Court métrage à Bordeaux : deux soirs, deux ambiances

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Trois potes qui philosophent sur le retour du khebab, dans « J’mange froid » de Romain Laguna
©Les films du clan

En vingt-quatre œuvres, et presque autant de talents présentés, la 22e édition du festival européen du court-métrage de Bordeaux est une vraie mine d’or. La programmation impeccable joue, d’une soirée à l’autre, sur l’axe de symétrie entre noirceur et humour. Retour sur nos coups de cœur.


De la soirée d’ouverture on retient, pour la fiction, J’mange froid. Plongée mélodieuse dans le quotidien de trois mecs, qui mangent de la merde, fument des tonj, mais surtout font du rap. Romain Laguna, le réalisateur, sublime la journée type de ces semi-ratés, en leur flanquant un bébé dont ils doivent s’occuper. Au son de Melan En cabine, pt.1, se développe une esthétique du simple et du nocturne banlieusard, échappant brillamment à la caricature.

Mais difficile de trancher avec une deuxième pépite, à se poiler cette fois-ci : The Glorious Peanut. Fred de Loof nous embarque dans sa campagne belge, à grand coup de zoom et de bruitages, excessifs mais pas lourds. Patrick n’a pas de cheveux, donc Patrick n’a pas de femme. Mais un jour qu’il est vissé à la table du bistrot, sa vie est bouleversée. Un pitch digne de Dikkenek (d’Olivier Van Hoofstadt, 2006) ou d’un film de Quentin Dupieux : absurde, loufoque mais chiadé.

Patrick et sa cacahuète, dans « The Glorious Peanut » de Fred de Loof
© Tim Vin, Gaëlle Haesaert, Fred De Loof, Fred Labey


Puis, direction Tchétchénie, où Jordan Goldnadel nous arrache à nos rires et nous glace avec Chechnya. Une immersion totale dans les prisons pour gays, en pleine forêts enneigées. Sans trop de fard ni de pathos, le réalisateur, montre une violence aride, faite de torture et de meurtre. Pour cette première soirée, un dernière œuvre militante, marquante et essentielle.

Du LOL au flippe


Si on s’est bien marré la soirée de vendredi, elle s’achève sur une note sombre qui préfigure la suite. Loïc, chargé de la programmation s’explique. « On a voulu faire sentir que ce que vous avez vu hier soir avec  « Chechnya », ce n’est pas terminé ! ». Et pour cause, le samedi soir démarre avec Acide. Le réalisateur, Just Philippot met en scène une pluie d’acide qui décime tout le monde ; seul un petit garçon survit à cette apocalypse climatique.

Avec « Chechnya », Jordan Goldnadel enchaîne les scènes poignantes
© Orok Films

Puis, place à l’adolescence, inconsciente et bourrée avec À l’aube. Des jeunes picolent sur la plage. Le lendemain, trois d’entre eux se retrouvent en pleine mer, sans eau, dans un zodiac à sec. Un prétexte narratif pour Julien Trauman, qui donne la parole à la part d’animal en chacun de nous : instinct de survie, hallucinations, et j’en passe. Un drame plutôt bien porté, par de jeunes comédiens.

Mais cette dernière soirée ne montrait pas que des thriller d’anticipation ou des films de genre. Les courts-métrages plus légers, d’animation ou pas, permettent de s’accrocher quand on est pas trop fan de tout ce qui fout la trouille. La fluidité de l’événement, pensé par l’association Extérieur Nuit (issue de la Kedge Business School), est flagrante. On ingurgite, sans ennui, une masse de productions tout à fait digeste !

Scène d’ouverture de « Acide »
© Capricci et La Petite Prod 

Le palmarès complet


Prix du jury professionnel : Bonobo de Zoel Aeschbacher et Hello Emptiness de Louison Chambon

Prix du jury France 3 : La mort père et fils de Denis Walgenwitz et Winschluss 

Prix du jury étudiant : Nefta Football Club d’Yves Piat et Simbiosis Carnal de Rocio Alvares

Prix du jury sens critique : Nefta Football Club d’Yves Piat et Hello Emptiness de Louison Chambon 

Coup de coeur du public : Bonobo de Zoel Aeschbacher et Smile de Stéphane Marelli



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