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« Racine Carrée », leçon mélodique par Stromae

     Stromae

     Après « Cheese » (2010), Stromae est de retour sur le devant de la scène avec « Racine Carrée ». Quand un artiste connait un succès fulgurant avec un premier disque, le public attend forcément le second avec une exigence accrue. Heureusement, « Racine Carrée » est aussi réussi que « Cheese », sans pour autant être un retour à la case départ.

On retrouve des fondamentaux : des beats house et électro bien huilés (avec même une petite touch’ dirty sur « Humain à l’eau« ). Certaines de ses fameuses « Leçons » publiées initialement sur YouTube ont aussi donné naissance à de vraies chansons sur le disque (« Tous les mêmes« ). Les textes sont toujours riches, en style certes, mais aussi en contenu. Ce qui mérite d’être noté en cette période où la forme prend le pas sur le fond. Ces temps où certains artistes manient les mots de façon déroutante pour ne rien dire, juste parce que ça fait « joli ». Stromae (qui compose tous ses titres de A à Z) sait même se taire, il le prouve avec de longs passages instrumentaux qui en disent autant, parfois plus que les mots (« Tous les mêmes« , « Quand c’est« ). Son titre « Merci » est même dépourvu de texte, comme quoi, il évite de chanter l’évidence.

Pour l’inspiration, c’est comme Gad Elmaleh : la vie de tous les jours. Sauf que celle de Stromae semble vachement moins drôle : amours tristes (« Formidable« ), ruptures (« Tous les mêmes« ), cancer (« Quand c’est« ), SIDA (« Moule frite« ), abandon du père (« Papaoutai« )… Mais loin d’être sinistre comme Mano Solo, Stromae parle de tout ces soucis avec légèreté, humour, sans pour autant les vider de leur essence. Conscient, presque moralisateur (« Ta fête« ), sans être plombant.   Certains chœurs très mélodiques contrastent avec la déclamation (le « parlé »), ce qui rend les titres vivants, surprenants, le « flow » peut être très différent d’une piste à l’autre, mais c’est toujours bon. Excepté pour le titre « AVF« , pour « Allez vous faire foutre » où sont invités Orelsan (en bonne forme) et Maître Gims en grosse tache de l’album. Le seul avantage à la réunion de ces artistes semble commercial (il faut bien s’assurer un titre qui va cartonner en radio), car musicalement, on s’interroge… Le Gims débarque et saccage le titre avec des lyrics qu’on dirait écrit entre deux vodkas au comptoir d’une boîte (habitat naturel revendiqué de son crew, Sexion d’Assaut) et fait rimer « j’ai un match de foot » avec « allez-vous faire foutre ». Effet garanti.

On pardonne ce faux pas à Stromae, car le reste du disque est « Formidable« , le jeune chanteur mérite la comparaison qu’on fait de lui à Brel au fil des commentaires YouTube. Le « buzz » créé autour du titre éponyme est excellent, autant que le titre. Dans sa voix comme dans ses phrases, parfois tendrement misogynes, et oui, les hommes souffrent parfois. On l’apprend sur « Racine Carrée », avec élégance, rythme et humilité. Une seconde livraison qu’on ne retournera pas à l’envoyeur. On peut dire sans risque que c’est l’album francophone de la rentrée.

 « Racine Carré » de Stromae (Universal) – Sortie le 19 août 2013 (CD et téléchargement) – www.stromae.net




« Trois petits cochons » déjantés à la Comédie Française

Les Trois Petits Cochons, adapté très librement du conte populaire par Marcio Abreu et Thomas Quillardet fait partie de ces (rares) spectacles jeunesse à offrir aux parents une joie ne se limitant pas seulement aux rires de leur progéniture, tous en redemandent. Ce monde déjanté et cartoonesque, où le loup balaye les maisons avec son souffleur de feuille est tellement barré par moment qu’il fait rire les plus récalcitrants.

Rarement il est donné de voir une famille de petits cochons aussi humaine. La mère-truie (Bakary Sangaré) dirige avec bonheur sa fratrie joyeuse (Julie Sicard, Stéphane Varupenne et Marion Malenfant), jusqu’au jour où le boucher-loup (Serge Bagdassarian) vient l’emmener, et que la petite famille se retrouve orpheline, contrainte à faire le tour du monde en quête d’un nouvel abri.

Commence alors un long périple, voyage initiatique, où malheureusement, à chaque étape, avant l’arrivée, un petit cochon sera mangé par le grand méchant loup. Découverte d’un monde inconnu plein de dangers.

Les moments d’excitations contrastent avec les instants chaleureux. La création d’ambiance est incroyable. Les temps de fuite entraînent le public dans l’excitation, et les instants de calme dans les maisons nous reposent de ces courses effrénées.

Si sur scène, les petits cochons ont la « saudade » de leur ancienne vie, pour le public c’est une vision complètement nouvelle du conte qui s’offre, et c’est excellent.

 

 Pratique : Jusqu’au 30 décembre au studio-théâtre de la Comédie-Française, Carrousel du Louvre, Paris. Réservations par téléphone au 0825 10 16 80 ou sur www.comedie-francaise.fr/. Tarifs : entre 8 € et 18 €.

Durée : 1 h

Mise en scène : Thomas Quillardet

Avec :  Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Stéphane Varupenne, Marion Malenfant.

 




Montez le son pour PacoVolume

PacoVolume va vous donner envie de monter le son, de déguster ses rythmiques et accessoirement de sautiller sur place.



PacoVolume, est un hédoniste, il aime le vin, la mozzarella di Bufala, les kiwis (pas le fruit poilu… les néo-zélandais) et la musique, of course.



En 2006, une perle énergisante soft-rock extraite de l’album «Manhattan baby », Cookie machine avait propulsée PacoVolume au rang de meilleur espoir pop de l’hexagone (Inrocks).



Massive Passive est son second opus et il était de fait, vachement attendu. Cette vendange
tardive porte le nom de l’équaliseur utilisé par l’artiste et, à coup sûr, un bon cru.
Massive Passive est planant et habillé d’une robe lumineuse.
Il est lascif mais il a du corps.
Il a des notes florales enivrantes.
Il est parfois électrique mais toujours dans la langue de Shakespeare.
Il est produit par Julien Delfaud, qui n’est autre que le producteur de Gaëtan Roussel, Revolver et Phoenix… ce qui lui permettrait de revendiquer une certaine parenté avec des cousins audacieux et talentueux.
On peut donc s’attendre à ce qu’il booste votre été 2012 en vous offrant quelques caudalies, dès sa sortie dans les bacs en Juillet.

Faisons-donc connaissance grâce à un anti-portrait chinois avec ce frenchy qui a, souhaitons lui, « de beaux tannins ».

[Stef / Arkult] Le clip de Cookie machine est réalisé en stop motion et dans Palest Winter Light on découvre la championne de France de Pole dance réalisant son périlleux exercice adroitement accrochée à un artefact de la république française… Indéniablement tu accordes donc une
importance capitale au visuel associé à ta musique. Alors Paco, si tu étais un clip musical, quel clip
serais-tu ?

Mon clip favori, c’est le clip de la Ritournelle de Sébastien Tellier où on le voit observer le ciel, déterrer des lapins de la neige, et couper du bois. Sinon Eagles of Africa de Koudlam, dont je ne me lasse pas.

// Le fameux clip de Palest Winter Light //



[Stef / Arkult] Paco, tu as été œnologue et caviste chouchou des musiciens Bordelais, tu n’y couperas donc pas : si tu étais un vin, quel produit de l’agriculture viticole serais-tu?

Un Txakoli, un vin blanc très sec du Pays basque, aux reflets parfois verts.

[Stef / Arkult] Tes inspirations sont très diverses et vont de Crowded House à Slash alors Paco, si tu étais un groupe anglais, lequel serais-tu ?

Si j’étais un groupe à moi tout seul, et anglais de surcroît, je ne sais pas trop, peut-être le groupe Yuck, que j’ai beaucoup écouté cette année. Leurs mélodies, leurs sons de guitares, leur manière de jouer me rendent zinzin.

[Stef / Arkult] Ton parcours est fait de hasards et de rencontres, un chemin sinueux qui a rendu
ton travail original et marqué d’une certaine plénitude. C’est l’heure des « aveux » cher Paco, si tu étais une erreur de jeunesse, laquelle serais-tu ?

Une coupe de cheveux un peu trop stylisée.


Dates de scènes ? Salles ? Festivals ?

  • 15 juin aux Affranchis sur France Inter,
  • 29 juin Bus Palladium,
  • 6 juillet à Blois,
  • 9 août à Samoens,
  • 18 août à Noisy le Sec,
  • 24 août aux Nocturnes de Saint-Brieuc ,

Tournée française à partir de septembre 2012

 

Vous vous demandez encore qui est c’est hurluberlu de PacoVolume ?

Rendez-vous sur son http://pacovolume.com/site/

Découvrez les lettres qu’il écrit aux grands de notre monde, un pan de la vie publique de Paco qui le politise mais qui est avant tout très drôle : http://pacovolume.com/site/category/lettres-pour-reussir

 




Scotch & Sofa à découvrir par petits bouts

Un son folk et jazzy conçu comme un patchwork de talents épatants.

Un univers musical moelleux, confortable à l’oreille, piquant la curiosité et cousu d’originalité sincère.

Des ritournelles cadencées et parfaitement ourlées, portées par une voix cristalline.

Un duo inventif et bohème formé par Chloé Monin et Romain Preuss. Ils tricotent finement et follement des mélodies surprenantes et enivrantes depuis 2004.

Chacun des petits bouts du patchwork est bluffant, pur et exquisément ficelé.

 

En somme, ça n’est pas le vieux patchwork de grand-mère, c’est un patchwork urbain, moderne et chamarré.

Ce patchwork léger, soigné et frais, c’est celui de Scotch & Sofa.

 

INTERVIEW DU DUO SCOTCH & SOFA

 

[Stef / Arkult] Il se dégage une poésie parfaite de la rencontre des textes et de la musique, quel est votre secret ?

Scotch & Sofa : On n’a pas vraiment de secret, si ce n’est que nous avons travaillé simultanément textes & musiques avec Céline Righi, la plume du duo.

On a essayé de travailler sur les images qui nous venaient à la lecture de chacun des textes…

Dans l’arrangement, on a aussi cherché à faire entendre ce que nous soufflait la chanson.

Pour coller à cette nuit sans fin racontée dans « Graine d’insomnie » par exemple, on a cherché un climat plutôt épais, étiré, des couches qui se superposent … l’apport des machines a amené la couleur éthérée qu’on cherchait pour ce titre.

Sur « Tu sens bon » dont les images peuvent paraitre plus légères, on a préféré une ambiance plus dépouillée. La guitare principale du morceau a été jouée sur une guitare d’enfant, on a essayé plein de choses en studio mais c’est le son de cette petite guitare qui nous rendait la chanson attachante.

 

[Stef / Arkult] Après Ours et Oxmo Puccino, dont les univers sont très éloignés, allez-vous surprendre votre public en mêlant votre talent à celui d’autres artistes?

Scotch & Sofa : On adore collaborer avec des artistes dont la musique nous touche. C’est vrai que les univers d’Ours et Oxmo Puccino sont vraiment différents mais c’est aussi ce qui nous a intéressés pour ce disque.

Bien qu’ayant majoritairement des influences hors chanson française, le fait de faire des chansons en français a été la manière la moins alambiquée, la plus directe que nous avons trouvée pour faire de la musique dans ce projet, mais on essaye de rester libres et sans complexe là-dedans.

Le champ des collaborations futures reste donc très ouvert et sans contrainte de style, à partir du moment où on adhère. J’imagine très bien collaborer avec des artistes de musique électronique, un ensemble de cordes ou encore d’autres amis chanteurs comme Boeuf ou Ben Mazué avec qui on prend toujours un immense plaisir à partager des scènes.

 

[Stef / Arkult] Scotch fait du beat-boxing sur certaines chansons, ça donne une dimension très jazzy. Est-ce dans cette mouvance musicale que Scotch & Sofa souhaite s’inscrire ?

Scotch & Sofa : Pas jazzy à tout prix … c’est vrai qu’on en a beaucoup écouté et qu’on continue à aimer mais on essaye de faire des chansons et de les servir.

Les jazzmen qui nous ont marqués ont d’ailleurs été ceux qui lorgnaient du côté d’autres musiques, Brad Mehldau avec ses relectures de Nick Drake et Radiohead, Bill Evans beaucoup influencé par Fauré et Debussy, Charlie Hunter qui va enregistrer sa 8 cordes sur le Voodoo de D’Angelo …

Du coup, on aurait plus tendance à vouloir emmener la beatbox et la guitare 8 cordes vers les musiques actuelles, la pop … quelque chose de moins chargé, plus dans le son et l’intention. La beatbox sur le disque a d’ailleurs été produite à l’inverse du live ou elle est jouée de manière plus libre …

 

[Stef / Arkult] Quand et où peut-on vous voir sur scène ?

Scotch & Sofa :

  • Le 23 Mai à Paris au Divan du Monde en première partie de Ours.
  • Les 20 et 24 Mai à Montpellier.
  • Le 2 juin à Charleroi en 1ère partie de Tryo
  • Le 15 Juillet aux Francofolies de la Rochelle en 1ère partie de Laurent Voulzy.
  • Le 24 Aout au Domaine d’O à Montpellier.
  • Le 25 Aout à Narbonne.
  • Le 25 Octobre à Zinga Zanga (Béziers) en première partie de Suzanne Vega.
  • Le 7 Décembre au Jam à Montpellier.

Et on croise les doigts mais il y a des dates à l’étranger qui se précisent… notamment en Chine ce qui est complètement dingue et très excitant à la fois!

 

Le 2 Avril 2012, le premier album de Scotch & Sofa est sorti dans les bacs, il se nomme « Par petits bouts». Il contient une perle inspirée et enlevée « Ca se » en duo avec Ours qui ne semble plus souffrir de son « cafard des fanfares ».

 

Pour en savoir plus sur Scotch (Romain Preuss) and Sofa (Chloé Monin) :

  • http://www.facebook.com/scotchsofa
  • www.scotchsofa.com

 

 Merci à Hanieh qui a permis la construction de ce billet 😉




Mercredi – Boulbar – Highway to… America

C’est dans la salle du Réservoir que se tient la soirée «We are The Lions». C’est dans cette cale de bateau baroque délattée aménagée de bric et de broc et de miroirs au lustre d’antan, que nous avons voyagé avec Bertrand Boulbar. Cet artiste français, auteur, compositeur et interprète a entrepris un road trip entre New York et San Francisco : 8000 kilomètres… pas loin de 5000 miles sur l’asphalte. Armé de sa guitare de son harmonica et d’une carte, il prend les routes secondaires, il roule sa bosse à la recherche d’une autre Amérique. Il livre son carnet de voyage psychédélique et émouvant : ses rencontres, ses émotions, ses insomnies, les paysages.

Un texte poétique et percutant posé d’une voix sourde et grave qui nous conduit « passager sans bagage » en terre comanche.

Pour parachever cette invitation au voyage sur la scène du Réservoir, Bertrand Boulbar était accompagné d’un dessinateur, bricoleur, scrabooker, Vincent Gravé qui nous entraîne dans le rêve un peu plus encore.

Le 27 Février sortira son 3ème album « Motor Hotel » consacré à cette errance américaine de motels en stations services, mi-nostalgique d’une Amérique 60’s, mi-contemplatif face aux grands espaces qui inspirèrent Kerouac et Ginsberg.

Quand Iggy Pop (de « American Dream ») et Gerald de Palmas se rencontre Into the wild (2) ça donne ça :


Burnsville – Trailer de l’album Motor Hotel -… par roymusic

« Burnsivlle, 500 habitants et pas grand chose à faire, à part se marier,
Avec son ami d’enfance,
Il suffira d’une danse,
Au bal de Sunshine Vallee »

Roy Music vous dit quelque chose c’est peut-être parce que la talentueuse rockeuse Mademoiselle K qui voulait tant aller « Jouer dehors » et l’empereur de « La tristitude » Oldelaf, viennent de la même maison…

Prochain concerts :

  • Jeudi 8 mars 2012 – Les Trois Baudets (Paris – 75) – 20h00
  • Samedi 28 avril 2012 – Casino (Dax – 40) – 20h00



Alex Beaupain : « Je suis très à gauche dans la vie mais très réac quand on parle projet artistique »




Ce n’est un secret pour personne: j’adore Alex Beaupain. Le 11 avril, date de sortie de l’album, connectée à Itunes Store, à minuit pétante, la touche F5 de mon clavier a manqué périr. L’entretien qui suit est donc celle d’une « geek », comme dirait l’artiste. Militants et militantes de la « bande à Beaupain » – ou juste mélomanes curieux, cette interview est pour vous.
Extraits.


Comme dans ton dernier album Pourquoi battait mon cœur, commençons in medias res. C’est voulu, cette narration qui se lance « au milieu des choses », alors que l’album retrace une histoire d’amour assez linéaire, avec ses différentes stations ?


Oui, la première chanson commence par « Et puis les plantes mortes ». L’idée dans cette chanson, c’est qu’après tout, on s’en fout de tout ça. Elle commence l’album comme on commencerait une histoire d’amour, dans un certain optimisme, un petit peu candide. En fait, elle annonce dès le départ que tout va très mal se dérouler après. L’idée était de partir sur quelque chose de très frontal, de très primaire. Avec une musique en majeur, plutôt joyeuse.


Il y a plusieurs co-signatures sur l’album: Jean-Philippe Verdin, Daniel Roux, Valentine Dutheil. Les textes sont-ils pour toi plus importants que la musique? Est-ce que tu y as plus de facilité?


En tout cas, j’aurais plus de mal à déléguer sur les textes. A lâcher là-dessus. Peut-être parce que, et tu as raison, je suis peut-être plus auteur que musicien. J’ai en tout cas plus de facilité à écrire des textes qu’à composer de la musique. Il y a quatre musiques qui ne sont pas de moi dans cet album. Ces gens, qui sont aussi mes amis, composent. J’écoute et quand je trouve ça bien, je pique. (Rires)


Et est-ce que tu pourrais t’imaginer poser ta voix sur un texte qui n’est pas de toi?


Difficilement. Parce que je ne me vis pas comme interprète. J’ai un intérêt comme chanteur quand je chante ce que j’écris.


C’est déjà arrivé qu’on te présente des textes?


Oui, oui. Ca va paraître prétentieux mais j’ai systématiquement trouvé ça moins intéressant que ce que je pourrais produire pour moi. Christophe Honoré a essayé au début. A mes débuts, il écrivait les textes, et moi, les musiques. Mais je trouvais ça moins bien.


Pourtant dans ton précédent album, 33 Tours, il y a une chanson, « Je veux »…


Oui, il l’a co-écrite. C’est un texte que j’ai corrigé. Christophe Honoré a plein de qualités. Je le dis tout le temps. Ca ne va pas le vexer. Il met en scène au théâtre, au cinéma, il écrit des scénarios, des livres. Mais les chansons… c’est quelque chose qu’il ne sait pas faire. C’est d’ailleurs une blague entre nous. Il est persuadé que les chansons qu’il m’a écrites sont des chefs d’œuvres encore jamais dévoilés. Et je suis persuadé que c’est mieux quand j’écris mes textes.


Et justement, sur « Je veux », c’était une volonté, cette touche à la Jacno ?


Oui, c’est un peu un pastiche, musicalement. Sur le texte, aussi. Ce texte a l’air comme ça très léger, mais raconte des choses très graves. C’est l’idée de vouloir plein de choses superficielles pour éviter d’avoir des choses profondes comme l’amour. Ce qu’on peut d’ailleurs retrouver dans une chanson comme « Amoureux solitaires ».


C’est curieux mais j’ai le sentiment que « Je veux » est un peu la grande soeur de certaines chansons du nouvel album. Notamment, dans cette dualité légèreté/gravité, lyrisme musical/cruauté des mots.


En commençant ce troisième album, j’avais deux volontés: aller vers quelque chose de plus pop et de plus rythmé. J’écoutais beaucoup Daho, Jacno donc forcément, c’est un univers qui me plaît. Dans 33 Tours, « Je veux » est presque une chanson à part. Une préfiguration de cette idée-là. Mais oui, très bien observé.
L’autre idée, c’était de s’ouvrir thématiquement un peu plus, et d’avoir des textes, je déteste le terme, sociétaux, voire politiques.


« La nuit promet » a été cosignée par Daniel Roux. Le Daniel Roux ? Quelle en est la génèse?


Oui, c’est Daniel Roux qui a écrit la musique. Il est décédé, il y a un peu plus d’un an. Il était bassiste. Il a longtemps travaillé avec Jean-Louis Aubert, avec Cali. C’était un ami, l’une des premières personnes avec qui je suis monté sur scène. Il y a très longtemps, Daniel m’avait donné plusieurs mélodies. J’aimais beaucoup ce qu’il écrivait. Et c’est sur l’un de ces playbacks que j’ai écrit « La nuit promet ». C’est une vieille chanson, en fait, que j’avais déjà essayé de mettre dans 33 Tours mais ça ne marchait pas. Ca part de mon amitié pour ce que faisait Daniel.


Et deuxième chose que personne n’a jamais remarqué dans cette chanson et qui me désespère absolument : « La nuit promet » est aussi un exercice formel. Un jeu sur les mots en –ar et en –ou. Mais si personne ne le voit, tant mieux. C’est aussi bien si on ne voit pas les ficelles.


On creuse encore. Dans le tout premier film de Christophe Honoré, 17 fois Cécile Cassard, il y a cette chanson, signée de toi et Lily Margot. Est ce que c’était un début de groupe? Tu pourrais t’imaginer jouer dans un groupe?


Pas du tout. Très simplement, on a composé, cosigné à trois la musique du premier film de Christophe. Il se trouve que pour des raisons contractuelles, c’est moi qui apparais au générique. J’avais tenu que dans le disque apparaisse aussi Lily Margot. Mais dans mon projet de chanteur, je détesterais être dans un groupe.
La démocratie, dans un projet artistique, ça ne marche pas. J’ai besoin d’avoir les rênes. Ca ne veut pas dire que je ne laisse pas de liberté au réalisateur ou aux musiciens mais à un moment donné, il faut que quelqu’un valide et en l’occurrence, sur mon album, c’est moi.


Mais est ce que ce n’est pas un poil contradictoire? Quand tu composes pour le cinéma, tu te mets au service du réalisateur, tu as des concessions à faire.


Quand je compose pour un film, c’est pareil. Je ne suis pas dans un groupe. J’obéis à quelqu’un qui est le chef, le réalisateur. Quand je fais un film avec Christophe, je me mets à son service. Je suis totalement dévoué. Peut-être un peu trop, parfois.
C’est atroce mais je crois beaucoup en la hiérarchie. Je suis très à gauche dans la vie mais très réac’ quand on parle projet artistique.


Peut-on parler d’une famille musicale Beaupain? Dans les crédits, il y a plusieurs noms qui reviennent. Des gens avec qui tu bosses depuis plusieurs albums : Rémy Galichet, Valentine Dutheil, Fabrice Petithuguenin, Fanny Lochu,…


Oui. Fanny Lochu, je la crédite parce qu’elle connaissait très bien Daniel Roux mais elle n’a pas travaillé sur l’album. Par contre, elle avait joué dans mon premier album. Valentine Duteil est ma violoncelliste de scène, qui m’accompagne depuis très longtemps. Rémy Galichet, je crois que c’est la première fois que je travaille avec lui. Par contre, je l’avais contacté à une époque pour l’inviter à travailler avec moi sur la musique de Dans Paris. Il y avait déjà une affinité dans le fait que je le connaissais déjà. Et tu as cité quelqu’un de très important, Fabrice Petithuguenin qui a fait absolument toutes les pochettes depuis le début. Et aussi la maquette de Serge, dirigé par Didier Varrod, que je connais depuis longtemps…


Qui fait aussi partie de…


Oui, qui fait partie d’une espèce de bande. Il a aussi beaucoup participé. C’est agréable, en fait. J’ai constitué avec mes amis, pas une Factory, mais il y a un peu de ça. Il y aussi Kéthévane Davrichewy, auteur. Diastème avec qui j’écris une opérette. Il y a mes musiciens. Ca finit par créer une bande.


Ce qui est drôle, c’est que tu travailles aussi avec les « bandes » des autres. La bande à Biolay : Nicolas Fiszman, Denis Benarrosh, Elsa Benabdallah,…


Oui, bien joué! Biolay, c’est un peu la figure de proue. Florent Marchet, Arman Méliès, Joseph d’Anvers, tous ces gens là. Je me sens plus proche de ce courant que de ce qu’on a appelé, il y dix ans, la nouvelle scène. Donc ce n’est pas étonnant si on travaille avec les mêmes personnes. C’est comme si on était plus dans une famille que dans une autre.


Alex Beaupain donnera ce soir un concert à la Cigale. Pour les retardataires, une autre date a été ouverte : le 4 novembre au Bataclan. Les dates de sa tournée arrivent !
Pour les cinéphiles, dans les salles, le 24 août, Les Bien-Aimés de Christophe Honoré.
Et merci à Thomas D., l’homme aux lunettes noires 😉


Pourquoi battait mon cœur. Alex Beaupain. Naïve. Sortie le 11 avril.


Crédits photos: Antoine Le Grand




David Lafore : De la bouche fermée à la mule en passant par la chatte


Coluche, Brel et Gainsbourg enterrés, Guillon dégagé, Dieudonné placardé…Restent-ils des agitateurs de conscience et autres emmerdeurs de tourner en rond ? C’est la question que s’est posée l’espace Jemmapes en organisant une semaine de l’insolence. Et parmi les sales gueules programmées, celle de David Lafore a retenu notre attention.


Dans la queue, une tronche de vendeur d’aspirateur porte à porte attend. Drôle de mec qui croit encore au col de chemise posé sur un pull premier de la classe. Entrée dans la salle. Le commercial débarque sur le plateau. Merde ! Le vendeur d’aspirateurs…

David Lafore a ôté sa laine. Il s’installe. Soufflerait presque, c’est l’heure du boulot. Faut y aller. Interroge le public d’un regard « mi encrouté du réveil mi-j’vous emmerde ». Puis commence par murmurer dans le micro, jouant le mec gauche, un peu paumé qui sort un mémo pour ambiancer la salle d’un « est ce que vous êtes là ? », prononcé sur le même ton qu’un « file moi les clés de voiture ».

Et David entame son numéro, enchaîne les chansons sur pas grand chose, ou sur l’amour, rendant à chacun sa juste place, enfourne sa mule avant de quitter instruments et micro pour rythmer de ses doigts sa transformation soudaine en petite culotte de coton blanc. Et de conseiller fortement un « cuni pour mamie ».

Plus d’une heure d’échange où le public rit et sait se taire, bercé par une voix claire et envoûtante qui maîtrise à la perfection silences, bruitages, poésie moderne, tralala, sifflotements, susurrements, grognements, miaulements et un tas d’autres trucs en -ent. Envouté par une présence scénique d’autant plus forte que subtile.

Avec ces tacs et tics de langages à la Bobby Lapointe comme dans Jalousie, ces textes à prendre au troisième degré, le dandy tête à claques s’avère être l’impertinent pertinent du moment. Celui qui nous sauve des caravanes et autres miauleries mièvres de la scène française actuelle. Ce que certains arrivent à vendre sans avoir peur d’appeler ça de la musique: trois mots et deux notes, celles de David Lafore dépoussièrent la chanson française qui retrouve sa juste finesse et son audace.

Après un premier album en 2004, le chanteur continue son exploration de la vie et des sentiments dans son deuxième album intitulé sobrement: II , sorti en 2007

Cela donne en vrac: 20 francs (le cunnilingus), un baiser, une bombe, laisse moi mourir un peu,  tu m’en diras tant, fleur de rond point, Babines ou plat à gratin. À savourer.

Certaines restent coincées entre les dents pour que le goût dure en sortant. D’autres se boivent. Sans modération.

Vous vous méfierez des tronches de porte à porte, il se pourrait que ce soit vous qui vous retrouviez à les suivre, de portes en portes.

Jalousie -David Lafore