique lieutenant Cedric Daniels (Lance Reddick), les agents de la crim’ brisés par une hiérarchie « the chain of command » pas très flexible usent leurs semelles sur le terrain.

Le terrain de leurs enquêtes c’est les cités « The project » (Saison 1), les docks du port (Saison 2), les meetings politiques (Saison 3), les lycées (Saison 4) et les locaux de l’édition du journal local (Saison 5). Le fil rouge reste cette équipe attachante de bras cassés qui se planquent, traquent, patrouillent et fricotent avec des crapules. Et quelles crapules !! Le personnage ambivalent d’Omar Little (Michael K. Williams) et le musculeux Stringer Bell (Idris Elba) sont fascinants. Leur proximité troublante et la complexité de l’histoire rend parfois ces leaders de délinquants plus attachants que la Police.

Sans en révéler trop, cette scène issue de la saison finale est parfaitement révélatrice de l’ambiance de The Wire :

The Wire a été créée par David Simon et co-écrite avec Ed Burns diffusée sur HBO à partir de 2002. La série préférée de Barack Obama (Las Vegas Sun) est avant tout une véritable fresque sociale. Le message est clair : « The Wire » est aussi une approche sociologique de la vie urbaine et des inégalités.

A regarder en VOST de préférence car l’argot des cités et celui de la marée chaussée sont croustillants !




Walking Dead – Apocalypse now

Poltrons et pétochards cette série n’est pas pour vous. « The Walking dead » est une série américaine (diffusée sur AMC) se déroulant dans la banlieue d’Atlanta peu après un énorme cataclysme cabalistique. Une atmosphère de fin du monde plane et transforme le paisible quotidien de citoyens lambdas (ni trop gentils ni trop méchants) dans un chaos morbide où les morts ne sont pas tout à fait morts et où les vivants ont bien du mal à le rester. Les morts-vivants (en anglais living dead) donc, sont épouvantablement nombreux et bien que dans un état de putréfaction atrocement avancé, ils sont toujours en quête de chair fraîche.

Vous n’êtes pas sans remarquer la dynamique classique des films de zombies et autres morts-vivants, mixée cette fois à la thématique très en vogue de l’apocalypse.

Comme pour le comic book de Robert Kikman dont est issue la série, certaines scènes sont graphiques jusqu’à écœurement, les plans sont évocateurs, sanguinolents et pas très poétiques : y aura de la cervelle sur les murs, vous êtes prévenus. La série est cependant jugée moins trash et moins cruelle que la BD ; pourtant, au fur et à mesure des épisodes une ambiance malsaine colle aux basques de notre petit groupe de survivants.

Ca s’arrête là pour la ressemblance puisque là série prend, à juste ou à mauvais titre, des libertés vis-à-vis du comic.

« The Walking Dead » n’est pas qu’un cache-cache haletant avec des charognes patibulaires et agonisantes. De telles performances à l’audimat outre-Atlantique ne pourraient se justifier ainsi. Si la critique est partagée, l’audience elle, est bonne et c’est certainement à mettre au crédit de la tension et de l’angoisse véhiculées par les protagonistes bel et bien vivants de la série. Le fil rouge des épisodes est l’honnête petit shérif du conté de Kentucky (Andrew Lincoln) qui mène sa barque sur les rives du Styx en compagnie de camarades d’infortune de tous horizons. Dans le cadre hostile de leurs refuges précaires s’entament un huis clos avec des problématiques bien humaines elles. Leadership, amour, trahisons sèment la zizanie au pays des zombies et emberlificotent les stratégies de survie.

Par ailleurs, on peut voir au travers de cette série une fable moderne sur notre monde trop gourmand en énergies fossiles.
Mais surtout, ces épisodes sont porteurs d’une réflexion sur l’évolution des rapports humains et des comportements dans un monde où cadres sociaux et juridiques classiques ont volé en éclat. Ce « retour à la nature » que vivent les protagonistes est, à l’instar de celui décrit par Hegel, fait de « violences et d’injustices » hurlantes.

Ainsi, même si l’intrigue manque un peu de finesse et que la fin de la saison 1 souffre de quelques lenteurs narratives, le frisson et les rebondissements sont là.

Une petite dose d’adrénaline et d’hémoglobine; voici le trailer.

L’adaptation au format série est réalisée par Frank Darabont qui était aussi le réalisateur de La ligne verte.

S’il fallait le comparer à la vague de films « survivalistes », nous pourrions convenir que « The Walking dead » est :

  • moins sombre que « La route » tiré du livre de Cormac McCarthy et porté au cinéma par John Hillcoat,
  • plus violent que « Je suis une légende » de Francis Lawrence, mais surtout avec plus de personnages…,
  • plus urbain que « Seul au monde » avec Tom Hanks,
  • moins surnaturel que « La guerre des mondes » avec Tom Cruise,
  • moins apocalyptique que « 2012 », pas d’effets spéciaux hallucinants où la statue de la liberté et tous les grands monuments mondiaux symboliques sombrent, s’écroulent… avec fracas.

Et s’il fallait analyser « The Walking dead » aux regards des films d’horreurs, la série est :

  • moins bestiale que « 28 jours plus tard » de Danny Boyle,
  • plus réaliste que dans « Le Territoire des morts » de George Andrew Romero, pour ce qui est des zombies,
  • définitivement plus effrayante que « Scary movie »…



[Arrested Development] Une famille en or…

Sitcom du XXème siècle par excellence, Arrested Developement a pour toile de fond une famille américaine portée par un père entrepreneur. « So far so good » (jusque là tout va bien) sauf que dans la famille Bluth, s’ils ne sont pas tout à fait dans la panade, ce ne sont certainement pas de grands gestionnaires et ils sont assez anticonformistes.

Cette série proposée par la chaine FOX est un parfait cocktail antimorosité, un divertissement pas crétin, où une famille compliquée nous propose une Amérique hilarante loin, très loin des clichés du rêve américain sur gazon verdoyant et sourire dentifrice, façon famille Kennedy et loin des rires pré-enregistrés.

Mr.Bluth n’est pas un modèle de droiture et c’est un doux euphémisme de dire qu’il n’est pas réglo, il verse plutôt dans les secteurs non autorisés mais pas en professionnel, plutôt en amateur totalement disjoncté. Exit  la famille parfaite bien pensante, avec le pater familias d’une exemplarité irritante type 7 à la maison sans pour autant être la famille Corleone.


Le fil conducteur dans les péripéties de cette famille? Le business ! Un business qui a amené le père… en prison et pousse un des fils (Michael) à reprendre le flambeau. L’affaire n’est pas simple car Michael se retrouve le seul à travailler sans pour autant tenir les rênes (le président, c’est son frère) et se faisant manger ses profits par sa mère, son père, ses frères et sa sœur… Non ça n’est pas le bonheur, pour lui, mais pour le téléspectateur… quelle délectation !


Dans la famille Buth, je demande le père! Et bien NON, le père, il est en prison. On s’éloigne donc directement de la famille Barbapapa. George Bluth Senior (Jeffrey Tambor) n’est pas un saint pas plus que son frère jumeau qui lui ressemble en tout point sauf sur la pilosité. Il est parfaitement azimuté, à ce titre ses apparitions sont lunaires et ses stratagèmes inattendus. Dans ses proches contacts, il compte la famille d’un certain Saddam Hussein….


Sa femme, Lucille est très nouveau riche, elle est alcoolique et ne prend pas son job de mère de famille très à cœur… elle se contrefout de sa progéniture (enfants et petits enfants inclus). En somme, Madame Bluth mère (Jessica Walter) est parfaitement acariâtre et insupportable. A eux deux, les seniors de la famille Bluth ont presque un côté Ténardier, mais leur fille n’est pas une petite Causette.


La fille Bluth est écervelée et investie d’une mission, une noble mission : celle de dévaliser tous les magasins de vêtements de la côte Est. Lindsay Bluth Fünke amène de la grâce et un peu de coeur, mais attention on n’est pas dans la famille Hilton, l’argent manque (d’où le nom français de la série « Les nouveaux pauvres ») ; et le style, elle est bien la seule à en avoir… La comédienne Portia de Rossi, par ailleurs connue à la ville pour être l’épouse de la présentatrice Ellen DeGeneres, est, dans Arrested Development, outrancière, désopilante et bizarrement très investie dans des œuvres caritatives. Le seul objectif de cet engagement : maintenir sa petite notoriété, sans aucun doute. Ainsi, elle n’est guère plus sympathique dans ce rôle que dans celui qui l’a fait connaître : celui de Nelle Porter dans la série Ally Mc Beal.


Le fils aîné « Gob » (George Oscar Bluth) a quant à lui un look qui lui est propre, et le goût du spectacle dans la peau. Son dada c’est la magie, mais elle le lui rend mal . Séducteur invétéré, ce glandeur de première se déplace en Segway et vit sur le yacht familial. Comme son père, la légalité n’est pas son fort, il a toujours un plan abracabrantesque derrière la tête. Ainsi, entre deux tours de magies ratés et un strip-tease déguisé en flic, il trouve encore le temps de se ridiculiser. Gob est très rock & roll, mais pas façon Osbourne. Ses accroches avec sa famille sont hilarantes. Il est tellement perché qu’on pourrait se demander s’il est bien « terrien ». Rien d’étonnant finalement à ce Will Arrnett ait été nommé dans la catégorie meilleur acteur de second rôle dans une série comique aux 58ème Emmy Awards.


Mais la famille ne s’arrête pas là. Il y a aussi le petit dernier. Le cadet « Buster » (Byron Bluth) est un euphorique phobique. Attachant et déconcertant, Tony Hale joue un attardé, toujours dans les jupes de sa mère acariâtre et amoureux d’une sexagénaire de charme : la chanteuse Liza Minelli, une des guest stars de la série. C’est décadent, bien plus décadent que chez les Kardashians ! Tony Hale pose avec cette sitcom la pierre angulaire de sa carrière. Il sera d’ailleurs primé pour son interprétation de Byron Bluth.



L’unique fils doué de raison : Michael  frère jumeau de Lindsay, apparaît comme la seule personne en mesure de faire marcher le business familial, le père Bluth étant lui, derrière les barreaux. C’est le point de départ de la saison1. Mais avec une famille aussi maudites que les Atrides, Michael (Jason Bateman) est pris en étau et les situations cocasses et burlesques s’enchaînent. Il n’a pas le talent commercial d’un Onassis, il est moins cérébral qu’un Servan-Schreiber, mais il fait de son mieux.


Jason Bateman est parfait dans ce rôle de victime. Il tire si génialement son épingle du jeu qu’il décroche en 2005 un Golden Globe dans la catégorie « Meilleur acteur dans une comédie », un TV Land, ainsi que deux Satellite Awards. Sa famille, la famille Bluth, n’a finalement rien à voir avec celle dans laquelle il a fait ses débuts. Souvenez-vous : le petit Jason vivait dans une maisonnette dans la prairie. Jason Bateman y jouait alors le rôle de James Cooper fils adoptifs d’une certaine famille Ingalls.


Michael Bluth est lui même papa d’un adolescent ahuri, George Michael, qui n’est autre que l’acteur Michael Cera. Découvert dans Juno, vu dans Super Grave et Une nuit à New York, il est ici délicieusement largué. Le gamin est gauche et il trempe dans cette famille comme dans une mer infestée de piranhas. Davantage pâlichon et moins dégourdi que Bart, le fils Simpsons, il est dépassé par cette famille de barjos. Il traverse l’âge ingrat en compagnie d’une autre ado, avec laquelle il fricote « Mayeby ».


Mayeby alias Mae Fünke (Alia Shawkat) de son vrai nom est la fille de Lindsay Bluth et Tobias Fünke. Elle amène son grain de folie (s’il en manquait !) et les rapports avec ses parents ont peu de chance de vous rappeler la petite famille française telle que Katherine Pancol peut la décrire.


Son père Tobias (David Cross) le mari de Lindsay est émotionnellement instable et gentiment déjanté. Lui même semble ignorer l’existence et la présence de sa propre fille. Psychiatre et auteur d’un best seller… gay, il décide de se réorienter vers une carrière d’acteur. Cependant, ses psychoses, toutes plus loufoques et drôles les unes que les autres (il ne peut jamais être nu par exemple), l’empêchent d’atteindre son objectif. Les épisodes durant lesquels il est peint en bleu de la tête au pied au cas où il serait appelé en renfort par le « Blue man group » sont proprement géniaux. Dans le fond on plaint ce pauvre Tobias de tout notre cœur, d’être si naïf et médiocre en tant qu’acteur mais quelle jouissance! Bizarre voila ce qui caractérise bien Tobias, un peu comme La Chose de la Famille Adams.

Pour la gestion des tensions familiales chez les Bluth on se rapproche plus des Pierrafeu, on se tape dessus, c’est jubilatoire il ne faut pas se le cacher surtout que personne n’est oublié, tout le monde en prend pour son grade. Ron Howard, le narrateur, distille les événements d’une voix de maître.

Ce petit monde, une dizaine de personnes (tout de même), réside dans une maison témoin totalement factice au milieu du désert…

 

Cette série plus que barrée a les faveurs des critiques, mais aussi des peoples…

Dans Arrested Development les « peoples » se succèdent et font des apparitions à mille lieux de leur image habituelle, lisse et proprette. Charlize Theron fait un passage particulièrement pimenté et hallucinant en fin de saison 3. Ben Stiller vient lui aussi saluer les Bluth. Mitchell Hurwitz (le réalisateur) s’amuse, il y a parfois plus de stars au mètre carré que dans la famille Smith (Will).


Au fil des épisodes rythmés par des dialogues punchy, on découvre que c’est avec une joie extatique que les Bluth se mettent des bâtons dans les roues. Mais pas façon Tudors, ils sont finalement bien trop intéressés par leurs petits nombrils pour avoir une ambition de groupe. Ce qui leur pend au nez c’est plus l’asile psychiatrique…


Une famille d’ovnis qui ne ressemble à aucune autre. Si jamais les Bluth s’installaient près de chez vous, vous pourriez dire « y a des zazous dans mon quartier ».  Il existe à ce jour 3 saisons (peut-être bientôt 4) de 22+8+13 épisodes  et donc autant de raisons de tester ses zygomatiques! Arrested Development est sans aucun doute la série comique à ne pas rater ! Gardez bien en tête le nom de cette série, car d’ici peu il se pourrait qu’elle soit portée sur grand écran !


Casting :

Jason Bateman (Michael), Portia de Rossi (Lindsay Bluth Fünke), Will Arnett  (George Oscar Bluth dit « Gob »), Michael Cera  (George-Michael Bluth), Alia Shawkat  (Mae  Fünke dite « Maeby »), Tony Hale  (Byron Bluth dit « Buster »), David Cross  (Tobias Fünke), Jeffrey Tambor  (George Bluth Senior), Jessica Walter  (Lucille Bluth), Ron Howard  (Le Narrateur).

 




OZ ! Une radiographie pétrifiante des prisons américaines …


Oz est le surnom de la prison américaine Oswald State Correctional Facility, mais c’est surtout une série « made in » HBO. Tom Fontana, le créateur de la série qui a signé, de sa plume noire, l’écriture de la majorité des scénarios de Oz, co-écrit par ailleurs Borgia (Canal+). L’homme qui a révélé Denzel Washington au grand public avec sa première série, « St-Elsewhere« , ne fait pas dans les mièvreries. Son domaine c’est le psychologique, le scandaleux, les vils instincts, le Mr. Hyde qui sommeille en chacun de nous.


Au cœur de la série, l’unité spéciale d’une prison de haute sécurité : Emerald City. Notre sésame pour passer derrière les nombreux murs, contrôles et barreaux est Augustus Hill (Harold Perrineau Junior). Ce narrateur prisonnier psychédélique a, en outre, la particularité d’être en fauteuil roulant. Chaque épisode est ponctué par ses allocutions poético-trash. Augustus porte un œil très personnel et caustique sur le système carcéral et nous livre sous forme de flash-back les raisons qui ont conduits chacun des prisonniers à rejoindre l’unité. Qu’ils appartiennent aux clans des italiens, des musulmans noirs, des gangstas, des néo-nazis ou des latinos ils sont tous logés à la même enseigne, au sens propre mais pas au figuré. Dans un tel endoit, les rapports de forces y sont évidemment exacerbés.

Alliance, trahison, stratégie : tous les coups sont permis quand on est là pour…toute une vie.


Le concept unique d’Em City porté par son manager Mac Manus ( Terry Kinney) personnage utopiste et ambivalent, consiste à faire cohabiter dans un simulacre d’autarcie des hommes ravagés par leur vie précédente, le tout encadré par des matons parfois guère plus honnêtes… Il est laissé au bon soin des prisonniers de s’occuper de la cantine, du nettoyage des vêtements et d’un atelier de confection. Un microcosme reconstitué de toutes pièces, derrière les barreaux. Visionnaire ou fou, Mc Manus ne tardera pas à être aussi aliéné par cette prison que ses détenus. Du côté des gentils, il est aidé dans sa tâche pour la partie religieuse par Sister Peter Marie et Father Ray Mukada. Quant à Diane Wittlesey (Edie Falco, épouse de Tony Soprano dans la série « Les Soprano »s), elle met les mains dans le cambouis pour contenir la poudrière.


On s’éloigne ainsi de la thématique récurrente prisonnier/évasion, pour se rapprocher de la peinture sociale au vitriol à mi-chemin entre le film Precious de Lee Daniels pour l’aspect détresse et Shutter Island de Martin Scorsese pour la folie et l’emprisonnement.
Tensions inter-communautaires, gangs, drogue, homosexualité et réinsertion des détenus sont au programme (par conséquent, assez festif !). Les épisodes s’enchaînent à un rythme diablement effrayant. L’intrigue est bien amenée et l’alternance des points de vues des personnages nous fait vivre de l’intérieur ce quotidien violent mais aussi la guerre des nerfs et la guerre de religion qui s’y trament.

Oz est super-réaliste, malsaine, sanglante, une décharge d’adrénaline pour les durs, les vrais, les tatoués. D’ailleurs, durant le générique choc de la série, un bras se fait tatouer le surnom de la prison de façon stylisée, avec une goutte bien ronde de sang sombre juste en dessous du Z. Ça n’est pas de la fiction, ce tatouage est bel et bien sur le bras de quelqu’un… son créateur. Âmes sensibles s’abstenir.


La saison 1, constituée de 8 épisodes est véritablement à couper le souffle. Ce ne sont pas les paysages qui laissent sans voix, puisque la série est quasiment un huis-clôt. Ce qui coupe la chique, c’est le coup de poing qu’on a l’impression de recevoir bien au milieu du ventre. Il existe à ce jour 56 épisodes de 55 minutes sur 6 saisons. Le casting d’Oz n’est pas sans rappeler des personnages inoubliables d’autres séries cultes de HBO telles que The Wire (Sur Ecoute) et The Sopranos, on y remarquera notamment Tobias Beecher (Lee Tergesen) blanche-brebis égarée. Aucun hasard à cela …  Tom Fontana a collaboré au début de sa carrière avec Barry Levinson, sur l’adaptation en série d’un roman choc « Homicide : A year on the killing streets » écrit par David Simon.


« Peu m’importe que les personnages ne soient pas sympathiques, du moment qu’ils sont intéressants.  » a déclaré Tom Fontana. Il est certain qu’à côté de Kareem Said (Eamonn Walker), Donald Groves (Sean Whitesell) qui a mangé ses parents ou Vernon Schillinger (Jonathan Kimble Simmons ) le nazi, les détenus de Prison Break sont d’inoffensives collégiennes en vacances chez les bisounours.


« It’s no place like home », (rien ne vaut son chez soi) on en est bien convaincu au terme :

Oz (1997 – 2003) de Tom Fontana.


Casting de la saison 1 de Oz :

Harold Perrineau Jr. ( Augustus Hill), Lee Tergesen (Tobias Beecher), Eamonn Walker (Kareem Said), Dean Winters (Ryan O’Reilly ), J. K. Simmons (Vernon Schillinger), Kirk Acevedo (Miguel Alvarez), George Morfogen (Bob Rebadow), MuMs (Jackson), Adewale Akinnuoye-Agbaje (Simon Adebisi), J. D. Williams (Kenny Wangler), Tony Musante (Nino Schibetta), Leon Robinson (Jefferson Keane), Dr. Lauren Vélez (Dr.Gloria Nathan), Sean Whitesell (Donald Groves), Edie Falco (Diane Wittlesey).