The Berg sans Nipple: « Y’a de l’érosion partout mais ça crée de nouvelles choses »

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Crédits: Etienne Foyer

Les Berg Sans Nipple sont de drôles d’oiseaux. Nés sur deux continents différents, à les voir pourtant, on dirait des frères. A les entendre aussi. Ils finissent les phrases de l’autre. Installent des silences dont ils sont seuls à posséder la clé. Musicalement, c’est encore plus un mystère. Là où des artistes solo échouent à concilier leur moi intérieur, eux réussissent à inventer et à se réinventer à l’envi, sans que l’être deux soit un obstacle. Au contraire.
On s’était raté. Plusieurs fois. RDV manqué à l’hôtel Amour. Ils avaient rendez-vous avec leurs idées; impatiente, j’étais allée voir un autre « fou », Katerine, en concert.
Et ce n’était pas plus mal.
Pour mieux se retrouver une fin d’après-midi d’été, derrière une roulotte. Ambiance bucolique. Les murmures de leur tribu autour.
Extraits.

Comment commence Berg Sans Nipple?

Lori Sean Berg : On est très vite arrivés à la musique, parce que c’était un bon moyen de communication. Shane ne parlait pas français. Je ne parlais pas trop anglais encore. On a tout de suite joué sans se poser de questions. C’est ça qui nous a tout de suite connecté. On jouait sans forcément se dire que ça mènerait à un projet. Juste jouer.

C’est drôle que vous décriviez ça ainsi parce qu’en écoutant votre album, je me disais que la musique est chez vous un langage qui se suffit à lui-même. Ca veut dire quoi? Les sons sont comme des mots? Comme des matières organiques malléables à souhait?

Shane Aspegren: Oui. Le projet, ça a toujours été la transformation. On a souvent créé des sons mais aussi pris les sons pour les retravailler. La fin n’a jamais à voir avec le début. Au début, on se sent mutuellement. On est connectés. On a toujours les deux côtés. On sait ce que ressent l’autre.

Chaque album est source de renouvellement. Y’a un fil, une ligne musicale derrière tout ça?

Lori : se renouveler, oui, aussi mais une ligne musicale, pas vraiment. On a envie de se surprendre, d’aller vers des horizons dans lesquels on n’a pas l’habitude d’aller. Cet album, on avait envie qu’il soit comme ça. On s’est pas posé de question. J’avais envie que ce soit un album très minimaliste, très …

Shane : un peu brut, aussi. Plus brut que les autres. Parce que sur scène, il y avait toujours quelque chose de plus brut. Ce qui ne ressortait pas vraiment dans les albums. Sur les albums, oui, parfois, il y avait quelque chose de brut mais ils avaient plus de sonorités…

Lori : planantes.

Vous venez d’en parler. La scène, c’est un endroit à part?

Lori : c’est vrai que quand on enregistre en studio, on réfléchit à la scène. Comment on va faire pour le retranscrire sur scène. C’est aussi pour ça qu’on a décidé d’avoir moins de choses. On était un peu prisonnier de tout ça et on avait envie d’aller peut-être vers un peu plus de simplicité.

Shane : Mais je pense que ce regard… on a changé depuis le début. Là, on a commencé (en choeur avec Lori) live. L’enregistrement, on avait la vision de faire autre chose mais de garder le côté qu’on a créé au début. Avec le dernier album, c’était très différent.

Lori : Mais déjà avec Along the quai, c’était un disque où il y avait beaucoup de choses qui étaient difficiles à reproduire sur scène. Et ça, c’était un peu frustrant. On avait envie d’avoir moins de choses à gérer, essayer de jouer, quoi. Arrêter de se dire «  tiens, faut faire ci et ça ». On réfléchit toujours en live parce qu’on a commencé comme ça.
En même temps, sur ce dernier album, on avait envie d’un enregistrement studio aussi. Travailler beaucoup les sons. Des percussions etc. La batterie.

Build with erosion, c’est le titre de votre album. De ce que vous me dites, ça veut dire quoi? Qu’à l’usure, vous aboutissez à ce résultat?

Lori : qu’à force de faire, on tourne en rond

Oui mais c’est quoi l’idée?

Shane: Y’a pas juste un sens.

Lori: (rires) c’est un peu comme Berg sans Nipple, quoi.

Shane: Oui, la montagne sans sommet.

Moui, Berg sans nipple, littéralement, ça veut pas juste dire ça.

Shane: oui mais c’est le sommet.

Ah mais oui!

Shane: Y’a pas de montagne sans nipple, sans sommet. On monte, on monte, on monte et on a jamais… jamais les tétons. (Rires)

Donc tu le construis, ton sommet mais t’as l’érosion, qui te mange tout.

Shane: Oui parce que c’est pas là, it’s eroded, you know.

Et alors, ce serait quoi, le sommet, l’idéal musical?

Shane: que ça change tout le temps. C’est un peu ça l’érosion aussi. Quand j’ai écrit les textes de l’album, j’étudiais beaucoup la philosophie orientale. Y’a des pans différents. C’est un peu ça aussi.
Une façon de voir. La vie est quelque chose d’un peu destructeur. Et c’est pas plus mal non plus. Y’a de l’érosion partout et ça crée de nouvelles choses.

Lori: et on en fait une autre montagne

Shane: c’est aussi notre façon de créer la musique depuis le début. On utilise toujours des trucs cassés, pourris. Oui, y’a un côté triste de voir les choses se dégrader. Mais ça peut être beau aussi.

 
Build with Erosion. The Berg Sans Nipple. Clapping Music/Blackmaps. Disponible dans tous les bons disquaires

 

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