Ken Loach – La part des anges : « Ta mère en kilt »

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… Quand la jeunesse turbulente de Glasgow part à la rencontre de la noblesse fortunée des Highlands !

Dans son dernier film, le cinéaste britannique nous emmène dans les quartiers défavorisés de Glasgow.
Comme bien souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, les personnages qu’il nous fait rencontrer subissent de plein fouet les affres de la vie : chômage et délinquance côtoient les environnements familiaux chaotiques et s’unissent pour faire disparaître toute trace d’espoir dans le quotidien de leurs victimes.

C’est parmi ces naufragés, bien souvent repris de justice, que se rencontrent Robbie (Paul Brannigan), Albert (Gart Maitland), Rhino (William Ruane) et Mo (Jasmin Riggins). Condamnés à servir l’intérêt général pour leur éviter le supplice des prisons, ils vont se lier d’amitié. Et c’est à l’occasion de la visite d’une distillerie organisée par Harry (John Henshaw), le surveillant de la bande, que Robbie va découvrir la puissance de son goût et de son odorat.

Le whisky, cause de tant de désespoir dans leurs familles respectives, va alors se révéler être son unique source d’espoir. Ironie de l’histoire sans doute …
Le whisky et ses saveurs, véritable reflet de la condition humaine : âcre, tourbé, à l’image des héros du film; ou au contraire  céréale, fruité, comme le quotidien des richissimes amateurs de malt des Highlands.
Le whisky et sa fabrication, métaphore de la vie et de ses épreuves. Le whisky tire profit de chaque fissure, chaque imperfection et chaque brèche présentes dans les alambics qu’il traverse. Sans cette histoire qui lui est propre, il perdrait à jamais sa saveur et son authenticité.

Cette vie qui s’acharne, sans pour autant que la caméra de Ken Loach ne tombe dans le misérabilisme si tentant.
Car c’est encore une fois l’authenticité qui triomphe dans ce nouveau film du Britannique.

Il n’est pas question  pour Robbie, Albert, Rhino ou Mo de céder, de se laisser emporter par le courant de la violence sociale.
Là où tant d’autres auraient sans doute baissé les bras, abandonné la lutte, la « Dream Team » de nos jeunes héros ne plie pas les genoux. Elle se tient prête à affronter son destin.

Et quelle preuve plus évidente de cette dignité intacte, de cette détermination sans faille, que l’humour « so british » présent tout au long du film.

Comme souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, cette légèreté constitue une échappatoire précieuse à la gravité des lendemains de ses personnages.
Au-delà de l’humour et de l’ironie, c’est toute la palette de sentiments que déploie le réalisateur dans « La part des anges », et ce comme rarement il en avait eu l’occasion.

Larmes de rire, larmes de désespoir.
Fou rire, violence folle.
Espoir, fatalité.
La vie.
Rien que ça.

Le Jury du dernier festival de Cannes ne s’y est pas trompé en attribuant au film son prix 2012.
Pour tous ceux qui, au son de « Ken Loach » se disent : « Ah non, pas encore un film d’art et d’essai chiant à mourir » … Essayez quand même. On ne sait jamais. Une bonne surprise est si vite arrivée !

 

Titre original : The Angels’ Share
Réalisateur : Ken Loach

Acteurs :
Robbie : Paul Brannigan
Harry : John Henshaw
Albert : Gary Maitland
Nikki : Siobhan Reilly
Rhino : William Ruane
Mo : Jasmin Riggins
Thaddeus : Roger Allam

Producteur : Rebecca O’Brien
Scénariste : Paul Laverty

 

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