Au théâtre de Paris, « Tartuffe » déçoit

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Cachez ce (mauvais) Tartuffe qu’on ne saurait voir ! Celui-là même qui est actuellement donné au théâtre de Paris où Pierre Chesnais joue l’illustre imposteur aux yeux et à la barbe d’Orgon, incarné par Claude Brasseur. La célèbre comédie de Molière, maintes fois racontée, montrée et mise en scène depuis presque 350 ans n’avait vraiment pas besoin qu’une version aussi médiocre s’invite dans son Histoire théâtrale. Marion Bierry en signe ici une énième mise en scène de la pièce, sans rien apporter au spectateur, pas même un divertissement.

Le décor est tout de blanc construit, escaliers, murs, tables et chaises. Même le piano a eu droit à ce relooking qui fait que la pièce semble se dérouler dans un décor créé pour un clip d’Enya. De plus, l’espace est mal utilisé. Les comédiens semblent se déplacer et utiliser l’espace sans raison apparente, juste parce qu’ils ont toute cette place à leur disposition et qu’on leur a dit d’en profiter. C’est d’ailleurs toute la mise en scène qui manque de structure et de dynamisme. Dommage, car les six entrées laissées à la créativité du metteur en scène pouvaient laisser croire une utilisation plus vivante de la scénographie.

Le mécanisme de changement de décor est lui aussi mal fait : un rideau noir fond sur la scène pendant que sont changés les accessoires de plateau. Lorsque le tissu se relève, une banquette est apparue comme par magie… Beaucoup de bruit pour pas grand chose.

A l’image de ces changements de décor inutiles, tout le spectacle manque de surprise. Des douze personnages que compte la distribution, seuls trois semblent prendre du plaisir à être sur scène et à être dans leur personnage : Claude Brasseur, Chantal Neuwirth (Dorine) et Arnaud Denis (Damis).

Patrick Chesnais, lui, est incroyable de sérieux, habillé en janséniste et flanqué d’une tête d’enterrement, on peine à croire qu’il n’est pas l’austère homme de foi qu’il prétend être. Il nous faut du temps pour croire toutes les accusations dont il est victime par le personnel de maison et les enfants du maître. Et quand il est en position de séduire la femme de son hôte (Elmire, Beata Nilska), la scène est dénuée d’érotisme, d’excitation ou d’une quelconque friponnerie. C’est juste ennuyeux comme un sermon en latin un matin de Pâques. Les seuls instants drôles, c’est au génie de Molière qu’on les doit, grâce aux situations embarrassantes qu’il fait vivre à ses personnages.

Rester chez soi et lire le texte, une bien plus riche idée que de se rendre au théâtre, au moins cela permet d’éviter les tunnels d’ennuis  qui creusent la pièce. Cela permettrait également de nous replonger dans la profondeur de critique des dévots, scrupuleux de respecter le Ciel à condition que cela serve leur avidité. On pardonnera donc aisément la fin bâclée au théâtre de Paris, car elle sonne pour le public comme une libération.

Pratique : Actuellement au théâtre de Paris, 15 rue Blanche (9e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 48 74 25 37  ou sur www.theatredeparis.com / Tarifs : entre 18 € et 48 €.

Durée : 2 h

Texte : Molière

Mise en scène : Marion Bierry

Avec :  Claude Brasseur, Patrick Chesnais, Chantal Neuwirth, Beata Nilska, Emilie Chesnais, Julien Rochefort, Arnaud Denis, Marcel Philippot, Guillaume Bienvenu, Roman Jean-Elie, Alice De La Baume et Jacqueline Danno

Un projet MyMajorCompany – http://www.mymajorcompany.com/projects/tartuffe-au-theatre-de-paris

 

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