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L’amour impossible de Felix et Meira

© Urban Distribution
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L’histoire d’amour impossible : un thème récurrent au cinéma. De « Autant on emporte le vent » à « Love Story » ; de l’américaine « Titanic » à la française « Pas son genre » ; de la plus classique « Roméo+Juliette » à la plus moderne « Une éducation ». De celle qui se termine bien « N’oublie jamais » à la plus tragique « La princesse de Montpensier » … le genre ne cesse d’être exploité. Mais alors que l’on pourrait croire le sujet épuisé, certains films réussissent encore la prouesse d’apporter un regard original et singulier autour de la rencontre de deux êtres que rien ne prédestinaient à se rencontrer et s’aimer.« Felix et Meira » est l’un d’entre eux.

Félix et Meira c’est l’histoire d’une rencontre improbable, d’une attirance interdite, de deux êtres que le malin hasard décide de rassembler ; au détour d’une ruelle, d’un restaurant, d’un hall d’escalier. Elle, femme juive orthodoxe, mère au foyer prisonnière d’une communauté dont elle ne partage pas les valeurs. Lui, homme indépendant, sentimentalement instable, qui n’a d’autre activité que de dilapider l’argent familial. Meira, jouée par la talentueuse Hadas Yaron (Meilleure interprète féminine à la Mostra de Venise 2012 pour son rôle dans « Le cœur à ses raisons »), n’est pas heureuse dans sa vie de femme au foyer. Elle s’échappe en dessinant des objets, des meubles, dans son petit carnet secret. Mais le dessin, c’est interdit au sein de sa communauté. Comme bien d’autre plaisir de la vie telle que la musique, qu’elle écoute aussi en cachette. Les femmes ne sont à leur place qu’à la maison, à s’occuper des enfants, coiffées d’une immonde perruque brune en carré et toutes vêtues d’une même robe noire. Il leur est interdit de parler aux gens extérieurs à la communauté ou encore de croiser le regard d’autres hommes. Une prison invisible de laquelle Meira cherche doucement à s’extirper et accélérée par sa rencontre avec Félix (Martin Dubreuil).

C’est à travers son deuxième long-métrage, que le réalisateur Maxime Giroux, a choisi de nous conter cette histoire d’amour contemporaine et originale, en dehors des codes des comédies romantiques classiques. Avec douceur et sans trop en faire, il parvient à filmer la passion, l’amour, sans jamais recourir à la facilité. Ainsi, on ne voit jamais les deux amants s’embrasser, c’est tout au plus si ils s’enlacent. L’amour est subtil, suggéré plus que donné en spectacle. Pas de long discours, aux oubliettes les « Ô Roméo! Roméo! pourquoi es-tu Roméo? », place au silence et au jeu de regard.

Maxime Giroux réalise un travail quasi-documentaire, doublé d’une critique acerbe de la communauté juive orthodoxe. Leurs coutumes, leurs habitudes, la condition et la place de la femme … tout y est abordé avec justesse. L’un des acteurs principaux du film, Luzer Twersky, jouant le rôle de Shulem (le mari de Meira) étant lui même un ancien membre de la communauté. Il retrace avec authenticité un quotidien, une philosophie de vie, des valeurs : le sens de la famille, le respect… Et les difficultés auxquelles se heurtent ceux qui veulent s’en détacher. Le départ de la communauté étant irrémédiable et entrainant une rupture totale avec ses amis et le reste de sa famille. Meira emportée par son amour pour Félix, se délivrera peu à peu de sa condition, pour se révéler en tant que Femme. Elle fera l’amusante découverte du pantalon jean qui empêche de respirer, de la danse dans les bars de nuit, de la liberté d’être ce qu’elle est. Chaque minute du film nous réjouit de découvrir un bonheur retrouvé, des joies quotidiennes que l’on fera nous même plus attention à apprécier.

Mais alors que la fin du film nous paraissait déjà tracée, sous fond de « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfant », Maxime Giroux y dérègle une nouvelle fois. Achevant son récit, sur un plan des des deux personnages dans une gondole à Venise, sans que l’on puisse réellement savoir ce qu’il adviendra d’eux et de leur amour. Agaçante, frustrante, trop facile diront certain ; je dirai plutôt déroutante ou authentique, à l’image du film. A croire que les histoires d’amours impossibles restent un sujet inépuisable aux mains de talentueux réalisateurs.

« Felix et Meira », de Maxime Giroux, sortie au cinéma le 4 février 2015. Durée, 1h45.




Au Nord-Mali, la terrifiante poésie du monde

Copyright : Le Pacte
Copyright : Le Pacte

« Timbuktu » a été présenté en compétition officielle au dernier Festival de Cannes. Ce long-métrage, quasi documentaire, retrace l’occupation du nord du Mali par des djihadistes en 2012. Une fiction poétique et politique réalisée par le Mauritanien, Abderrahamane Sissako, injustement repartit de la Croisette dans une grande discrétion.

Né d’un fait-divers — la lapidation d’un couple dans le nord du Mali — Timbuktu est un de ces films investis d’une mission : montrer ce qui passe inaperçu aux yeux du monde. Une population prise en otage, des hommes, des femmes, des enfants opprimés, humiliés, captifs, dans un village dirigé par les extrémistes où les interdictions se multiplient. Interdiction de jouer au football, de fumer, de chanter ou d’écouter de la musique, interdiction de trainer dans les rues…

Tour à tour, le film est émouvant, brutal, étonnant sans jamais tomber dans le spectaculaire ou les clichés. L’histoire se contente de nous porter lentement à travers des paysages (le soleil couchant sur le fleuve Niger, les dunes de sable), des personnages (un berger et sa famille installés à l’écart du village pour échapper à l’emprise djihadiste, une sorcière qui erre dans les rues un coq perché sur son épaule). Sissako nous ravit d’une belle mise en scène, très pudique, variant plans larges et concentrés qui donnent à ses propos toute leur intensité.

Mais derrière cette beauté, il y a la terreur. La terreur d’une population perpétuellement menacée, telle cette femme forcée à porter des gants pour vendre son poisson sur le marché ou cet homme à qui l’on oblige de retrousser son pantalon. Les mariages forcés, les coups de fouet et les lapidations, autant de scènes filmées représentant le terrible quotidien de ces habitants. Il y a cette jeune fille qui pleure, promise à un homme dont elle ne veut pas, il y a cette femme qui hurle sous les coups pour avoir chanté la nuit dernière et puis ce berger, Kidane, dont on suit le chemin jusqu’à sa mort, l’apothéose du film.

Le sujet violent n’est pas abordé sans humour. On se surprend parfois à rire de l’absurdité de certaines situations (les cours de conduites improvisés entre deux djihadistes par exemple). C’est globalement la représentation de ces djihadistes comme des hommes aveuglés par le fanatisme qui nous prête à sourire, eux-mêmes n’étant pas convaincus de leur propre engagement. L’autre élément humoristique du film, c’est la multitude des langues, qui vont créer des scènes de communications impossibles et ajouter un caractère ridicule aux échanges humains. Malgré ces touches perçantes, « Timbuktu » demeure surtout un film révélateur, beau et nécessaire.

Timbuktu, de Abderrahamane Sissako, sortie au cinéma le 10 décembre 2014. Durée, 1h37.




Delanoë, la libération… Enfin ?

Delanoë

Yves Jeuland nous a habitués à mettre son service au talent de la politique française [1. Il a réalisé, entre autres, « Camarades, il était une fois les communistes français » (2004), « Un village en campagne » (2008), « Le Président » (2010). Ce dernier porte sur la campagne de Georges Frêche pour conquérir la région Languedoc-Roussillon.], la livrant telle qu’elle est aux yeux du spectateur, souvent cruelle et manipulatrice. Avec « Delanoë libéré », c’est un autre exercice auquel se consacre le réalisateur, puis qu’ici, il se donne une place (corps et voix) au casting. Il est installé avec Bertrand Delanoë dans un studio de tournage (bien que toujours de dos), et c’est lui qui mène l’entretien avec celui qui, en mars 2014, portera le titre (honorifique!) d’ancien maire de Paris.

Le contexte est intéressant : le maire socialiste (le premier à Paris depuis 1 siècle !) ne se présentera pas à sa succession [2. La candidate du Parti Socialiste est une « lieutenant » de Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo.], il est « libéré » d’engagements futurs et peu donc dresser une sorte de bilan. Une « sorte », car ce n’est pas un bilan politique qu’il faut s’attendre à voir ici, encore moins un bilan de mandat. Quel intérêt à dresser ce dernier pour soi-même si ce n’est pas pour être réélu ? C’est donc un bilan humain qui s’écrit pendant ce film, comme le récit d’une vie, d’un homme, de ses souvenirs, avant son retrait de la vie publique.

Jeuland n’en est pas à son premier documentaire où Delanoë a un rôle important. Il y a douze ans, il tournait un film baptisé « Paris à tout prix ». Diffusé en deux épisode sur Canal+, il montrait tout de la bataille que les candidats se livraient entre eux pour l’Hôtel de Ville. Ce documentaire s’arrête sur la proclamation des résultats. La caméra était restée à l’entrée, elle a attendu patiemment la sortie. C’est d’ailleurs avec plusieurs images de ce premier documentaire que s’ouvre « Delanoë libéré ».

Filmé de trois-quarts on voit monsieur le maire regarder les images, on profite ainsi de ses réactions. Il donne l’apparence d’un homme simple, au regard fatigué, sans être agacé, qui est assis face à nous. Fait rare pour un homme politique : il s’exprime en bon français, dans cette voix grave de fumeur de cigarillos couronnée d’une légère intonation de dandy, que même l’auditeur occasionnel lui connaît. On le voit en ami de Lionel Jospin, admirateur de Gaston Defferre, inséparable de Dalida… Cette dernière qui l’accompagnait dans les rues du 18e arrondissement au soir de sa première élection en tant que député pour fêter la victoire en 1981.

C’est un vieux combattant qui porte maintenant un regard façonné par la maturité et l’expérience sur sa propre vie. Une naissance à Bizerte en Tunisie, son mai 68 à Rodez, sa montée à Paris quand il avait 24 ans et les engagements menés alors. Il parle des leçons données par ses parents, qui n’ont pas connu son ascension brillante. L’occasion pour lui de revenir sur l’un de ses grands combats face à lui-même : contre l’orgueil, un vieux démon dont il donne l’image de s’être complètement libéré aujourd’hui. Il commente aussi son coming-out, réalisé à fin des années quatre-vingt dix et se félicite du fait qu’aujourd’hui « le maire de Paris soit homosexuel, et que tout le monde s’en foute ! ». Il assume son célibat, ou plutôt, sa liberté encore une fois, confessant que jamais « [il] ne veut se priver d’une affection naissante ». La liberté, véritable luxe de cet homme sans téléphone portable, peut-être…

Il y a aussi une certaines douleur et peut-être un peu de regret quand il revient sur ses échecs internes du parti Socialiste. Fataliste, il commente : « c’est que cela ne devait pas arriver ». Douleur également, mais philosophie aussi, quand il repense à la tentative d’assassinat dont il a été victime à l’Hôtel de Ville ce samedi soir de 2002, lors de la première édition des Nuits Blanches, il dira qu’il « se peut que cela [lui] ai apporté un peu de sagesse ».

Enfin, la question de savoir, pourquoi il s’arrête là ? Alors qu’il aurait tout a fait pu être réélu si cela l’avait intéressé ? [3. Bertrand Delanoë avait annoncé dès son élection qu’il n’exercerai que deux mandats à la tête de Paris.] Delanoë répond qu’il a « admiré deux grands maires : Defferre et Chaban-Delmas, et que ces deux ont fait quelques mandats de trop ». Il préfère donc penser à l’après mars 2014, imaginant sa vie entre « voyages, plage et copains », sans pour autant écarter toute possibilité de responsabilité politique, disant en substance que si on lui confiait une « mission », il ne la refuserait peut-être pas…

Comme à son habitude, Yves Jeuland et son équipe ont le génie pour faire voir l’humanité dans le héros et comment celui-ci arrive, d’une certaine manière, à nous le faire aimer. Ils construisent une histoire autour de ce sujet qui ne semble pas forcément évident au départ. Et pourtant, on comprend tout. On s’intéresse à chaque minute du film même si on ne connaît pas grand chose de l’homme au départ [4. C’est le cas de l’auteur de cet article.]. Le mélange entre images d’archives, interview et clins d’œil musicaux (chers à Jeuland) donne un bel équilibre à l’ensemble, on ne relève pas de longueurs ou de détail qui viendrait en gâcher l’harmonie.

Ce documentaire mérite l’attention du spectateur amateur ou non de jeux de pouvoirs. Il offre l’image intéressante d’un homme politique peut-être un peu plus vrai que les autres ? Assurément vrai, car (volontairement) libéré !

« Delanoë libéré » sera diffusé le 18 octobre sur France 3 à 23h10




Jeudi – Buffalo’66: sans fards, sans cul, sans praline

 

Looser, frustré de l’amour

Rencontre paumée qui s’emmerde

L’ex taulard kidnappe l’ inconnue pour qu’elle lui serve d’alibi.

Mais d’abord, il a une furieuse envie de pisser.

 

Le  premier long métrage du touche à tout Vincent Gallo, sorti en 1999: de l’amour brut, sans fards, sans cul mais sans praline.

 A voir, revoir, partager.


Buffalo’66 bande annonce VOSTFR Vincent Gallo par Cinetrafic




Qui veut adopter Mélanie Laurent?

Depuis une dizaine d’années, Mélanie Laurent retient l’attention d’un public tantôt charmé, tantôt exaspéré, sur scène ou devant la caméra. Ces derniers temps, ses apparitions se sont diversifiées. Après  un album concocté par Damien Rice et Joel Shearer (sur lequel, on ne se prononce pas), un discours remarqué pour l’ouverture du festival de Cannes (sur lequel on ne se prononce toujours pas), Mélanie Laurent réalise son premier film. Il sort en salle demain.

 

L’histoire est simple. Une famille unie voit son fragile équilibre exploser le jour où Marine (Marie Denarnaud) tombe amoureuse d’Alex (Denis Ménochet). Si Millie, la mère (Clémentine Célarié) approuve cette rencontre, Lisa, la sœur (Mélanie Laurent) se sent délaissée. Il faut dire que des hommes, il n’y en avait pas beaucoup dans leur histoire jusqu’à présent. Mélanie Laurent incarne la mère d’un petit Léo, cinq ans, qui refuse catégoriquement de voir quiconque s’approcher de sa tribu. Petit courant d’air avant la tempête. La belle amoureuse se fait faucher par une voiture et tombe dans le coma. Commence alors un long travail de deuil qui vise à accepter qu’une personne adoptée tire sa révérence tandis que d’autres se font une place au sein de la famille au pire moment.

Conseil d’ami. Tout ce qu’elle touche, Mélanie Laurent le marque de son sceau. Dans son film, elle est partout. On la sent dans les personnages, on l’entend dans les discours, on la voit dans le cadre de la caméra. Elle se décline sous toutes ses formes jusque sur le papier peint. Omniprésente. Alors si vous l’aimiez, Mélanie Laurent, adoptez-la. Vous ne serez pas déçus. Mais les sceptiques, abstenez-vous.

 

Bande annonce du film :




Une séparation


Tout semble avoir été dit sur le chef d’œuvre iranien. La critique est unanime. On applaudit le réalisateur Asghar Farhadi, la performance de Leila Hatami, on salue un scénario finement tissé, des personnages miroirs sans teint d’une société iranienne peu connue. Tout est dit et pourtant, on ne peut s’empêcher d’en reparler…

 

Peut-être parce qu’on nous a laissé choisir, sans matraquage publicitaire, d’aller voir ce secret  qui se passe de bouches en oreilles ?

Peut-être parce que le film déroute par son ambivalente complexité simple ?

Sûrement parce que le film reste dans un coin de la tête comme une triste ritournelle dont les quelques accords restant en éternelle redéfinition, questionnent.


La première scène du film s’ouvre sur un couple côte à côte et pourtant si lointain. Le juge est pris à parti, chacun semble attendre que l’autre recouvre la raison grâce à son intervention mais la mésentente ne trouve pas d’issue. Elle veut partir, lui veut rester. Une longue séparation commence.

La séparation d’un couple, d’un ici et d’un là-bas, d’un fœtus et de sa mère, d’une fille et de son père, de deux couples que tout oppose, de deux Iran roulant à allure différente.

D’une rive, le couple central qui reflète un Iran moderne où chaque individu préserve une existence qui lui est propre, où l’identité duale n’a pas pris le dessus, et où le divorce n’est pas un tabou. Nader, père de famille aimant et fils fidèle à son père malade d’Alzheimer. Simin, femme active, réfléchie, que la détermination a rendue froide, mais belle et libre. Leur fille, une adolescente sage et studieuse qui refuse de faire un choix entre les deux parents. Ils évoluent dans une maison confortable. Pourtant, la lumière traversant les pièces ne suffit pas à unir ces êtres. Elle appelle vers des envies d’ailleurs qui divisent.

De l’autre berge, le couple iranien plus attendu peut-être, celui de Razieh et son mari, où l’homme, pilier central en voie d’effritement, repose sans jamais l’admettre sur les initiatives secrètes de son épouse dissimulée derrière un tchador protecteur.


Bande annonce 



Simin décide de tenter le coup: elle part vivre chez sa mère pour essayer de faire changer d’avis Nader, attendant sans suite qu’il vienne l’implorer de revenir. Nader s’obstine: il y arrivera tout seul. Il engage alors Razieh, afin de s’occuper de son père malade. Celle-ci accepte, accompagnée de sa petite fille, mais ne dit rien à son mari, un homme impulsif et instable.
Quand Nader retrouve son père tombé aux pieds du lit, laissé seul sans surveillance, il renvoie Razieh brutalement sous l’effet de la colère. Celle-ci, enceinte fait une fausse-couche. Relation de causes à effets ? Coïncidence ? Mensonges ? Victimes ? Coupables ? Vérités ? Tout se mélange…


Les deux couples se retrouvent alors pris dans une bataille judiciaire acharnée lors de laquelle les sentiments des uns et des autres s’entremêlent. Aidés par les traditions, la religion, l’honneur, la vérité, l’obsession, les dominos s’écroulent et les évènements s’enchevêtrent vers une issue de plus en plus incertaine. La religion justement, présente à travers un jeu de voiles croisés et cette scène surprenante. Face à l’homme incontinent, Razieh ne sait pas comment réagir. Doit elle laver le vieillard au risque de toucher à son intimité ? Sa religion le lui autorise t-elle? Elle compose un numéro de téléphone où un savant religieux disponible 24h/24h répond à sa question. Duale, la religion. Ridicule et perverse en motrice de tout cet imbroglio mais aussi gardienne d’une issue favorable quand le doute s’installe et que les pêchés proposent de s’échanger….


Peut-être qu’ Une séparation fait couler autant d’encre car il s’adresse au monde, rapprochant cet Iran trop longtemps resté lointain. 


Le film a joué les prolongations dans les salles. Où voir Une séparation




Les singeries d’Oncle Boonmee …

Affiche du film

Week-end / Paris / Multiplexe / Oncle Boonmee (trouvez l’erreur!)


Le premier plan ne trompe pas : la jungle, la nuit, une vache, un lien qui cède, cette vache qui s’enfuit. Elle est rapidement rattrapée par son maître qui la ramène docilement à son attache. Vous venez de vivre les cinq premières minutes d’Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures), le dernier film du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, récompensé par la Palme d’Or lors du dernier Festival de Cannes.


Et avec cette scène, vous ne vous doutez pas que c’est l’un des moments les plus impressionnants des deux heures qui vous attendent que vous venez de laisser filer, sans même en profiter, sans même vous en délecter, sans même en garder une empreinte fraîche et nette dans votre esprit, juste « au cas où ».


Au cas où … au cas où … hélas le cas est là. Vous venez d’embarquer pour deux heures de cinéma thaïlandais, en bonne et due forme. Les plans durent, mais ne sont pas fixes. Le spectateur, lui, essaie de fixer, mais c’est dur.

L’histoire est somme toute banale : un homme, à l’article de la mort, se remémore ses vies antérieures. Il se revoit ainsi en poisson-chat violeur de princesse, puis retrouve sa femme morte des années auparavant et son fils, devenu entre-temps grand singe et hantant les forêts avoisinantes.


La vie de M. Tout-le-Monde non ?




Le cinéma thaïlandais nous a habitués à ses longs plans, figurant des espaces, des images, des situations, des non-dits, des rêves, des mots, des vœux. Il fait peu de cas de la vie humaine, de ces enveloppes corporelles tellement éphémères, lieux de transit d’une vie à une autre. Le sens est au-delà, dans la nature, dans l’unité du monde, dans l’esprit du monde et l’esprit des créatures, de toutes les créatures du monde.


Et dans ce domaine, Apichatpong Weerasethakul excelle. Il laisse le spectateur dans un état de rêverie, de méditation devant tant de sens, et tant de doutes. Les acteurs qu’il dirige font corps avec leur destin, leur histoire personnelle, leurs aspirations. Et dès les premières minutes du film, ce ne sont plus des acteurs, mais des hommes et des femmes dont il filme l’histoire, les relations, les croyances, les faiblesses, mais également les forces, l’amour, la joie de vivre, la volonté de vivre, de vivre chez eux, de vivre ensemble.




Alors, finalement, cette Palme d’Or était méritée ?


Méritée pour la justesse des personnages, l’évidence du propos, la force communiquée au spectateur.


Mais hélas, je crains que cela ne suffise pas. Que le réalisateur ait choisi un passage creux de son film pour y faire défiler un diaporama de photos, passe encore. Mais qu’apparaisse sur ces photos, tout comme il apparaît dans le film, un grand singe noir… Ou plutôt que grand singe noir, lisez, un homme vêtu d’un costume de grand singe noir, orné de lentilles fluorescentes rouges (attention, spoiler si vous lisez ce passage). Cette apparition d’une sorte de Chewbacca d’art et d’essai, dont l’authenticité nous rappelle la qualité des effets spéciaux de La Soupe aux Choux et autres Fantomas, passe pour gadget, loufoquerie, absurdité.


Qu’a voulu signifier le Jury du Festival de Cannes par le choix d’Oncle Boonmee pour recevoir la Palme d’Or ? Que lui seul est expert dans cet art ? Que ses décisions ne peuvent être comprises du grand public ? (Une dizaine de personnes quittant la salle … et n’en revenant pas … ce n’était donc pas la faute des toilettes du cinéma !)



Ou tout simplement que le réalisateur de La planète des Singes a cru reconnaître un de ses personnages dans un film thaïlandais et qu’il a souhaité en remercier le réalisateur ?






Oncle Boonmee (celui qui se souvenait de ses vies antérieures), d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande), actuellement au cinéma.

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