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L’Amour dure trois ans – F. Beigbeder

Gaspard Proust … A la recherche de l’amour perdu …

C’est l’histoire d’une rencontre.
C’est l’histoire d’un sentiment.

Au début, on ne s’attend à rien.
Et l’instant d’après, c’est une évidence.

Un simple regard a suffi.
Quelques mots et la magie opèra.

On se répète que ça ne durera pas.
On se dit qu’on a déjà vécu ça.

Qui disait que ça n’arrivait qu’aux autres ?
Qui nous privait de ce bonheur jubilatoire ?

Ce n’est sans doute pas très bobo.
Ce n’est peut-être même plus réac.

L’amour me direz-vous ?
L’admiration vous répondrai-je.

Gaspard Proust.
Marc Marronier.

C’est à mes yeux la meilleure raison de courir vérifier si « L’Amour dure Trois Ans ».
Rires. Pleurs. Mais surtout rires.
Rires. Rires. Et surtout rires.

 

 

 




Very cold trip ou le fabuleux destin d’un chômeur qui va devenir papa

Alors ce n’est pas vraiment une comédie, pas non plus une tragédie, qu’on s’entende, c’est le film d’une réalité parfois un peu rude dans les pays scandinaves. Il fait froid, il neige fort, la nuit tombe super tôt et si t’as pas tes gants, t’es foutu.

Le narrateur n’est pas le héros mais son pote, un mec qui commence par énumérer des suicidés – oui, c’est le début du film. On se demande d’ailleurs tout du long s’il ne va pas suivre la même voie sur le même arbre à pendu. Bon, je ne vais pas non plus faire le spoiler…

Donc le héros, Janne – on prononce Yan’né, ouais je l’ai vu en VO et je suis fière de ma prononciation parfaite – se voit confier un ultimatum par sa copine qui en a marre de le voir se traîner du lit au canapé, et qui surtout, veut le tester pour savoir s’il est capable de mener à bien une mission simple en apparence et donc, s’il sera capable d’être père.

La route est donc longue, froide et semée de quelques embûches qui ne sont en fait pas si délirantes que ça, c’est l’accumulation qui rend le voyage hors de l’ordinaire. En gros, un film comme un conte, où le héros doit choisir entre se sortir les doigts du c** ou abandonner ; un film sympathique, avec une aurore boréale en prime.

Pour ceux qui ont vu Little Miss Sunshine, Very Cold Trip ne sera pas sans rappeler des situations similaires. En vérité, ce n’est pas dans les situations que la similitude est flagrante, que dans le fait qu’il s’agit simplement de l’histoire d’un bout de vie : pas de fin merveilleuse, quoique, mais comme une envie d’aller prendre un chocolat chaud avec ses amis et de sourire parce que la vie, ben c’est cool quand même.



Very cold trip, un film de Dome Karukoski




J'abandonne aux chiens (et aux autres) l'exploit de nous juger

Sale. Violent. Incompréhensible, voire intolérable. Expulsons tout de suite ces adjectifs qui ont effleuré (presque) tous les lecteurs dès les premières pages de ce livre. Pas de doute, il s’agit bien d’une histoire d’amour comme l’annonçait la quatrième de couverture. Mais l’amour n’exclut pas l’inceste, accrochez-vous, ça va vous remuer les tripes.



Sarah, dix-sept ans et des poussières, rencontre son père pour la première fois. Fruit d’un amour de jeunesse bâclé, elle est une étrange surprise pour Benoît, architecte à Londres. Elle n’est plus une enfant et il n’est pas un père. Entre « celle qui pensait ne pas l’aimer » et « celui qui ne savait pas qu’elle existait », l’attraction est immédiate.  Au fil des rencontres, ils apprennent à se découvrir, au sens propre comme au figuré. Commence alors un étrange voyage, en dehors des limites, qui sonne comme une chanson de Brel. Beau mais triste, juste mais sulfureux. Il mènera le lecteur de Stockholm à Paris, de la rue au lit et de l’amour à la mort. Furieusement biographique, ce récit nous offre de nombreuses parenthèses littéraires, historiques et psychologiques qui nous changent des habituelles niaiseries amoureuses.



« Mais ces deux déchirés
Superbes de chagrin
Abandonnent aux chiens
L’exploit de les juger »

Jacques Brel, Orly



Paul M. Marchand, l’auteur

Grand spécialiste de l’indicible, Paul M. Marchand est plus journaliste qu’écrivain. Reporter de guerre, englué dans l’horreur du Liban et de la Bosnie, il a raconté les conflits en choquant tant par ses actes que par ses paroles.

Provocateur par nature dans les années 90, il n’hésitait pas (par exemple) à écrire sur sa voiture « I’m immortal » à l’attention des snipers de Sarajevo. Malgré l’avertissement, c’est une balle qui le forcera à rentrer se soigner en 1993. Mais rien n’arrêtait ce dandy des ruines. Ni guerre, ni société, ni convenances.  Rencontrer une jeune fille meurtrie par la disparition de son amour, faire le récit de son histoire quelques années plus tard n’était finalement, pas si compliqué que ça.

Dérangeant tout au plus. Mais les combats ont besoin de l’être. Là où l’écrivain double le journaliste, c’est dans le choix des mots et l’organisation du récit. Elle est jeune et brillante. Il est son amant et son père biologique. Elle l’aime et elle vous emmerde. Il en meurt. Dans les trois premières pages, vous avez tout compris. Ce qui ne rend pas moins délicieux la suite du livre.


Au fond, seuls ceux qui aiment « le goût du vinaigre » comprendront et Paul M. Marchand s’en moque. Jusqu’à son suicide, en 2009, il n’a eu de cesse de mettre en scène ces petites vérités en marge, qui dérangent les bien-pensants.  Pour lui, les frontières sont faites pour être déplacées, les interdits interrogés et les libertés conquises. Sans personne pour les énoncer, les combats n’auraient pas lieu d’être. Celui de Sarah et Benoît n’en est qu’un parmi tant d’autres et il a le mérite d’être expliqué.


Extrait : « Être homosexuel était considéré comme une maladie et comme un délit, même un crime chez les plus bornés des obscurs … » J’ai détaillé toutes les persécutions, les traques, le cortège vertigineux mais ordonné des châtiments, la sainte ivresse de tous les bien-pensants dans les représailles orchestrées ; et surtout et par-dessus tout l’arrogance imbécile de ces primates convaincus de leur bon droit dans la chasse aux « déviants » et autres « pervertis », et aussi la « Nature », la « Bonne Morale » appelées en renfort, échos de leur rigorisme, de leurs peurs et de leurs haines scélérates. Après le temps des murs rasés, de l’échine courbée, était arrivé celui de la difficile bataille pour la reconnaissance de la différence, avec ses excès et ses dérapages nécessaires, et enfin, pour finir, la lente acceptation d’une diversité tout bonnement humaine.

Je riais encore de plus belle, j’étais heureuse, alors j’ai fait l’intelligente, une brève réminiscence de mes cours de philosophie, et j’ai lancé à travers la porte un truc de Brecht: « Je suis contre toute réglementation dans une porcherie. »



Paul M. Marchand, J’abandonne aux chiens l’exploit de nous juger, Grasset , 2003.