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Ita L. née Goldfeld – Magnifique Hélène Vincent !

Hélène Vincent - Ita

 

Décidément, le Théâtre du Petit Saint-Martin nous gratifie à chaque fois de pépites théâtrales. Après le succès de la déjantée Doris Darling (article sur Arkult), l’équipe de Jean-Claude Camus nous propose une pièce à l’interprétation d’une justesse bouleversante : Ita L. née Goldfeld, sous les traits de la magnifique Hélène Vincent.

Paris, rue du Petit Musc, le 12 décembre 1942.
On frappe à la porte d’un appartement. Qui vient donc troubler la paisible journée d’Ita L. Goldfeld ? Ces messieurs de la police, deux jeunes hommes en uniforme, un troisième portant un blouson de cuir. Un « simple contrôle d’identité » comme ils disent, « mais prenez tout de même une valise, ça pourrait prendre un peu de temps ». Ils repasseront dans une heure.

« Ita L. née Goldfeld », c’est l’histoire de cette heure précisément. Une heure emplie de doutes, de souvenirs, d’émotions en tous genres. Les souvenirs de son Odessa natale, des rues de son enfance, de sa rencontre avec son défunt Salomon, des naissances de ses très chers enfants … Les doutes qui planent autour d’elle depuis que Salomon s’en est allé, depuis qu’être Juif s’affiche au col des vêtements, depuis que les voisins se méfient, complotent, médisent … Les émotions qui emplissent le coeur et la tête d’une vieille dame, tiraillée entre l’espoir de retrouver ses enfants, ses petits chéris devenus grands, et l’envie de fuir, fuir une nouvelle fois, fuir au devant de l’inconnu …

Une heure interminable pour Ita.
Une heure qui semble un instant pour le spectateur.

Hélène Vincent metteur en scène tout d’abord. Avec Julie Lopes Curval, elles ont fait le choix de l’efficacité. Un minimum de meubles présents sur scène. Pas de changement de décor. Mais à chaque nouveau jeu de lumières, un nouvel épisode de la vie d’Ita.

Hélène Vincent actrice ensuite. Magnifique, touchante, troublante, émouvante, bouleversante. A chaque nouveau jeu de lumières, une nouvelle performance d’actrice. Peinée, empreinte d’une folie passagère, nostalgique d’une époque passée, emplie d’espoir, puis soudain enjouée …  L’immense variété des émotions des moments de la vie s’incarne pleinement dans les expressions et les traits de l’actrice. Seule sur scène, et pourtant, semblant soutenue par ceux qui ont compté dans sa vie. Comme autant de fantômes qui la hantent ou de compagnons qui lui mettent du baume au coeur.

 

Le mot de la metteur en scène:

Voilà plusieurs années qu’Hélène Vincent a rencontré ce texte. Quand elle m’a proposée de l’accompagner dans ce voyage en distance et en émotion, entre les souvenirs de la Moldavanka en Ukraine et la rue du petit musc non loin d’ici, je savais qu’elle portait déjà en elle l’« Odessa » d’Ita. Il fallait à présent dessiner les contours de sa vie, son espace, trouver sa voix. Accepter d’abord que nous ne cherchons pas à dire cette période obscure de l’Histoire, mais s’accorder à donner la parole à une femme simple, qui a déjà vécu l’horreur, et qui se retrouve encore une fois confrontée à la folie des hommes, et contre laquelle elle n’a plus le courage de se battre. Trop seule, trop fatiguée. Donner à voir les images de sa vie qui tiennent dans une valise et une tête pleine de ceux qu’elle a aimés. Vivre une heure auprès d’elle, une heure où se bousculent l’espoir, l’incrédulité, la lucidité, la terreur et le renoncement. Tous ces états qui la traversent avant ce voyage en train dont on ne connaît que trop la destination. Personne ne connaît plus la belle Ita de Salomon, elle est un nom sur un mur parmi tant d’autres. Son arrière petit-fils Eric Zanettacci en a décidé autrement. À partir de ce qu’il a pu découvrir et rêver d’elle, il lui redonne son existence particulière. Avec toute l’humilité qui accompagne Hélène Vincent dans son travail, offrir à ce nom un corps, une voix, une vie.

 

Ita L née Goldfeld affiche

Pratique : Actuellement au Théâtre du Petit Saint-Martin, 17 rue René Boulanger, Paris 10e arrondissement
www.petitstmartin.com
Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h
Tarifs : 25 € Placement libre

Durée : 1 h

Une pièce d’Eric Zanettacci
Mise en scène : Hélène Vincent & Julie Lopes Curval
Avec : Hélène Vincent
Scénographie : Tim Northam
Lumières : Arnaud Jung

 




Doris Darling – Bitch volée

Con-vaincu ! (Merci pour l’inspiration …)
Le spectateur est convaincu par deux heures de spectacle saisissantes, prenantes, entraînantes sur ces cons vaincus dans leurs désirs de gloire, de gains et de notoriété.

Car l’histoire que nous propose Ben ELTON est tout à fait actuelle.
Elle dépeint les tribulations d’une journaliste à scandale (donc à succès) et ses difficiles rencontres et relations dans le milieu du « showbiz ». Producteur prometteur, gigolo rigolo mais idiot, assistante assistée, comptable affable mais guère jovial. Voici dressé le plan de table de cette véritable Cène, avec dans le rôle du Messie une Doris Wallis affublée de tenues extravagantes et d’un caractère démoniaque, comme en témoigne la magnifique affiche de la pièce.

L’histoire s’enchaîne sans accroc, avec ses rebondissements, inattendus mais pas excessifs, avec ses intermèdes, souvent surprenants.
Ces mêmes intermèdes qui confèrent à la représentation le titre de véritable spectacle vivant, bien plus que de banale pièce de théâtre. Musique, vidéo et danse sont parfaitement choisies et maîtrisées pour garantir une cohérence d’ensemble et un véritable plaisir pour le spectateur. Une délectation. Le plaisir du spectateur décuple devant le foisonnement de bons mots, les zygomatiques paniquent devant tant de facéties, les gorges se déploient pour laisser libre court aux fous rires incontrôlables.

La mise en scène est juste, le décor magistral et parfaitement et complètement utilisé par les acteurs. Pas de superflu. Même ce gigantesque escalier central en forme d’escarpin (non vous ne rêvez pas, un escalier en forme de chaussure à talon aiguille!) est parfaitement à sa place, et apporte une réelle touche d’originalité et d’authenticité au spectacle.

Tout cela est bien sûr porté par les 5 acteurs de la pièce. Une Marianne Sergent qui n’est pas sans rappeler Josiane Balasko dans ses heures des Bronzés, tant par la richesse de son vocabulaire que par cette sympathie naturelle qu’elle inspire aux personnes qui l’entourent. Avec dans le rôle de Thérèse (du Père Noël est une ordure), si l’on veut poursuivre la comparaison, Amélie Etasse, qui nous démontre tout son talent d’actrice dans cette pièce (comprenne qui pourra). Yannick Laurent, Eric Prat et Thierry Lopez complètent ce quinté de choc.

Le thème, tout à fait contemporain pour cette pièce créée en 1991, n’a rien perdu de sa causticité. La starisation à outrance, les excès du « showbiz », les nouvelles guerres « de Cent Ans » entre journalistes et vedettes, princesses ou autres personnalités plus ou moins éphémères. Tout y passe. Portrait d’une société en mutation, en quête de valeurs, d’identité et de modèles, Doris Darling met le doigt là où ça fait mal, et n’hésite pas à s’y attarder, et à le tourner et retourner dans la plaie.

Même si le message final, qui pourrait s’apparenter à une formule telle que « Tout est mal, qui finit bien », semble quelque peu bisounoursien, tout est excusé tant le chemin qui y mène est bien construit. Pas un spectateur n’abandonne sur la route. Tous avancent tête baissée, s’en remettant aveuglément aux comédiens et à la mise en scène. A raison.

Et quand le spectacle s’achève, on ose à peine s’avouer que les frasques de Doris n’auront été que trop courtes. Car le reconnaître  ne serait-ce pas admettre que l’on cautionne malgré tout ce modèle ?

 

 

Traduction, adaptation et mise en scène : Marianne Groves
«Silly cow», une comédie de Ben Elton

Actuellement au Théâtre du Petit Saint-Martin
17 rue René Boulanger, 75010 Paris
Du mardi au vendredi à 21h
Le samedi à 16h30 et 21h
Le dimanche à 16h
Durée : 1h45 sans entracte

avec Marianne Sergent, Amélie Etasse, Yannick Laurent, Eric Prat, Thierry Lopez.
Scénographie : Gilles Touyard
Lumières : Orazio Trotta
Vidéo : groupe Razmar
Conception sonore : Madame Miniature
Stylisme : Blandine Vincent
Maquillages : Guillaume Bellu
Coiffures et perruques : Jérôme Caron
Chorégraphies : Esther Linley
Coordination physique : U-Men Stunt

 




Mercredi – J’irai draguer sur vos tombes

Le mec de la tombe d’à côté, c’est d’abord un roman. Un roman parlant d’une histoire d’amour, qui l’eût cru avec un titre si funeste ?!

L’épitaphe de ce best-seller du grand Nord aurait pu être « Ou comment débuter une histoire d’amour au cimetière ».

Son auteur, Katrina Mazetti, est suédoise et ne fait certainement pas le deuil de l’humour noir. Elle plante le décor d’une Suède rurale et rustre en la personne de Benny -éleveur de bovins de son état- qui rencontre la Suède citadine et cultivée mais austère et froide incarnée par Désirée -bibliothécaire-. Et ça fait des étincelles!

Ces deux protagonistes n’ont rien en commun, ils ne sont pas parfaits et sont eux aussi des « émotifs anonymes »! Des dialogues ciselés pour une histoire inattendue et jamais clichée. Voila qui ressuscitera peut-être votre côté fleur bleue?

Ce roman a ensuite donné naissance à la pièce, mise en scène par Panchika Velez et interprétée au théâtre par Sophie Broustal et Marc Fayet.

Sur les planches c’est mortel, on tombe sous le charme et on rit sans concessions. Les représentations reprennent à Paris après une belle tournée en France. Cette fois c’est au Théâtre du Montparnasse et c’est à ne pas manquer. La mise en scène est épurée et à la fois flamboyante. Pur, frais, juste.


Voila de quoi sonner le glas de la morosité : extrait


Le Mec de la Tombe d’A Côté BA par bonneideeprod

Si le cœur vous en dit, Mazetti a écrit une suite Le caveau de famille mais aussi Les larmes de Tarzan ou Entre le chaperon rouge et le loup, c’est fini.