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L’amour rend aveugle

Sofie Rimestad, Vincent Macaigne / D.R.
Sofie Rimestad, Vincent Macaigne / D.R.

Le mythe du rêve Américain ne s’applique pas à l’amour. Ce n’est sans doute pas ce que pensait Vincent, en traversant le Pacifique pour rejoindre sa belle : Barbara.

Dans un New York grisonnant, bien loin des posters de salon à la mode, le temps semble figé. Vincent (Vincent Macaigne) est venu rejoindre la femme qu’il aime pour tenter de la reconquérir. Une démarche perdue d’avance pour Barbara (Kate Moran), qui dès le début du film, lui avoue que leur histoire est bel et bien terminée. Sourd à ces paroles, Vincent n’entend pas la laisser filer et ruse de toutes les situations pour la retrouver et la séduire à nouveau. Tombant dans un cercle obsessionnel de plus en plus inquiétant. Il l’a retrouve dans des vernissages, la suit lors de ses balades au parc, ne cesse de parler d’elle aux inconnus dans la rue… Hypnotisé et incapable de voir la beauté du monde en dehors de l’être aimé, il s’enferme dans une routine noir et cafardeuse, trainant chaque soir sa solitude dans les bars de la ville. Il relate son chagrin à qui veut bien l’écouter. Et même quand une jeune femme souriante s’attache à lui et tente de lui redonner le sourire en joignant sa solitude à la sienne, Vincent demeure toujours aveuglé.

Dans son deuxième long métrage, Armel Hostiou nous dépeint une comédie d’amour bien loin des standards habituels dans laquelle le personnage principal est, pour une fois, un être ordinaire, quoiqu’un peu dérangé, bancal. Les dialogues sont absurdes, parfois même déconcertants. Interprété par un Vincent Macaigne bien moins bon que dans « Eden », mais qui, une fois passé le mauvais jeu d’acteur parvient à nous emporter par sa tendresse. Le film nous entraine alors dans un univers mélancolique ou l’amour est à la fois salvateur et destructeur. Vincent y perd petit à petit pied.

On regrette toutefois de nombreuses longueurs. Armel Hostiou peine à garder le spectateur éveillé tant le scénario manque en force et d’attraction. Les personnages peu captivants, les scènes répétitives… Un film dont on ressort vide, sans grande émotion. Un film qui passera certainement inaperçu dans les salles, et c’est peut être mieux ainsi.

 « Une histoire américaine », d’Armel Hostiou, sortie au cinéma le 11 février 2015.




Hamlet Rock’n’Trash

Mélangez un crucifix à un préfabriqué, une enseigne lumineuse et quelques machines à café. Ajoutez-y un château gonflable, des coups de feu et une banane habillant un acteur. Secouez, et vous voilà dans l’écrin du Hamlet à la sauce Macaigne, rebaptisé pour l’occasion, « Au moins j’aurais laissé un beau cadavre ». Trois heures trente qui ne laissent pas rigide.


Dès les premières minutes, les hurlements et les insultes fusent entre Hamlet-fils et Claudius habillé du fruit cité précédemment. Oui, c’est bien une banane géante qui habille le fratricide. Ce costume et le dialogue irréel qui s’installe entre les deux hommes donnent le ton de toute la première partie : décalé, surprenant, vif, mais aussi un peu en force dans le jeu et un tantinet grossier, le texte étant parfois du Shakespeare, et à d’autres moments de l’authentique phrasé de pilier de comptoir.


Parfois, le public est interpellé, brusqué, arrosé (évitez les premiers rangs et les places côté escalier !), les images violentes fusent et servent bien certains passages de l’histoire, en particulier celui où Hamlet-fils est choqué par le remariage précipité de sa mère. Il s’en réfugie dans la tombe de son père, prend son cadavre dans ses bras, questionne le spectre paternel (ici, furet empaillé)… Bagarre, fruits qui volent, chaises que l’on casse, on voit tout. Rien n’est suggéré, et l’attention du spectateur est captée par l’excitante question : jusqu’où vont-ils aller ?


« Regarde toutes ces vieilles connes [le public], tu crois pas qu’elles ont été jeunes et belles comme toi ? » questionne Laërte à l’adresse de sa soeur. Cette phrase précède la nuit de noces érotiques entre Gertrude et Claudius, dont la couche nuptiale est la tombe du défunt frère/mari Hamlet Ier : de symboles et d’actions chocs, le spectacle foisonne. On se surprend même à sursauter et sentir d’agréables sueurs froides quand Hamlet-fils surgit une tronçonneuse à la main. Le juste milieu est trouvé, et sans jamais dépasser les limites, on se retrouve à rire, on se gausse de ce grand guignol de haute voltige dont le décalage est le mot d’ordre. Une première partie forte, violente et très drôle.


L’entracte offerte au public laisse à Hamlet le temps d’écrire « La souricière des traîtres », pour montrer à Claudius, son nouveau beau-père, qu’il connait la vérité sur le meurtre du roi.


Malheureusement, le second départ contient un peu plus de longueurs. Les acteurs semblent avoir du mal à passer de l’énergie explosive nécessaire à cette mise en scène, à la finesse requise pour certains passages du texte. Ceci a pour effet de casser le dynamisme impulsé aux débuts. Et puis ça hurle, ça ne s’arrête jamais de hurler, mais les gestes accompagnent moins cette colère. Dommage, car malgré cela, certains effets de scène sont bluffants et beaux dans le sens esthétique du terme, ils agissent comme une alternance entre de belles performances artistiques et des passages s’éternisant par un jeu d’acteur incertain.


D’après ce qu’il se dit, quelques soirs de rôdage ont aidé la troupe à trouver ses marques, et à emmener le public dans cet Hamlet qui, c’est certain, ne peut être imaginé avant d’être vu !


Après Avignon, il vous sera possible d’assister au spectacle aux endroits suivants :


2011


  • Du 2 au 11/11 au théâtre national de Chaillot (Paris)
  • Du 16 au 25/11 à la MC2:Grenoble


2012


  • Du 5 au 6/01 à la Filature / Scène nationale de Mulhouse
  • Du 11 au 12/01 à l’Hippodrome-Scène nationale de Douai
  • Du 18 au 20/01 au centre dramatique national d’Orléans/Loiret/Centre
  • Du 25 au 27/01 au Lieu unique (Nantes)
  • 8/02 au théâtres de la Ville de Luxembourg
  • Du 14 au 15/02 au Phénix / Scène nationale de Valence


Distribution


mise en scène, conception, adaptation Vincent Macaigne
scénographie Benjamin Hautin, Vincent Macaigne, Julien Peissel
concepteur son Loïc Le Roux
lumière Kelig Le Bars
artisanat Marie Ben Bachir


avec Samuel Achache, Laure Calamy, Jean-Charles Clichet, Julie Lesgages, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Pascal Rénéric, Sylvain Sounier