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[Exposition] « Lee Ungno » : un rêve de liberté à l’encre calligraphiée

Deux oiseaux, 1978, encre sur papier, 42,2 x 33 cm. © Alexandra Llaurency / Musée Cernuschi / Roger-Viollet – Adagp, Paris 2017.

Fort de ses liens avec la création plastique coréenne contemporaine, le musée Cernuschi dédie sa nouvelle exposition à l’artiste Lee Ungno (1904-1989). Considéré comme l’un des peintres asiatiques les plus importants du XXème siècle, son œuvre exprime une quête libertaire façonnée par les bouleversements politiques de son époque et résonnant des cris d’un peuple opprimé. Ancien prisonnier politique sous le mandat de Park Chung-hee, c’est toute la démocratie coréenne naissante qui s’incarne à travers ses encres calligraphiées et ses compositions abstraites, où se décline le motif symbolique des foules. En 1959, Lee Ungno s’établit en France et fonde quelques années plus tard, l’Académie de peinture orientale abritée par le musée Cernuschi ; durant sa carrière, il ne cessera d’explorer les liens entre l’Extrême-Orient et l’Europe, fréquentant des artistes occidentaux tels Hans Hartung ou Pierre Soulages. Ici, une sélection de 82 œuvres parmi les collections du musée, compose cette rétrospective où le travail académique de Lee Ungno côtoie ses créations plus intimes entre figuration et abstraction. Alors, l’émotion se mêle à la richesse du propos, promesse d’un songe où la liberté s’esquisse à l’encre calligraphiée.

Calligraphie (Longévité), 1983, encre sur papier, 137,8 x 71,5 cm. © Musée Cernuschi / Roger-Viollet – Adagp, Paris 2017.

Durant les années 1920-1930, la production de Lee Ungno se situe dans une veine traditionnelle qui lui assure ses premiers succès, exerçant même dans le domaine publicitaire en tant que concepteur d’affiches. Pourtant, la domination des autorités coloniales japonaises tend à bouleverser le paysage culturel coréen, incitant les artistes à se familiariser avec un nouveau vocabulaire. La nécessité d’étudier les pays occidentaux afin d’être en mesure de leur résister se dessine en filigrane : les mutations artistiques du Japon entre modernité et tradition – notamment durant l’ère Meiji, en sont le symbole. A partir de 1937, Lee Ungno teinte donc son langage plastique de nouvelles influences, empruntées tant aux courants européens qu’au nihonga, mouvement réformateur de l’art japonais.

Mais en 1945, la libération de la Corée amorce une rupture esthétique dans le travail de l’artiste : ses expérimentations sur la couleur, la matière et les textures portent la marque d’une société coréenne bouleversée, éreintée par les conflits sociaux et dont l’avant-garde artistique dépeint désormais la douleur. L’espace muséal, paré de tonalités rouge et de noir, restitue avec justesse cette atmosphère saturée d’une sourde violence. Dès lors, la confrontation de Lee Ungno avec les courants abstraits européens amorce un tournant, dont son installation définitive en France signe l’aboutissement.

Composition, 1979, couleurs sur papier, 41,3 x 70,5 cm. © Musée Cernuschi / Roger-Viollet – Adagp, Paris 2017.

En 1964, il fonde l’Académie de peinture orientale de Paris, véritable trait d’union artistique et intellectuel entre les mouvements occidentaux et asiatiques. L’artiste coréen y prodigue ses enseignements en tant que professeur ; il privilégie la liberté personnelle de ses élèves et le développement de leur propre vocabulaire plastique, rejetant ainsi l’usage de la copie. L’Académie devient au fil des ans, un lieu de dialogue franco-coréen qui se perpétue après la mort de son créateur en 1989.

Foule, 1983, encre sur papier, 96,6 x 33 cm. © Musée Cernuschi / Roger-Viollet-Adagp, Paris 2017.

Très attaché à sa culture coréenne d’origine, Lee Ungno réalise de nombreuses calligraphies et encres sur papier inspirées de la tradition lettrée. La plasticité et l’expressivité de ses motifs qui confinent à l’abstraction, deviennent pour l’artiste une source de créativité libérée de ses carcans formels. Ainsi, la spontanéité du trait prime parfois sur la lisibilité des caractères. Pour autant, Lee Ungno ne se détourne pas totalement des valeurs esthétiques et morales de la peinture traditionnelle ; elles s’incarnent dans des compositions où se déploient de majestueux bambous, signes contestataires de la vertu face à l’oppression du pouvoir.

Poignantes et subtilement mises en valeur par une muséographie épurée, ces œuvres où la poésie s’allie à la vindicte militante, portent les stigmates de son incarcération en tant que prisonnier politique. Détenu de 1967 à 1969, Lee Ungno préserve sa liberté créatrice et s’adapte aux conditions pénitentiaires, faisant ainsi évoluer sa pratique artistique. Morceaux de cartons, papiers et bouts de cordes, investissent désormais la toile dans des compositions abstraites aux formes cernées d’épais contours.

Ainsi, le motif particulier de ces foules humaines saturant l’espace pictural, découle des abstractions calligraphiques réalisées en prison. Ces silhouettes, dont la pureté géométrique annihile la complexité des formes, évoquent par leur multiplication des danses ou rituels collectifs. Mais la colère gronde encore en Corée et le soulèvement populaire de la ville de Gwangju en mai 1980, suscite une farouche répression des autorités. L’art de Lee Ungno se pare une nouvelle fois de contestation politique : ses foules démesurées appellent de leurs vœux, l’émergence d’une ère progressiste et démocratique.

Sans titre (détail), 1987, encre sur papier © Musée Cernuschi /Roger-Viollet – Adagp, Paris 2017.

Le parcours s’achève avec émoi sur ces individus massés, emblèmes d’une société unie contre la violence d’un état totalitaire. La conclusion ne pourrait être plus tranchante ; ces foules hypnotisantes matérialisent par leur élan vital, un rêve de liberté réalisé au prix de nombreuses existences et menant à la démocratisation de la société sud-coréenne. Ainsi en est-il de ce tiraillement qui affleure dans l’esthétique de Lee Ungno, où les préoccupations politiques grondent sous la poésie plastique et dont les idéaux, à l’encre dessinés, ne sauraient se diluer.

Thaïs Bihour

 « Lee Ungno, l’homme des foules » – L’exposition se tient jusqu’au 19 novembre 2017 au musée Cernuschi. Plus d’informations sur http://www.cernuschi.paris.fr/




[Théâtre] Avignon/IN : L’Antigone japonaise de Satoshi Miyagi

Photo : Christophe Raynaud de Lage

Après son Mahabharata monté il y a trois ans à la carrière de Boulbon, Satoshi Miyagi ouvre le 71e Festival d’Avignon dans la Cour d’honneur avec Antigone version japonaise. Pour son spectacle, il fait disparaître toute la scène sous l’eau, et nous immerge dans la tragédie grecque par le biais du théâtre traditionnel japonais pour un beau – mais peut-être trop long – moment de contemplation.

Tout le monde ou presque a déjà vu Antigone, ou bien en connaît au moins les tenants et les aboutissants si bien que dès le début du spectacle Satoshi Miyagi nous surprend en se jouant de la connaissance partielle que nous avons de cette pièce. Les dix premières minutes sont en effet consacrées à un résumé en français de la tragédie de Sophocle avec un humour ravageur, tant le français semble être difficile à parler pour la troupe japonaise. Sur le miroir d’eau, le préambule comique passé, les comédiens tels des silhouettes fantomatiques blanches ondulent, jouent et miment la pièce. Le metteur en scène a en fait dédoublé certains personnages comme Antigone, Ismène ou Créon de sorte que l’un conte la fable tourné et figé vers nous, tandis que l’autre mime la scène dont les mouvements sont projetés sur le Palais des Papes dans un jeu d’ombres envoûtant.

Photo : Christophe Raynaud de Lage

Du début à la fin, la mise en scène de Satoshi Miyagi est parfaitement orchestrée, tous les gestes très lents des comédiens concourent à la création d’une ambiance très zen, très chorégraphiée tant les rituels sont dansés. Que ce soit Antigone fardée d’une perruque blonde perchée sur un rocher massif jouant les scènes avec grâce, ou tous les comédiens formant un cercle processionnel hypnotique, la démesure du lieu, du miroir d’eau et des ombres se heurtent à une quiétude remarquable mais qui finit par provoquer de l’ennui. Cette Antigone marquée par le bouddhisme japonais est surtout un spectacle contemplatif pour nous public occidental. Souvent, certains mouvements sont si codifiés que nous sommes relégués à la contemplation de ce que nous trouvons beau sans vraiment savoir pourquoi. Si le théâtre d’ombres voulu par le metteur en scène est spectaculaire, il reste néanmoins figé et certaines scènes s’étirent trop en longueur.

Heureusement pour le public, la méditation poétique à laquelle il est convié est accompagnée de la musique pensée par Hiroko Tanakawa. Ce dernier a composé une partition répétitive, faite de percussions très marquantes dont on ne se lasse pas. De fait, cette Antigone montée avec beaucoup de soin et de grandeur nous impressionne mais reste trop hermétique à son public pour qui la simple contemplation, aussi agréable soit-elle, ne peut suffire quand elle ne dit rien de percutant sur la situation du monde actuel.

Antigone, de Sophocle, mise en scène Satoshi Miyagi, Spectacle en japonais surtitré en français, Cour d’honneur du Palais des Papes, Festival d’Avignon – Du 6 au 12 juillet, relâche le 9 à 22h. Durée : 1h35. Pour plus d’informations : http://www.festival-avignon.com/fr/spectacles/2017/antigone




Avignon IN 2016 « ¿ Qué haré yo con esta espada ? » : Angélica Liddell vagin du monde

Photo : Christophe Raynaud de Lage
Photo : Christophe Raynaud de Lage

Appréciée, détestée, fascinante, révoltante, telle est la rengaine depuis qu’Angelica Liddell a présenté La Casa de la Fuerza au Festival d’Avignon en 2010. Depuis, chaque année la performeuse, auteure, metteure en scène revient avec un nouveau spectacle et suscite toujours les mêmes réactions face à un public souvent fidèle mais divisé, il y a ceux qui partent, et ceux qui restent, les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers : mais tous reviennent. Avec des spectacles marquants comme Todo el cielo sobre la tierra en 2013 qui ont achevé de propulser l’espagnole sur la scène théâtrale européenne, avec son nouveau spectacle ¿ Qué haré yo con esta espada ? (aproximación a la ley y al problema de la bellaza), la réputation d’Angélica Liddell n’est plus à faire, mais à défaire.

Depuis ses premières créations, la performeuse s’est construit un personnage unique et a une mainmise complète sur ses spectacles, elle y est toujours la scénographe, la metteure en scène et s’y octroie les monologues les plus longs pour une présence scénique remarquée. Cette année encore et sans surprise, les ingrédients sont les mêmes, Angélica Liddell est partout, elle parle d’elle et s’inflige tout le mal du monde après s’en être rendue responsable. Dès les premières minutes de sa nouvelle création, un premier homme traverse la scène faisant apparaître son sexe, vient ensuite l’espagnole qui, allongée sur une table d’autopsie écarte les jambes et nous montre fièrement son vagin, puis huit jeunes filles entrent sur scène, se déshabillent et se frottent à des poulpes morts… etc. Rien de nouveau, Angélica Liddell semble sans limites et se dit « sublime transgression », tout l’appareil argumentaire de la performeuse s’est pourtant bien essoufflé.

Dans ¿ Qué haré yo con esta espada ? elle évoque en trois parties le cannibalisme d’Issey Sagawa qui en 1981 avait mangé une étudiante néerlandaise, et les attentats du 13 novembre 2015 qui ont eu lieu à Paris. Dans une approche qui est celle déjà expérimentée dans Todo el cielo sobre la tierra en 2013 où elle traitait de la tuerie d’Utoya du point de vue de Breivik responsable de la mort de 77 personnes et du double de blessés, elle prend à nouveau le rôle du responsable, du tueur, du cannibale et de l’horreur. En sorcière autoproclamée sous nos yeux, sans pudeur ni morale, Angélica Liddell se dit responsable des attentats du 13 novembre pour la raison simpliste qu’au moment du massacre du Bataclan elle était elle-même à Paris, en train de jouer Primera Carta de San Pablo a los Corintios sur la scène de l’Odéon. D’après elle, le drap rouge qui recouvrait alors la scène est le symbole qu’une transsubstantiation mégalomane a eu lieu, appelant le sang, elle a attiré le mal sur Paris. Sur scène, l’espagnole paraît délirer dans des monologues interminables au narcissisme à peine soutenable, ce qui autrefois la rendait fascinante a désormais l’air d’une avant-garde dépassée. Toute la provocation cathartique qu’Angélica Liddell employait si bien se réduit désormais à un discours creux faisant l’apologie de la violence, notamment lorsqu’un des acteurs japonais se met à déclamer toutes les horreurs qu’Issey Sagawa fit subir à sa victime en la dévorant.

Dans son nouveau spectacle, la performeuse semble abuser de sa réputation pour un discours autocentré sur des questions habituellement mieux questionnées comme l’enfantement, le rapport à la mère, la libération sexuelle et l’acceptation de nos névroses. Élue du mal, sous nos yeux et se donnant en pâture au monde, elle dit rêver d’être baisée une fois morte et de se faire remplir de sperme une fois en entrée en état de décomposition. Ce type de discours exacerbé sur le sexe, non seulement est facilement provoquant, mais surtout, il désert voire contamine le féminisme. Là où l’espagnole savait créer des images esthétiques, le résultat est à la limite de l’obscénité. Il faut toutefois lui reconnaître des références toujours plus érudites empruntées à l’histoire de l’art, ce qui donne lieu à des tableaux vivants hypnotiques appuyés par de sublimes choix musicaux. On pense notamment aux danses et contorsions des jeunes filles nues qui semblent recréer une ambiance propre aux œuvres de Jérôme Bosch. Références bibliques et érudites certes, mais l’impeccable scénographie d’Angélica Liddell ne pallie en rien au discours narcissique de l’espagnole convaincue que l’horreur a besoin de notre amour. Affirmant que l’essence de l’être humain est le vide, on ne peut s’empêcher de vouloir lui rétorquer la même sentence appliquée à son spectacle. Que Lucifer continue à lui apporter le soleil, de tels talents plastiques sous-exploités par la nécessité de produire un spectacle par an sans aller au-delà de la provocation gratuite et égocentrique gagneraient à être mis au service de textes coup de poing comme ceux d’une Virginie Despentes, ainsi, les images créées par la metteure en scène serviraient un théâtre réellement militant dont notre société actuelle a grand besoin. Qu’à cela ne tienne, notre rôle n’est pas de dicter de façon presque dogmatique ce que le théâtre devrait mettre en scène.

Si le but de la prestation de la performeuse était de vider les gradins lui faisant face de son public jugé imbécile, en ce qui nous concerne et en dehors de toute implication prophétique d’une Angélica Liddell reine du chaos et annonciatrice du déluge, le mistral gelé s’en est chargé à sa place avant la troisième partie.

¿ Qué haré yo con esta espada ? (aproximación a la ley y al problema de la bellaza), texte, mise en scène, scénographie et costumes d’Angélica Liddell, avec Victoria Aime, Louise Arcangioli, Alain Bressand, Paola Cabello Schoenmakers, Sarah Cabello Schoenmakers, Lola Cordón, Marie Delgado Trujillo, Greta García, Masanori Kikuzawa, Angélica Liddell, Gumersindo Puche, Estíbaliz Racionero Balsera, Ichiro Sugae, Kazan Tachimoto, Irie Taira, Lucía Yenes et Stella Höttler. Et le chœur Clara Penalva, Clémence Millet-Cayla, Julie Roset, Raphaël Vaivre et Adrien Djouadou.

Festival d’Avignon, Cloître des Carmes, 84000 Avignon, jusqu’au 13 juillet, 22h, durée 4h15.

Tournée : 12 et 13 septembre 2016 au Festival Mirada à Santos (Brésil).




Avignon 2016 : « Fukushima, terre des cerisiers », cataclysme poétique

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Le 11 mars 2011 à 14h46 le plus important séisme mesuré au Japon suivi de près par un tsunami a lieu, causant entre autre l’arrêt des systèmes de refroidissement de la centrale nucléaire de Fukushima. Tenant compte des rejets radioactifs, l’accident nucléaire est le plus grave près de quarante ans après Tchernobyl. Alors que cette année 2016 est marquée par l’anniversaire de l’accident nucléaire Ukrainien dont le théâtre s’est emparé, notamment sur base des écrits de Svetlana Alexievitch, c’est au tour de Fukushima d’irradier les planches.

Plus que du théâtre documentaire. Dans « Fukushima, terre des cerisier », seule en scène, Brigitte Mounier entend certes informer et impulser un processus mémoriel sans renoncer à la poésie. En ne faisant pas du théâtre un lieu seulement voué à condamner un passé regrettable, l’actrice et metteure en scène esquisse le récit possible et impossible qu’il est possible de faire de Fukushima. Sur une scène dépouillée, seuls des panneaux de toile blanche et rouge coulissants font évoluer l’espace scénique destiné à recevoir le tremblement de terre, et l’actrice, témoin corporel de l’onde de choc par la chorégraphie impeccablement orchestrée qu’elle donne à voir en complément d’un déferlement de mots. Par des jeux d’ombres remarquables et un recours restreint à quelques objets significatifs comme les livres tombant du plafond pour s’écraser au sol au moment du récit du tremblement, à l’usage de la télécommande TV pour reancrer le récit dans un présent médiatique saisissant, Brigitte Mounier offre une performance délicatement menée. La douceur de ses gestes invite l’œil du spectateur à guetter l’eau du thé qui frémit et toutes ces actions quotidiennes effectuées par l’actrice pour parler tantôt du chant des oiseaux qui s’est tu, tantôt des chiffres de cet accident nucléaire devenu spectacle du monde.

Si la réflexion sur la catastrophe implique de poser des questions comme celle de la sortie du nucléaire et de la responsabilité des états dirigeants, la comédienne ne tombe jamais dans la gravité emphatique. Elle est aussi la voix des morts comme des survivants, alternant entre des mises en scène de panique sous les tables devenues revers de la vie et moments de chorégraphie de l’onde de choc, l’une des scènes les plus saisissantes de ce spectacle reste le moment d’immersion dans l’eau. Derrière l’un des panneaux se cache un aquarium radioactif, tout illuminé de lumière verte d’où des débris, comme un petit ours en peluche, s’échappent et coulent en une danse macabre. Intégralement plongée dans ce volume d’eau macabre, durant de longues minutes la comédienne d’abord coule comme ces corps emportés par la vague, ensuite se débat et se met à danser pour un moment hypnotique poignant qui va bien au-delà de tous ce que les mots.

Tout en sobriété, ce seul en scène sert un théâtre engagé qui n’oublie pas, et rappelle qu’au Japon et pour le monde, la catastrophe ne fait que commencer. La dictature du nucléaire y est admirablement dénoncée, parfois tournée en dérision, et questionnée. Si le dernier volet du spectacle aurait gagné à être davantage dynamisé par la danse, le résultat reste poétique et émouvant. Qu’adviendra-t-il de ce pays victime de la bêtise humaine d’où Fukushima est mondialement devenu le plutonium du peuple ? Qu’en est-il des océans et répercussions climatique préoccupantes comme les fissurations massives de l’Antarctique ?

Alors que le monde est en quête de réponses, à raison les cerisiers eux, sont en fleurs, indifférents à la rumeur des hommes.

Fukushima, terre des cerisiers, texte d’après « Fukushima, récit d’un désastre » de Michaël Ferrier, mise en scène Brigitte Mounier, Chorégraphie Antonia Vitti, avec Brigitte Mounier, production Compagnie des Mers du Nord/Ville de Grande-Synthe.

Festival d’Avignon, Théâtre Présence Pasteur 13, rue du Pont Trouca, 84000 Avignon, 07 82 90 08 21, jusqu’au 30 juillet, relâches les 9, 11 et 25, 14h, durée 1h10.




Cave manga ! Thermae Romae

Mari Yamazaki, l’audacieuse mangakana est l’incarnation du veni, vedi,  vici à la mode japonaise.

Mari est venue en Europe, a étudié à Rome et a épousé un historien italien.

Mari a vu, observé et étudié le rapport des Romains de la grande époque à l’eau.

Mari a vaincu, le monde entier, avec un manga atypique : un romain de l’époque d’Hadrien qui s’inspire du Japon actuel pour innover en son siècle.

Lucius Modestus, architecte, modeste certes mais peu imaginatif, vit dans l’Antiquité dans la capitale de l’Empire Romain. Par le biais d’une faille temporelle , il rencontre des nippons d’aujourd’hui et se découvre une passion commune avec ceux qu’il appelle « les visages plats ». Cette passion ou plutôt cet art de vivre très codifié est celui des thermes. Cures, bains et autre ablutions tout y passe et on découvre autant les Romains que les Japonais dans un mélange curieux de science-fiction et d’hyperréalisme.

Un pont curieux entre deux civilisations croquées avec précision, délice et humour. 5 millions d’exemplaires vendus, c’est à en perdre son latin, non ?

La série Thermae Romae se décompose en 6 petits opus parus chez Casterman dans la collection Sakka, ils sont à grignoter de droite à gauche mais en français!