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[Exposition] « MMM. Matthieu Chedid rencontre Martin Parr » : les images prennent du son

Affiche de l’exposition « -MMM- », Musée de la musique, Cité de la musique, Paris. © Martin Parr/Cité de la musique

Lors de l’édition 2015 des Rencontres d’Arles, Sam Stourdzé, directeur du festival, invite le photographe britannique Martin Parr à intervenir. Plutôt que d’organiser une rétrospective au sens classique du terme, le directeur et le photographe décident de proposer un projet sur lequel ils travaillent depuis plus de deux ans avec un autre artiste, le chanteur Matthieu Chedid. C’est de ce projet longuement muri qu’est née l’exposition « MMM », présentée pour la première fois dans l’église des Frères Prêcheurs à Arles, et aujourd’hui visible à la Cité de la musique à Paris.

L’exposition MMM, Musée de la musique, Cité de la musique, Paris. © Philharmonie de Paris / William Beaucardet

En contournant une paroi sur laquelle figurent les diverses informations relatives à l’exposition, on pénètre dans un espace sombre où se fait entendre une mélodie inconnue qui emplie la pièce au fur et à mesure que l’on s’y aventure. Sur les murs noirs jaillissent des images qui défilent rapidement, laissant voir des foules qui se pressent à la plage, au musée, dans la rue, pour toujours plus de divertissement. Face à ce diaporama, des chaises longues sur lesquelles sont imprimées des images de baigneurs qui se prélassent au soleil invitent le visiteur à les imiter pour mieux profiter des photographies projetées. Associant le Synthétiseur de Matthieu Chedid et la série « Busy – Plein » de Martin Parr, cette première installation annonce d’emblée la nature de l’exposition qui suit. L’immersion y est totale, dans cet espace sombre où seuls le son et les images nous guident. Sans ordre, sans cartels, le lieu est pensé pour donner une liberté absolue au spectateur qui se laisse surprendre par les œuvres qui l’entourent. Les images de Martin Parr sont présentées sous de nombreuses formes, du diaporama thématique à la série de photographies argentiques, en passant par un papier-peint fait de cadavres exquis ou encore les transats « humains » aux airs surréalistes. Chaque ensemble est enrichi d’une piste sonore qui lui est propre, signalée par un néon qui s’intitule Célesta, Voix, Guitare électrique imitant l’écriture du chanteur.

Née de la rencontre incongrue entre un photographe britannique reconnu sur la scène internationale et un chanteur français de renom, cette exposition est une réussite. Elle permet de redécouvrir les clichés acerbes de Martin Parr qui prennent vie sous les « mélodies » de Matthieu Chedid. Certains regretteront une exposition trop petite, mais c’est qu’il faut prendre le temps de s’imprégner de chacune des installations toutes plus riches les unes que les autres.

« MMM. Matthieu Chedid rencontre Martin Parr », jusqu’au 29 janvier 2017 à la Cité de la musique, 221, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris. Tarif : 5,50€ tarif réduit, 7€ plein tarif. Plus d’informations ici : http://philharmoniedeparis.fr




François Kollar : une esthétique distante, et pourtant si sensible

François Kollar, Tour Eiffel, vers 1930, tirage gélatino-argentique d‘époque, MNAM/CCI, Centre Pompidou, Paris, inv. AM 2012-3429. Achat grâce au mécénat d’Yves Rocher, 2011. Ancienne collection Christian Bouqueret.
François Kollar, Tour Eiffel, vers 1930, tirage gélatino-argentique d‘époque, MNAM/CCI, Centre Pompidou, Paris, inv. AM 2012-3429. Achat grâce au mécénat d’Yves Rocher, 2011. Ancienne collection Christian Bouqueret.

« Un ouvrier du regard », tel est le titre de cette première rétrospective dédiée au photographe d’origine hongroise, François Kollar. Un intitulé pertinent et ingénieux, laissant transparaître la duplicité du langage esthétique propre à cet artiste : un ouvrier, il l’est en effet dans tous les sens du terme. Tourneur sur métaux au sein d’une usine Renault, c’est de son expérience manuelle qu’il tire sa force plastique : cette réalité du travail, ce face à face avec la machine, l’artisan devenu photographe la connaît bien. Reconnu comme l’un des plus grands reporters industriels français du XXème siècle, Kollar se dévoile ici à travers 130 clichés, dont la confrontation stylistique étonne : la manufacture côtoie en effet sur les cimaises, les plus célèbres noms de la Haute Couture – dont il était un photographe très apprécié.

A l’image de l’artiste qu’elle met en lumière, la muséographie traduit une élégante sobriété : cette douceur qui émane des murs aux tonalités grises, permet aux œuvres d’exister pour elles-mêmes, sans artifice et sans emphase. Clair et cohérent, ce parcours à la fois chronologique et thématique, dessine le cheminement créatif de Kollar jusqu’à son ascension.

Tout commence en 1930, alors qu’il établit son premier studio à Paris l’année de son mariage. Ses expérimentations photographiques, emplies de complicité avec sa femme Fernande – qui se prête au jeu du modèle, ouvrent l’exposition : essais pour des campagnes publicitaires et autoportraits se succèdent, dont les effets de transparence, jeux de lumières et compositions travaillées, expriment un perfectionnement assidu de sa technique. Ses premiers clichés trahissent son désir d’inviter la vie-même et l’expressivité au cœur de son œuvre : étudiant attentivement les émotions de ses sujets, il confère à ses portraits et ses photographies de mode, une sensibilité unique, une humanité sincère.

François Kollar, La trieuse reste coquette. Société des mines de Lens (Pas-deCalais), 1931-1934, épreuve gélatino-argentique d'époque, 18 x 24 cm, coll. Paris, Bibliothèque Forney, © François Kollar / Bibliothèque Forney / Roger-Viollet.
François Kollar, La trieuse reste coquette. Société des mines de Lens (Pas-deCalais), 1931-1934, épreuve gélatino-argentique d’époque, 18 x 24 cm, coll. Paris, Bibliothèque Forney, © François Kollar / Bibliothèque Forney / Roger-Viollet.

Dès l’année suivante, en 1931, les éditions des Horizons de France lui commandent une grande enquête sur le monde du travail. Fort de son expérience passée, il produira plus de 2000 photographies témoignant de l’activité rurale et industrielle du pays. Cette série intitulée « La France Travaille », porte le poids et la fébrilité d’une production en pleine métamorphose, tant sur le plan économique que social. Tels des instants privilégiés d’un âge révolu, ces clichés constituent le souvenir d’un univers où les hommes et les femmes, s’effaceront bientôt devant la puissance mécanique. Certes, l’approche de Kollar paraît empathique par le caractère humain qu’elle met en avant ; mais cette sensibilité première est tempérée par une distance certaine, une neutralité silencieuse quant aux mouvements sociaux qui agitent son époque. Nulle dénonciation ne passera le seuil de son objectif.

S’imposant comme une figure incontournable, Kollar est rapidement sollicité par l’univers du luxe et de la mode pour de prestigieuses collaborations : alors que des journaux tels le Figaro illustré ou Harper’s Bazaar feront appel à son talent, Coco Chanel elle-même, posera pour le photographe. Mais la Seconde Guerre mondiale amorce une rupture tant artistique qu’idéologique : refusant de collaborer avec le régime de Vichy, Kollar se retire en Poitou-Charentes.

François Kollar, Alsthom : assemblage des volants alternateurs de Kembs. Société Alsthom. Belfort (Territoire de Belfort), 1931-1934, plaque de verre, 18 x 13 cm, coll. Paris, Bibliothèque Forney © François Kollar / Bibliothèque Forney / Roger-Viollet
François Kollar, Alsthom : assemblage des volants alternateurs de Kembs. Société Alsthom. Belfort (Territoire de Belfort), 1931-1934, plaque de verre, 18 x 13 cm, coll. Paris, Bibliothèque Forney © François Kollar / Bibliothèque Forney / Roger-Viollet

Puis viennent les années 1950, où la France tend à développer des infrastructures en Afrique-Occidentale Française. L’Etat lui commande alors une série de photographies documentaires à la visée bien précise : celle de véhiculer une image conventionnelle et positive des relations avec les colonies du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali et du Sénégal. Mais sous cette apparente fabrique de la représentation, et derrière le conformisme officiel, ces clichés donnent à voir deux temporalités qui s’affrontent : sur la pellicule, cette modernité que la France prône tant, n’apparaît pas si franche et si totale. Alors, une question se dessine : et si le regard de Kollar n’était pas si distancié qu’on ne le pense ?

Généreux tout autant que réservé, son travail se révèle plus complexe qu’il n’y paraît. Fruits de demandes officielles, ses photographies doivent se conformer aux attentes de leurs commanditaires, d’où la créativité et la sensibilité semblent exclues. Pourtant, il possède un véritable talent, une intention artistique qu’on ne peut lui dénier ; et de ses tirages, se dégage une étrange intensité. Sans cesse, cette ambigüité plane durant l’exposition, où l’on oscille dans un équilibre délicat d’empathie et de détachement. Au fond, toute la force de François Kollar réside peut-être en cela : conférer aux froides apparences, une chaleur aussi sincère qu’inattendue.

Thaïs Bihour

« François Kollar. Un ouvrier du regard » – L’exposition se tient jusqu’au 22 mai 2016 au Musée du Jeu de Paume. Plus d’informations sur http://www.jeudepaume.org/




Musée d’Art Moderne : nouveaux accrochages dans les collections permanentes

Le 12 février dernier, le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris présentait ses nouveaux accrochages au sein des collections permanentes. Soucieux de présenter toute la richesse et la vitalité de la création artistique contemporaine, ce dernier dévoile un parcours où l’éclectisme est au rendez-vous : entre acquisitions du Comité pour la photographie, art vidéo, et œuvres picturales, le cheminement esthétique s’annonce riche, de la réalité la plus crue à l’onirisme fabuleux.

Charlotte von Poehl The Notepiece, 2004. © ADAGP, Paris 2016
Charlotte von Poehl, The Notepiece, 2004. © ADAGP, Paris 2016

Charlotte von Poehl ouvre la voie : ses œuvres, axées sur le jeu sériel de la répétition, offrent une vision privilégiée de son travail où citations et réflexions forment un journal de bord illustré. L’attention dédiée à la temporalité est ici primordiale, presque vitale ; elle est la trace sensible ébauchée sur le papier, de la pratique artistique quotidienne. Harmonieuse, sa démarche se fonde sur une cohérence créatrice, où aucune pièce ne peut être isolée : la série The Notepiece, à travers cent dix dessins formant un même projet, témoigne de ce mécanisme singulier en constante évolution. De même, ses Arrow Drawings où de multiples flèches identiques s’entremêlent, semblent  esquisser la caractéristique d’un monde, où règnent le semblable et le conforme.

Puis, fidèle au travail de l’artiste Tacita Dean – déjà exposée dans les collections, le Musée d’Art Moderne présente JG, une vidéographie acquise en 2014. Sous nos yeux, les douces ondulations aquatiques de lacs gelés apparaissent, presque figées sur la pellicule argentique. Filmées par prises de vue en temps réel et entrecoupées de plans fixes, les séquences défilent lentement. Tacita Dean se joue de la perception et prolonge l’instantanéité dans le temps, troublant le rapport du spectateur à l’image. Cette valeur accordée à la temporalité est redoublée par la référence à la composition de Robert Smithson, Spiral Jetty : œuvre de Land art, elle fait elle-même écho à l’ouvrage de science-fiction La Voix du Temps, écrit par J.G Ballard en 1960. Tout ici n’est qu’enchevêtrements où passé, présent et futur s’unissent dans une spirale temporelle, tant symbolique que matérielle.

Tacita Dean, JG, 2013, Film 35 mm, couleur et noir et blanc avec son optique 26 minutes et 30 secondes.
Tacita Dean, JG, 2013, Film 35 mm, couleur et noir et blanc avec son optique 26 minutes et 30 secondes.

A l’art vidéo de Tacita Dean succèdent les sculptures et toiles peintes d’Alain Séchas, dont l’accrochage met en dialogue deux œuvres de l’artiste déjà présentes dans les collections du Musée, avec ses créations récentes.

Alain Séchas, Côte-d'Or, 2015, Huile sur toile 130 x 97 cm. © ADAGP, Paris 2016
Alain Séchas, Côte-d’Or, 2015, Huile sur toile, 130 x 97 cm. © ADAGP, Paris 2016

La figure sculptée Le Chat écrivain et la composition abstraite Untitled 49 forment ainsi la trame créatrice de l’artiste, la clef pour appréhender son travail. Ses nouvelles peintures mettent encore en scène ce personnage mi-homme mi-chat auquel il est attaché : s’il en reprend la figure, elle se fait plus evanescente, comme absorbée par le décor. Avec retenue, Alain Séchas donne à ses chats une posture d’intermédiaire entre le spectateur, l’environnement et les œuvres. Une réflexion picturale, humoristique parfois, bienveillante souvent.

Hugh Weiss, Charon me tend la main, 2007, 100 x 100 cm, Collection Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. © Hugh Weiss
Hugh Weiss, Charon me tend la main, 2007,
100 x 100 cm, Collection Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. © Hugh Weiss

Six toiles du peintre américain Hugh Weiss données au Musée d’Art Moderne par sa femme, Sabine Weiss, s’exposent aussi. Présentées aux côtés de photographies, carnets de l’artiste et dessins de Niki de Saint Phalle – avec qui il entretenait une amitié, elles retracent les dernières années d’un artiste heurté par la maladie, mais dont la force et la créativité ne se démentiront pas. Certes inspiré par le mouvement Cobra ou l’abstraction lyrique entre autres, Hugh Weiss fera toujours preuve d’une grande autonomie, s’émancipant des carcans stylistiques pour forger sa liberté. Parfois associé à la figuration narrative – notamment pour sa participation à l’exposition « Mythologies quotidiennes II » en 1977, il élabore cependant un langage pictural qui lui est propre, où références mythiques, récit personnel et humour se mêlent et se répondent. Ses dernières compositions réinterprètent ces thématiques récurrentes où des monstres étranges et chamarrés se pressent à la surface de la toile : des couleurs vives, de l’onirisme et une ultime légèreté, devant l’imminence de la mort.

J.D. ‘Okhai Ojeikere, Abebe (1975) Courtesy Galerie MAGNIN-A, Paris. © J.D. ‘Okhai Ojeikere
J.D. ‘Okhai Ojeikere, Abebe, 1975, 
Courtesy Galerie MAGNIN-A, Paris. © J.D. ‘Okhai Ojeikere

Enfin, les derniers accrochages sont consacrés aux acquisitions du Comité pour la photographie 2015, et complètent les fonds du Musée : une œuvre de Malick Sidibé présentant le personnage de Ballo, styliste pour les soirées culturelles de Bamako dans les années 1960 ; et deux ensembles de J.D.’ Okhai Ojeikere et Kaveh Golestan. Le premier artiste – J.D.’ Okhai Ojeikere, dévoile à travers ses clichés en noir et blanc, un tableau de la culture nigériane. Contrairement à ses contemporains photographes travaillant en studios, cet artiste – mort en 2014, souhaitait se confronter à la richesse du Nigéria et à sa population ; un travail esthétique qui sublime le quotidien et les modèles qu’il met en avant. Ici, cinq photographies issues de la célèbre série Hair Style sont présentées : collectées dans les années 1960, ces coiffures vues de dos ou de profil offrent un panel de parures féminines qui par leur complexité, s’apparentent parfois à des sculptures. Enfin, dix clichés du photo-reporter iranien Kaveh Golestan sont exposés. Héritage précieux par leur caractère unique, ils sont issus de la série pratiquement détruite lors de la Révolution iranienne de 1979, nommée Les prostituées du quartier rouge de Shahr-e No à Téhéran. Des photographies fortes et émouvantes sur la vie de ces femmes vendant leur corps ; des fragments de vie capturés sur la pellicule, avec élégance et sans aucun jugement.

De ces récentes acquisitions où les médiums se confondent, affleure un parcours où la variété des œuvres incite à la réflexion autant qu’à la contemplation. Un témoignage sur une histoire esthétique et culturelle qui ne cesse de se réinventer.

Thaïs Bihour

Nouveaux accrochages se présentant sous la forme de plusieurs expositions indépendantes, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Plus d’informations sur http://www.mam.paris.fr/




Qui a vu Liu Bolin verra ce que vivent les artistes chinois…

Dans ses photographies, Liu Bolin se fond dans le décor. Pour reprendre les termes de Pascale Nivelle du journal Libération, il « proteste de façon invisible comme d’autres le font en silence ». Et c’est paradoxalement depuis qu’il orchestre sa disparition dans le paysage qu’il est scruté à la loupe par les amateurs d’art du monde entier. Se cacher pour être vu, en trois leçons :

1. Choisir des lieux hautement stratégiques

En 2005, alors qu’il était tranquillement installé dans le quartier des artistes Suo Jia Cun, à Pékin, Liu Bolin assiste impuissant à la démolition de son atelier par le gouvernement chinois (pour réorganiser la ville à l’approche des Jeux Olympiques). En découle sa première photographie: une mise en scène devant son atelier en ruine. Liu Bolin dénonce pour la première fois une société de consommation qui absorbe l’homme et le digère sans ménagement.

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Vous ne voyez rien sur la photo ? Normal. Un dissident bien caché ne se voit ni ne s’entend.

Dans la série de photos suivante, intitulée « Hiding in the city », Liu Bolin s’est perdu dans les villes, les vallées chinoises et les rues new-yorkaises pour montrer par l’absence qui il était. Reconnaissons-le, c’est dans cette vaste mise en scène qu’on trouve ses plus beaux clichés.

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2. S’approprier quelques symboles

Liu Bolin s’inspire beaucoup de cette Chine communiste dans laquelle il vit pour réaliser ses portraits : écriteaux, slogans, couleurs du parti, haut lieux de l’autorité chinoise … Il mitraille les décors dans lesquels il a grandi après s’être patiemment fait recouvrir le corps de peinture. Mais c’est aussi dans notre société de consommation à tous qu’ils puisent son inspiration : rayons de supermarché, kiosques à journaux, panneaux publicitaires sont l’occasion de superbes photographies.

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3. Passer quelques bons partenariats

Qui peut le plus, peut le moins. Et vice versa. Fort de sa célébrité amplement méritée, Liu Bolin est aujourd’hui sollicité par quelques grands noms de la mode et de l’art. Le non-moins connu photographe JR s’est offert un portrait-peinture franco-chinois avec lui. Mais c’est avec des grands créateurs (Jean-Paul Gaultier, Missoni, Lanvin) qu’il fait le mieux (ou le moins) entendre sa voix:

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Quelle que soit l’intention, le rendu est sublime. Ce où-est-Charlie chinois a le mérite de nous faire réfléchir sur la place de l’artiste dans nos sociétés et son rôle, surtout s’il est malmené. Rendons-nous à l’évidence, en France, on adore les dissidents-des-autres, et ce n’est pas la galerie Paris-Beijing qui nous contredira.

 

Galerie Paris- Beijing
54 Rue du Vertbois, 75003 Paris
Fermé le dimanche

 

 




Lee Jeffries, le photographe illusionniste

Les mots de Bukowski sonnent juste pour expliquer la démarche artistique du photographe Lee Jeffries. Cet artiste originaire de Manchester a commencé par photographier des manifestations sportives avant de se tourner vers la photographie sociale. 

« Quand je sortirai, j’attendrai un moment et puis je reviendrai ici, je reviendrai et je regarderai de l’extérieur et je saurai exactement ce qui se passe de l’autre côté et là, devant ces murs, je vais me jurer de ne plus jamais me retrouver derrière. »  

 

La légende veut qu’il ait volé son premier portrait à une jeune SDF blottie dans son sac de couchage. Honteux d’avoir pris la fuite avant qu’elle ne s’indigne, il serait revenu sur ses pas pour lui parler et aurait changé par la même occasion sa perception de ceux qui devinrent ses modèles de prédilection : les sans-abris. Passer de l’autre côté et là, devant ces murs, jurer de ne plus jamais me retrouver derrière. Rendu célèbre par la chaîne de magasins Yellow Corner, qui vend des reproductions de ses photographies à des tarifs raisonnables, Lee Jeffries jure aujourd’hui qu’il n’oublie pas la dimension humaine de son travail: « J’ai fait un effort pour apprendre à connaître chacun des sujets avant de leur demander leur permission de faire leur portrait. » 

 

Finalement, ils sont des centaines à avoir été immortalisés par le maître. Il a fait des rides et de la crasse sa spécialité. Sur son compte Flickr, on peut les observer en série. Ils ont les ongles sales, le nez tordu, des barbes jaunies mais ils sont beaux. En grand illusionniste, Lee nous donne à voir les hommes des marges et en fait des princes. Avec son Canon EOS 5D, il parvient à mettre en lumière toute la noirceur des rues. Il laisse aux modèles leurs filets de bave, leurs sourires édentés et le droit de fumer et nous rappelle par la même occasion que le beau est partout où l’on veut bien le chercher.

 

 

Devant son objectif, les vieilles femmes se changent en madones et les soûlards ressemblent à de beaux marins. Mais la véritable métamorphose, c’est en chacun de nous qu’elle s’effectue. Le tour de magie, c’est le message que l’œil envoie au cerveau, demandant de faire fi de tout préjugé pour ne plus voir que l’éclat des êtres vivants qui nous entourent. La perfection des marges, la splendeur là où personne ne l’attend. C’est là tout le génie du photographe qui bouscule notre perception du réel et nous fait passer de l’autre côté du mur.

 

 




World Press Photo – Le monde en images

Un bon conseil en trois mots: allez-y vite! Il ne reste plus qu’une semaine pour admirer les clichés primés du World Press Photo 2012 à la galerie Azzédine Alaïa, 18 rue de la Verrerie, à Paris. Un rendez-vous annuel à ne pas manquer.

Un portrait ciselé du monde qui nous entoure. Depuis 1955, le plus prestigieux concours du photojournalisme décerne des prix aux images de l’année. Pour cette édition, 5247 photographes de 124 nationalités différentes ont soumis plus de 100 000 images au jury. Tous sillonnent le monde pour le compte des grands médias, immortalisant sur leur passage les drames, les révoltes et les bouleversements de la planète mais aussi sa beauté et sa diversité. Les photographies, classées par thème (informations ponctuelles ou générales, vie quotidienne, drames contemporains, arts et divertissements, portraits, nature …) sont soumises, à Amsterdam, à un jury qui récompensent les clichés les plus évocateurs. Une fois les lauréats annoncés, les photographies gagnantes forment  une exposition itinérante qui traverse une quarantaine de pays.

Les chefs d’œuvre photos de l’année. Certains clichés ont déjà fait le tour du monde, comme cette jeune chinoise, rattrapée de justesse alors qu’elle tentait de se suicider en robe de mariée ou cette japonaise qui brandit le diplôme de son fils retrouvé au milieu des décombres de sa maison. Ces photographies, seules ou en série, sont autant de courtes histoires qui racontent la grande. La chute de Khadafi, l’austérité nord-coréenne, la crise du logement aux Etats-Unis et les guerres de gangs au Mexique sont saisies avec le même talent  qu’un rhinocéros mutilé, une prostituée ukrainienne ou un plongeur en vol.

Le prix « Photo de l’année ». Pour l’année 2012, la consécration ultime revient à Samuel Aranda. Ce photographe espagnol se trouvait au Yémen lors du soulèvement populaire contre l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Son cliché montre un homme souffrant, enlacé par une femme entièrement voilée. « Nous ne saurons peut être jamais qui est cette femme, qui tient avec précaution un proche blessé, mais ensemble ils forment une image vivante du courage de gens ordinaires qui contribuent à écrire un chapitre important de l’histoire du Moyen Orient. » explique Aidan Sullivan, le président du jury. Parce que les intentions du prix sont celles-ci : promouvoir et accompagner le travail des photojournalistes contemporains qui, ensemble, œuvrent à montrer le monde tel qu’il est.

A suivre chaque année…

 

Galerie Azzédine Alaïa

18 rue de la Verrerie 75004 Paris

Entrée gratuite

Renseignements complémentaires: http://www.worldpressphoto.org/exhibition/2012_Paris