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[THÉÂTRE] Puisque tout le monde doute «Que faut-il dire aux hommes ?»

Que faut-il dire aux hommes ? Pour le dernier volet de son triptyque dédié aux parcours de vie hors normes, Didier Ruiz interroge la croyance. Pas de polémique, pas de scoop, mais un joli nuancier de propos sur la spiritualité.

Le sujet est sensible, si ce n’est inflammable. Mais il semble avoir fasciné le metteur en scène Didier Ruiz, qui a trouvé la solution pour l’aborder à fond. Ceux qui nous parlent sont des hommes et des femmes de foi. Ils sont tous animés par leur religion, et c’est ce même attachement à la croyance, aux rites, qui les caractérise. Le témoignage et les mots de ces acteurs (qui jouent leur propre rôle) produisent le meilleur des effets, même auprès des athées. Ils leur épargnent sacerdoce et prosélytisme de  comptoir, et obtiennent leur attention.

Les mots surgissent, de même que les personnages rentrent sur scène, baignés dans des lumières simples et délicatement orchestrées par Maurice Fouilhé. Et cette douceur agit comme fil conducteur entre trois tableaux d’un même ensemble formé par Une si longue peine —où des condamnés à de longues peines de prison se racontaient sur scène —, Trans (més enllà) — qui donnait la parole à des personnes transgenres —,et Que faut-il dire aux hommes ?.

Suite et fin d’une trilogie éclatante

Cette fois, ils et elles partagent le récit de leurs vies, semblables à bien peu d’autres. Une pasteure protestante assoiffée de liberté nous plonge dans la genèse de sa vocation. Un chamane revient sur son trip à l’ayawaska, tandis qu’un juif relate son épique bar-mitzvah. Un musulman, une nonne, un bouddhiste et un moine, prennent aussi la parole afin que les spectateurs élargissent leurs esprits. 

Car qui peut se targuer d’avoir rencontré en une vie autant de diversité ? C’est un des atouts majeurs de cette petite heure et demie passée assis dans le noir. Et pour vous en convaincre, on ne jouera pas ici de citations isolées, car le risque est trop grand de les rendre plus petites que ce qu’elles ne renferment. De même que mettre des mots sur la foi menace de la réduire.  Ainsi, le travail de Didier Ruiz, de Toméo Vergès et d’Olivia Burton, échappe à la platitude et provoque un spectacle fort qui ne verse jamais dans un miel dégoûtant. Aucun des témoins ne cherche à convaincre, ni à brosser qui que ce soit dans le sens de ses convictions. Avec la simplicité de celles et ceux qui placent leur existence entre les mains de Dieu, d’Allah, ou de Bouddha, un récit émerge : celui des origines, des embûches, des doutes et des bonheurs liés à ce fameux «je crois».

Si chacun de ces spectacles de la trilogie offre au public l’occasion de s’émouvoir du réel, ce dernier volet donne un supplément d’âme à un triptyque majestueux. Ce qui s’y joue est si humble que cela en devient grand. Et ce moment s’achève comme il a commencé, dans un souffle dont on ne sait ni l’origine, ni le destin, et qui nous effleure pudiquement jusque dans d’intimes questionnements.

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Que faut-il dire aux hommes ?, mis en scène par Didier Ruiz

Durée estimée : 1h30

Du 18 au 22 mai au Théâtre de la Bastille, à Paris

Retrouvez les dates de tournée sur le site de La Compagnie des Hommes

Crédit photo : Émilia Stéfani-Law




José Rodrigues dos Santos : du Big Bang au Big Crunch

Souhaitant découvrir les secrets de l’univers mais n’ayant qu’un été pour le faire, pas que la fin du monde soit proche mais je ne consacre que peu de temps aux choses accessoires, je m’orientais vers l’auteur en vogue du moment et spécialiste du sujet : José Rodrigues dos Santos et son best-seller à 2 millions d’exemplaires : La formule de Dieu. Puis, pris par l’enthousiasme vers La clé de Salomon du même auteur.

Du Big Bang au Big Crunch. En effet, autant La formule de Dieu vous transporte littéralement mêlant espionnage, romantisme et physique quantique, autant La clé de Salomon vous laisse un goût amer comme lorsque vous vous êtes fait pigeonner au bonneteau sur le pont d’Iéna (toute ressemblance avec des faits réels est purement volontaire).

 

La formule de Dieu - HC Editions
La formule de Dieu – HC Editions

Grand 1 petit tas : La formule de Dieu donc, un professeur d’histoire spécialiste en cryptologie…, euh ? Hein ? Comment ? Que lis-je ? Oui, un professeur d’histoire spécialiste en cryptologie au Portugal. Ah !!! On a eu peur ! On a frôlé le plagiat avec l’autre là, mais si, le professeur d’histoire avec sa montre Mickey, spécialiste en symbologie mais à Harvard, lui (voir mon article sur Inferno) ! Bon, je reprends, Robert Langdon, oups pardon ! Tomàs Noronha est invité par le gouvernement iranien à décrypter un manuscrit dont l’auteur ne serait autre qu’Albert Einstein, il est très vite contacté par la CIA pour devenir un agent double (portugais !). D’aventure en aventure, de ville en ville, Tomàs fera une découverte fondamentale qui changera comme d’habitude la face du monde.

Le bonus de ce livre par rapport au genre roman historique est l’interprétation des découvertes scientifiques, toutes fondées, et notamment sur la physique quantique. On en en sort plus instruit qu’on en est entré (merci de fermer la porte en sortant, ça fait courant d’air). Le récit est parfaitement équilibré et on se laisse docilement porté même si, parfois, quelques raccourcis trop audacieux nous replongent dans la réalité.

La clé de Salomon - HC Editions
La clé de Salomon – HC Editions

Grand Dieu, petit dé : La clé de Salomon est le cinquième livre de la série Tomàs Noronha et le troisième publié en France*. Fort de son succès, José (Rodrigues dos Santos) rebondit sur les mêmes ressorts (chtoing-chtoing) : meurtres, enquêtes, mystères, sciences. Sauf que, comme me l’avait enseigné un grand maître tibétain sur les contreforts de l’Hymala… des Vosges, vêtu de sa tunique orange (ou corail pour les fashionistas) : « Tu peux remplacer les lardons par du saumon fumé, une quiche reste une quiche ». Sûrement trop jeune à l’époque, je n’avais pas perçu la profondeur ou la portée d’une telle réflexion et voyant ma bouche grande ouverte et l’écume baveuse qui en sortait, mon maître en avait arrêté là de ses enseignements philosophico-culinaires. C’est donc pendant la lecture de ce livre, que, la révélation me caressa de sa douce chaleur et m’envahit de son halo bleuté, sauf que là, José, t’as oublié la crème fraîche !

Ça manque de liant, c’est fade, l’addition est salée. A trop vouloir nous resservir le même plat l’auteur a oublié la qualité du service. Quelques exemples : il ne m’arrive pas (ou rarement) d’être poursuivi par une bande de tueurs à la solde de la CIA mais il ne me viendrait pas à l’idée, dans de tels cas, de m’enfermer dans une université et de prendre 2 heures pour expliquer à ma copine le concept des ondes et des particules de lumière, tout ça pour impressionner la dame (et le lecteur qui n’en demandait pas tant) mais peut-être suis-je trop terre à terre ? Idem, alors que cette même copine n’a plus que 20 minutes avant de mourir dans d’atroces souffrances, d’expliquer aux directeurs de la CIA (ceux qui voulaient ma perte 24 heures plus tôt), la théorie du Tout, mais peut-être suis-je trop romantique ? Bref, il ne suffit pas de trouver un filon encore faut-il savoir l’exploiter (foi de chercheur d’or).

Au-delà d’une intrigue bâclée l’auteur s’inspire largement du Symbole perdu (titre original : « The Solomon Key », si si je n’invente rien !) qui est loin d’être mon préféré ayant déjà, à l’époque, reproché à Dan (Brown) d’avoir céder à la facilité littéraire et aux sirènes du mercantilisme après le succès du Da Vinci Code.

A bon détendeur, salut.

 

* La Clé Salomon est le troisième de la série paru en France après La formule de Dieu et L’ultime secret du Christ.

 

La formule de Dieu (José Rodrigues dos Santos)
HC Editions
ISBN : 2357201134
 
La clé de Salomon (José Rodrigues dos Santos)
HC Editions
ISBN : 2357201762



« Golgota Picnic », un doux pétard mouillé

On vit vraiment une drôle d’époque, plus de 2000 ans après la mort du Christ, il se trouve encore des gens pour hurler au blasphème et proférer des menaces, dont le Seigneur se serait bien gardé, à l’attention de l’équipe de « Golgota Picnic » pour avoir mis sur pied une pièce faisant soi-disant offense à Jésus.


Le soir de la première, il est difficile d’accéder au théâtre plus d’une heure trente avant la représentation. Un premier cordon de sécurité à 100 mètres de la porte ne fait passer que les spectateurs munis de billets; à l’entrée, un second contrôle ne vous laisse que vos chaussures et avant de pénétrer dans la salle de spectacle, on passe un dernier détecteur de métaux, histoire d’être tranquille. Si vous décollez depuis l’aéroport du Rond-Point, vous ne risquez pas d’embarquer un terroriste à bord !


Enfin, une fois face à la scène, on savoure avant même le spectacle. D’être entré, certes, mais aussi cette délicieuse odeur de pains à hamburger, qui sont étalés sur la scène en totalité. Jean-Michel Ribes, faisant les cents pas de façon papale surveille au bon ordre de l’installation du public. Après 20 minutes de retard, les acteurs entrent enfin…


C’est parti pour une heure et des poussières de reproches en tout genre à l’Eglise, ils sont bien écris, prêtent à sourire, nous divertissent sans ennuyer. Listant tour à tour les méfaits d’une religion qui a perdu la confiance de ses fidèles (pédophilie, inquisition, génocides…), Garcia parle comme un enfant qui se rend compte de la véritable nature de ce qu’il a fantasmé, ou ce qui l’a guidé pendant des années mais qui aujourd’hui a perdu toute crédibilité dans son monde, ce monde qu’il semble détester et qu’il ne regrettera pas de quitter (message transmis par les acteurs).


Dans les premières minutes, la tension des contrôles de sécurité n’est pas complètement retombée, on s’attend au pire, aux symboles trash et insoutenables, il n’en est rien, pas même une esquisse. Une légère larme vient pour l’auteur, qui semble en fait terriblement déçu de l’absence de Dieu. Mettant les actions de l’église face à leurs contradictions (les Noirs ont été créés pour danser le funk et rouler des havanes), Garcia ne fait pas pour autant de la propagande anti-christique, encore moins « christianophobe », néologisme se prêtant très mal à ce propos. L’auteur ne cherche pas à convaincre, il se contente juste de se raconter, ça peut nous intéresser comme on peut faire le choix de s’en foutre. Les seules choses que les comédiens maltraitent sont d’authentiques vers-de-terre filmés en gros plan, affairés à bâtir une tour de Babel symbolique en tranche de pain.


Les acteurs sont à l’aise et jouent bien, même si le texte prononcé se suffit à lui même, la mise en scène n’est pas transcendante ni ratée, banale en somme, si on enlève les hamburgers.


Malgré les citations de Bush prêtées au Christ, (« Si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes contre moi »), la qualification de « messie du SIDA », n’ayant « jamais travaillé » reste quand même très soft comparé aux moindres dialogue de L’Exorciste ou des paroles d’un groupes de death metal quelquonque, qui pourtant ne mobilisent pas autant d’intégristes aux portes de leur salles respectives.


Mêlant théâtre, performance et musique, quelques symboles sont bien intégrés, de la plaie au flan de Jésus servant de poche pour l’argent, aux acteurs recouverts des couleurs de la Vierge utilisées dans l’iconographie religieuse (bleu et rouge) jusqu’à en devenir des êtres ignobles couverts de boue, jusqu’à la création en direct d’un authentique Suaire de Turin. Mais ces quelques idées n’atteignent pas la moitié d’un « budget ménage » nécessaire à un Macaigne.


Le texte se termine sur un facile « Pour trouver ta voie, il y a Google Maps », avant de conclure la pièce (les quarante dernières minutes), sur un piano où un musicien nu interprète les « Sept dernières paroles du Christ » adaptées pour l’occasion. Bien que d’une belle interprétation, la force se perd entre chaque mouvement et, au moment d’applaudir, le public est un peu perdu. Egaré entre la haine portée par les acteurs au premier acte et l’amour donné par la musique en conclusion.


Etrange goût amer que laisse un spectacle sans trop de pépins. Une bombe qui se révèle en fait n’être qu’un doux pétard mouillé, un bon boulevard un peu osé-olé qui a pris comme thème le Christ quand d’autres ont choisi le couple ou les discussions de comptoir.


Golgota Picnic