1

[Théâtre] Avignon/IN : L’Antigone japonaise de Satoshi Miyagi

Photo : Christophe Raynaud de Lage

Après son Mahabharata monté il y a trois ans à la carrière de Boulbon, Satoshi Miyagi ouvre le 71e Festival d’Avignon dans la Cour d’honneur avec Antigone version japonaise. Pour son spectacle, il fait disparaître toute la scène sous l’eau, et nous immerge dans la tragédie grecque par le biais du théâtre traditionnel japonais pour un beau – mais peut-être trop long – moment de contemplation.

Tout le monde ou presque a déjà vu Antigone, ou bien en connaît au moins les tenants et les aboutissants si bien que dès le début du spectacle Satoshi Miyagi nous surprend en se jouant de la connaissance partielle que nous avons de cette pièce. Les dix premières minutes sont en effet consacrées à un résumé en français de la tragédie de Sophocle avec un humour ravageur, tant le français semble être difficile à parler pour la troupe japonaise. Sur le miroir d’eau, le préambule comique passé, les comédiens tels des silhouettes fantomatiques blanches ondulent, jouent et miment la pièce. Le metteur en scène a en fait dédoublé certains personnages comme Antigone, Ismène ou Créon de sorte que l’un conte la fable tourné et figé vers nous, tandis que l’autre mime la scène dont les mouvements sont projetés sur le Palais des Papes dans un jeu d’ombres envoûtant.

Photo : Christophe Raynaud de Lage

Du début à la fin, la mise en scène de Satoshi Miyagi est parfaitement orchestrée, tous les gestes très lents des comédiens concourent à la création d’une ambiance très zen, très chorégraphiée tant les rituels sont dansés. Que ce soit Antigone fardée d’une perruque blonde perchée sur un rocher massif jouant les scènes avec grâce, ou tous les comédiens formant un cercle processionnel hypnotique, la démesure du lieu, du miroir d’eau et des ombres se heurtent à une quiétude remarquable mais qui finit par provoquer de l’ennui. Cette Antigone marquée par le bouddhisme japonais est surtout un spectacle contemplatif pour nous public occidental. Souvent, certains mouvements sont si codifiés que nous sommes relégués à la contemplation de ce que nous trouvons beau sans vraiment savoir pourquoi. Si le théâtre d’ombres voulu par le metteur en scène est spectaculaire, il reste néanmoins figé et certaines scènes s’étirent trop en longueur.

Heureusement pour le public, la méditation poétique à laquelle il est convié est accompagnée de la musique pensée par Hiroko Tanakawa. Ce dernier a composé une partition répétitive, faite de percussions très marquantes dont on ne se lasse pas. De fait, cette Antigone montée avec beaucoup de soin et de grandeur nous impressionne mais reste trop hermétique à son public pour qui la simple contemplation, aussi agréable soit-elle, ne peut suffire quand elle ne dit rien de percutant sur la situation du monde actuel.

Antigone, de Sophocle, mise en scène Satoshi Miyagi, Spectacle en japonais surtitré en français, Cour d’honneur du Palais des Papes, Festival d’Avignon – Du 6 au 12 juillet, relâche le 9 à 22h. Durée : 1h35. Pour plus d’informations : http://www.festival-avignon.com/fr/spectacles/2017/antigone




Actu : 2ème édition du Festival du Jamais Lu au Théâtre Ouvert à Paris

1c07a59c94

FESTIVAL DU JAMAIS LU – PARIS
2ème édition
vendredi 2 | samedi 3 | dimanche 4 décembre

Il y a un an, le Festival du Jamais Lu débarquait à Paris avec une idée en tête : hacker la dramaturgie française !
De cette gentille intrusion est né un échange entre deux cultures cousines, qui n’ont pas eu assez d’une édition pour tout se raconter (coproduction Festival Jamais Lu – Montréal)

LES AUTEURS : Jérémie Fabre, Marilyn Mattei, Grégo Pluym, Sonia Ristic

LES METTEURS EN SCENE : Sophie Cadieux, Martin Faucher, Benoît Vermeulen, Catherine Vidal

LA TROUPE : Hélène Gratet, Dominique Laidet, Thomas Matalou, Guillaume Mika, Marie-Ève Perron, Nelson Rafaëll-Madel, Sarah Tick, Nanténé Traoré
Et deux apprentis comédiens du Studio d’Asnières – ESCA : Maïka Louakairim et Étienne Bianco

Qui a dit qu’il n’y avait pas d’auteurs en France ?

==> Plus d’informations ici : Festival Jamais Lu au Théâtre Ouvert <==

(Source : Dossier de Presse)




Avignon 2016 : « Fukushima, terre des cerisiers », cataclysme poétique

Fukushima_mur

Le 11 mars 2011 à 14h46 le plus important séisme mesuré au Japon suivi de près par un tsunami a lieu, causant entre autre l’arrêt des systèmes de refroidissement de la centrale nucléaire de Fukushima. Tenant compte des rejets radioactifs, l’accident nucléaire est le plus grave près de quarante ans après Tchernobyl. Alors que cette année 2016 est marquée par l’anniversaire de l’accident nucléaire Ukrainien dont le théâtre s’est emparé, notamment sur base des écrits de Svetlana Alexievitch, c’est au tour de Fukushima d’irradier les planches.

Plus que du théâtre documentaire. Dans « Fukushima, terre des cerisier », seule en scène, Brigitte Mounier entend certes informer et impulser un processus mémoriel sans renoncer à la poésie. En ne faisant pas du théâtre un lieu seulement voué à condamner un passé regrettable, l’actrice et metteure en scène esquisse le récit possible et impossible qu’il est possible de faire de Fukushima. Sur une scène dépouillée, seuls des panneaux de toile blanche et rouge coulissants font évoluer l’espace scénique destiné à recevoir le tremblement de terre, et l’actrice, témoin corporel de l’onde de choc par la chorégraphie impeccablement orchestrée qu’elle donne à voir en complément d’un déferlement de mots. Par des jeux d’ombres remarquables et un recours restreint à quelques objets significatifs comme les livres tombant du plafond pour s’écraser au sol au moment du récit du tremblement, à l’usage de la télécommande TV pour reancrer le récit dans un présent médiatique saisissant, Brigitte Mounier offre une performance délicatement menée. La douceur de ses gestes invite l’œil du spectateur à guetter l’eau du thé qui frémit et toutes ces actions quotidiennes effectuées par l’actrice pour parler tantôt du chant des oiseaux qui s’est tu, tantôt des chiffres de cet accident nucléaire devenu spectacle du monde.

Si la réflexion sur la catastrophe implique de poser des questions comme celle de la sortie du nucléaire et de la responsabilité des états dirigeants, la comédienne ne tombe jamais dans la gravité emphatique. Elle est aussi la voix des morts comme des survivants, alternant entre des mises en scène de panique sous les tables devenues revers de la vie et moments de chorégraphie de l’onde de choc, l’une des scènes les plus saisissantes de ce spectacle reste le moment d’immersion dans l’eau. Derrière l’un des panneaux se cache un aquarium radioactif, tout illuminé de lumière verte d’où des débris, comme un petit ours en peluche, s’échappent et coulent en une danse macabre. Intégralement plongée dans ce volume d’eau macabre, durant de longues minutes la comédienne d’abord coule comme ces corps emportés par la vague, ensuite se débat et se met à danser pour un moment hypnotique poignant qui va bien au-delà de tous ce que les mots.

Tout en sobriété, ce seul en scène sert un théâtre engagé qui n’oublie pas, et rappelle qu’au Japon et pour le monde, la catastrophe ne fait que commencer. La dictature du nucléaire y est admirablement dénoncée, parfois tournée en dérision, et questionnée. Si le dernier volet du spectacle aurait gagné à être davantage dynamisé par la danse, le résultat reste poétique et émouvant. Qu’adviendra-t-il de ce pays victime de la bêtise humaine d’où Fukushima est mondialement devenu le plutonium du peuple ? Qu’en est-il des océans et répercussions climatique préoccupantes comme les fissurations massives de l’Antarctique ?

Alors que le monde est en quête de réponses, à raison les cerisiers eux, sont en fleurs, indifférents à la rumeur des hommes.

Fukushima, terre des cerisiers, texte d’après « Fukushima, récit d’un désastre » de Michaël Ferrier, mise en scène Brigitte Mounier, Chorégraphie Antonia Vitti, avec Brigitte Mounier, production Compagnie des Mers du Nord/Ville de Grande-Synthe.

Festival d’Avignon, Théâtre Présence Pasteur 13, rue du Pont Trouca, 84000 Avignon, 07 82 90 08 21, jusqu’au 30 juillet, relâches les 9, 11 et 25, 14h, durée 1h10.




« Les Nègres », Wilson, oui ; Genet, non !

lesnegres

Il serait difficile de ne pas apprécier positivement une mise en scène de Robert Wilson. Depuis les années 70, l’anglais fait un parcours sans faute. Avec « Les Nègres », son premier travail sur un texte en français, le metteur en scène reste fidèle à son succès.

Le public est accueilli au son d’un funk festif et chaud, dans le genre de Maceo Parker, composé par Dickie Landry. Pas d’annonce pour éteindre son téléphone, pas de lumière qui se baisse : le signal est donné quand la musique monte crescendo. Immédiatement, on est projeté dans le spectacle.

Projetés, comme ces acteurs qui entrent un à un au son des mitraillettes pendant une longue introduction. Durant celle-ci, la scène est alors réduite par un immense mur transformé en volutes de fumées au moyen d’une projection vidéo. Chaque corps ainsi mis à la vue du spectateur, passe du trouble au calme. Entre chaque rafale, une musique onirique conduit à un changement de posture qui permet à chacun de rentrer dans son personnage. De sa condition de « nègre » maltraité, à celle d’acteur du « simulacre ».

Des acteurs qui prennent des postures pointues, nous faisant penser à la pose des balletistes du XVIIIe siècle, attendant que la musique démarre pour être dans leur rôle. C’est cette posture qui, tout au long de la pièce, différencie les personnages entre les temps de « simulacre » et les temps « d’humanité » ; la dualité de chacun étant au cœur de la pièce : brutalité et onirisme, passage de la guerre au drame, de la considération de bête sauvage à celle d’être humain aux yeux des « blancs ».

Le décor idéologique ainsi posé, Robert Wilson fait se lever le premier mur pour laisser apparaître l’incroyable scénographie dont il est l’auteur. On se retrouve, au son de Dickie Landry, dans une discothèque digne d’accueillir Scarface lui-même : MC, chanteuses, podiums, palmiers en néons, rien ne manque. Genet, dans ses didascalies, impose une estrade où les « blancs » seront installés pour assister au « simulacre » des « nègres ». Wilson sublime cette idée à merveille.

La troupe des « nègres », menée par Archibald (Charles Wattara) promet au public qu’il va montrer un drame, en veillant à ce que la compréhension en soit « impossible » pour ne pas trop nous « déranger ».

Et c’est dans cette ambiance que se déroule le drame macabre voulu par Genet. La musique glisse du funk au free jazz, en passant par des intonations à la Jan Garbarek jouées en live. La lumière termine de rendre cette ambiance hypnotique. Du public, on est fasciné, la scène éclatante de couleurs peut sombrer en un clin d’œil dans des nuances de noir et blanc, contribuant ainsi activement à la création et au maintien du « simulacre » où les « nègres » prennent enfin leur revanche sur les « blancs ».

En somme, tous les ingrédients sont réunis pour un grand spectacle, à défaut du texte lui-même. Genet est prétexte à la mise en scène, mais (sans le vouloir, certainement), Wilson montre ici à quel point ces mots sont datés. L’exagération raciste et la narration morcelée, déroutante, absolument nécessaire dans le contexte historique de décolonisation (la pièce a été créée en 1959) ne sont plus d’actualité. Le langage brut laisse place à n’importe quelle interprétation et aujourd’hui, nombreux y verront une ode à la différence. Sur les questions touchant l’Afrique, « Une nuit à la présidence » de Martinelli, spectacle sans envergure créé la saison dernière à Nanterre, est bien plus pertinent.

En sortant, on se retrouve pris dans la dualité wilsonienne rapportée à notre personne : on a vu une grande mise en scène, sapée par un texte désormais dépassé.

« Les Nègres » de Jean Genet, mise en scène de Robert Wilson, au Théâtre de l’Odéon, jusqu’au 21 novembre, du mardi au samedi à 20h. Dimanche à 15h. Durée : 1h50. Plus d’informations sur www.theatre-odeon.eu.




Yves Bommenel, 10 ans de Montpellier à 100 %

Depuis une dizaine d’années, le festival Montpellier 100% existe.
D’abord dans tout le grand Sud au mois de novembre, puis uniquement sur Montpellier, le festival s’est cherché et s’est trouvé. Dix jours de concert, de danse, d’exposition à travers la ville. Un véritable temps à proportion humaine (il n’est pas difficile d’assister à l’intégralité des propositions du festival) entre le 1er et le 11 février.


Depuis combien de temps portez-vous le projet du festival « Montpellier 100% » ?


Depuis dix ans, le festival est né pour fêter le 100e numéro du Cocazine (un magazine et agenda culturel gratuit diffusé sur tout le Grand Sud NDLR) qui existait lui aussi depuis dix ans. C’est incroyable, quand on sait dans quelle précarité ont été ces deux aventures, on est incapable après vingt ans d’expliquer comment on a tenu.


Essayez !


Bien sûr il y a eu un renouvellement des équipes, et la curiosité y est pour beaucoup également. Je sais que j’aurais déjà jeté l’éponge si chaque année n’avait pas été une occasion d’apprendre quelque chose, ou de découvrir de nouveaux artistes. Dans ce sens, le collectif y est pour beaucoup. On se surprend les uns et les autres.


Ce festival est un espace-temps dédié à la découverte ?


La découverte artistique, on la retrouve dans tous les festivals. Chez nous ce qu’il y a d’intéressant, c’est qu’on interroge les formes différentes du concert, par des installations, ou des projections. Et les artistes eux-même nous interrogent. F.J. Ossang c’est un musicien qui fait du cinéma, pas un cinéaste qui fait de la musique ! Prenez les arts numériques, tout ce qu’on a fait jusqu’à présent, il y a dix ans on était incapable d’imaginer celà possible ! Ou alors c’était tellement colossal qu’il aurait fallu que l’on soit le MoMA pour pouvoir se le permettre. On montre que la musique, ce n’est pas seulement un concert ou un disque.


Vous êtes attentifs à l’évolution de la technologie ?


On est au XXIe siècle, donc la technologie est présente dans la vie de tous les jours, les propositions artistiques intègrent naturellement cette idée. Après, on a essayé de ne pas s’enfermer là-dedans. Quand on propose « OK! » (l’année dernière NDLR), c’est une solution 100% analogique puisqu’en fait, ils fabriquent leurs instruments avec des bouts de bois récupérés, pareil pour « Hell’s Kitchen » qui fait de la percussion avec des éléments pris sur des lessiveuses. C’est intéressant aussi ce mélange entre organique et technologique à notre époque. D’ailleurs, on s’est rendu compte après coup que cette idée de mélange, de recyclage est un peu le fil rouge de notre édition.


Les mélanges, on connaît ça depuis des lustres !


On a bien vu la première décade du XXIe siècle passer, et même si des musiciens comme Black Strobe s’inspirent énormément de la musique du XXe siècle, on est plus dans la fusion des années quatre-vingt-dix où on pouvait dire que telle chose était un bout de funk, telle autre du métal et ici du hip-hop. Aujourd’hui on est dans autre chose, le hip-hop qui intègre de l’électro c’est différent que ces deux styles chacun de leur côté.


Quelles nouveautés dans cette édition du festival ?


La principale nouveauté c’est la venue de F.J. Ossang, on organise une rétrospective importante de ses films. On y ajoute une part d’éducation à l’image avec les Beaux-arts et la fac de Lettres. Le travail avec le Centre Chorégraphique est nouveau lui aussi, il va nous permettre d’accueillir Claudia Triozzi et Haco pour une création.


Un mot sur la programmation ?


On a essayé de ne pas tomber dans des clichés. C’est facile d’aller dans ce sens, d’être très intellos, très « si tu ne connais pas l’encyclopédie numérique en 25 tomes tu vas rien comprendre à ce qu’on te montre ». On est dans un festival qui revendique un côté haut-de-gamme, mais on a confiance en l’intelligence des gens, et en même temps on a de l’humour.


Comment découvrez-vous les personnes que vous programmez ?


On observe, on est entouré de personnes très attentives, je pense notamment à Vincent Cavaroc qui avant était ici et qui maintenant travaille à la Gaité Lyrique à Paris. On a Julien Valnet qui travaille à la Friche de la Belle de Mai à Marseille, ancien montpelliérain lui aussi. Mais j’insiste sur le fait que tout le collectif a sa part d’influence dans les choix de programmation.


Vous, Yves, comment avez-vous fait ce choix de vie ?


J’avais des grands frères qui m’ont élevé à coup de Stones, et j’ai fait beaucoup de radio associative. L’Eko des Garrigues (88.5) à Montpellier ça a été mon université, je dis souvent que j’y ai fait « Sup’ de Punk ». Tous les gens qui ont fait des choses intéressantes dans cette ville sont passés par là bas au début des années quatre-vingt-dix. On y trouvait Fifi de la TAF, Habib d’Uni’Sons, ou les Pingouins… Après je suis allé à l’Institut National de l’Audiovisuel, j’ai eu un parcours d’apprentissage, mais l’Eko c’est ce qui m’a ouvert les yeux sur le monde alternatif.


Quelles sont vos espérances pour l’avenir ?


Pour l’instant dans le festival on diffuse beaucoup de créations, mais on n’est pas un moment de création à proprement parler. J’aimerais aller dans ce sens. Un autre aspect, c’est celui de la médiation, de ce côté-là on a beaucoup de travail à faire. Avoir les moyens de faire un travail d’éducation au son, d’aller dans les collèges et les lycées. Expliquer ce que nous proposons. Donner des clés de compréhension par l’histoire de la musique…


Au début de l’interview vous avez utilisé le mot précarité, vous avez les moyens de vous projeter vers l’avenir ?


Tous les ans on part sur une utopie. On a failli fermer vingt fois, le comptable nous prédit notre mort chaque année. On survit, c’est incroyable. On a un tout petit budget, on fonctionne avec 100 000 euros pour la totalité du festival. Notre force réside dans le fait que nous avons aussi beaucoup de partenaires. Mais on est très loin d’être des barons, chaque année on se demande comment c’est possible.


Tous les détails sur la programmation et les arguments du festival sur : www.festival100pour100.com




Pas de panique avec Midam

Le nouveau tome des aventures de « Kid Paddle », (Panic Room) signé Midam est sorti à la fin du mois d’août. Ce nouvel album marque le retour du petit héros, après la plus longue absence qu’il ait connue depuis sa création, en 1993.


L’auteur qui pour l’occasion fait une tournée des FNAC françaises confie que cela lui « prend de plus en plus de temps de produire un volume ». Et à son impresario de rajouter, plus tard, que l’auteur « passe parfois des journées entières sans vouloir voir personne pour finir un gag, pour qu’il soit percutant, c’est un véritable stakhanoviste du travail », et cela se ressent.


Les « running-gags » sont très présents dans les pages, Midam a gardé les bonnes habitudes sans être répétitif. « C’est bien plus dur de faire des variantes ! », assure-t-il. On y retrouve à nouveau Horace qui finit à l’hôpital, le Kid en train d’imaginer son père en agent spécial, ou encore la salle de jeu vidéo et son gardien patibulaire. De nouvelles idées font aussi leur apparition et elles deviendront des gags récurrents. « Un jour dans un aéroport, j’ai acheté une sorte de livre  »Que-sais-je ? », et c’est en lisant ce bouquin que j’ai pensé à la piscine de salive qu’on retrouve dans Panic Room. J’aimerais garder l’idée de ces  »le saviez-vous ? » dans les prochains albums ».


Et Kid Paddle, hors-Euope, comment ça marche ? « C’est la deuxième bande dessinée étrangère la plus vendue au Québec après Garfield, la troisième si on compte  »Les Nombrils », BD typiquement québécoise. C’est quand la série télévisée est apparue qu’ils ont commencé à être demandeurs ». Seul ennui, le retard que prend la sortie des albums du Kid dans la Belle Province : d’un à deux mois à cause du transport en bateau ! Midam s’y rendra donc cet automne. Dans un genre voisin, l’épouse de l’auteur explique que « Titeuf ne marche pas au Canada, à cause du sexe », il est vrai que de ce côté, Kid Paddle sait rester discret, même si l’arrivée d’une nouvelle héroïne amoureuse du garçon à la casquette apparaît dans le dernier numéro…


Dans sa tournée, l’auteur s’arrêtera pour la deuxième fois de sa carrière à Angoulême. Pour l’occasion, il a mis les petits plats dans les grands avec un stand customisé : « un Kid Paddle géant et une immense tâche d’acide sulfurique qui se verra de très loin ! », nul doute que les fans sauront apprécier. Au fait, qui sont-ils ? Quelle relation Midam entretient-il avec eux ? « Je suis toujours un peu intimidé, mais eux aussi ! », alors pendant qu’il dédicace, il pose des questions, s’intéresse vraiment à qui le lit. « Maintenant, le héros a plus de 18 ans d’âge, il traverse les générations, je n’ose plus demander aux adultes qui viennent en dédicace si c’est pour leurs enfants, car c’est souvent pour eux-mêmes ». Certains lecteurs y trouvent d’ailleurs plusieurs niveaux de lecture, là où le gosse voit un gag, l’adulte y décèlera une complicité particulière père-fils par exemple. « Quand j’entends cela, j’acquiesce, même si je n’avais absolument pas voulu faire passer ce message lors de la création du dessin ».


À propos de relation père-fils. Même les lecteurs occasionnels de la BD ont dû se rendre compte que la mère n’était tout bonnement jamais dessinée, ni même évoquée. « Elle a existé le temps d’une case dans le premier volume de Kid Paddle, elle disait à son mari  »Chéri, tu vas être en retard à ton travail », puis à la réédition j’ai remplacé  »chéri » par  »papa », j’aime les contraintes, et pour l’instant la contrainte c’est que la mère n’existe pas ». Le public se pose-t-il la question ? « Au début, j’ai eu droit à des félicitations de gens qui m’affirment  »bravo, vous avez su créer une bande dessinée avec une famille monoparentale », là aussi je laissais dire, mais c’est l’imagination du public ».


Et au fait, le père du Kid doit être forcément fan de jeux vidéos ! « Pas du tout, je ne joue pas » confesse-t-il timidement.


Les lecteurs les plus assidus ont dû remarquer que Midam avait quitté Dupuis depuis le dernier tome. « La rentabilité prenait trop le pas sur la qualité, la première édition du tome 11 était intégralement gondolée, à force de vouloir faire des économies, ils ont vendu 380 000 exemplaires dans cet état, je n’aime pas ça ! »  clame l’auteur. Il a créé en réaction, MAD Fabrik, qui en est à sa cinquième parution ! Sa maison met un soin tout particulier à la qualité de l’objet. Un pari réussi avec ce tome 12, en papier, comme en gags !



 

 

 

 




Hamlet Rock’n’Trash

Mélangez un crucifix à un préfabriqué, une enseigne lumineuse et quelques machines à café. Ajoutez-y un château gonflable, des coups de feu et une banane habillant un acteur. Secouez, et vous voilà dans l’écrin du Hamlet à la sauce Macaigne, rebaptisé pour l’occasion, « Au moins j’aurais laissé un beau cadavre ». Trois heures trente qui ne laissent pas rigide.


Dès les premières minutes, les hurlements et les insultes fusent entre Hamlet-fils et Claudius habillé du fruit cité précédemment. Oui, c’est bien une banane géante qui habille le fratricide. Ce costume et le dialogue irréel qui s’installe entre les deux hommes donnent le ton de toute la première partie : décalé, surprenant, vif, mais aussi un peu en force dans le jeu et un tantinet grossier, le texte étant parfois du Shakespeare, et à d’autres moments de l’authentique phrasé de pilier de comptoir.


Parfois, le public est interpellé, brusqué, arrosé (évitez les premiers rangs et les places côté escalier !), les images violentes fusent et servent bien certains passages de l’histoire, en particulier celui où Hamlet-fils est choqué par le remariage précipité de sa mère. Il s’en réfugie dans la tombe de son père, prend son cadavre dans ses bras, questionne le spectre paternel (ici, furet empaillé)… Bagarre, fruits qui volent, chaises que l’on casse, on voit tout. Rien n’est suggéré, et l’attention du spectateur est captée par l’excitante question : jusqu’où vont-ils aller ?


« Regarde toutes ces vieilles connes [le public], tu crois pas qu’elles ont été jeunes et belles comme toi ? » questionne Laërte à l’adresse de sa soeur. Cette phrase précède la nuit de noces érotiques entre Gertrude et Claudius, dont la couche nuptiale est la tombe du défunt frère/mari Hamlet Ier : de symboles et d’actions chocs, le spectacle foisonne. On se surprend même à sursauter et sentir d’agréables sueurs froides quand Hamlet-fils surgit une tronçonneuse à la main. Le juste milieu est trouvé, et sans jamais dépasser les limites, on se retrouve à rire, on se gausse de ce grand guignol de haute voltige dont le décalage est le mot d’ordre. Une première partie forte, violente et très drôle.


L’entracte offerte au public laisse à Hamlet le temps d’écrire « La souricière des traîtres », pour montrer à Claudius, son nouveau beau-père, qu’il connait la vérité sur le meurtre du roi.


Malheureusement, le second départ contient un peu plus de longueurs. Les acteurs semblent avoir du mal à passer de l’énergie explosive nécessaire à cette mise en scène, à la finesse requise pour certains passages du texte. Ceci a pour effet de casser le dynamisme impulsé aux débuts. Et puis ça hurle, ça ne s’arrête jamais de hurler, mais les gestes accompagnent moins cette colère. Dommage, car malgré cela, certains effets de scène sont bluffants et beaux dans le sens esthétique du terme, ils agissent comme une alternance entre de belles performances artistiques et des passages s’éternisant par un jeu d’acteur incertain.


D’après ce qu’il se dit, quelques soirs de rôdage ont aidé la troupe à trouver ses marques, et à emmener le public dans cet Hamlet qui, c’est certain, ne peut être imaginé avant d’être vu !


Après Avignon, il vous sera possible d’assister au spectacle aux endroits suivants :


2011


  • Du 2 au 11/11 au théâtre national de Chaillot (Paris)
  • Du 16 au 25/11 à la MC2:Grenoble


2012


  • Du 5 au 6/01 à la Filature / Scène nationale de Mulhouse
  • Du 11 au 12/01 à l’Hippodrome-Scène nationale de Douai
  • Du 18 au 20/01 au centre dramatique national d’Orléans/Loiret/Centre
  • Du 25 au 27/01 au Lieu unique (Nantes)
  • 8/02 au théâtres de la Ville de Luxembourg
  • Du 14 au 15/02 au Phénix / Scène nationale de Valence


Distribution


mise en scène, conception, adaptation Vincent Macaigne
scénographie Benjamin Hautin, Vincent Macaigne, Julien Peissel
concepteur son Loïc Le Roux
lumière Kelig Le Bars
artisanat Marie Ben Bachir


avec Samuel Achache, Laure Calamy, Jean-Charles Clichet, Julie Lesgages, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Pascal Rénéric, Sylvain Sounier

 




Festival d'écologie urbaine et populaire

Pollution, malbouffe, économie mondiale, logements-passoire… : la résistance populaire s’organise autour d’un chouette festival sur une petite île perdue au milieu du 9-3.
Parce que oui, il se passe autre chose que des vols à la portière et des trafics de drogue en banlieue parisienne.

La troisième édition du festival Effet de C.E.R. (Cinéma, Ecologie, Résistances) s’ouvre ce soir à 19 heures.
Mention spéciale pour le dernier documentaire de Marie-Monique Robin. La journaliste qui s’était fait connaître notamment par le détonnant « Monde selon Monsento » qui s’attaquait à la célèbre firme d’ OGM, revient avec un livre et un documentaire Notre poison quotidien. Diffusé le 15 mars dernier sur Arte, elle se déchaîne cette fois sur les produits chimiques présents dans notre alimentation. Ajoutez à cela les dernières actualités sur les décès liés aux staphylocoques du Quick d’Avignon et l’intoxication alimentaire au Kebab de Chartres, voilà de quoi prendre son abonnement à vie dans une Amap, plus radical, se laisser crever de faim, ou partir monter sa ferme sur le plateau du Larzac… (La dernière option est tentante!)
Le documentaire sera suivi d’un débat et d’une séance de dédicace avec la journaliste. Si vous entendez les ventres gargouiller dans la salle accompagnés des  » bruits glutturaux en La mineur  » produits par les salives ravalées, ne soyez pas surpris.
Samedi, Indices, le documentaire du réalisateur Vincent Glenn, sera projeté à 14 heures, histoire de savoir comment les États se soucient de notre Bonheur Intérieur Brut en gardant le vieil outil de mesure usé qu’est le P.I.B (séance suivi d’un débat avec le philosophe et essayiste altermondialiste Patrick Viveret)
Dimanche, le documentaire de Jean-Pierre Thorn, 93, la belle rebelle, clôture en beauté le festival.
Pour terminer par un regard original porté sur un territoire, qui, quand on sait lui parler, déborde de belles rencontres. Et régale nos oreilles avec ses cultures musicales alternatives trop souvent mises au placard par un Rap commercial omniprésent.

Le programme

Vendredi 18, samedi 19 et dimanche 20 mars 2011 au Centre culturel Jean Vilar – 3, rue Lénine, L’Île-Saint-Denis (93), Pass 3 jours = 3 €




La démesure se réfléchit dans les salles obscures

Bon évidemment, c’est mieux d’être un minimum partisan, au moins sur certains points, avant d’aller à l’édition 2010 du festival de cinéma d’Attac, dédié cette année à « La démesure, jusqu’à quand ? ».

Pourquoi partisan ? Parce que l’association, dont l’acronyme signifie Association pour la Taxation des Transactions Financières, lutte pour, je cite, « la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale, et culturelle dans l’ensemble du monde ».

Mais y être sensible n’est pas nécessaire pour se sentir concerné par les thèmes abordés tout le long de ce festival : la gestion des déchets, les impérialismes, l’innovation technologique, l’agroalimentaire et la santé, la surveillance ou encore les impacts de la finance. Cela via des films et documentaires – médiatisés comme celui de Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global ou plus confidentiels, et point trop partisans – mais aussi par des débats.

Enfin, si, malheureusement, comme Houellebecq, vous estimez que votre pays n’est ni plus ni moins qu’un hôtel*, il me semble qu’il y a la TV dans ces lieux de passage. Vous aurez alors peut-être plaisir à simplement aller visionner des longs métrages comme Wall-E (d’Andrew Stanton), Trafic (de Jacques Tati), Soldat Bleu (de Ralph Nelson), ou encore le cultissime Brazil, de Terry Gilliam.

Pour tout cela, le rendez-vous est au cinéma La Clef, à Paris, du 17 au 23 novembre. Pour le programme, c’est ici. Quant à l’adresse, c’est .

*Matinale de France Inter du 09 novembre 2010




Les singeries d’Oncle Boonmee …

Affiche du film

Week-end / Paris / Multiplexe / Oncle Boonmee (trouvez l’erreur!)


Le premier plan ne trompe pas : la jungle, la nuit, une vache, un lien qui cède, cette vache qui s’enfuit. Elle est rapidement rattrapée par son maître qui la ramène docilement à son attache. Vous venez de vivre les cinq premières minutes d’Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures), le dernier film du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, récompensé par la Palme d’Or lors du dernier Festival de Cannes.


Et avec cette scène, vous ne vous doutez pas que c’est l’un des moments les plus impressionnants des deux heures qui vous attendent que vous venez de laisser filer, sans même en profiter, sans même vous en délecter, sans même en garder une empreinte fraîche et nette dans votre esprit, juste « au cas où ».


Au cas où … au cas où … hélas le cas est là. Vous venez d’embarquer pour deux heures de cinéma thaïlandais, en bonne et due forme. Les plans durent, mais ne sont pas fixes. Le spectateur, lui, essaie de fixer, mais c’est dur.

L’histoire est somme toute banale : un homme, à l’article de la mort, se remémore ses vies antérieures. Il se revoit ainsi en poisson-chat violeur de princesse, puis retrouve sa femme morte des années auparavant et son fils, devenu entre-temps grand singe et hantant les forêts avoisinantes.


La vie de M. Tout-le-Monde non ?




Le cinéma thaïlandais nous a habitués à ses longs plans, figurant des espaces, des images, des situations, des non-dits, des rêves, des mots, des vœux. Il fait peu de cas de la vie humaine, de ces enveloppes corporelles tellement éphémères, lieux de transit d’une vie à une autre. Le sens est au-delà, dans la nature, dans l’unité du monde, dans l’esprit du monde et l’esprit des créatures, de toutes les créatures du monde.


Et dans ce domaine, Apichatpong Weerasethakul excelle. Il laisse le spectateur dans un état de rêverie, de méditation devant tant de sens, et tant de doutes. Les acteurs qu’il dirige font corps avec leur destin, leur histoire personnelle, leurs aspirations. Et dès les premières minutes du film, ce ne sont plus des acteurs, mais des hommes et des femmes dont il filme l’histoire, les relations, les croyances, les faiblesses, mais également les forces, l’amour, la joie de vivre, la volonté de vivre, de vivre chez eux, de vivre ensemble.




Alors, finalement, cette Palme d’Or était méritée ?


Méritée pour la justesse des personnages, l’évidence du propos, la force communiquée au spectateur.


Mais hélas, je crains que cela ne suffise pas. Que le réalisateur ait choisi un passage creux de son film pour y faire défiler un diaporama de photos, passe encore. Mais qu’apparaisse sur ces photos, tout comme il apparaît dans le film, un grand singe noir… Ou plutôt que grand singe noir, lisez, un homme vêtu d’un costume de grand singe noir, orné de lentilles fluorescentes rouges (attention, spoiler si vous lisez ce passage). Cette apparition d’une sorte de Chewbacca d’art et d’essai, dont l’authenticité nous rappelle la qualité des effets spéciaux de La Soupe aux Choux et autres Fantomas, passe pour gadget, loufoquerie, absurdité.


Qu’a voulu signifier le Jury du Festival de Cannes par le choix d’Oncle Boonmee pour recevoir la Palme d’Or ? Que lui seul est expert dans cet art ? Que ses décisions ne peuvent être comprises du grand public ? (Une dizaine de personnes quittant la salle … et n’en revenant pas … ce n’était donc pas la faute des toilettes du cinéma !)



Ou tout simplement que le réalisateur de La planète des Singes a cru reconnaître un de ses personnages dans un film thaïlandais et qu’il a souhaité en remercier le réalisateur ?






Oncle Boonmee (celui qui se souvenait de ses vies antérieures), d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande), actuellement au cinéma.

Toutes les séances, horaires, salles sur Allociné.