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Laurence Anyways – Un projet plus grand que nature

Le jour de son trentième anniversaire, Laurence (Melvil Poupaud) révèle à sa compagne, Fred (Suzanne Clément)  son désir d’être une femme. Profondément ébranlée par cette déclaration mais néanmoins amoureuse, Fred fait le choix de l’accompagner dans sa démarche avant de perdre, à son tour, son identité. Xavier Dolan, l’insolent réalisateur de ce film-fleuve brillant, nous offre à voir une décennie de déchirements où se nouent et se dénouent toutes les problématiques du changement de sexe.

Ecce homo, « Voici l’homme »…

Montréal, dans les années 1990. Laurence entame sa métamorphose. Pour le réalisateur, cette ville cosmopolite aurait dû accueillir mieux que n’importe quelle autre un projet aussi fou que changer de sexe. Réputées sans tabou, les communautés gays lesbiennes y revendiquent le droit à la différence depuis de nombreuses années. Mais tous les tabous n’ont pas le même poids. Xavier Dolan le reconnait : « Un enseignant transsexuel soulèverait l’inquiétude, l’ire de parents anxieux de voir leurs enfants tanguer vers l’anticonformisme. La personne la plus évoluée se félicite encore intérieurement de démasquer un transsexuel dans la rue, et les ghettos identitaires sont hostiles envers le troisième sexe. » Pas d’asile pour les trans. Voici l’homme, pardon la femme, fuyez.

Autre mythe qui s’effondre. N’est pas fou qui veut, n’est pas sain qui croit. Laurence Alia veut changer de sexe, certes. Mais il n’est peut-être pas le plus dingue de tous. C’est un écrivain reconnu et un enseignant apprécié. Malgré d’évidents problèmes familiaux, il s’occupe de sa mère colérique (Nathalie Baye –géniale) et de ses amis tordus. Il est patient, réfléchi et drôle. Campé par un Melvil Poupaud au sommet de son art (on ose le dire), il glisse dans sa nouvelle peau dignement. Et surtout, il aime Fred d’un amour absolu qu’une décennie de heurts ne saura pas changer. Finalement, il est peut-être le plus normal de tous : celui qui veut aimer en s’aimant. Ce qui change, c’est l’identité du couple, son image, sa résonance. Et c’est une mutation que Fred ne peut supporter. Depuis qu’ils se sont rencontrés, Laurence et elle listent les choses qui leur enlèvent beaucoup de plaisir. Perdre l’homme qu’elle aimait tel qu’elle le connaissait lui retire tout le sien. « J’ai imaginé alors ce que ça pouvait être d’avoir devant soi un ami, un parent, un compagnon qui, du jour au lendemain, revendique l’impossible, et remet en question, s’il ne l’efface pas entièrement pour certains, l’entièreté des moments vécus ensemble. » explique Xavier Dolan. Finalement, le drame n’est pas d’être né homme quand on voudrait être femme mais bien de croire que l’amour ne peut pas résister à tout.

La liste des choses qui nous procurent beaucoup de plaisir

  • Suzanne Clément a obtenu le prix de la meilleure interprétation féminine à Cannes cette année. Une récompense que Melvil Poupaud aurait largement méritée également…
  • Après J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires, le jeune réalisateur prodige de 23 ans réalise son plus beau film. Laurence Anyways a obtenu le grand prix du film romantique à Cabourg. Un petit pas pour l’homme… un grand pas pour l’humanité.

 

Réalisé par : Xavier Dolan

Avec : Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Nathalie Baye, Monia Chokri

Pays d’origine : Canada / France

Année de production : 2012

Durée : 2h39

Date de sortie : 18/07/2012

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Mardi – Quel est Mon noM? de Melvil Poupaud

Contre le ciel de traîne. Le spleen. Et la routine. I say « Melvil ». Coup de coeur de la semaine, du mois même :): « Quel est mon nom » de Melvil Poupaud, édité chez Stock.

Peut-être vous demanderez vous, – comme moi, quel est ce comédien qui offre en pâture à un tel âge ses Mémoires : est-ce un présomptueux un peu fou et /ou cynique, capitalisant sur sa belle gueule et ses connexions ou bien un artiste (un peu fou aussi), qui a eu la chance, mais surtout le talent d’avoir une vie d’une richesse crasse? La bonne réponse est évidemment la deuxième 🙂

Quel est Mon noM est un étrange objet littéraire, quelque part entre le scrapbook, le journal intime, le livre d’art et le scénario de cinéma. L’opus est taillé comme son auteur : multiple, dense, poète, créatif,… et franchement passionnant.

Melvil lives in a wonderful world. On s’attarde. On flâne. On s’émerveille. Sauf que le chapelier fou, le lièvre de Mars, la reine de coeur et le lapin blanc ont pour nom Serge Daney, Raul Ruiz, Marcello Mastroianni et Sa Majesté le 7e art et la Sainte Créativité.

Entre cartes postales, brouillons de scénar, storyboards, clichés et bouts de journal intime, Poupaud décline avec grâce son interprétation du genre autobiographique. Comment mettre en scène sa vie, ou plutôt comment faire de souvenirs une oeuvre à son image. Tout est jeu.

Si lire ce livre pousse certes à se faire illico une nuit Ruiz/Deneuve/Mastroianni/Duras (et on ira se pendre après), il donne surtout une furieuse envie… de créer.
Et rien que pour ça…

Quel est Mon noM ?, Melvil Poupaud. Stock. 2011