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[Critique] La Femme Rompue : Josiane Balasko invective la famille

Photo : Pascal Victor
Photo : Pascal Victor

« La Femme Rompue », mise en scène par Hélène Fillières, est une adaptation de « Monologue », une nouvelle écrite par Simone de Beauvoir en 1967 qui est une longue déclamation, celle d’une femme brisée par la vie qui décide de se retrouve seule un soir de réveillon. Elle vocifère ses désillusions, se révolte contre le monde allongée sur un divan. Josiane Balasko, habituée aux rôles comiques, se livre à une confession brutale, elle diffame, hurle sa rage à chaque réplique et contient sa sensibilité. Elle accomplit une performance remarquable tant son élocution et sa franchise collent au rôle.

Ayant perdue sa fille d’un suicide, Muriel n’est plus satisfaite de rien. Le personnage incarné est complexe : cette femme voudrait tout à la fois se réhabiliter vis-à-vis de la société tout en la dénigrant, allant jusqu’à se déclarer anticonformiste. Dans une atmosphère aussi sombre que le discours acerbe sur l’humanité, les lumières prennent une place importante sur le jeu, elles sculptent l’espace : tantôt referment le divan – seul élément de décor – sur lui-même, tantôt ouvrent des perspectives. Depuis ce lieu qui évoque la psychanalyse, les éclairages créent des ambiances suivant les émotions extrêmes que traverse la révoltée.

Du début à la fin, Josiane Balasko fait frémir le public en installant une relation presque intime, sa voix rugueuse donne vie à un cœur froid à la vie salopée. Franche et intrépide, la femme esseulée qui apparaît sous nos yeux évoque une existence pleine de deuils et de drames… Elle a renoncé. Dans son immeuble, elle est la « femme seule » malmenée par tous, à commencer par ses voisins qui font du bruit au point de la rendre hystérique plus qu’elle ne l’était déjà contre sa famille. Seul son père échappe à ses regrets et diffamations, il est l’unique personne qui l’a vraiment aimée alors que sa mère est réduite au néant depuis qu’elle a été condamnée à ne plus pouvoir jouer sa propre maternité. Les mots de Simone de Beauvoir dépeignent un personnage en détresse face aux hommes, aux pressions sociétales, une femme qui ne sait plus évaluer ses propres responsabilités ni même comprendre ses choix.

La Femme Rompue, d’après Monologue extrait de La Femme Rompue de Simone de Beauvoir, mise en scène Hélène Fillières, avec Josiane Balasko, du 7 au 31 décembre au Théâtre des Bouffes du Nord, 37 (bis), bd de La Chapelle, 75010 Paris. Durée : 1h10. Informations et réservations : http://www.bouffesdunord.com/fr/la-saison/la-femme-rompue

 




Avignon OFF 2016 « King Kong Théorie », dans l’ombre des hommes : accéder à l’humanité ou rester dans la honte

Photo : Émilie Charriot

Paru en 2006, l’essai de Virginie Despentes est devenu emblématique de la lutte d’un nouveau féminisme qui intègre les questions de genre. L’auteure y relate l’expérience du viol et de la prostitution, la sexualité féminine y est abordée sans détours, le langage est cru. Par sa sobre mise en scène de « King Kong Théorie », Emilie Charriot mise sur la force du verbe et du texte pour faire du théâtre le terrain de prolongations d’une lutte à peine en marche.

Dans un espace sombre sans aucun décor ni artifices, une comédienne (Julia Perazzini) et une danseuse (Géraldine Chollet) s’adressent frontalement au public, sans donner l’impression de réciter, leur présence est tout à la fois timide et imposante, elles transpirent le texte. La première, en s’en écartant, avec sincérité, nous parle de son expérience de l’échec notamment au vue de sa carrière de danseuse. Avec une émotion à peine retenue, elle raconte ce que signifie la défaite à ses yeux, un sentiment étroitement lié à l’espoir : avoir l’impression d’avoir beaucoup échoué, c’est d’abord avoir beaucoup espéré. Par des mots qui sont les siens et quelques pas de danse, elle transmet la difficulté qu’il y a à se maintenir en vie, à se sentir déviante tout en voulant malgré tout accéder à l’humanité pour sortir de la honte. Les larmes aux yeux, la danseuse est d’une justesse saisissante.

De son côté, la comédienne prend le relais de ce moment presque intimiste comme pour inscrire cette confession personnelle dans un combat universel, et rappeler que notre système culturel et sociétal doit être repensé. Porte-parole des femmes et de Virginie Despentes, elle raconte le viol qu’a subi l’auteure ainsi que son expérience de la prostitution. Campées au milieu de la scène, les deux femmes ne bougent pas, ce qu’un jeu d’ombres et de lumières vient accentuer. Droites, elles nous toisent et par une grande économie de gestes, elles laissent une belle place aux silences, révolution muette s’il en est une, le féminisme est aussi une attitude. Par ses regards, son élocution et sa présence scénique, Julia Perazzini déclame le texte de Virginie Despentes avec force, les mots noue heurtent et chaque respiration, chaque instant qui se meurt est laissé à notre imaginaire et notre propre réalité.

Dans une société où « femme inapte » est devenu un pléonasme, où une femme qui se fait agresser doit d’abord se justifier de ne pas avoir provoqué ou mérité avant d’être écoutée, dans une société où la possibilité de la mort a été intégrée par les femmes, où être féministe ne semble être ni pertinent, ni urgent : que faire ? Dans cette même société qui attend des hommes qu’ils soient virils, certainement pas émotifs, forts et travailleurs, quelle place est laissée à ceux qu’on appelle les « minorités » que sont les intersexués, transgenres, bisexuelles et homosexuels que l’on devrait délivrer de telle catégories verbales ? Plus que jamais, le texte de Despentes devrait être porté par des voix comme celles de ces deux comédiennes qui redonnent de la force aux mots dans une société qui se nourrit d’images. Avant toute chose, avant d’être un cliché ou accessoire, le féminisme devrait être évidé du féminin, de la binarité sexuelle que l’on s’impose et nous désert pour sortir de l’obstacle des genres.

Le théâtre est là pour dire que tout le monde devrait être féministe et qu’est féministe un homme ou une femme qui se lève et dit qu’il y a un problème avec le rôle des sexes aujourd’hui, un problème réparable.

King Kong Théorie, d’après Virginie Despentes, mise en scène Émilie Chariot, avec Géraldine Chollet, Julia Perazzini.

Festival d’Avignon, Théâtre Gilgamesh, 11, boulevard Raspail, 84000 Avignon, jusqu’au 24 juillet, relâche le 18, 17h50, durée 1h30.




« Momo », un grand boulevard !

Ce vendredi, lorsqu’André et Laurence sont allés faire les courses, ils n’avaient pas prévu qu’un débile leur piquerait leur caddie avant même qu’ils ne soient passés à la caisse. Cela quelques minutes avant la fermeture du magasin. Ils n’avaient pas non plus planifié de retrouver le même type, chez eux, après qu’il a livré les courses et pris une douche. Et pourtant, c’est bien là le point de départ de « Momo », la nouvelle pièce de Sébastien Thiéry.

Copyright : C. Nieszawer
Copyright : C. Nieszawer

Comme à son habitude, l’auteur ne respecte aucune convention, sauf celles dictées par son imagination, toujours très surprenante. Très vite, la situation devient ubuesque et les scènes successives sont autant de pierres qui bâtissent une comédie très drôle et explosive. Patrick (c’est le nom de l’étranger), affirme être le fils de Laurence et André, parti pour Montpellier il y a 20 ans, afin d’essayer d’oublier sa famille – comme on oublie une histoire d’amour douloureuse. Malheureusement, il semble que ses parents, eux, aient réussi à l’effacer de leur mémoire. Est-ce un dangereux cambrioleur ? Comme face à un fou dangereux, le couple décide de jouer le jeu pour ne pas le contrarier.

Puis, entre la mère supposée et le fils nouveau, les liens se reforment, la discussion se créée. Pourquoi est-il revenu ? On l’apprend de Sarah, la fiancée aveugle de Patrick qui se révèle ne pas être débile, mais malentendant. Il est de retour sur les lieux du traumatisme : s’il ne partait pas, il aurait tué sa famille. Les cœurs s’ouvrent, les larmes coulent, jusqu’à un dénouement à rebondissements sentimentaux réussis : il s’avère que Patrick s’est trompé d’immeuble, il a confondu Laurence et André avec un couple du même âge, portant le même nom à une lettre près et habitant à côté. Mais l’histoire ne s’arrête pas là…

Copyright : C. Nieszawer
Copyright : C. Nieszawer

Une certaine élégance se dégage de la scénographie d’Edouard Laug, très réaliste au premier abord – la scène d’exposition se déroule dans les rayons d’un supermarché – elle fait ensuite place à un grand appartement bourgeois dont les murs ne sont pas complètement opaques et laissent deviner ce qu’il se passe dans les chambres bordant le salon. La mise en scène de Ladislas Chollat utilise bien ce dispositif, aidé par la musique pour soutenir quelques effets cinématographiques. Le travail principal semble avoir été fait auprès des acteurs, tout en essayant de les faire s’émanciper avec finesse de la mise en scène de boulevard conventionnelle – on pense notamment à Muriel Robin qui tape avec vigueur sur le canapé du salon, accessoire symbolique du boulevard bourgeois.

Car oui, ici Thiéry ne signe pas un simple boulevard efficace – tel « Comme s’il en pleuvait » au théâtre Edouard VII – ce « Momo » est double ; les situations comiques d’un fond brûlant. Ce fils de 42 ans qui s’invite dans la vie d’un couple respectable qui n’a jamais réussi à en avoir relance les désirs maternels de Laurence qui, consciente de cela, le considère très vite comme la chair de sa chair, parlant la même langue que lui. Patrick, lui, semble tout le temps énervé comme sa mère. De vraies questions existentielles naissent sur la transmission : « nos souvenirs vont disparaître, si on ne les donne pas à quelqu’un », dira Laurence, dans une scène sombre.

Si les acteurs portent tous leurs rôles avec finesse, Muriel Robin s’illustre particulièrement brillante. Celle qui, telle Jacqueline Maillan, n’a qu’à paraître sur scène pour rendre le public hilare, ne cesse jamais d’avoir l’air sévère. Et pour cause : l’arrivée de ce fils providentiel lui apporte les réponses aux questions qu’elle n’osait plus se poser. Pragmatique et autoritaire, tenant avec force les rennes harnachant un mari craintif, elle se transforme en mère enamourée. Robin nous impressionne par la finesse de son jeu dans les instants dramatiques : aucune larme, aucun excès, une intériorité qui montre que derrière l’humoriste, une grande actrice existe.

Lors de la scène finale, malgré le quiproquo qui a conduit Patrick à prendre le couple pour ses parents, Laurence-Muriel Robin lui demande de rester. Elle plaide contre cette vie injuste qui lui a interdit d’avoir des enfants. Et Thiéry fait dire à une actrice très ouvertement lesbienne qu’ « une maman, ce n’est pas de l’orthographe, c’est dans le cœur que ça se lit » ; « Momo » devient alors pièce manifeste face au climat réactionnaire d’un pays encore divisé sur la question de l’accès à la parentalité pour les couples de même sexe.

Réunie, l’équipe de « Momo » produit un grand théâtre de boulevard, extrêmement drôle, mêlant ressorts classiques du rire burlesque et véritable message, en phase avec les préoccupations sociétales actuelles.

« Momo » de Sébastien Thiéry. Mise en scène de Ladislas Chollat, actuellement au Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, 75009, Paris. Durée : 1h20. Plus d’informations et réservations sur theatredeparis.com




Honnêteté VS Envie

© Pascal Gely
© Pascal Gely

Une nuit, dans la Russie communiste. Quatre élèves viennent sonner à la porte de leur enseignante de mathématiques, seule le soir de son anniversaire, des cadeaux à la main. Vivant une existence pauvre et difficile, Elena (Myriam Boyer) est touchée par cette attention et invite les jeunes gens à entrer. Ces derniers exploitent ainsi la gentillesse et le bon sentiment humain de leur professeur afin de s’introduire dans son intimité par malice. On pense immédiatement à « Orange Mécanique » de Kubrick où Alex et ses drouguies (néologisme construit sur le mot russe « droug »!) prétextent une panne d’essence afin de pénétrer chez leur victime.

Le but avoué est d’obtenir la clé du coffre où sont conservées les copies d’examen final, afin de corriger celles-ci pour avoir la meilleure note possible, et ainsi accéder à leurs rêves d’études. Les cajoleries et les gentillesses envers leur hôtesse ne suffisent pas. Très vite, on sent par des intonations et des phrases, les pensées horribles qui naissent dans l’esprit des visiteurs. De la douceur du champagne, on passe à l’horreur des menaces jusqu’aux violences les plus sombres.

On apprend aussi que le leader du groupe, Volodia (François Deblock), s’est mis en tête d’obtenir la clé uniquement par défi. Mais Elena est une Antigone moderne, et ce dernier l’a compris. Plus on essaye de l’atteindre, plus son héroïsme grandit : seule la torture d’un autre être sous ses yeux peut la faire ployer.

Volodia : « La morale est une notion humaine, donc relative ».

Tout au long de ce jeu malsain, on entend les regrets et les inquiétudes de chacun. Pour Lialia (Jeanne Ruff), le jeu va trop loin et n’en vaut pas la chandelle. De Pacha (Gauthier Battoue) et Vitia (Julien Crampon), on sent la gène qui les bride de commettre l’irréparable. Ils sont en fait les objets d’un François Deblock machiavélique. Ce dernier incarne ici un brillant manipulateur en herbe assoiffé de victoire.

Durant ce drame, Eléna est sincère, attachée à ses principes d’honnêteté. Une idéaliste qui croit en l’humanité et en l’URSS. Face à elle, la jeunesse russe rêve de richesse, de liberté et fustige les gens qui pensent mais n’agissent pas.

De ce huis-clos jaillissent tous les problèmes qui opposent l’ancienne et la nouvelle Russie. La situation extrême est propice à délier les langues. On échange sur les questions sociétales plus profondes, sur l’alcoolisme, le désir d’une vie plus légère. Ce texte est la critique d’un régime qui a beaucoup déçu, les jeunes rêvent de mettre l’honneur à mal au profit d’un monde plus rock and roll. On a l’impression de voir naître devant nous les oligarques Russe actuels : obsédés par l’argent et le pouvoir à tout prix. Sauf que les élèves d’Eléna, conscients d’être allés trop loin, quittent l’appartement en laissant la probabilité d’une reconstruction. Inquiétant.

Cependant, on regrettera un texte parfois un peu trop explicatif, reflet d’un monde et de préoccupations aujourd’hui éloignés. Essayer de transposer cette situation aux grandes questions sociales modernes, c’est commettre un solécisme théâtral : on comprend ce qu’elle nous raconte sur le monde actuel, mais la manière de le dire est un peu maladroite.

« Chère Eléna » de Ludmilla Razoumovskaïa, actuellement au Théâtre de Poche-Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse (6e arrondissement), du mardi au samedi à 21h. Dimanche à 15h. Durée : 1h40. Plus d’informations sur www.theatredepoche-montparnasse.com/.




« Perdues dans Stockholm » : épopée burlesque et folle magie

Copyright : Giovanni Cittadini Cesi
Copyright : Giovanni Cittadini Cesi

Sur scène défilent un mobile home, une gare, un casino… Tant de lieux construits avec le même décor à tiroirs : trois caisses de bois montées sur roue. Des boites accompagnées de trois acteurs auxquels Pierre Notte a insufflé son jeu, sa musique et sa folle magie. Tout fonctionne pour emporter le spectateur dans une épopée burlesque, allant de surprise en surprise, faisant mouche dans nos esprits toujours au moment où on l’attend le moins.

Avant que la lumière ne s’éteigne, Lulu (Brice Hillairet) bondit sur scène, se change pour ne pas qu’on le reconnaisse, tel un malfaiteur qui a fait une énorme bêtise… Et c’est le cas : il vient d’enlever la présidente du Festival du film américain de Deauville (Juliette Coulon), croisée par hasard au rayon primeur du Monoprix ! Grâce à la rançon qu’il va en tirer, il va pouvoir enfin se payer son opération de transformation et devenir la femme qu’il est vraiment. Très vite, il s’avère que l’actrice n’est qu’une comédienne mineure ressemblant vaguement à la présidente en question, elle qui passait par là dans l’espoir de plaire à un directeur de casting américain. Tata Yoyo (Silvie Laguna), rentrant du casino complètement ruinée vient compléter le groupe de personnages qui, bien que nichés dans le plus profond désespoir Trouvillais, n’ont pas abandonné l’espoir de réaliser leurs rêves.

Le syndrome de Stockholm agit alors sur la kidnappée, bien décidée à rester avec les deux tendres loosers pour qu’ensemble, ils s’offrent la vie qu’ils méritent : ouvrir la première école de Geisha en Haute-Normandie.

Copyright : Giovanni Cittadini Cesi
Copyright : Giovanni Cittadini Cesi

Toutes les situations, les actions et les gestes – notamment ceux de Brice Hillairait qui se lâche complètement et nous montre ainsi toute l’étendue de son talent – sont tirés vers l’absurde comme deux aimants. Notte ne suit que ses codes, il est un roi en matière de quiproquo entre ses acteurs et le public : durant les premières minutes de la pièce, le personnage de Lulu, bien que transsexuelle, a tout d’une bigote hystérique sortie tout droit de Saint-Nicolas du Chardonnay : en enlevant la présidente d’un festival de film, on pense assister à l’obscurantisme qui kidnappe la culture. Métaphorique ! Et bien sûr, la situation s’avère ne pas être ce qu’elle semble. Ce procédé revenant de manière incessante est mené de main de maître.

Le texte est cinglant, rapide, truffé de gags. Les clins d’œil à la société moderne abondent et l’on retrouve les citations qui font la marque de fabrique de Notte : la référence aux grandes actrices, notamment Catherine Deneuve.

Entre les personnages, le cloisonnement délie les langues, en filigrane, chaque protagoniste se questionne sur son identité, ce qui fait qu’elle est unique, sur l’ignorance des autres de leur personne puisque ce ne sont pas des gens connus… Et finalement, malgré tout le rire découlant de ces situations d’un comique certain, on ne peut s’empêcher d’être touché, parfois ému et évidemment conquis par ces trois femmes formidables.

Pratique : « Perdues dans Stockholm », jusqu’au 29 juin au théâtre du Rond-Point (8e arrondissement). Horaires et réservations sur www.theatredurondpoint.fr et par téléphone au 01 44 95 98 21.




La nuit des piranhas au Café de la Gare – Triste réalité …

Bas les masques. Ainsi pourrait-on résumer la pièce qui se joue en ce moment au Café de la Gare. Un lieu chargé d’histoire pour le théâtre et la comédie moderne. Rien de moins que Coluche y a fait ses débuts sur scène. Et, à l’instar de Coluche, les auteurs de « La Nuit des Piranhas » (Philippe et Cédric Dumond) nous offrent leur vision de notre société moderne. Balancée entre révoltes, injustices, jeux de pouvoir et quête de transparence. Les personnages, au prime abord, répondent à des clichés bien définis dans l’imaginaire commun.

Homme politique véreux qui cherche tous les passe-droits possible.
Prostituée, outrageusement maquillée, tombée pour racolage.
Jeune étudiant altermondialiste en quête d’un monde meilleur, d’une fraternité universelle et développant le même amour pour les forces de l’ordre que ses prédécesseurs soixante-huitards.
Maton irascible, petit chef, n’hésitant pas à user de la force pour faire taire toutes les voix qui pourraient remettre en cause ses convictions.

Puis, petit à petit, dans une pièce bien rythmée, aux assauts des manifestants (c’est jour de révolte nationale), les masques tombent. Les préjugés laissent place à des vérités bien inattendues, et parfois au goût tristement amer pour le spectateur, car tellement proches des histoires de notre quotidien. La société dépeinte dans les médias nous apparaît là dans sa désolante simplicité, et ses valeurs parfois douteuses.

Heureusement, la légèreté du ton et l’engagement des acteurs rendent cette vérité plus supportable, et permettent aux spectateurs de mieux s’indigner des travers et des aberrations contemporaines. La Nuit des Piranhas pourrait concourir à de belles récompenses comiques, si ce n’était ce fond de vérité tragique toujours présent dans les textes. Une belle leçon de société moderne, d’humilité et … d’espoir malgré tout !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pratique :
Auteurs : Philippe et Cédric Dumond
Artistes : Julie Cavanna, Benjamin Bollen, Bernard Bollet, Hubert Drac
Metteur en scène : Hubert Drac
Durée : 75 minute
Du mardi au samedi à 19h
Adresse : Café de la Gare – 41, Rue du Temple – 75004   PARIS

 




Dénommé Gospodin … P. Löhle nous propose une évasion !

Au commencement, il y eut le lama.
Greenpeace. La télévision. L’ampli stéréo. Les amis. L’enterrement. La femme. Le travail. L’argent. La famille. L’argent. Le crime. L’argent. L’argent. L’argent.

Tous ces éléments du quotidien des « petits-bourgeois ». Toutes ces charges dont il semble nécessaire de se défaire pour revenir à la vie, et lui redonner sens. Dresser un dogme initiatique entre l’homme et le monde qui l’entoure. Ses aspirations et la société. Sa conception et la réalité de ceux qu’il côtoie. Éternelle contradiction des points de vue. Le dénuement matériel au profit de la richesse spirituelle. Descente aux enfers qui s’apparente à une montée en grâce.

Gospodin chemine à travers cette société moderne en véritable électron voulant devenir libre. Et nous pose ainsi devant la réalité de nos choix de vie, devant les valeurs qui la dominent.

Quel avenir pour la propriété ?
Quel sens à l’argent ?
Quelle réalité derrière la décision ?
Quelles possibilités de fuite ?

Arrivé le dénouement, toute la pièce prend un nouvel éclairage, un second sens, un second souffle. Génie de l’écriture, force et maîtrise de la mise en scène. Philipp Löhle et Benoît Lambert emmènent le spectateur dans une introspection difficilement manichéenne.

Telle une curiosité que l’on suivrait dans ses déambulations quotidiennes, Gospodin est un anti-héros des temps modernes, transcendé par l’époustouflant Christophe Brault. Cette bête de foire dont l’univers se résume aux personnages alternativement incarnés par Chloé Réjon et Emmanuel Vérité, également présentateurs et narrateurs de cette fable d’anticipation, qui n’est pas sans évoquer « The Truman Show ».

Programmé au Théâtre National de la Colline, cette création du Théâtre Dijon Bourgogne (dirigé également par Benoît Lambert) est à découvrir avant le 15 juin ! Dépêchez-vous, les places s’arrachent devant le succès de la pièce …

 

denomme-gospodin

 

Pratique
Théâtre National de la Colline – Petit Théâtre – du 15 mai au 15 juin – www.colline.fr
Du mercredi au samedi à 21h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h
durée 1h30

Auteur : Philipp Löhle
Mise en scène : Benoît Lambert
Avec : Christophe Brault, Chloé Réjon, Emmanuel Vérité

 




Sans visage – Chronique de l’horreur peu ordinaire

Pekka Hiltunen - Sans visage - Couverture
Pekka Hiltunen – Sans visage – Couverture

Un thriller qui nous vient du froid et interroge sur notre société contemporaine. Par l’intermédiaire des yeux d’une étrangère émigrée à Londres (Lia Palaja), Pekka Hiltunen nous fait réfléchir sur les mutations en cours au sein de nos sociétés occidentales.

La montée en flèche de violences toujours plus sordides, la prise de conscience et l’engagement citoyen, la crise de confiance croissante envers les institutions et administrations, police en tête.

Deux événement déclencheurs de toute l’histoire.
Le premier : une découverte macabre à l’arrière d’un coffre de voiture. Des restes humains, oeuvre d’un passage acharné d’un rouleau compresseur de chantier, déposés aux yeux de tous en plein coeur de la City. Voilà pour l’origine du mal.
Le second : la rencontre entre deux Finlandaises en terre étrangère (Lia et Mari), qui dès les premiers instants, comprennent qu’elles ont une histoire à écrire et vivre ensemble. Voilà pour l’origine du bien.
Vision quelque peu manichéenne qui va toutefois se voir nuancée au fil du récit.

Ce thriller, premier d’une trilogie londonienne, est un manifeste non dissimulé pour un certain féminisme, en guerre active contre la prostitution et les violences faites aux femmes. Un combat fortement teinté d’engagement politique, pour prévenir notre société moderne des dérives que peut engendrer la tentation de se rallier aux extrêmes. Notamment au regard de l’immigration et des débats publics que l’on connaît actuellement dans de nombreux pays européens.

« Sans Visage » peut se lire comme une ode au multiculturalisme. Au coeur d’un Londres composé de populations de tous horizons (est-ce qu’il le restera ? Les débats en cours en Grande-Bretagne pourraient modifier la donne). Avec deux héroïnes finlandaises. Et des personnages venus d’Europe de l’Est. Quel destin pour ces émigrés, en quête d’un nouvel avenir ?

Des ingrédients assez basiques finalement dans la littérature, mais qui font mouche sous la plume du finlandais Pekka Hiltunen. Sans doute grâce aux personnalités fortes des différents personnages, Lia et Mari en tête, et au rythme haletant du récit. Malgré certaines invraisemblances ou « heureux hasards » dirons-nous, « Sans Visage » ne vous laissera de répit qu’une fois achevé. Impossible de s’y soustraire en cours de lecture … 

Extrait :
La panique se propagea dans la rue. Elle se répandit sur les visages des passants et dans leurs gestes inquiets.
Encore écrasée par la torpeur matinale, Lia fixa la scène à travers la vitre du bus. Tous les passants arboraient soudain la même expression, comme une grimace provoquée par une terrible nausée.
On était début avril. Lia se rendait à son travail. C’était une cérémonie de soumission quotidienne, une heure en offrande au flux de la circulation qui traversait cette ville trop grande et trop remplie. Pour Lia, vivre à Londres signifiait vivre collée à d’autres personnes, un abandon constant de son propre espace vital au profit des autres.
Ce matin-là, dans la rue Holborn, peu avant le terminus de la rue Stonecutter, elle vit quelque chose qu’elle n’avait jamais aperçu auparavant.
L’instant avant la catastrophe. C’est à ça que ça ressemble.
Une voiture était garée sur le trottoir et une foule se pressait tout autour. Là se trouvait la source de la peur, le point zéro d’où la panique se propageait.
La voiture était une grosse Volvo blanche, garée en travers du passage piétons, comme abandonnée là en urgence. On n’apercevait personne à l’intérieur du véhicule mais le coffre était grand ouvert. Les passants le montraient du doigt, et ils étaient de plus en plus nombreux à ralentir le pas et à s’arrêter.
Dès qu’une personne s’approchait suffisamment pour voir à l’intérieur du coffre, son expression changeait. La grimace.
Quel qu’ait été le contenu, il les pétrifiait tous, comme s’ils recevaient un coup en pleine figure. Beaucoup se dépêchaient de s’éloigner.
Pourtant, la foule continua à s’amasser sur les lieux.
Par la porte ouverte du bus, Lia entendit les exclamations des passants. C’étaient des phrases angoissées, hachées, elle n’arrivait pas à savoir ce qui s’était passé. Un homme appelait un numéro d’urgence avec son portable. Une dame âgée avait fermé les yeux et répétait : «Mon Dieu. Mon Dieu.»
Lia se mit debout pour voir ce qui se passait sur le trottoir, mais à l’instant même le bus démarra et les portes se fermèrent. Le chauffeur appuya sur l’accélérateur pour se réinsérer dans la circulation. L’instant d’après, Lia fut projetée contre le siège devant elle, puis rebondit sur son propre siège. Le chauffeur avait pilé pour ne pas entrer en collision avec deux véhicules qui étaient venus se garer devant lui.
Le premier était une voiture de police. Ce n’est qu’en voyant le gyrophare clignoter sur le toit, même une fois la voiture arrêtée, que Lia fit le lien avec la sirène assourdissante qu’elle entendait en fond sonore. Le second véhicule qui s’était frayé un passage était une camionnette d’une chaîne télé, flanquée du logo d’ITV News.
Le bus repartit. Lia ne pouvait plus apercevoir l’intérieur de la Volvo d’aussi loin. En un instant, la scène étrange fut derrière elle.

 

Pratique :
Sans Visage – Pekka Hiltunen
Titre original : Vilpittömästi sinun
Traduction française : Taina Tervonen
448 pages
Editeur : BALLAND (5 avril 2013)
Langue : Français
ISBN : 978-2353151671

 




L’orange mécanique: cru 2010

 

 

Fin de journée. Surprise d’avoir une fois de plus vaincu le duo sadique-comique RER-métro. Radio allumée en fond sonore, affalée sur l’objet salvateur marron qui envahit mon ridicule salon parisien, je feuillette les pages du journal du jour. Roms, expulsions, sécurité, violence, racisme, guerre nationale, voyous… Tout d’un coup les premières notes de la 9ème symphonie – 4ème mouvement – d’un certain Ludwig Van Beethoven me viennent en tête… La mélodie de l’Orange mécanique.



Célèbre film de Stanley Kubrick sorti sur les écrans en 1971, adaptation du roman d’Anthony Burgess du même nom (A Clockwork Orange) paru en 1962, l’oeuvre s’impose à nouveau en 2010 et revient nous jeter à la gueule, en vrac : banalisation et esthétisme de la violence, viols collectifs, drogues, manipulations, conformisme social, morale publique, expérimentation scientifico-politique, enfermement…

Au public, s’il survit, d’en tirer les conclusions.

Outrés, choqués, mal à l’aise, admiratifs, époustouflés, les réactions des spectateurs d’hier sont les mêmes qu’aujourd’hui. Et faute d’un Kubrick qui viendrait réveiller cette société étouffée sous le poids des annonces racistes et sécuritaires, on ressort le classique et ose la comparaison.


Pas de droogies-boogy avant vos prières du soir


Dans un décor nocturne urbain, une bande de jeunes, les droogies, déambule au gré de ses pulsions dictées par un puissant mélange de drogues en tout genre. Tabassages et viols collectifs  rythment leurs soirées, le tout en musique, on se souvient du passage où I’m singing in the rain a perdu pour toujours sa légèreté, et en sourire… L’inconscience, l’insouciance d’une jeunesse poussée à l’extrême bat son plein.

Puis, tout fout le camp. Un cambriolage se termine en meurtre, l’autorité d’Alex, le chef de bande est remise en cause avant d’être trahie et de le conduire directement à la case prison. Là-bas, il comprend vite que la Bible peut lui être très utile, pour faire mine de se racheter une bonne conduite aussi bien que pour se laisser aller à des fantasmes inspirés des principaux protagonistes.

Pas assez rapide, une autre solution lui est proposée: être le cobaye d’une nouvelle technique de lutte contre la délinquance financée par le gouvernement : une thérapie qui éradique la violence. Le principe est simple : tout acte de violence est lié à une douleur physique intense ressentie par l’individu au moment où il veut passer à l’acte. Et ca marche. Alex ressort de prison, psychologiquement toujours autant démoniaque mais physiquement doux comme un agneau, incapable de faire « le Mal » autant que de se défendre, d’avoir des relations sexuelles consenties et surtout… d’écouter son air favori : la 9ème symphonie – 4ème mouvement – d’un certain Ludwig Van Beethoven, suite à une malencontreuse erreur du thérapeute. Après d’autres péripéties, Alex se retrouve sur un lit d’hôpital, encadré par un membre du gouvernement qui a soudainement vu un intérêt politique à ce qu’Alex retrouve sa vraie nature….


Remake 2010


Le rôle des droogies serait ici joué par les jeunes de banlieues. A peu de choses près: tournantes, vols, braquages de casinos et tabassages en règle, leurs occupations sont finalement assez proches de celles d’Alex et de ses potes. Non? Mais l’actualité y rajoute aussi de nouveaux acteurs amateurs de violences plus folklos, comme des coups de haches: les roms, gitans, roumains, tziganes- choisissez celui que vous préférez pour plus de simplicité.

Le Nadsat, langage des droogies, mélange d’argot anglo-russe porte désormais le nom de Romlan, mélange de romani et de verlan. Pour exemple: – « Téma la gadji, j’y mettrais bien mon pelo dans le luc! », est une phrase typique des droogies d’aujourd’hui. Terminé  le vieux slibard blanc par dessus le falsard, grosses cylindrées et casquettes à l’envers font partie de la nouvelle tenue réglementaire. Pour une bande-son raccord, les viols se dérouleraient au son des Gypsies ou de Booba selon les ethnies droogies.

Côté casting, le rôle du docteur Brodsky serait tenu par notre ministre de l’Intérieur, rempli d’idées productives ou plutôt de « bonnes intentions » en matière de nouveaux traitements. Les derniers en date : déchéance de la nationalité pour les délinquants français d’origine étrangère et peines de prison pour parents négligents viennent s’ajouter aux plus classiques expulsions, démantèlements de camps, contrôles d’identité au faciès, gardes à vue supplémentaires…. Autant de méthodes pour apprendre aux délinquants à devenir « meilleurs ». L’ aumônier Sarkozy prêcherait la bonne parole aux délinquants prisonniers car l’église seule dispose des enseignements nécessaires pour que l’individu puisse décerner le bien du mal.

Et comme le film, sûrement censuré, n’aura pas un gros budget, on remettrait le même acteur au sommet du gouvernement, l’imaginant plutôt bien tirer les ficelles de cette mécanique de l’orange.


L’homme à tête d’orange


« Orange » signifie l’homme en argot anglais. L’homme mécanique. En français, c’est un fruit, un fruit susceptible de pourrir. Encore que toute pourriture soit relative, entendons-nous.

Est-ce à la « nature du fruit » que l’on doit la pourriture ? Ou parce que l’on a fait de lui une véritable machine ?

Comme l’orange, il arrive à l’homme de pourrir, déposer ses germes sur le reste de ses copines de filet… Mais la pourriture n’est pas forcément là où l’on croit semblait déjà dire M. Kubrick.

C’est lorsqu’elle le prive de sa liberté de choisir entre deux notions relatives aux limites bien complexes: le bien, le mal que la mécanique termine d’achever son forfait sur l’homme à tête d’orange.

Attention cher docteur, à ce que dans le processus en cours, vous ne développiez pas aux meilleurs d’entre nous, une aversion  pour la 9ème symphonie de Beethoven , ou l’autre chant pourtant bien connu qui parle de sang impur et de sillons.

Crédit photos: (c) Manon El Hadouchi




The Sleeper – Une course dans le temps à en perdre Allen


A la croisée d’Hibernatus (avec Louis de Funès), de Fahrenheit 451 (de Bradbury / Truffaut) et de 1984 (d’Orwell), The Sleeper est une grande farce tragicomique orchestrée d’une main de maître par Woody Allen au meilleur de son œuvre.

 

 

200 ans après avoir été cryogénisé à son insu, Miles Monroe, jazzman et gérant d’une épicerie végétarienne, se voit réveillé par des médecins révolutionnaires. Le monde qu’il découvre alors est réglé autour de la domotique, des gadgets, des robots. Il est vite considéré comme un alien échappé d’une planète mystérieuse et représentant un sérieux danger public. Mais c’est également ce manque d’identité qui lui confère un réel pouvoir aux yeux des révolutionnaires qui voient en lui le seul être capable de les libérer du joug totalitaire dont ils sont les victimes.

 

Sorti dans les salles obscures en 1973, The Sleeper vient trouver un écho dans l’actualité des derniers mois et années, au cœur des différents débats qui ont agité l’opinion publique, tels que les OGM, la gestion des données personnelles et médicales, le clonage, l’intrusion des robots dans la vie quotidienne, mais également sur un plan plus politique, la répression et le flicage de plus en plus présents dans notre société moderne.

 

 

Inquiétante vision d’un futur devenue réalité.

 

Des tomates pesant 50 kilos faisaient évidemment sourire à l’époque. Qu’en serait-il aujourd’hui ? Aujourd’hui où nous consommons des tomates sans pépins, des fruits sans peau, des légumes résistant à leurs prédateurs naturels.

 

Il semblait alors absurde de songer à la possibilité du clonage d’un être humain entier uniquement grâce à son nez. Qu’en est-il de la viande que nous mangeons tous les jours ? Des Américains payant des fortunes pour voir leur animal de compagnie tant chéri revivre à leurs yeux sous la forme d’un clone, obtenu uniquement à l’aide d’une cellule de l’original ?

 

Tout aussi absurde et alarmiste était cette immense base de données.
Que contient-elle ? Les informations personnelles relatives à chaque individu, ses convictions politiques, les moindres détails de sa vie privée, professionnelle, intime.
Si je vous souffle à l’oreille des mots tels que « passeport biométrique », « Facebook », « réseaux sociaux », vous commencez à voir où je veux en venir ?

 

A travers ce film aux abords loufoques, Woody Allen se positionne en inquiétant visionnaire d’une société future, ou plutôt du futur de notre société. Il la datait de la fin du 22e siècle, n’imaginant sans doute pas que, à peine 40 ans après la sortie de son film, tant d’éléments appartiendraient déjà à la réalité de son quotidien.

 

 

On ne pourra pas dire que l’on n’avait pas été prévenu !

 

The Sleeper – écrit, dirigé et avec Woody Allen – 1973