[Théâtre] La Nostalgie du Futur dans un flou artistique

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La nostalgie du futur © Sebastien Huste

Pour ouvrir la saison du théâtre national de Bordeaux, Catherine Marnas monte La Nostalgie du futur. Un aplat de textes de Pier Paolo Pasolini et de Guillaume Le Blanc qui manque de profondeur. Le cinéaste italien et le philosophe français ne parviennent pas vraiment à se rencontrer sur scène.


Entre la carcasse d’un bateau échoué sur le plateau et de grands pans de tissus qui délimitent l’arrière-scène, on ne sait pas trop où l’on est. Sur ces tentures, le designer et réalisateur Ludovic Rivalan développe une très belle création vidéo. On plonge grâce à lui dans une forêt de lucioles, ou dans un tableau représentant le Christ : il s’agit de La Déposition, peinte à la Renaissance par l’italien Pontormo. On débarque sans transition sur le tournage de La Ricotta, un film de Pasolini sorti en 1963. 

Dans ce spectacle de Catherine Marnas, c’est effectivement la parole du cinéaste et poète italien disparu qui est interrogée de nouveau. Les auteurs se demandent ce que « cet ennemi de la mollesse penserait de notre monde contemporain dans lequel l’argent creuse de plus en plus profondément des inégalités révoltantes ». Soigneusement renseigné dans la note d’intention, ce questionnement fondateur est à peine perceptible. Au fil de la pièce, la pensée foisonnante de Pasolini s’entend difficilement malgré la mise en forme de Guillaume Le Blanc, coauteur du spectacle.


Quelques scènes plus loin, une dispute éclate. De tristes sires s’acharnent sur celui qui incarne la « jeune génération »… Se sent-il à l’aise dans la société numérique, capitaliste et consumériste dans laquelle il vit ? A priori oui, mais visiblement non, et puis finalement si. Yacine Sif El Islam se bat comme un beau diable avec ce texte obscur. Le comédien s’illustre par sa capacité à captiver le public en transcendant un débat battu et rebattu. C’est dire la prouesse de l’acteur qui déploie un charme saisissant et difficile à décrire. Mais ce passage isolé se perd malheureusement dans un propos confus.

Deux clochards défroqués dissertent régulièrement sur la vie ou la mort à grand coup de phrases vides. Si fil rouge il y a, c’est probablement celui-ci… Lors d’une répétition, la metteure en scène revendiquait ne pas livrer un récit linéaire. De ce point de vue, c’est chose faite. Mais si l’on vient voir La Nostalgie du futur pour en apprendre plus sur l’univers de Pasolini, on risque la déception. Les extraits de textes déclamés entre deux séquences de tournages pasoliniens sont de trop petites portes d’entrée dans sa pensée complexe. La volonté d’éclater les lieux, les temps, les registres de la représentation sombre dans un désordre voulu, ou dans l’incohérence.  Au choix.

« La nostalgie du futur » d’après Pasolini et Guillaume Le Blanc, mis en scène par Catherine Marnas
Au TNBA, Théâtre du Port de la Lune à Bordeaux jusqu’au 25 octobre.
Plus d’informations sur http://www.tnba.org/evenements/la-nostalgie-du-futur

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