1

Le Marquis de Sade libère le Ciné 13 Théâtre

Pierre-Alain Leleu nous propose de partager quelques années de la vie du Marquis de Sade. Texte moderne, avec de nombreux recours aux oeuvres du Marquis, l’interprétation en est parfois déroutante, voire décevante. La mise en scène de Nicolas Briançon, simple et efficace, fait toutefois oublier ces quelques égarements dans le texte et le jeu proposé au public.

Le rideau s’ouvre sur l’arrivée de Donatien Alphonse François de Sade (Pierre-Alain Leleu), dans sa cellule de la Bastille, et la première rencontre avec celui qui va rapidement devenir son bourreau et son souffre-douleur à la fois, le gardien Lossinote (Jacques Brunet, saisissant). Ces provocations sont entrecoupées de crises de folie numéraire à répétition, et tempérées par de profondes réflexions philosophico-religieuses. Mais ce qui occupe surtout et avant tout l’esprit du Marquis, ce sont ses longs dialogues imaginaires avec une créature féminine (La Femme, Dany Verissimo). Ces conversations, ces visites qu’impose cette créature à l’esprit du torturé, représentent le véritable exutoire du bouillonnement intérieur du prisonnier : fantasmes sexuels, perversités de tous ordres, joutes philosophiques, …parfois entremêlées d’apparitions surprenantes (tel le curé, joué par Michel Dussarat).

Car Sade, au-delà de ses moeurs décomplexées, est avant tout un authentique libertin, amoureux et fervent défenseur de la liberté d’opinion, de pensée, d’expression. C’est d’ailleurs celle-ci qui lui a valu, paradoxalement, ses nombreuses années d’enfermement (27 années sur les 74 qu’a duré sa vie).

Dans un contexte actuel voyant s’imposer la toute puissance des religions, et où la diversité et le choix des moeurs est au centre de tous les débats nationaux, il ferait certainement bon d’enseigner dans nos écoles cette pensée affranchie de tout carcan, loin très loin des clichés sulfureux entourant la réputation du cher Marquis.

Sulfureux, aucun doute à ce sujet, le marquis l’a toutefois été. Nicolas Briançon ne s’y trompe pas, dans sa mise en scène, déroutante parfois de crudité, mais jamais déplacée. Austère, on est bien loin du faste et du grandiose déployé dans Volpone (lire l’article sur Arkult), mais l’essentiel est là, et cela fonctionne.

Une pièce qui mérite d’être vue, pour découvrir ou redécouvrir cette figure de la philosophie et de la littérature française, dans la douceur des fauteuils ou canapés du somptueux Ciné 13 Théâtre.

Pratique : Jusqu’au 9 mars au Ciné 13 Théâtre, 1 avenue Junot, 75018 Paris.
Réservations  sur http://www.3emeacte.com/cine13/Manifestations.aspx.
Tarifs : entre 14,50 € et 27,50 €.

Durée : 1h40

Mise en scène : Nicolas Briançon

Avec : Pierre-Alain Leleu, Dany Verissimo, Jacques Brunet, Michel Dussarat

 

DAF-Sade-Leleu-Verissimo-Dussarat

 




Leçon de corruption par « Volpone ou le renard »

L’argent rend fou, ceux qui n’en n’ont pas comme ceux qui l’amassent, c’est ce que voulait montrer Benjamin Jonson dès 1606 dans sa plus célèbre pièce, « Volpone ou le renard ». Ce personnage, sorte d’Harpagon britannique, est doté d’un goût prononcé pour le jeu de dupe. Roland Bertin, retraité de la Comédie-Française, l’incarne avec beaucoup de justesse, de talent et de finesse.

Les courtisans s’aglutinent au chevet de celui-ci, se faisant passer avec la complicité de son valet (Nicolas Briançon) pour mourant. On assiste à un grand bal des faux-culs, plein de fausseté et de stratagèmes, chacun y va de ses présents pour se faire coucher sur le testament. Empoisonnement, tentative de fiançailles, étranglement et prostitution s’installent à merveille dans ce beau décor de théâtre composé de coffres forts sur deux étages, offrant la possibilité d’une mise en scène dynamique et créative. Une mention particulière pour Grégoire Bonnet, incarnant un Corvino à la gestuelle d’agent immobilier maniaque.

Texte noir, acide, sombre et profondément cynique, Volpone a été ré-adapté par Briançon lui même. Mordant, tordant, on entend chaque syllabe et l’humour qui s’en dégage est incisif et proprement irrésistible. Les propos dessinent une image de l’argent comme étant un tuteur, cultivateur de désir, idée décrite avec de belles allégories et autres métaphores. On y voit aussi clairement le pouvoir des gens de l’ombre (ici, le valet), dirigeant à la baguette le jeu voulu par son maître, et auquel ce dernier se fera prendre par excès de gourmandise.

Tant il est vrai que la pièce dénonce ce que le genre humain peut faire pour l’argent, elle est aussi un tableau sans complaisance de ce que sont prêtes à faire les riches personnes pour s’amuser et se sentir exister. Volpone qui apparaît en Michou (le bleu en moins) en début d’acte 2 pour n’être pas reconnu des gens dans la rue, illustre la futilité à merveille. Il est aussi effroyablement crédible lorsqu’il joue les vieux pervers lubriques avec la femme d’un autre et presque bouleversant quand il se retrouve sans fortune face à la seule personne en qui il avait confiance.

L’argent donne tous les droit aux riches, puisqu’avant son déclin, le vieil animal sera au cœur d’un procès qu’il gagnera avec toute l’aisance que permet une bourse bien pleine aux yeux d’une justice aussi corrompue que l’âme humaine. Grandiose !

Enfin, Nicolas Briançon a fait le choix d’un final légèrement différent de la pièce originale, une conclusion diabolique, bien emmenée après deux heure de jeu très prenantes.

 

Pratique : Actuellement au théâtre de la Madeleine, 19 Rue de Surène (8e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 42 65 07 09 ou sur www.theatremadeleine.com / Tarifs : entre 17 € et 54 €.

Durée : 2 h 05

Texte : Ben Jonson

Mise en scène : Nicolas Briançon

Avec :  Roland Bertin, Nicolas Briançon, Anne Charrier, Philippe Laudenbach, Grégoire Bonnet , Pascal Elso, Barbara Probst, Matthias Van Khache et Yves Gasc

 




Week-end – Jacques et son Maître

« Jacques et son maître. Hommage à Denis Diderot en trois actes » de Milan Kundera est incontestablement le plus beau moment de théâtre que j’ai vécu à Paris.

Trois ans que je cherchais à rire autant sur des sujets aussi grave que l’amitié, la trahison, le bonheur et le plaisir.

Kundera avait la réputation de détester toutes les mises en scène proposées de son texte jusqu à celle-ci (de Nicolas Briançon).

L’ayant moi-même trouvé rigoureuse et fine, j’approuve son choix et vous invite à aller juger par vous-mêmes ladite pièce.

La pépinière Théâtre,
7 rue Louis le grand
75002 Paris
0142614416

Du 20 janvier au 30 mars 2012
Du mardi au samedi à 21h, et le samedi à 16h15.
Tarifs : de 12 à 19,50€

Mise en scène Nicolas Briançon
Collaborateur artistique à la mise en scène Pierre-Alain Leleu
Décor et Costumes Pierre-Yves Leprince
Assistante costumes Christine Bernadet
Lumière Gaëlle de Malglaive
Avec : Yves Pignot, Nicolas Briançon, Nathalie Roussel,
François Siener, Patrick Palmero, Philippe Beautier,
Alexandra Naoum, Sophie Mercier, Hermine Place,
Yves Bouquet