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[Actu] Le Palais de Tokyo fait peau neuve au printemps 2017 !

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Le Palais de Tokyo fait peau neuve au printemps 2017

Nouvelle librairie
Nouveau restaurant

Le Palais de Tokyo a lancé en décembre 2015 un appel à projets pour le renouvellement de sa librairie et de son restaurant situé près de son entrée. Ont été sélectionnés pour la nouvelle librairie Walther König & Cahiers d’Art et Quixotic Projects (Candelaria, Glass, Mary Celeste et Hero) pour le nouveau restaurant / bar.

La librairie Walther König & Cahiers d’Art ouvrira ses portes en mars 2017

Le succès de l’espace historique de la librairie du Palais de Tokyo a toujours symbolisé par sa présence et sa qualité l’engagement de l’institution envers les artistes, les auteurs, la pensée. Soucieux d’amplifier et d’actualiser ce succès l’espace de la librairie sera triplé et confié  à la librairie Walther König & Cahiers d’Art.

Le libraire de référence Walther König et le célèbre éditeur Cahiers d’Art s’associent ainsi pour ouvrir au Palais de Tokyo une nouvelle librairie, succédant ainsi à Pascale Brun d’Arre.

Avec plus de 40 points de vente en Allemagne, Angleterre, Autriche, Pays-Bas et plus récemment en Belgique, Walther König est un libraire incontournable en Europe dans le domaine artistique, proposant des livres sur l’architecture, le design, la mode, le cinéma et plus spécialement les arts visuels.

Cahiers d’Art est une maison d’édition de référence, dont la galerie et la revue ont été fondées en 1926 à Paris. Relancée en 2012 après plusieurs décennies en sommeil, Cahiers d’Art a depuis repris la publication de sa revue éponyme, de ses livres d’art uniques et de ses catalogues raisonnés, et propose également des éditions limitées et des lithographies originales.

Ces deux enseignes phares dans le monde de l’art s’unissent pour créer un nouvel espace de 450 m2 au sein du Palais de Tokyo, offrant une sélection internationale de livres et de magazines, mais aussi de la papeterie, des articles cadeaux et des produits liés aux expositions du Palais de Tokyo.

La conception architecturale de la nouvelle librairie a été confiée à Office, cabinet d’architecture basé à Bruxelles. La nouvelle librairie a ainsi vocation à devenir une destination incontournable à Paris pour tous les amateurs d’art.

Le calendrier : l’actuelle librairie du Palais de Tokyo fermera ses portes définitivement le 18 décembre 2016 (date de fermeture de l’exposition de Tino Sehgal). S’en suivra une phase de travaux, jusqu’à l’ouverture de la nouvelle librairie Walther König & Cahiers d’Art en mars 2017.

Le nouveau restaurant / bar ouvrira ses portes en juin 2017

Quixotic Projects, qui a créé à Paris les restaurants et bars Candelaria, Glass, Mary Celeste et Hero, a été sélectionné avec son architecte Lina Ghotmeh et Les Graphiquants, pour créer un nouveau restaurant et bar au Palais de Tokyo, succédant ainsi à Eric Wapler (Tokyo Eat et Smack).

Dans l’esprit du Palais de Tokyo, le nouvel espace de restauration sera une destination d’échanges et de convivialité, un pionnier parisien pour la durabilité environnementale et alimentaire, avec une grande nouveauté : un bar à cocktails décalé et novateur. L’architecture et le mobilier des espaces actuels du Tokyo Eat et du Smack seront totalement transformés, pour offrir une nouvelle destination lifestyle incontournable à Paris.

Le calendrier : le Tokyo Eat et le Smack fermeront définitivement leurs portes le 18 décembre (date de fermeture de l’exposition de Tino Sehgal). S’en suivra une phase de travaux, jusqu’à l’ouverture du nouvel espace de restauration/bar en juin 2017.

Dans l’intervalle :
– Une offre de restauration de type snack sera proposée par Quixotic Projects dans le Hall d’entrée du Palais de

Tokyo à partir du 10 janvier 2017
– Monsieur bleu propose une nouvelle formule à 27€ avec entrée / plat ou plat / dessert (ou 21€ le plat seul), du 18 décembre 2016 au 28 février 2017, ainsi que des nouvelles formules brunch le week-end.

(Source : Communiqué de presse)




Avignon IN 2016 – Collection Lambert : « Yitzhak Rabin : chronique d’un assassinat » : l’œuvre fait preuve

Photo : Christophe Raynaud de Lage
Photo : Christophe Raynaud de Lage

Le 4 novembre 1995 à Tel-Aviv, après avoir prononcé un discours à l’occasion d’une manifestation pour la paix, Yitzhak Rabin, alors premier ministre d’Israël, est assassiné à bout portant de deux balles dans le dos par un étudiant juif israélien opposé aux accords d’Oslo conclus en 1993 à Washington. Depuis 2015, l’architecte et cinéaste israélien Amos Gitaï travaille sur cet événement qui a enterré le dialogue entre Israël et Palestine et a durablement marqué l’histoire du Moyen-Orient.

C’est d’abord par la réalisation d’un film-enquête intitulé Le Dernier jour d’Yitzhak Rabin présenté à la Mostra de Venise et au Festival international du film de Toronto l’an passé que le travail de Gitaï a pris forme. À Avignon depuis le 3 juillet, le regard porté sur la mort du prix Nobel de la paix de 1994 trouve sa continuité et évolue sous la forme d’une exposition à la Fondation Lambert qui se tient jusqu’au 6 novembre, et qui porte le même titre qu’un spectacle présenté à la Cour d’Honneur du Palais des Papes le 10 juillet : « Yitzhak Rabin : chronique d’un assassinat ». Sous forme de triptyque et par un recours à tous les arts mêlant le documentaire à la fiction, Amos Gitaï construit une œuvre critique profondément engagée, universelle et optimiste, en grande partie élaborée à partir des souvenirs de Leah Rabin, la veuve de Yitzhak.

Fils de Munio Gitaï Weinraub, Amos Gitaï reconnaît avoir été influencé par les « perceptions artistiques » de son père qui était architecte mais surtout juif, il s’était fait expulser d’Allemagne par les Nazis en mai 1933 alors qu’il étudiait au Bauhaus à Dessau, son fils en a fait un film sous forme de diptyque plus largement consacré aux deux parents entre 2009 et 2012. S’il a fait des études d’architecture et suivi les traces de son père, c’est après s’être engagé dans la guerre du Kippour en 1973, où il est blessé par un missile syrien, qu’il se lance dans la réalisation de documentaires. Rapidement, ses travaux sont marqués par des recherches théoriques et expérimentations formelles avec la caméra auxquelles il renonce dans ses œuvres consacrées à Yitzhak Rabin. Fasciné par la reconstitution d’une mémoire à partir de fragments d’histoire, Amos Gitaï entend refléter à travers des prismes artistiques aussi différents mais peu éloignés que le film documentaire, le théâtre et les arts plastiques l’impact de l’assassinat politique de l’homme d’État. Pour l’artiste, le parti pris est constant aux trois propositions, il faut installer une relation entre tous les documents qui ont servi aux recherches, à savoir la vidéo, des éléments sonores, des toiles, des sculptures de céramique, des témoignages, des correspondances… Amos Gitaï n’envisage pas une œuvre d’art sans son contexte, il écrit d’ailleurs ceci « Je comprends qu’il n’est pas possible de faire un travail artistique sans contexte. Sans contexte à la fois artistique et politique ». Alors que le film, long de près de trois heures, est un montage d’images d’archives, de manifestations, d’interviews et de scènes reconstituées par des acteurs, l’hommage continue dans une forme similaire sur les planches.

« Yitzhak Rabin : chronique d’un assassinat » a effectivement été le fait d’une seule et unique représentation le 10 juillet au soir, à l’occasion du Festival d’Avignon qui cette année plus que jamais revendique un choix de spectacles très politiques en prise avec l’actualité comme avec Les Damnés, Ceux qui errent ne se trompent pas en proposant tout particulièrement un focus Moyen-Orient avec des pièces comme Alors que j’attendais du metteur en scène syrien Omar Abusaada. Sur l’immense scène de la Cour d’Honneur et sur un mode récitatif, Amos Gitaï a mis en scène le récit de l’assassinat à partir d’une fable très factuelle saisissante de sobriété et de retenue portée par l’actrice israélienne Hiam Abbass et la française Sarah Adler, qui avait déjà collaborée avec le réalisateur en 2014 pour Tsili. Assises autour d’une table imposante qui renvoie l’image d’un bureau ministériel, les actrices semblent lire un manuscrit qu’elles ne lâchent pas, même lorsqu’elles se lèvent et ne bougent plus lors de la scène finale. Porté par une voix si grave et l’accent arabe de Hiam Abbass, le texte prend vie, résonne et se heurte à des images d’archives du fameux jour de l’assassinat de Yitzhak Rabbin ainsi que de manifestations pour et contre la réconciliation d’Israël et de la Palestine projetées sur tout le mur du Palais des Papes surmontant la scène. Noyé dans ces images silencieuses, le public est simultanément interpelé par deux musiciennes jouant du violoncelle et du piano ainsi que par un chœur foulant sans cesse une platebande de graviers pour un effet sonore tout à la fois captivant et écrasant. Poignant mais toujours esthétique et poétique, le spectacle qu’Amos Gitaï est venu présenter en personne avant la représentation n’est jamais seulement documentaire, si bien que l’hommage trouve naturellement son écho dans l’exposition présentée à la Fondation Lambert en Avignon.

Photo : Christophe Raynaud de Lage
Photo : Christophe Raynaud de Lage

Arrivé au pouvoir en tant que premier ministre et chef du parti travailliste en 1992, Yitzhak Rabin avait encouragé, conjointement avec Bill Clinton, une autonomie palestinienne à peine un an plus tard. Mais dans la foulée, bien que les accords signés par Rabin aient été historiques, les partis d’extrême droite ont déstabilisé le pouvoir et perpétré de nombreux attentats à l’encontre de Rabin. Deux mois avant d’être assassiné et remplacé par Benyamin Netanyahou qui veut maintenir Israël au contrôle permanent de la Cisjordanie, Yitzhak Rabin prévoyait un découpage de territoires palestiniens remettant en question les zones de contrôles d’Israël. Le projet n’aboutira pas, de nombreuses théories du complot ont d’ailleurs été avancées concernant le jour de l’assassinat, et le rapport qui avait réuni plus de 4000 témoignages réalisé à l’issue de l’événement n’a jamais été entièrement publié. Si la pièce de théâtre était centrée sur l’homme d’État et de paix, l’exposition mêle davantage la fiction en s’annonçant dès l’entrée comme un « geste artistique inspiré d’un événement traumatisant ». À travers trois grandes salles sombres aux fenêtres condamnées, la scénographie est répétée à l’identique sur un mode ternaire. Le plus frappant vient du fait que le public est plongé dans une ambiance sonore qui ne laisse aucune chance au silence là où l’espace lui, célèbre le vide et l’obscurité ; comme au théâtre, une tension subsiste entre documents papiers et vidéos, réels et fictionnels.

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Pour faire de la mémoire un agent du changement, Amos Gitaï a couvert les murs de photographies de grands formats donnant à voir des mouvements de foules floutés en noir et blanc, toutes portent le titre de « chronique fragmentée », toutes sont une pièce d’un puzzle politique morbide. Chaque salle participe à la reconstitution de l’assassinat et fait penser à une place vide prête à accueillir une manifestation, tout en faisant répondre à ces photographies sous vitres reflétant le visiteur comme invité à prendre part au mouvement visuel et sonore, un écran géant où des images sont projetées à grande échelle. Dans ce chevauchement sensoriel, les images prennent vie et les sons deviennent visuels, véritable acteur, le visiteur est confronté à ces œuvres qui font preuves. Le rôle et la force des images est d’autant plus mis en question qu’en dessous de ces mouvements anti-Rabin et Palestine sont présentées deux vitrines dans lesquelles des petites figurines de céramique sont elles-mêmes filmées et superposées aux images d’archives, ces petits bonhommes incarnent pour leur part une marche pour la paix qui ne bouge pas, ils sont des « Demonstrators at the peace rallye ». Face à ces modèles réduits anthropomorphiques blanchâtres comme englués là, restés coincés en 1995, on est appelé à envisager la paix comme toujours possible, toujours dormante. Aux mots et beaux discours se heurtent des révolutions silencieuses, le message d’Amos Gitaï est plein d’espoir : et si les gestes artistiques devenaient aussi forts que les balles ?

À retardement, l’art pourrait ressusciter la mémoire, entamer des mouvements et face à un pouvoir qui condamne ce qu’il considère comme dissident, Amos Gitaï propose de condamner le pouvoir, d’élaborer une stratégie sensorielle et artistique totale qui changerait la réalité. À travers cet espace d’exposition, un soulèvement semble urgent face à la reconstitution de cette histoire stagnante et la monstration des étapes de dégradation de l’événement. L’artiste a conscience qu’il ne s’agit pas du plus grand conflit du monde, là où les médias se sont tus, l’art se réveille et en restitue la force symbolique. Israël n’est pas seulement un territoire en conflit permanent, c’est aussi un lieu qui a vu naître trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l’islam, occupé par une politique de mitraillettes. Que ce soit face au film, au spectacle ou dans cet espace d’exposition, le public est certes nourri d’images, pour autant, Amos Gitaï entend faire du visiteur un interprète légitime de tous ces matériaux. Plus qu’un simple consommateur du travail de l’artiste, entre correspondances de sa mère durant la seconde guerre mondiale et photographies découpées et accolées aux murs comme des meurtrières ouvertes sur la foule, c’est au public qu’il incombe de « faire l’histoire ».

Pour venir à bout de ce triptyque, Amos Gitaï a annoncé préparer un livre qui ferait office de synthèse, parce que les mots restent. À travers tous les médiums possibles, l’artiste et réalisateur ébranle l’Histoire, nous montre des frontières poreuses entre réalité et fiction, entre les objets et les images. À une époque de mise en crise des médias et de la banalisation des conflits, pour Amos Gitaï l’art peut encore servir la résurrection de l’oubli historique. Comme disait Christian Boltanski, l’artiste peut et doit poser des questions, à la différence de nombreux philosophes, politiciens ou historiens, il est celui qui ne pense pas avoir de réponses, qui ne pose plus de questions en mots, « mais avec des émotions visuelles ou sonores ».

Amos Gitaï, « Chronique d’un assassinat annoncé », jusqu’au 6 novembre 2016 à la Collection Lambert en Avignon musée d’art contemporain, plus d’informations ici : http://www.collectionlambert.fr/7/expositions/en-cours.html

L’exposition a fait écho à la présence d’Amos Gitaï au Festival d’Avignon dans la Cour d’honneur le 10 juillet 2016 pour son spectacle intitulé « Yitzhak Rabin : chronique d’un assassinat »




30 ans du FRAC Champagne-Ardennes : une odyssée souterraine

 

Pommery

Jack Lang a créé les FRAC [1. Fonds Régional d’Art Contemporain] en 1982. Celui de Champagne-Ardenne a été doté deux ans plus tard, en 1984. Nous fêtons donc cette année ses 30 ans. Trois décennies d’acquisitions, de travaux d’artistes nationaux et internationaux, de manifestations à destination du public… Trois décennies qui sont « compilées » en une belle exposition, magnifiée par un cadre pour le moins étonnant : les caves de la maison Pommery [2. C’est la 11e fois que les caves Pommery accueillent une manifestation en ses murs, chacune est baptisée « Experience Pommery », l’occasion de se renouveler à chaque fois. Pour cette nouvelle aventure, Pommery a ouvert un nouvel espace d’exposition sur son site].

Ce lieu a été aménagé au XIXe siècle par la veuve Jeanne-Alexandrine Pommery. À elles seules, elles méritent la visite… En bas d’un escalier gigantesque qui nous fait descendre à plusieurs dizaines de mètres sous terre, les galeries se succèdent. Lorsque l’on est si profondément enfoui, on entend et on voit différemment. Et même si ce sont seulement quelques centaines de mètres de ce dédale mystérieux [3. Il y a en tout 18 kilomètres de souterrains] qui accueillent les œuvres, l’ambiance est magique, habitée par les diverses formes d’art qui tiennent compagnie aux hauts-reliefs d’époque XIXe.

Trente ans, trente œuvres. Il y a de la vidéo, de la sculpture, diverses créations sonores et visuelles qui n’entrent dans aucun standard, des installations. Un argument général est tout de même proposé au départ, il est d’inspiration homérique : l’Odyssée. La commissaire d’exposition, Florence Derieux, a voulu insister sur le côté aventurier des FRAC. Sur son aspect découvreur et conservateur de talents. Néanmoins, pour le public, le plaisir de la visite est comme celui d’une lecture agréable : rien de trop éprouvant et à la fin, il ne reste que la passion et le plaisir.

Pommery

Les créations sont bien visibles, la place est laissée à chacune, qu’elles habitent seule un grand espace ou qu’elles soient plusieurs dans une pièce de taille réduite. On joue, on cherche, on découvre, enfants dans une chasse aux trésors spéléologiques. On incarne tour à tour un Ulysse, un Indiana Jones au milieu du temps, entre poussière et modernité, des mondes s’ouvrent.

On s’arrêtera sans doute sur Purple Box de Anna Blessman & Peter Saville, sorte de monde dans un monde, une philosophie de la vie moderne où tout est lié. Ou plus loin on observera Stoning de  Latifa Echakhch, prix Marcel Duchamp 2013, qui offre ici une pièce subtile, troublante de résonances diverses, de Jimmie Durham aux intifadas contemporaines…

Ce périple ne manque pas d’amuser, de questionner sur notre monde, dans un espace souterrain. C’est peut-être finalement en prenant distance (que ce soit vers le bas ou vers le haut), que les solutions visuelles apparaissent. Aux artistes, comme aux visiteurs.

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Le site Pommery se trouve à 10 minutes de la gare de Reims (à 115 km de Paris).
Visites du 1er novembre au 31 mars, tous les jours de 10h à 17h, jusqu’à 18h en été.
Fermé le 25/12 et du 1/01 au 3/01 inclus.
Tarif de la visite, à partir de 12 euros. Gratuit pour les moins de 10 ans.