Pierre Notte réjouit le Rond-Point

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Le théâtre du Rond-Point accueille tout au long du mois de janvier deux spectacles de Pierre Notte. L’un a vu le jour à Avignon en 2011 et avait déjà connu un franc succès au festival OFF. Le second vient d’être créé pour cette saison. Les deux pièces partagent la même distribution, le même auteur et bien qu’elles soient toutes deux différentes, elle mérite tout l’intérêt du spectateur.

La dernière fois, on avait laissé Pierre Notte avec une création un peu ratée au théâtre de La Bruyère. Depuis il y a eu la tournée de son cabaret, « J’existe (Foutez moi la paix) » qui mettait en scène l’auteur et sa sœur dans des chansons légères, osées et intelligentes. Désormais, place doit être faite aux mémoires pour « Sortir de sa mère » et « La Chair des tristes culs ».

« Sortir de sa mère » : Dialogue mère-fils

Dans la première pièce, Pierre Notte est au piano. Tout commence par un dialogue entre lui et sa mère. Une discussion franche et sincère sur la vision que la mère a de ses enfants. Sur ses désirs et son amour, sur le fait d’être une femme. Un échange drôle, touchant, simplement humain qui donnera le ton du reste de la pièce.

On y suit deux jumeaux (Brice et Chloé), de leur conception à leur séparation. Mais aussi la rencontre entre leur père et leur mère, leur vie, leur mort et la vérité sur la naissance des enfants. Le texte est drôle, incisif et mélange habilement humour et poésie, une profondeur derrière une apparente légèreté et la dérision. Les acteurs sont tous les trois très justes dans toute la galerie de personnage qu’ils incarnent. Des icônes aux infirmières en passant par les héros de l’histoire. Ils sont remarquables dans leur voix comme dans leurs gestes et les chorégraphies.

La mise en scène souligne la force des acteurs qui évoluent sur un plateau nu. Ce qui n’empêche pas la vision de quelques jolis tableaux bien soutenus par la lumière magique de Nicolas Priouzeau.

Comme dans chaque spectacle de Notte, les chansons ponctuent l’action. Ce qui ajoute un effet léger, amusant, presque charmant au spectacle. Même si celui-ci traite des questions de sociétés très actuelles : la vieillesse, la maltraitance des personnes âgées, le deuil, l’abandon, la perte de la mémoire…

Ces péripéties nous mène en 1 h 10 à une fin aussi folle qu’inattendue, bien que l’on connaisse l’amour de l’auteur pour les grandes actrices aux airs d’icône…

« La chair des tristes culs » : Folie aux frontière des enfers

La seconde pièce est dotée d’un décor plus fourni, et pour cause : une marchande de crêpes accepte de louer une chambrette à un désespéré pour qu’il mette fin à ses jours. En contrepartie, l’homme lui laissera son corps pour qu’elle puisse créer une nouvelle recette savoureuse à partir de la viande qui le compose. Espérant ainsi donner un peu d’humanité à ses clients qui se font chaque jour plus rares.

Cette pièce est plus sombre, bien qu’aussi très drôle. Sur la scène se côtoient vivants et morts, dans des personnages complètement dingues et magistralement bien incarnés par de jeunes acteurs. La logeuse-marchande de crêpes borderline, dans sa réalité difficile, fait le contrepoids à une greluche briseuse de couples du monde des morts. Le contraste comme le jeu des acteurs est grandiose. Il y a celle qui veut rester en vie, celui qui veut mourir et celle qui est déjà morte. L’affrontement est brillant.

Ces remarques s’ajoutent à celle de la pièce précédente, car il y a aussi des belles chansons, bien interprétées qui ponctuent le drame. Un drame qui ne prend pas la forme à laquelle nous pourrions nous attendre. En effet, le jeune homme après avoir hurlé par la fenêtre du théâtre à l’attention des passants (pour de vrai!) un génial « Je suis une mouette », décide de ne pas mettre fin à ses jours, sauvé par le désir. Mais pour respecter son engagement, il se pèlera le cul jusqu’à en crever… La marchande pourra donc faire tourner sa boutique avec de délicieuses tranches de fesses qui fourreront ses crêpes.

Prenant parfois des airs de pastiches aux envolées lyriques, le texte est toujours excellent. Cru sans être vulgaire. Sombre sans conduire à la déprime. Dans ces deux contes, Pierre Notte est bien là, à son plus haut niveau de génie dans l’écriture, on ne peut que s’en réjouir.

Pratique : Jusqu’au 9 février au théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt (75008, Paris).
Réservations par téléphone au 01 44 95 98 21 ou sur www.theatredurondpoint.fr.
Tarifs : entre 13 € et 30 €.

Mise en scène, musique, écriture et jeu : Pierre Notte

Avec : Brice  Hillairet, Tiphaine Gentilleau, Chloé Olivères

 

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