Big Freeze : histoires d’amour physico-sentimentales

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A vouloir sans cesse parler d’amour, le théâtre est bien obligé de trouver de nouveaux sentiers. Dans « Big Freeze », de Thomas Poitevin, on ose l’amalgame entre relations sentimentales et thermodynamique – l’étude des phénomènes thermiques et mécaniques qui expliquent, par exemple, le fonctionnement de la locomotive à vapeur ou du réchauffement climatique.

BIGFREEZE!

Plateau de casting, laboratoire, lieu de débat télévisuel ? La scène accueille dans un espace à la fois neutre et très marqué un groupe nombreux de personnages – jusqu’à 9 sur le petit plateau de La Loge – composé de comédiens et de scientifiques. Les premiers illustreront, par l’amour et les sentiments les explications des seconds. Telle scène illustrera tel système (Une femme seule : système isolé. Une mère : système ouvert. Une civilisation : système fermé).

Thomas Poitevin ne se contente pas de signer cette mise en scène ingénieuse dans cet espace si réduit. Il est aussi l’auteur du texte, dont les pans scientifiques sont inspirés d’écrits d’Hubert Reeves, François Roddier, Trinh Xuan Than ou encore Vincent Mignerot. Malgré ces sources d’un intérêt certain, les passages les plus dramatiques sont néanmoins les plus intéressants. Une mère et une fille morte, un homme plein de rancœur, un couple qui hait son enfant et qui fait tout pour garder sa gouvernante… Les vies imaginées par Poitevin se cognent, entrent en collision et n’obéissent à aucune loi. On pense à l’écriture de Rémi De Vos. Ses personnages sont complètement dingues et semblent finalement n’obéir à aucune logique. Le jeu des comédiens est doté d’une distance qui les encourage à l’exagération. Le jeu caricatural n’est jamais lourd et, malgré la gravité latente du propos, l’humour déborde. La réflexion est entretenue par une mise en scène dégondée et jalonnée d’accidents loufoques. L’auteur metteur en scène pousse sa logique jusque dans le cynisme et l’ironie, écrivant d’une encre acide les névroses relationnelles modernes.

Inévitablement, on reprend aussi entre deux scènes les bases de nos connaissances sur la création des galaxie. Un scientifique va reprendre le développement de l’univers en le comparant à une année terrestre. Bien qu’intéressants, ces passages de de la pièce cassent le rythme. Ils sont cependant un mal nécessaire à la compréhension des différents systèmes utilisés par l’auteur pour dévoiler sa nouvelle lecture de l’amour, comparée au « Big Freeze », autrement dit la mort thermique de l’univers…

« Big Freeze », de et mis en scène par Thomas Poitevin, jusqu’au 19 février 2016 à La Loge, 77 rue de Charonne, 75011 Paris. Le spectacle sera repris pour une date à la Faïencerie de Creil le 10 mars 2016. Durée : 1h30.

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